Raphaël  bloqua son bâton entre deux rochers, et s’appuya dessus pour grimper. Le terrain était légèrement accidenté, et il aurait pu grimper sur le dos de Nathaniel pour ne pas se fatiguer, mais il aimait sentir son corps bouger. Il sauta sur un autre rocher, la rivière à gauche de lui, son compagnon derrière lui, les rochers glissant sous ses énormes pattes. L’endroit était magnifique, et tranquille en plus. Aucune présence de vie bipède, seul le bruit apaisant de l’eau et de la nature résonnait dans l’air, procurant un calme des plus reposants. Il avait pour habitude d’enregistrer toutes les conversations qu’il entendait, et tout ce qu’il voyait, ce qui pouvait s’avérer assez énervant. C’était d’ailleurs pour ça qu’il ne gardait jamais longtemps un travail. Le dernier était celui de serveur, et c’était le pire pour lui. Heureusement qu’il était habile, et qu’il savait rester, plus ou moins concentré, faisant abstraction des bruits alentours. Ca n’empêchait pas qu’il enregistre, mais il n’était pour ses oreilles, ça restaient du bruit de fond.

Au bout d’un moment, Raph finit par s’arrêter. Il regarda autour, et s’approcha de la rivière. Il posa son bâton et son sac à côté de lui. L’air était chaud et agréable à sentir sur son visage. Nath, comprenant qu’ils allaient rester ici un moment, se coucha un peu plus loin, la tête posée sur ses pattes croisées devant lui. Il se tenait éloigner de l’eau, ne voulant pas se prendre une vague incontrôlée de l’Elémental. Ce dernier s’était relevé, avait retiré ses bottes, et était entré dans l’eau. Il essaya des mouvements pour contrôler l’eau. Un jet d’eau s’éleva, qu’il voulut transformer en un fil plus faim pour en faire un fouet, mais échoua, l’eau retombant sans qu’il puisse la retenir. Il continua inlassablement, tentant d’autres mouvements. Ca aurait été plus facile si quelqu’un lui avait montré l’exemple, mais il ne connaissait, se rappelait, d’aucun Elémental. Il continua donc de plier l’eau à sa volonté, ou plutôt, essayer de plier l’eau à sa volonté. A chaque fois qu’il pensait avoir compris comment faire, elle échappait à son contrôle. Ce ne fut qu’après une bonne heure qu’il fit une pause.

Raphaël se rapprocha de Nathaniel, qui avait ouvert un œil, le fixant. Il sentait que le jeune homme préparait quelque chose. Arrivé à quelques mètres, ce dernier se concentra, et essaya de projeter de l’eau sur le dragon. Le filet se rapprocha rapidement, mais tomba à quelques centimètres de ses naseaux. Il plissa les yeux, et étendit rapidement son cou serpentin jusqu’à Raph, et fit claquer ses dents à quelques centimètres de son visage. Pas le moins du monde impressionné, et parfaitement habitué à ce comportement, l’Elémental ne bougea pas d’un poil. Il posa la main sur la corne juste au-dessus de ses naseaux. Le dragon plissa les yeux, avant de relever la tête, entraînant Raphaël avec lui. Ce dernier mit les deux mains sur le pic, et serra aussi fort qu’il put. Rapidement, il se retrouva à plus de huit mètres de hauteur. Il battit pitoyablement des jambes, se retrouvant dans une position plutôt désavantageuse, surtout s’il lâchait. Il s’écraserait au sol, et, dans le meilleur des cas, se briserait seulement les jambes.

- Euh… Tu pourrais me reposer s’il te plait ?

Un grondement entrecoupé sortit de la gorge de Nathaniel. C’est ce qui se rapprochait le plus d’un rire pour un dragon.

Alors qu’il était encore suspendu dans le vide, Raphaël entendit une voix légère et féminine derrière lui. Et très timide aussi. Elle était sûrement impressionnée par le dragon, pensa-t-il. Il tourna la tête dans la direction de la personne, essayant de la voir. Une jeune femme aux cheveux particulièrement remarquable de par leur couleur. Il fut également attiré par ses yeux azures. Il en voyait rarement des pareils.  Il ne put s’empêcher de sourire de la proposition de la demoiselle, et également devant le rire qu’elle essayait de dissimuler derrière un sourire. Il répondit à son sourire, pas du tout inquiéter de l’arrivé de la jeune femme. On ne pouvait pas en dire de même de Nath, qui était exaspéré de l’insouciance de son ami. Il lançait un regard suspicieux à la jeune femme, et faillit pousser un grognement d’avertissement, mais n’en fit rien lorsqu’il vit le regard de Raphaël poser sur lui. Il finit par lui répondre. «Oh, ne vous en faites pas, je gère la situation ». Il souriait  amicalement en lui répondant ça, la moitié du visage caché par son bras. Il se dévissait à moitié la tête pour essayer de la regarder.

Malgré sa réponse, la jeune femme insista à nouveau. Elle semblait gentille pour essayer de le convaincre d’accepter son aide. Bon, en même temps, il sentait que ses mains commençaient à glisser. Si Nath ne changeait pas d’avis, ou plutôt s’il n’attirait pas à nouveau l’attention de Nath sur la situation dans laquelle il était. Pour le moment, le dragon était plutôt concentré sur évalué la dangerosité de la jeune femme. «Ne vous en fait pas, ce dragon est mon ami. Je l’ai juste un peu… Taquiné et il me renvoie le bâton ». Lança Raphaël en la regardant. Ensuite, il tourna la tête vers le dragon, et lui dit.   «Bon, et si tu me déposais par terre, je commence à glisser. Et je suis pas persuadé que tu veuille que je m’écrase par terre ». Les yeux rouges se détachèrent de la jeune femme, et vinrent se poser sur lui. Il leva les yeux au ciel en soupirant. Raphaël remonta ses jambes, et lui donna un petit coup dans la mâchoire du bas. Comprenant le message, Nath baissa la tête, et le déposa sur terre. Lâchant ses mains autour de la corne, il se les essuya sur son pantalon, donna un petit coup de poing amical dans les naseaux de son ami. Enfin, il se tourna vers la demoiselle, qui devait être assez surprise de leur comportement. Il avait bien vue qu’elle ne semblait pas très à l’aise, alors il resta à distance. «Je vous remercie d’avoir proposé votre aide »

Raphaël sentit que Nathaniel se déplaçait légèrement. C’était instinctif, il ne le faisait pas exprès, mais la jeune femme ne devait pas être rassuré. Le dragon, déjà par sa taille était impressionnant, mais son regard rougeoyant et particulièrement méfiant ne devait pas aider. L’Elémental tourna à nouveau son regard vers elle, et désigna son compagnon d’un geste de la main par-dessus l’épaule. «Excusez-le s’il a l’air méchant. C’est pas de sa faute, il est juste un peu trop méfiant ». Il se retourna pour regarder le dragon, une main sur la hanche, et lui faisant un geste pour qu’il s’éloigne. «Aller, arrête de faire ton grand méchant. Fait un sourire d’excuse à la demoiselle, et éloigne-toi un peu ». Le dragon lui lança un regard noir, mais compris le message. Il ne fit pas pour autant ses excuses à la demoiselle. Il se détourna, et s’éloigna un peu. Il se coucha sous le couvert des arbres, posant la tête sur ses pattes, mais ne lâchant pas leur duo du regard. Bon, au moins il semblait un peu moins menaçant. Raphaël soupira, puis se retourna.

La demoiselle était beaucoup plus grande que lui, ce qu’il n’avait pas remarqué en étant perché la haut. Il s’avança un peu plus, restant quand même à distance. Il ne voulait pas lui faire peur. Autant être polie avec elle, après tout, elle avait décidé de l’aider. Il arrivait à lire son langage corporel, et il reconnaissait la méfiance. «Je m’appelle Raphaël, et voici Nathaniel ». Dit-il en désignant le dragon lorsqu’il le présenta, puis la regarda à nouveau en souriant amicalement. «Même s’il a l’air méchant, c’est un ami, et il ne vous fera aucun mal ». Tant qu’elle en faisait de même envers eux. Mais il essayait de la rassurer, pas de l’inquiéter. De plus, elle ne semblait pas assez forte pour l’inquiéter, mais il restait sur ses gardes.

A voir le comportement de la demoiselle, les sourire, et paroles, de Raphaël ne la rassurait pas du tout. Elle restait sur la défensive. A force d’observer les gens, il avait fini par apprendre à lire les plus petites réactions. Un véritable analyste comportementaliste. Mais était-elle méfiante simplement envers lui, Nathaniel, ou autre chose ? Vue comment elle le regardait, elle se méfiait de lui. Et le dragon ne devait pas la rassurer. Heureusement qu’il s’était éloigné. Non, à bien y regarder, elle avait peur de lui. Pour cela, il choisit de garder une expression amicale, et souriante.  Peut-être que s’il restait ainsi, elle serait un peu plus à l’aise. Il n’éprouvait pas le besoin d’avoir des amis, ou de la compagnie, mais discuter ne faisait de mal à personne. Et, d’un naturel calme et sympathique, il n’allait pas se comporter comme un monstre. Enfin, tant qu’elle ne l’attaquait pas, évidemment. Et, bien qu’elle semble faible, effrayée, et sans défense, il restait toujours un minimum méfiant. Gentil mais pas trop.

L es deux restaient silencieux. C’était assez pesant à vrai dire. S’étant présenté, il s’attendait à ce qu’elle réponde. Il espérait qu’elle n’allait pas prendre la fuite. Il n’était pas si effrayant que ça quand même ! Maigre, et un visage tout à fait banal, il n’avait rien pour apeurer. Elle préférait peut-être être seule, qui sait ? Non, raisonnement illogique compte tenu que c’était elle qui s’était avancée vers lui. Bon, il fallait qu’il trouve autre chose. A force de chercher il finirait bien par trouver une solution pas trop idiote, ni trop tirer par les cheveux. Mais il fut sorti de sa rêverie par le soupir de la demoiselle qui le fit se concentrer à nouveau sur la situation. Sa tendance à s’imaginer un peu trop de choses étaient problématiques. Il vit le regard qu’elle lança à Nathaniel. Méfiante, et apeurée. C’était normal. Peu de personnes avaient approché des dragons d’aussi prêt. La plupart des personnes les considérait comme des créatures fantastiques et irréelles. Il aurait bien voulut demander au dragon d’être un peu moins menaçant, mais il savait que c’était peine perdu. Déjà le fait qu’il se soit éloigné et couché plus loin, était un exploit. Il ne considérait pas la femme comme un véritable ennemi, mais plutôt comme une simple personne faible et chétive, mais dont il fallait quand même se méfier.

R aphaël fut alors heureux de la voir sourire. Et, au moment où il voulait prendre la parole, car le silence devenait un peu lourd, la jeune femme prit la parole. Raphaël lui rendit son sourire, et lui répondit. « Oui, c’est vrai que vous vous ressemblez un peu ». Il eut un léger rire lorsqu’il entendit le dragon grogner devant cette comparaison. Apparemment il n’appréciait pas ça. Mais, à son habitude, l’Elémental ignora l’intervention du dragon. Il préférait regardait Mariane qui s’était approchée de lui en faisant un pas, hésitante. Elle lui tendit la main, désormais très souriante. Elle avait peut-être vaincu sa peur. Ou, plus vraisemblablement, encore en train de la combattre. Et d’après l’hésitation de sa voix, elle avait toujours peur. Il n’eut même pas le temps de lui serrer la main qu’elle reculait déjà. Nullement gêné par ça, il lui répondit simplement. « Oui, c’est bien Raphaël. Et moi aussi je suis enchanté de vous rencontrer ». Puis, il réfléchit quelques secondes à la suite des paroles de Mariane, et ne put s’empêcher de rire. « Oh vous savez, si j’avais une fierté, je me sentirais blessé. Mais je crois que je l’ai perdu il y a bien longtemps. Ou peut-être que j’en ai jamais eu, ça reste à voir… ». Dit-il en prenant un air de réflexion.

L’Elémental continuait de sourire, heureux que, malgré le rouge sur les joues de la jeune femme, elle souriait toujours. Et son sourire était sincère, et non forcée. Au moment où il bougea un peu la main, il sentit une douleur. Il baissa les yeux sur ses mains, et vit qu’elles étaient ouvertes. Pas très profondément, mais assez pour qu’elles saignent. « m*rde, on dirait que je me suis quand même ouvert ». Il se tourna vers Nathaniel, secouant un doigt accusateur devant lui. « Tu vois ce que ça fait quand tu fais l’idiot. Voilà pourquoi c’est toujours moi qui fait l’imbécile, et toi le méfiant ». Le dragon montra les crocs quelques secondes, montrant à quel point il ne regrettait pas ce qu’il avait fait. En même temps, Raphaël l’avait sûrement mérité. Ce dernier soupira, et baissa à nouveau les yeux sur ses mains. « Bon, avec un peu de chance mes pouvoirs marcherons ». Oui, avec un peu de chance.

Raphaël fut heureux de voir Mariane rire. Quelque chose de doux, et clair. Quelque chose qui  était bien différent de l’Elémental. Bien qu’il n’y paraissait pas, il était habitué à une vie bien plus dure, et en avait subi les conséquences. A force de s’entraîner, ses mains étaient calleuses, et il avait eu le droit à quelques cicatrices, et, bien qu’il ignore comment il se les était faites, il pouvait dire que la plupart était dû à des lames. Mais au moins, il arrivait encore à sourire, et le cirque qu’il faisait semblait rassurer la jeune femme qui se détendait petit à petit. Bon, ça l’aidait un peu. Pendant quelques secondes, il s’était cru effrayant. Déjà, lorsqu’il essayait, on ne le prenait pas au sérieux, mais s’il l’était alors qu’il souriait, il allait se mettre à douter de sa nature. Ni mauvais, ni méchant, enfin c’est ce qu’il aimait penser croire. Avec une meilleure connaissance du passé, il aurait sûrement pu mieux se définir.

Mariane prit une expression sérieuse lorsqu’il aborda le sujet de ses blessures. Blessures qu’il n’avait pas remarquées jusque-là. C’était assez rare qu’il laisse la douleur physique, ou mentale d’ailleurs, embrouiller son esprit. La jeune femme s’approcha de lui, et lança un regard à Nathaniel, qui avait légèrement relevé la tête. Raphaël, lui, avait levé un sourcil, se demandant ce qu’elle comptait faire. Il avait déjà évoqué le fait qu’il pouvait se soigner, mais elle proposa quand même son aide. « Oh vous savez, je peux me soigner ». Dit-il tendit qu’elle examinait ses mains. Il se laissait faire, ne voyant rien de contre indiqué à ça. Mais la jeune femme semblait plutôt décidée à le soigner. Elle avait déjà sorti des cotons, et commençait à éponger le sang. Nathaniel plissa les yeux, mais ne fit aucun geste en voyant que Raphaël ne bougeait pas, et se laissait faire. Le jeune homme n’était pas naïf, et de toute façon, il sentait qu’il n’y avait aucun poison, ou autre sur le coton. « Effectivement, l’eau permet de me soigner. Je suis un Elémental, et vous ? ». Donner sa race ne lui causait aucun problème, et il ne voyait pas pourquoi il devrait mentir à Mariane. Il voyait dans sa gestuelle qu’elle était sincère. A force d’observer les autres, il était passé maître dans l’art de déduire les émotions et pensées, ce qui n’était pas compliqué au final.

Mariane sembla chercher quelque chose du regard, et s’arrêta sur un endroit. Elle désigna l’endroit du doigt, et Raphaël ne put s’empêcher de voir que c’était non loin de Nathaniel. L’Elémental haussa les épaules, et dit. « Pourquoi pas. Et si vous tenez tant à me soigner, j’accepte. Je ne maîtrise pas très bien mes pouvoirs, et je pourrais ne plus les contrôler. Ce serait dommage de vous blessez par accident ». Habituellement, il s’entraînait, et souvent avec le dragon. Mais, bien que ce dernier n’aime pas beaucoup l’eau à cause du feu, Raphaël n’avait pas peur de le blesser. Vue sa taille, sa résistance, et sa force, se serait plutôt l’inverse. Il avait déjà perdu le contrôle face à son ami, mais ne l’avait pas blessé. Par contre, face à Mariane, s’il se mettait à créer des raz-de-marée, elle ne s’en remettrait pas. Ayant accepté, ils se dirigèrent vers le coin qu’elle avait désigné, et s’assit sur un rocher, jambes en tailleur, les coudes appuyés sur ses genoux. « Eh bien j’espère que vos talents de soigneuses sont meilleurs que les miens ». Dit-il en souriant. Ce n’est pas parce qu’il avait le don de se soigner, qu’il arrivait à l’appliquer correctement. Avant ça, il tourna la tête vers Nathaniel, et lui fit un sourire rassurant. Le dragon soupira, puis reposa la tête sur ses pattes. Raphaël se tourna à nouveau vers Mariane, et tendit ses mains en souriant, restant sur ses gardes, tout en gardant une apparence amicale et sympathique.

Alors elle était une Orine. Il ne connaissait pas très bien ce peuple, ou alors il l’avait oublié. Il savait quelques petites choses générales, mais ne savait pas parlé leur langue, preuve qu’il ne les avait pas côtoyés longtemps. Pour ce qui concernait les langues, il avait remarqué que sa perte de mémoire ne concernait pas cette partie de son cerveau, et, comme il apprenait en accéléré, il en connaissait plusieurs. Cela lui servait bien, en particulier lorsqu’il cherchait à s’informer par des livres écrits dans la langue du peuple. Il pouvait donc recueillir les informations qu’il voulait. Et, le plus surprenant, la langue avec laquelle il avait le plus de facilité, n’était pas celle des Elémentals, mais celles des Anges et des Vampires. Il s’était toujours demandé pourquoi. Et, tandis qu’il pensait à cela, Marianne posa ses mains sur les siennes. Lisses et douces, le contact était plutôt agréable. Cela ne devait pas forcément être le cas pour la jeune femme. Après tout, les mains de Raphaël étaient rugueuses, et calleuses. A force de s’entrainer, et de se battre, il n’y avait rien d’étonnant à tout ça.

Rapidement, la douleur disparut, et il ne resta plus que le sang, qu’elle ne tarda pas à retirer en utilisant un coton. Quand elle eut finit, il observa ses mains, serrant et desserrant les poings, puis il les baissa, et lui sourit. « Merci, vous êtes meilleur que moi ». Puis, il frotta l’arrière de sa tête, un tic qu’il avait, affichant un sourire faussement honteux. « Je suis une véritable catastrophe ambulante. Et c’est un miracle quand ceux autour de moi ne finisse pas complètement trempée ». Dit-il en riant de lui-même. Il n’avait aucune honte à avouer ses problèmes avec ses pouvoirs. Il fallait dire qu’il n’avait quasiment aucune fierté, et pouvait donc subir toutes sortes de moqueries, et de jugements sans pour autant s’en soucier. C’était d’ailleurs pour ça qu’il finissait souvent dans des situations ridicules, et souvent honteuses. Enfin, honteuses pour les autres, car pour lui, c’était un moyen comme un autre de se divertir. C’était sûrement la seule chose qu’il recherchait. S’amuser, et se mettre en danger pour se sentir vivant. Il ignorait ce qui l’avait conduit à penser ainsi. Comment était-il arrivé au point où, il n’avait plus aucune envie de vivre. Quel genre de choses avaient-ils bien pu subir ? Il l’ignorait, et, la plupart du temps, s’en contre-fichait. De toute façon, à quoi cela lui servirait-il ? Il oublierait à chaque fois toutes choses.

Perdu dans ses pensées, il posa ses mains derrière, croisant les jambes. Marianne semblait être dans le même état de réflexion, car elle se mit à parler sur l’eau. Il lui lança un regard. Il est vrai que les Orines étaient liées à la nature, mais d’une nature bien différente que les Elémentals. Il tourna son regard vers la rivière, écoutant les remous, suivant ses déplacements. « C’est un peu ça pour moi aussi, mais en bien plus profond. Disons que je fais partie intégrante de l’eau, tout comme elle fait partie de moi. Enfin… C’est compliqué à expliquer ». Il se redressa, appuyant ses mains sur ses chevilles, observant l’eau. Le lien entre les Elémentals et leur élément était complexe, et puissant. Après tout, ils avaient fusionné avec lui. C’était pour cela que l’eau était son seul allié. Le seul qu’il était certain qu’il ne le trahirait jamais. Qu’importe si c’était l’ennemi qui la contrôlait. C’était aussi pour ça que le seul endroit où il arrivait à se vider la tête, était au moment où il était plongé dans un liquide.

« Au fait, vous pouvez me tutoyez ». Dit-il soudainement. Puis, il bondit sur ses pieds, avançant de quelques pas vers la rivière, tournant le dos à Marianne. Ne sachant trop pourquoi, il voulut lui poser une question personnelle, et il passa au tutoiement sans s’en rendre compte. Il fallait avouer qu’il n’avait pas réellement eu la meilleure éducation, et de toute façon, il n’avait pas vraiment la même notion de respect que d’autres. « Dit-moi, est-ce que tu as un rêve ? Un objectif que tu veux atteindre ? ». Quelques secondes de silence s’écoulèrent, et il se sortit enfin de sa mélancolie. Faisant volte-face, il fit un sourire d’excuse, passant une main à l’arrière de ses cheveux, continuant d’ébouriffer le peu de mèches qui ne l’était pas encore. « Ah ! Excusez-moi ! Ce n’est pas dans mon genre d’être aussi déprimé d’habitude ». Pour une fois qu’il s’excusait, malgré le fait qu’il ne regrette pas réellement ses paroles.