Tous les chemins mènent à Avalon

« Adam ! Putain mais Adam !
— Hum ? »

La claque que je me reçus m’aida à reprendre mes esprits. La première fois que je l’avais enfilée, je n’en avais aucun souvenir. Ça avait été le noir total. J’avais eu envie de réessayer, pour le sexe, voir un peu ce que ça allait donner. La réponse : pas grand-chose. Je m’étais de nouveau évanoui, d’où la tentative de ma partenaire de me faire reprendre conscience.

« Tu m’as fait peur ! dit-elle en glissant à côté de moi.
— C’est… »

Sincèrement, j’étais en train de me dire, en émergeant de mon état comateux, que je n’avais aucune idée de ce que j’étais en train de faire au juste. Avec elle. Sa main glissa sur mon sexe, ce qui me surprit étrangement.

« Arrête, attends. »

Elle me regarda avec une mine perplexe. À vrai dire, elle n’était même pas sûre d’avoir bien entendu ce que j’avais dit. Depuis quand je demandais d’attendre ou d’arrêter ? Ça ne me ressemblait pas. Surtout que, quelques minutes auparavant, j’étais plutôt pressé.

« Excuse-moi, je suis un peu… »

Je ne savais même pas ce que j’étais au juste. Ma partenaire ne sentait pas les effets du Ma’Ahid. Elle avait très peu de magie et la différence ne changeait rien pour elle. Pour moi, c’était différent. Je me redressai.

« Adam… Ce n’était peut-être pas le bon plan d’utiliser ça alors que la Cérémonie du Chemin se tiendra demain soir.
— Ouais. Ouais. »

Je ne me sentais pas bien. Je n’avais pas envie de vomir. Je n’avais pas de fièvre. Physiquement, ça allait. Je n’avais pas de symptômes qui auraient pu laisser penser que la Bague me rendait malade. J’étais juste… perdu.

« Je vais te faire un massage, d’accord ? Tes muscles sont tous contractés. »

Je ne m’en étais même pas rendu compte mais oui. Mes poings aussi étaient serrés. Outre mon air complètement ahuri, je devais donner un spectacle particulier.

« Retourne-toi. J’aime bien la vue mais… ce qui m’intéresse le plus est plutôt flasque là. »

Elle se mit à rire gentiment. Je baissai les yeux.

« Ah… En effet, ça ne rentrerait nulle part là.
— Dans ma bouche, en entier pour une fois. »

La perspective d’une fellation ne me fit pas beaucoup d’effets. Normalement, c’était plutôt direct. Mon pénis se gonflait vite. J’étais endurant. Je pouvais recommencer plusieurs fois, comme si j’avais eu vingt ans toute ma vie. Je n’avais jamais connu de dysfonctionnements. Lorsque j’étais jeune et inexpérimenté, je ne tenais jamais bien longtemps. J’étais trop excité par l’idée de le faire et il m’arrivait même de venir rien qu’en y pensant. Seulement, je n’avais jamais connu cet état étrange où mon entre-jambe refusait de réagir à quoi que ce soit. Avec le temps, j’étais devenu beaucoup plus performant, sans chercher à l’être. Je pratiquais énormément et je m’étais renforcé. Le sexe occupait bien soixante-dix pourcents de mon esprit et le fait d’y penser souvent avait aussi créé des automatismes physiques. Cependant, actuellement, je n’y pensais pas. Il y avait un grand vide dans ma tête.

Je finis par me mettre sur le ventre. Elle grimpa à califourchon sur moi et commença à passer ses mains sur ma peau. En temps normal, j’aurais eu du mal à rester en place. Là, je ne bougeais pas. C’était agréable mais d’une façon différente.

« Alors, ça fait quoi ? D’être un Humain ?
— Je ne sais pas trop. C’est… étrange.
— Ça t’a coupé l’envie de parler ? »

Je souris. C’était peut-être vrai.

J’ouvris les yeux lorsque je sentis que ce n’était plus avec ses mains qu’elle me massait. Elle jouait, passant le bout de ses seins sur moi d’une façon féline. Je la voyais mal depuis ma position, tête sur le côté, mais je me doutais qu’elle prenait actuellement un plaisir tout particulier à essayer de me tenter. En fait, je trouvais ça déplacé. Je ne la trouvais même pas attirante. Elle n’était pas moche mais ses défauts me sautaient à présent aux yeux. Surtout, j’étais en train de prendre conscience que, malgré nos quelques parties de jambes en l’air, je ne la connaissais pas vraiment. Nous n’avions jamais eu une vraie discussion. Je ne savais pas quelle profession elle exerçait, par exemple. Je n’avais aucune idée de ses goûts, à part le fait qu’elle aimait que je la prenne alors qu’elle était sur le dos et qu’elle adorait par-dessus tout que je cale ses talons sur mes épaules.

Alors que j’étais en train de remettre en question la totalité de mes relations avec les gens, je sentis la Bague glisser de mon doigt.

« Je te préfère en Déchu. » murmura-t-elle à mon oreille.

Dès que l’objet tomba sur le sol, je sentis un regain de désir. Je me retournai, pour qu’elle continue le massage de l’autre côté. Elle sourit. Elle venait de sentir que j’étais de nouveau partant pour lui faire du bien. Elle comptait m’en faire aussi.

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J’étais debout, sur la terrasse et nu. J’aimais bien être nu. Bientôt, j’aurais l’occasion de l’être sans trop me soucier du voisinage. Néanmoins, depuis que j’avais acheté cette maison, il y avait très peu de chances pour qu’un inconnu se promène dans mon jardin et tombe sur des parties de mon anatomie qu’il aurait préféré ne pas voir. La propriété était cerclée par des arbres au feuillage épais. J’allais devoir me rendre sur la Place du Rift d’ici quelques heures.

« Tu ne dors pas, monsieur le Prœliant ? »

Je sentis une main se poser sur l’une de mes hanches et glisser le long de mon aine pour atteindre une partie plus contondante de mon anatomie. Je souris. L’idée avait été de faire la sieste avant d’y aller. La jeune femme était, en réalité, celle qui s’occupait de garder mon fils lorsque je n’étais pas là. Je la payais pour ça, en argent. Nous avions appris à faire connaissance et, finalement, elle s’occupait aussi de moi de temps en temps, quand elle en avait envie. Elle était assez drôle. Elle ne faisait pas de blagues mais son comportement était amusant. Elle pétillait, n’hésitait pas à s’épuiser pour faire rire Ikar et avait une certaine fraîcheur. J’aimais bien sa compagnie. Elle était aussi tactile que moi, ce qui m’amusait.

« Monsieur le Prœliant…
— Je suis aussi étonnée que toi. Normalement, on ne donne ce rang qu’à ceux qui arrivent à mieux maîtriser leur Péché. Est-ce ton cas, Adam Pendragon ? »

Vu ce qu’elle était en train de faire avec sa main, je n’en étais pas sûr.

« Ça dépend du contexte, j’imagine. Si on me sort d’Avalon et de toutes les tentations, je pourrais peut-être paraître normal. »

Je souris et me retournai pour la faire cesser son manège. Ça ne l’arrêta pas du tout, ce fut même pire. Devant mon visage, il n’y avait plus le sien. Je posai ma main tranquillement dans ses cheveux, tout en réfléchissant à la question. Je contrôlais davantage, c’est vrai. Avant de savoir, pour Kaahl, j’avais passé des jours sans le faire. Je me consacrais alors des soirées lecture sans y penser. J’avais multiplié mes activités culturelles et artistiques. Seulement, depuis quelques temps, j’avais replongé. Je me vidais la tête en même temps que le corps et je grognais dès que l’on me privait un peu de mes libertés. J’hésitais sur la raison. Était-ce à cause des révélations ou de mes sentiments à son égard ?

Lorsqu’elle se redressa, je l’agrippai par les hanches, la soulevai et la posai sur la table de jardin. Je m’approchai d’elle et l’embrassai avant de joindre nos deux corps.

« Je pense que je me contrôle mieux, c’est vrai. »

J’allais doucement, volontairement. C’en était presque frustrant.

« Tu en penses quoi ?
— Je pense que… »

Je souris. J’avais été plus rapide exprès. Je repris mon rythme doux juste après. J’avais envie de discuter et si j’allais trop vite, je ne pourrais plus tenir la conversation non plus.

« Lorsque j’étais jeune, je pensais à ça tout le temps. Je vivais pour la Luxure. Même dans mes rêves, je ne faisais que ça. C’était tellement prégnant que le reste n’avait aucune importance. Maintenant c’est différent. J’ai l’impression que si je le voulais vraiment, je pourrais presque m’en défaire. Presque.
— Ah oui ? »

Elle était autant intéressée par ce que je disais qu’un Paresseux pour courir un marathon.

« Ce n’est pas vraiment ça qui me fait peur. Contrôler ou ne pas contrôler mon Péché… Enfin, je vis bien avec. Je suis content que l’on me considère comme un Prœliant maintenant mais ça implique de faire un choix. Je pourrais choisir de rester un illustre inconnu… »

En réalité j’étais connu.

« Disons, un homme qui fait simplement sa vie, sans se soucier des affaires du gouvernement. Je continuerais à m’occuper comme je veux, à coucher, à écrire, je reprendrais peut-être même mon poste à Basphel. Et puis mon existence continuerait de la même manière. Ou je pourrais choisir de prêter allégeance à la Couronne et de servir le Dædalus. Ça impliquerait forcément des changements, un engagement. Ça mettrait la vie que j’ai actuellement sens dessus dessous. Ma tranquillité, mes habitudes… Tout ça disparaîtrait.
— Alors reste comme tu es mais, s’il te plaît, accélère ! »

Je ris. Elle s’en foutait vraiment. Finalement, oui, je pouvais me détacher assez facilement, lorsque j’arrêtais de m’entêter. Ça dépendait des jours.

« D’accord. » finis-je par lui souffler.

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Je n’étais pas le seul Déchu à avoir été appelé en tant que Prœliant. Mon voisin également. Le Dædalus, Eerah Von Dreth, se trouvait plus loin, entouré des Vincidi. Nous étions tous assis à la même table. Ce soir, nous étions tous les deux mis à l’honneur. C’était symbolique. La soirée n’était pas guindée mais je m’étais habillé exprès, ravi de retrouver Avalon et la place du Rift tout particulièrement. Je discutais depuis une bonne dizaine de minutes avec le Déchu de la Gourmandise qui avait accédé, comme moi, à un rang hiérarchique plus élevé. Il s’appelait Kaël, ce qui m’avait tout de suite fait penser à Kaahl. Je pensais souvent à lui et, bien que conscient de mon état le concernant, j’avais du mal à accepter certaines choses en découlant.

« Et donc vous êtes allé chez les Réprouvés ?
— Oui. À stenfek et à Bouton d’Or, afin de discuter de certains sujets dont je ne peux pas vous parler.
— Je comprends. Peut-être pourriez-vous au moins me parler un peu du reste ? Je ne suis sorti d’Avalon qu’en de rares occasions. Je me plais bien ici. D’ailleurs, je sais que vous étiez professeur à Basphel avant. Comment est-ce ?
— C’est une grande école, tenue par une femme que j’admire beaucoup. À chaque fois que j’ai dû aller dans son bureau, j’ai été séduit par le thé. Elle sait le sélectionner.
— Et est-ce qu’elle et vous… ? »

Il n’osait probablement pas demander directement mais la suspension était claire.

« Non. J’aurais bien aimé mais ça n’a jamais vraiment… Ça ne semble pas l’intéresser.
— Trop occupée dans sa gestion de l’école sans doute. Ça ne doit pas être évident de réunir toutes les races en un même endroit.
— Ah, ça… Il y a souvent des conflits entre les élèves. Heureusement, certains peuples ne sont pas majoritaires, surtout ceux qui sont élitistes et maléfiques. Généralement, ils sont persuadés que leur système scolaire est meilleur, ce qui limite les inscriptions aux enfants de nobles qui ont, eux-mêmes, fait Basphel ou aux enfants de ceux qui savent que l’éducation y est excellente. S’ils réussissent à passer les tests du moins.
— C’est fascinant. Ça n’a pas dû être facile avec votre Péché ? Vous y êtes depuis longtemps en plus.
— C’est vrai. J’ai commencé jeune. »

Je bus. Je ne faisais pas attention à la quantité. J’avais envie de m’amuser. Pour le moment, je ne ressentais pas l’ivresse. J’étais juste bien. J’admirais la Place du Rift entre deux conversations, l’eau que les lumières venaient éclairer. J’adorais cet endroit, comme la plupart des Déchus. De temps en temps, de grands éclats de rire provenaient de la table ou de l'extérieur en fête. Je fixai le Roi un instant et lui souris. Nul doute que lui et moi, comme les membres du gouvernement d’ailleurs, avions déjà dû le faire dans une orgie, sous une apparence ou une autre. C’était ça qui était amusant à Avalon. Les Déchus étaient maîtres dans l’art de changer d’apparence et la Mue nous rendait tous capables de devenir qui nous voulions. Je n’avais d’ailleurs plus aucune idée d’à quoi je ressemblais à l’origine. C’était trop ancien, j’avais changé trop de fois. Ce n’était pas important. L’important était plus spirituel. Je pouvais être roux, blond ou brun, je demeurais toujours le même.

« Cependant, j’ai rapidement trouvé des soutiens. Plutôt récemment, j’ai rencontré une femme : Jil. Vous devez la connaître. Elle habite ici avec son chien, Thor. C’est une rouquine excentrique qui parle beaucoup.
— Oui, il me semble l’avoir déjà aperçue plusieurs fois. Elle est membre de l’équipe C des Puff-Puff Gueurles si je ne me trompe pas ? C’est bien ça ? C’est d’elle dont vous parlez ?
— Oui, c’est elle ! »

Je souris à l’évocation des Puff-Puff Gueurles. J’avais passé une soirée mémorable en leur compagnie. Seul, avec que des femmes. Autant dire qu’il m’avait fallu une bonne dose de magie pour tenir le coup. J’avais dormi pendant plusieurs jours ensuite, incapable de bouger. Tous les muscles de mon corps m’avaient fait souffrir par la suite et je n’étais plus parvenu à m’asseoir pendant un certain temps. Ma langue avait acquis un niveau supérieur d’endurance et de précision. Les filles y avaient mis du leur et le premier qui osait dire que les Puff-Puff Gueurles n’étaient pas des femmes passionnées aurait affaire à moi.

« Je l’aime beaucoup. Elle est dynamique. Je suis certain qu’elle pourrait garder un Corvus de la Paresse éveillé pendant une journée entière.
— Si je la croise, je lui dirais que je vous ai parlé.
— Elle vous invitera sans doute à manger des courgettes sautées. D’ailleurs, si vous avez l’occasion, demandez-lui de chanter. Vous verrez, c’est étonnant. Je n’étais pas prêt la première fois que ça s’est produit. »

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J’étais à présent seul. J’avais détaillé à Kaël ce que je pensais des Réprouvés, ainsi que mes aventures au lit puisque je n’avais aucune pudeur, et il m’avait raconté durant de longues minutes ce qu’il faisait dans la vie. Comme beaucoup de Gourmands, il s’était plongé dans la restauration. C’était un concept intéressant puisque les repas se prenaient dans le noir complet. Il m’avait entretenu sur le fait que ça avait été difficile de recruter des serveurs compétents. Il fallait voir dans l’obscurité. Il m’avait aussi dit que les Luxurieux étaient un problème puisqu’ils profitaient souvent du manque de lumière pour faire leurs affaires. Il avait donc opté pour une salle leur étant réservée, à eux et aux colériques qui avaient tendance à trop s’énerver et à stresser les autres clients. Il avait passé bien quarante minutes à me vanter les mérites de l’obscurité afin de ressentir toutes les saveurs et m’avait récité par cœur le menu qu’il proposait, en me glissant que si je souhaitais venir avec quelqu’un, il me ferait une remise sur le prix. Il m’aurait d’ailleurs bien invité mais sa femme était une Avare. Je n’avais pas pu m’empêcher de penser que ces deux Péchés ensemble devaient valoir le coup d’œil. Après ça, nous avions évoqué d’autres sujets puis il était parti parler avec les Vincidi. Je l’avais fait avant de le rencontrer, sans aborder la question de ce que je comptais faire par la suite.

« Je vous ressers ? me dit un homme en tenue de service.
— Oui, volontiers. »

Je lui avais répondu en lui tendant mon verre. Une fois qu’il se fut éloigné, en laissant la bouteille dans un seau glacé, je bus. Je devais réfléchir. Je savais que personne n’attendait rien de moi ce soir. Le seul qui était exigeant ici n’était nul autre que moi. Je devais me décider : continuer comme avant ou devenir bien plus proche du gouvernement. Je pouvais rester un simple citoyen. D’ailleurs, rien n’interdisait vraiment de ne pas le rester. La liberté était importante à Avalon. Dans les bas-fonds résidaient encore des Déchus qui n’avaient pas apprécié les changements. Eerah Von Dreth était un homme que j’admirais profondément. La ville ne s’était jamais aussi bien portée que sous son règne selon moi. Cependant, tout le monde ne pensait pas la même chose. Cette minorité vivait dans les bas-fonds, justement. Ça faisait tellement longtemps que le Dædalus régnait sur les Déchus que ça me paraissait invraisemblable qu’ils soient encore nombreux. Ils perduraient néanmoins, preuve que la liberté d’opinion était respectée.

Je bus encore. Peut-être qu’il était plus sécurisant de ne pas chercher à évoluer. Les changements que ça allait engendrer me rendaient hésitant. J’étais comme une moule sur son rocher. Je l’avais côtoyé trop longtemps pour ne pas ressentir un pincement au cœur. J’avais peur de le perdre à jamais, comme si la marée allait l’emporter. Pourtant, j’avais conscience que je ne pouvais pas rester ce que j’étais avant. Ma vie m’était apparue ennuyante lorsque j’avais revu mon Ange. Je m’étais senti impuissant et désemparé. Je n’avais pas envie de rester figé alors même qu’elle avait évolué. Elle n’était plus pure, elle n’était plus étincelante. Son aura était noire et perturbée. Sa vision avait brisé une partie de moi. Et puis, il y avait Kaahl aussi. Il n’était pas pour grand-chose dans ma volonté actuelle mais il s’y était ajouté.

J’écrasai la cigarette dans le cendrier. Je devais arrêter ça. Je savais pourquoi je fumais au fond. J’étais comme ces gamins qui ne supportaient pas de s’entendre dire « non ». À partir du moment où il m’avait dit de ne pas approcher Laëth, je m’étais mis à la désirer plus que n’importe qui d’autre et à le détester lui, autant que je le pouvais, c’est-à-dire pas beaucoup. Je compensais en faisant ce qui me passait par la tête : des conneries. J’avais cette décision à prendre et la partie rebelle de moi me chuchotait de le faire chier un maximum en refusant toute opportunité. J’étais stupide et je le savais. Je savais que j’étais capable de me saborder moi-même, juste par esprit de contradiction. C’était ça le plus difficile : être conscient de foncer dans le mur et le faire quand même.

Finalement, je me levai. Je n’avais plus quinze ans. J’étais vieux. J’étais censé être responsable et j’allais l’être. J’allais prendre ces responsabilités et faire mon possible pour ne pas tout rater. Je pouvais passer la soirée à me chercher des excuses, à reculer le moment, à accuser le monde entier, ça ne changerait rien. J’avais envie de m’investir. J’allais le dire au Dædalus et j'allais le lui dire maintenant.

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