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 Anneaux voilés

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Latone
~ Orisha ~ Niveau I ~

~ Orisha ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 2293
◈ YinYanisé(e) le : 24/05/2014
◈ Activité : Horticultrice
Latone
Sam 28 Mar 2015, 17:20

Ses yeux papillotèrent longtemps. Elle semblait sortir d'une soirée un peu trop arrosée : un énorme mal de crâne l'accablait et elle avait un mal de chien à mouvoir son corps. Léto resta immobilisée de cette manière assez longuement, consciente d'être piteusement allongée sur le ventre, sans moyen de se soustraire de cet état. Peu à peu, les sons commencèrent à refluer dans ses oreilles, ses narines captèrent l'odeur nauséabonde qui régnait par ici, et sa vue dissipa le flou pour laisser place au perceptible. Cet endroit était aussi sombre que malfamé, à vue d'œil cela ressemblait à des marécages. Léto se boucha le nez en se plaignant, c'était insupportable ! Un cliquetis l'alerta, puis d'autres. Elle prit conscience du froid qui envahissait ses poignets et se rendit alors compte des chaînes qu'on lui a enfilé. Au bout des maillons se tenaient un homme, barbu, des cheveux noirs violacés, à l'exception d'une mèche blanche dans le tas, un œil bandé et une peau dans les tons pâles, bien qu'une teinte basanée ressorte si on regarde bien. Il n'avait pas l'air impressionnant, mais il dégageait une aura sinistre ; pas maléfique, seulement lugubre.

" Dahaar hearyh ? L'Orisha s'essuya les yeux, c'était peu avisé de lui rajouter davantage d'incompréhension à ce stade.
- Euh… ? "

Son œil pâle et ravagé par l'éreintement la fixa. Léto ne savait pas trop comment prendre ce nouveau silence mais il l'accabla autant que les chaînes que l'homme tenait de sa main gauche. La blonde commença à paniquer intérieurement : si on l'avait encore kidnapper depuis cette fois-là aux terres arides… Faisait-il lui aussi parti des tortionnaires ? Était-il venu assouvir sa vengeance ? Même si son esprit tremblait comme une feuille, son corps resta de marbre face à la situation. Elle était bien parvenue à s'en tirer la dernière fois, il n'y avait plus qu'à recommencer. Mais avant même qu'elle puisse esquisser un mouvement ou prononcer le moindre mot, le borgne se releva, gardant en main son outil de soumission.

" On va marcher. Il vaut mieux rester en mouvement. " Cette personne avait un don pour la faire taire, c'était incroyable.

Ce n'est pas qu'elle se soumettait à lui, ni qu'elle laissait passer pour échafauder une stratégie, c'est juste qu'aux sonorités, au ton de sa voix, ce qu'il réalisait était légitime. C'était une constatation des plus étranges, pourtant elle n'était pas ensorcelée, elle en était sûre. Léto se contentait juste de se lever lentement – l'homme eut la patience, et d'une certaine manière la bonté, d'attendre qu'elle obtempère – avant de le suivre, à son rythme qui n'était nullement brusque. Au fond elle avait peur, bien entendu, ça pouvait être un sorcier qui la manipulait du bout des doigts. Pourtant, sans trop savoir comment l'expliquer, elle était convaincue que cet homme ne cherchait pas à la nuire. C'était la première fois qu'elle avait affaire à un tel être…

" As-tu un maître ? Sa voix était grave, quelque peu enrouée aussi, mais il continuait de dégager cette force d'esprit implacable.
- Non, je suis libre. Il ricana brièvement, il se retint bien de lui faire remarquer les chaînes.
- As-tu toujours été libre ?
- Euh… Ben… Il ne s'arrêta pas, ni se retourna pas pour lui faire sortir les vers du nez ; elle eut le temps qu'il lui faut pour répondre concrètement. Je travaillais avant pour quelqu'un, mais…
- Tu n'as jamais été esclave, c'est ce que tu veux dire ? " Cette fois, il s'était retourné et elle hocha de la tête.

Ils traînèrent de nouveau en silence à travers les marais, ne s'arrêtant jamais et ne croisant aucun nuisible sur la route. Léto n'avait pas encore toutes les idées claires, ni sa forme pour s'opposer à cette situation plus que contraignante. Le borgne était mystérieux, elle ne parvenait pas à comprendre comment il faisait pour être si différent, ni comment il faisait pour qu'elle reste aussi apaisée à ses côtés. Ils atterrirent près d'un grand arbre où l'homme décida de s'installer, invitant la jeune femme à en faire de même, face à lui. Elle fixa les chaînes, les soupesant, comme pour comprendre en quoi c'était nécessaire, capter les intentions de son kidnappeur à travers les maillons. Elle avait beau être enchaînée, elle ne ressentait aucun rabaissement, aucune soumission.

" Léto Sùlfr, ce qu'on m'a rapporté sur toi était donc vrai. Elle écarquilla des yeux, elle ne connaissait pas cet individu pourtant. Il se pencha vers elle, l'œil menaçant. Cet asile, dans les terres arides, des yeux à moi ont vu les vestiges de ton passage. Elle resta bouche bée durant une bonne trentaine de secondes avant de répliquer.
- Vous avez plusieurs yeux ? Il se redressa, non affecté par le tact de son interlocutrice.
- Un orisha qui s'accommode des chaînes et qui se proclame libre. Il faut le voir pour le croire. Tu as un sacré courage pour te déplacer en Mégido avec cet état d'esprit. Elle rougit légèrement, fuyant vainement son regard.
- Je… Je n'ai jamais eu de problème…
- Ce n'est pas un reproche, au contraire. As-tu libéré des esclaves auparavant ? Elle leva les yeux en l'air, mûre réflexion avant la confirmation. Ont-ils vu que tu portais ta chaîne à ce moment-là ?
- Je crois… C'est mon arme. Un sourire satisfait se dessina sur le visage du borgne.
- L'ironie… Un orisha libre qui utilise une chaîne contre les esclavagistes. C'est le plus beau tableau qu'on puisse peindre. Il sembla rêver pendant une bonne minute, regardant dans le vide, avec une Léto aussi perdue que lors de sa première escapade. Et puis tout d'un coup : On reprend la route. "

Et rebelote, il la traîna gentiment à travers le bourbier, sans prononcer le moindre mot, ni échanger un petit regard. Léto par contre était une vraie pipelette, le questionnant des dizaines de fois pour qu'il cède, pour qu'elle comprenne ses motivations. Parce qu'il n'était clairement pas en train de la réduire en esclavage-là, il s'y serait forcément pris autrement. Comme les membres de la secte ayant tourmenté son amant – et elle au passage – par le passé, par exemple. L'homme n'avait vraiment pas ce profil, l'Orisha ne ressentait aucune raison de se méfier de lui de ce côté-là. Mais il se taisait, ne se justifiait point. Là encore c'était bizarre… Donc, lorsque son incompréhension atteint son paroxysme, elle céda au silence, ce qui était déjà un exploit en soi. De nouveau, ils s'arrêtèrent à un endroit aléatoire au bout de quelques minutes. Ils s'assirent près d'une grotte, sûrement inhabitée.

" Pourquoi vous m'avez attachée ? Prit-elle comme initiative cette fois, comprenant que ce n'était qu'à ce moment-là qu'elle avait le droit de parole.
- Ce n'est que maintenant que tu demandes. Fascinant… Il resta silencieux sans la lâcher du regard avant de reprendre. Je ne suis pas ici pour te soumettre, tout ceci n'est qu'un test.
- Un test ?
- Je ne suis certainement pas le premier à te le faire remarquer, mais un orisha qui se trimbale avec une chaîne et qui pourtant est libre… Ce n'est pas normal, pas pour le peuple auquel tu appartiens. Auquel j'appartenais autrefois. Il préféra user de cette précision pour enrober son discours, mais Léto n'était pas assez maligne pour remettre en doute ses dires ; surtout que sa voix vibrait plutôt bien à ses tympans.
- Vous n'êtes plus orisha ? C'est possible ?
- J'ai embrassé une autre voie, ma piètre existence d'orisha se résume à avoir été l'un des nombreux esclaves de quelques bourreaux, avant qu'on vienne nous libérer. Il fixa les maillons de fer puis se re-concentra sur la blonde. C'est dans mes intérêts de te rencontrer et de constater par moi-même le paradoxe que tu es : tu as beau clamer que c'est ton arme, beaucoup n'y verront qu'un orisha déshonorant les siens, tandis que certains y verront une opportunité… Léto ne cachait pas qu'elle n'arrivait plus à suivre, autant avec son expression qu'avec ses mots.
- Je ne comprends pas ce que vous dites…
- Tout comme tu ne comprends pas l'Arshalà ? La langue du peuple libre, tu ne dois en connaître que quelques mots, et pourtant tu es resté auprès de tes camarades si longtemps. C'est dangereux : ta liberté risque de s'arrêter pour que perpétue celle de tes voisins. Il courba son dos en sa direction. J'avais une proposition à te faire, Sùlfr. Je défends une cause qui inclue de libérer les esclaves de toute appartenance et de punir en conséquence les esclavagistes, sans être sous la juridiction du peuple orisha. Pour les orishas enchaînés, et même le reste des esclaves, voir un orisha brandir une chaîne contre leurs maîtres, c'est une énorme inspiration que tu pourrais leur apporter. Ce type de profil est trop rare pour que je rate l'occasion… Mais je me rends compte à présent que tu es assez faible, j'ai pu facilement t'enchaîné en plein Mégido et t'en faire sortir sans que tu t'en aperçoives. Si ce n'était pas moi, même si les chaînes ne provoquent pas de traumatisme chez toi, ton kidnappeur aurait été ton plus gros souci. "

Elle baissa la tête, elle se souvenait maintenant : elle était accoudée au comptoir du cabaret, elle sirotait tranquillement sa conso tout en jetant un œil à l'assistance. La détente avant le repos après tout, et Thémis se trouvait à Basphel, donc elle avait tout son temps devant elle. Puis il y eut comme un flou, un vertige l'avait emporté et elle devinait la silhouette de cet homme la soutenant, déclarant qu'il allait l'aider à se ressaisir. Et enfin le néant. Se faire avoir de la sorte était déjà assez dur à encaisser, mais si en plus Léto se faisait traiter de faible… Elle ne pouvait le supporter, elle le fixa de nouveau, avec un regard déterminé.

" Je suis fort. Je peux me libérer de ces chaînes. Il se redressa, l'air neutre.
- Alors fais-le. "

Sans attendre, elle se rua sur lui. Par réflexe, le borgne tira sur le côté pour la faire chavirer, mais cela ne fonctionna guère. Léto lui donna un bon coup d'épaule qui le renversa en arrière : elle avait l'avantage d'être plus imposant que lui, et lui n'avait que de pauvres maillons pour entraver les poignets de l'Orisha. Cette dernière tira à son tour sur la chaîne, faisant traîner le barbu par terre à ses pieds. Il avait lâché au passage les maillons, battu par la force brute de la jeune femme. Pour en finir, elle posa son pied sur le torse de son assaillant, l'immobilisant définitivement et ramenant les quelques maillons traînant pour éviter qu'il recommence. Le vaincu ria, souriant de pleines dents.

" Haha, bien. Tu n'as plus qu'à apprendre à briser tes entraves, maintenant. Malgré leur relation compliquée, la blonde se laissa emporter par l'euphorie du protagoniste, souriant à son tour. Vois-tu, ce simple spectacle a donné du baume au cœur d'un ancien esclave. Tu es une vraie source d'inspiration. Léto arqua un sourcil, confuse.
- Quel "ancien esclave" ? Le borgne reprit son sérieux, même en fâcheuse position.
- Tu ne peux pas le voir : c'est un esprit. Il n'y a pas si longtemps, mes alliés et moi-même étions venus dans ces marais pour libérer un convoi d'esclaves. Quelques uns sont morts dans l'opération. Même après la mort, leur esprit était perturbé par leurs mauvaises expériences. Tout comme les autres esprits de tout à l'heure près du grand arbre : tu lui as redonné espoir et il te sourit. "

Il désigna du doigt l'esprit en question, les yeux vairons de l'Orisha le suivant machinalement. C'était vide, elle ne voyait rien, mais il l'avait bien précisé qu'elle en était incapable. Elle resta bêtement à fixer le vide, commençant à comprendre que les morts renaissaient en esprits et qu'ils erraient invisibles sur les terres. Une perspective qui faisait parti de l'imagination de son enfance, et de beaucoup d'autres, mais qu'elle n'aurait jamais prise au sérieux au fil des âges. A croire que les fantômes existaient vraiment, c'était aussi fascinant que dérangeant… Beaucoup d'orishas morts m'ont vu traîner ma chaîne. Perdue dans cette malheureuse révélation, Léto ne remarqua pas l'ombre grandissante, menaçante qui s'abattait sur eux.

" Attention ! "


2047 mots ~



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Latone
Sam 28 Mar 2015, 17:20

A peine alertée par l'étrange individu, l'Orisha se fit violemment bousculée sur le côté. Elle était si obnubilée par la scène qu'il fut aisé pour le borgne de la dégager de là pour une fois. C'est là qu'elle le vit se précipiter sur un énorme serpent, un Nidhögg des marais, en compagnie d'un géant à l'allure spectrale. Ce dernier sembla disparaître lors de la charge et le borgne se mit à scintiller soudainement. Après quoi, elle fut aveuglée par une succession de flashs, traduits par des attaques magiques de sa part. Quand Léto put recouvrir correctement la vue, elle baissa son bras et aperçut le cadavre de la créature gisant à terre, le borgne continua de briller encore avant de s'éteindre, faisant de nouveau apparaître le gros balourd de tout à l'heure.

Les deux hommes se retournèrent vers elle, son kidnappeur n'avait aucune blessure apparente et était à peine essoufflé. Quant à l'autre intrus, elle devina l'hétérochromie de ses yeux, prouvant alors son appartenance au peuple orisha, mais sa peau, tendue vers les tons sombres, était également assez transparente, tout comme ses vêtements d'ailleurs. Il avait l'air aussi sérieux que son compagnon, mais il ne lui ressemblait point, vu qu'il était chauve et imberbe, et sacrément baraqué. Léto était surprise de ne pas l'avoir vu plus tôt, elle ne l'aurait certainement pas raté.

" Rien de cassé ? Demanda l'ex-orisha, rengainant son arme.
- Non, merci. Qui c'est le messire là ?
- Mon esprit compagnon. Il croisa les bras, son compagnon les croisait depuis tout à l'heure lui. Comme je te l'ai dit, j'étais orisha autrefois, maintenant je suis un chaman. Une lueur de curiosité apparut dans les yeux de la jeune femme.
- Chaman… Répéta-t-elle, sans cacher sa fascination.
- C'est un peuple jeune, tu as dû en entendre très peu parler. On ne nait pas chaman, on le devient. Un chaman est capable de voir les esprits et d'interagir avec eux. Cet esprit en particulier, si tu es capable de le voir, c'est parce qu'il a fusionné avec moi et qu'il m'accompagne en conséquence. Ainsi est un chaman : aussi proche des vivants que des morts. "

Comme on pouvait s'y attendre de la part d'une fille aussi enfantine que Léto, son visage reflétait une admiration passionnelle envers cette nouvelle découverte. Oui, elle avait déjà entendu parler des chamans, c'était néanmoins bien la première fois qu'elle en rencontrait un et la première fois qu'elle en apprenait autant à leur propos. L'Orisha ne rajouta rien, elle était captivée mais surtout en pleine réflexion. Cet homme brillait littéralement et n'avait fait qu'une bouchée de ce Nidhögg. Il était fort, c'était une certitude. Elle l'admirait et le détestait à la fois : pourquoi se sentait-elle si faible, si inutile ? Ce sentiment d'infériorité commença à reprendre le dessus sur elle, à brouiller son esprit, mais le cliquetis des chaînes la ramenait toujours dans la réalité, l'empêchant de ne serait-ce frôler le monde dans lequel le borgne posait un unique pied.

" Ça suffira pour aujourd'hui. Je vais te libérer et couper le contact avec toi temporairement. Il s'approcha et délia ses liens. Il se peut que je revienne réitérer mon offre, si cela t'intéresse, mais je dois encore y réfléchir. Il recula, son esprit compagnon ne bougeant pas d'un pouce. Pour la gêne occasionnée, tu peux réclamer tout type de dédommagement. Léto vit l'occasion se profiler juste sous son nez, son envie vorace la dévora d'une traite.
- Apprenez-moi à être chamane. Un très, très long blanc se poursuivit. Pour une fois, le borgne ouvrit grand son unique œil, et l'orisha chauve ne semblait pas pouvoir cacher sa surprise non plus.
- Je suis sidéré… Tu es prêt à renier ton ethnie à cause de ma démonstration ? Je commence à douter que tu ais été orisha dans ta vie. La blonde fronça les sourcils, elle haïssait qu'on s'en prenne à ses convictions, ses yeux brillèrent de cette détermination naissante, et plus étonnamment de cette once d'intelligence qui noya sa naïveté.
- Je ne veux pas être chamane juste parce que vous avez brillé. Enfin si, un peu, mais pas que ça ! Je veux être comme vous : je ne sais pas grand-chose de vous mais je sais que vous aidez le plus de monde de votre possible. Vous dîtes que je ne dois plus être orisha pour être chamane ? Alors dites-moi pourquoi vous vous battez pour les esclaves ? Pourquoi je suis si précieux à vos yeux si les valeurs orishas ne vous tiennent pas autant à cœur ? Elle s'approcha légèrement, l'esprit compagnon se méfia mais pas le chaman. Je le ressens en vous, vous êtes encore un peu orisha au fond. Ce n'est pas parce que vous n'avez plus votre autre œil ou que vous êtes plus clair que nous que vous n'êtes pas comme les nôtres. Les orishas se définissent par la Liberté et vous vous battez pour elle. Je crois… Elle prit deux petites secondes à bien faire mûrir ses dires. Je crois que je veux libérer tout le monde, autant les vivants que les morts. Je crois que je peux continuer à être orisha tout en aidant les esprits morts esclaves et leurs camarades toujours vivants, quelque part, des chaînes aux poignets. Être orisha, c'est plus que faire parti d'un peuple, c'est une idéologie à défendre ; et si je dois faire ce choix pour pouvoir aider tout le monde, alors soit, je suis devenue suffisamment libre pour le décider… Voilà. De nouveau, c'était le silence total, mis à part les grondements du vent résonnant dans la grotte voisine. S'il vous plaît ? Tenta-t-elle toutefois pour enrober son discours ; quand elle-même se lançait sur ce sujet-ci, elle était capable d'être surprenante.
- Je pense que je l'aime bien. La voix de l'esprit orisha était caverneuse et avait des relents surnaturels.
- Tu peux être fier de ton discours, Sùlfr. Il est rare qu'on attire sa sympathie. Le borgne écrasa la terre sous ses pieds, jouant avec la végétation maudite avant de relever son regard. Pour être franc, je ne suis pas certain d'être capable de faire de toi un chaman : j'ai beau avoir de l'expérience, je suis effacé des tribus chamaniques, du fait de mes activités extra-hiérarchiques. Cependant… Il sourit, bien que légèrement. Comme je l'ai dit, j'y réfléchirai. De ce fait, tu devrais en faire autant. Retrouve nous ici-même quand tu te seras décidé. Ne te préoccupe pas de me prévenir de quelque façon, un esprit s'en chargera pour moi. " Et sans laisser un au revoir, ils s'éloignèrent, tous les deux.

Après cette aventure plus qu'étrange, la blonde rentra à Mégido comme si de rien n'était, sans que personne n'ait dénié remarquer son absence. Soit parce que ça n'avait pas duré bien longtemps, soit le chaman était doué pour monter des plans sans accrocs, soit tout le monde se foutait de son sort ici. Léto sourit faiblement à cette pensée, il est vrai qu'elle ne se sentait pas tout à fait intégrée aux coutumes de son peuple. Elle avait bien tenté de se former dans l'armée, mais ce fut un cuisant échec. De même, le fait qu'elle n'ait pas défendu la cité durant l'attaque des Ridere la culpabilisait toujours. Sans parler d'Antarès en qui sa foi s'amenuisait peu à peu en faveur du Dieu-Roi. Embrasser la voix du chamanisme pouvait être encore un choix mal réfléchi qui l'éloignera encore une fois de ses racines, mais l'orisha tenait à ses valeurs : elle était libre de tracer elle-même son chemin vers la Liberté, quitte à ce qu'il soit plus périlleux, quitte à faire fluctuer un sang neuf en elle.

Tête en l'air, il ne fut pas rare qu'elle veuille retourner à l'antre pour réaffirmer sa conviction. Sa stupidité semblait néanmoins s'être quelque peu diluée avec toutes ces histoires de chamanisme, de spiritisme, d'organisation anti-esclavagiste… Léto était consciente qu'elle arpenterait un sentier dangereux. Aussi en parla-t-elle à Thémis, lors du retour de cette dernière. La Mord'th était évidemment prise de court par le nouveau projet de sa "protégée". Elles en discutèrent longuement, de nombreuses fois. La blanche ne s'opposa jamais, elle finit par soutenir son idée, consciente qu'elle ne se pardonnerait jamais d'entraver la liberté d'une orisha. Se faire épauler redoubla l'hardiesse de la jeune femme. Elle se tâta d'en discuter avec d'autres, notamment de prévenir ses parents. Mais elle se retint : elle ne brandit jamais la plume et ne dégaina pas plus sa langue. Personne hormis le borgne et la blanche n'étaient au courant. Quelles têtes ils feront quand ils l'apprendront, elle en salivait d'avance…

Quelques mois se conclurent lorsqu'elle commença à retourner à l'antre. N'importe qui aurait cru que Léto ait oublié sa réflexion profonde tellement un tas de choses lui était tombé dessus ces derniers temps, mais ce n'était pas le cas. Elle avait hâte mais ne pouvait prendre cette décision à la légère, exactement comme la fois où elle a allégé le fardeau de sa famille en les quittant. Surtout, un grand évènement dans sa vie la retarda dans ses plans, mais l'importance de ce dernier permit d'affermir sa réflexion, et d'être fière de dévier sa voie naturelle, sans pour autant annihiler le futur qu'on lui prêterait. A présent, sa résolution était consolidée : qu'elle ne soit plus orisha ne veut pas dire qu'elle perdra ses idéaux, sûrement en seront-ils altérés mais pas supprimés. Briser les chaînes n'était pas qu'à la portée de son peuple après tout. Et si le borgne en était capable, alors elle apprendra auprès de lui, c'était aussi simple que ça.

Sur la route, son esprit se troubla à l'idée de changer de manière définitive. Sa peur s'accrut en elle, bien que ses pas ne perdent pas leur rythme. Arriver à l'antre était presque un soulagement et apercevoir le duo libérateur l'était parfaitement. La blonde s'arrêta à quelques pas d'eux, les fixa intensément, l'expression inquiète mais résolue. Sa chaîne pendouillait à son bras droit, tel un serpent constricteur. L'intérêt du chaman pour cette image d'elle le fascinait beaucoup, elle l'avait ressenti, du coup l'Orisha s'était convaincue qu'il voudrait voir ça de ses propres yeux. A vu d'œil, il ne semblait pas déçu, même s'il était attristé que l'enchaînée ne portera plus le poids des siens sur ses épaules. L'inspiration sera toujours là, mais moins parfaite.

" Etant donné le temps consacré à ta réflexion, je ne vais pas perdre le mien à me répéter. Il lorgna une nouvelle fois la chaîne et sa porteuse insensible au métal reflétant le froid d'une cellule, horriblement fascinant. De mon côté, j'ai fait quelques recherches et j'en suis venu à la conclusion qu'il est tout à fait possible que je fasse de toi un chaman. En revanche, ma situation m'empêche d'être tes côtés si tu comptes te rapprocher des tribus chamaniques. Mais nous y viendrons quand on aura fini de t'enseigner les bases… Léto sourit, hochant la tête ; si elle ouvrait la bouche, elle risquait de partir en vrille. Prêt ? " Il eut évidemment son accord.

L'inexpérience des deux protagonistes sur ce rituel particulier leur fit brûler plus de temps qu'escompter, mais ils se rapprochaient bien du résultat final. Le borgne la fit mettre les genoux à terre, lui toucha son front du pouce et la relia peu à peu au monde qui était à moitié le sien, le monde qui était celui des soumis brûlant de vengeance, exigeant réparation, appelant indéfiniment leurs guides. Léto ferma les yeux, il était totalement impossible d'expliquer la nouvelle sensation qui l'envahissait.

" Moi, Tlaalee-Aan, ton maître, en ce jour je te fais devenir l'un des médiateurs entre le monde des vivants et celui des morts. Je t'offre les dons qui te permettront le contrôle de ces derniers. A cet instant, tu deviens et tu resteras chaman. Par ce tatouage, tu acquiers tes pouvoirs et ton ethnie. "

Chaque mot était un coup de plus sur l'âme de l'Orisha, cette dernière disparaissait peu à peu, mutait en une nouvelle forme. Léto arborait un corps qui n'était plus celui qu'elle avait connu, c'était un véritable changement. Pour le moment, elle hésitait à ouvrir les yeux, à affronter cette nouvelle réalité. Elle se força à se focaliser sur ses anciennes idéaux, encore intactes mais floues. Son regard vairon se dévoila, scintillant aux yeux des défunts assistant à l'arrivée d'une nouvelle médiatrice. Le plus perturbant étant qu'elle soit à moitié aveugle sur cet autre monde, incapable de faire la différence entre le plan des vivants et celui des morts. L'entraînement était primordial et les prochaines étapes encore plus, le borgne, et quelque part Léto, le savaient pertinemment. Sauf que la seconde ignorait toujours dans quel bordel monumental elle s'était fourrée, trop absorbée par le fait que sa chaîne n'ait jamais été aussi légère auparavant.


2134 mots ~



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