Bien qu'elle apprécie les animaux, Mircella n'aurait jamais été d'elle-même dans un jardin animalier. Elle ne trouvait pas intelligent d'enfermer les bêtes comme du vulgaire bétail mais à y repenser, c'est de cette manière que Viserion et Drogon avaient fait sa connaissance. Alors si on lui demandait son avis elle ne disait rien et se contentait bêtement d'acquiescer dans une direction au hasard, mais s'y rendre ne lui plaisait pas plus que ça. Elle s'en désintéressait complètement, préférant observer les dits-animaux dans leurs milieux naturels, bien qu'elle concevait que des bêtes comme des griffons ne se voyaient pas tous les jours en sortant de chez toi. Il s'agissait pour elle d'une question essentielle de bon sens. Mais les enfants ne voyaient pas ça de la même manière, voyez-vous. Héliana ne connaissait que très peu le monde de par son enfermement à la tour inconnue pendant ce qui lui sembla être des siècles et des siècles - d'ailleurs encore aujourd'hui personne ne sait combien de temps ni pourquoi elle s'y est retrouvée mais passons - et désirait découvrir de nouveaux horizons. Alors certes, elle aurait pu s'accoutumer de la façon de penser de sa maîtresse et essayer de trouver les animaux qu'elle recherchait par elle-même mais une visite au jardin animalier semblait s'imposer dans le sens ou le temps ne lui permettait absolument pas d'explorer toutes les terres du yin et du yang par elle-même. C'est ainsi que le groupe, formé de Mircella, Julia dans son apparence de démone et la petite ange qui sautillait dans les airs à chaque pas qu'ils faisaient «  Avancez, avancez ! Le jardin est au bout de ce sentier ! ».

L'être céleste partait complètement en vrille, tandis que la morte-vivante marchait aux côtés de sa maîtresse, un sourire aux lèvres. « Pour une fois qu'un véritable enfant se trouve avec toi, tu pourrais en profiter un peu, tu ne penses pas Mircella ?». Cette dernière ne répondit que par un sourire gêné. Elle ne savait pas comment réagir et pour cause,elle ne pensait absolument pas posséder la fibre maternelle. Elle veillait sur des enfants, s'occupait d'eux dés lors qu'un problème se présentait mais n'avait aucune idée de ce qu'être mère voulait bien dire. Et elle espérait au plus profond de son coeur ne pas le savoir pour encore moment. Elle n'était pas prête, elle ne se sentait pas prête, mais peut-être qu'aucune mère n'est prête. Qu'il s'agit d'un passage obligé et qu'une fois qu'on ne peut plus revenir en arrière, on se retrouve forcée à être prête. Sans doute. Elle n'y connaissait rien, alors elle arrêta de se faire des illusions. Seul l'avenir lui dirait.

Le groupe parcourait les couloirs sans trop se soucier d'où ils allaient : la jeune ange s'émerveillait à chaque coin de rue, à chaque nouvel animal qui se présentait devant elle. L'elfe avançait sans grande conviction, attendant le moment fatidique où la petite craquerait sur un des animaux et voudrait l'emmener avec. Elle savait qu'elle devrait lui tenir tête et lui dire non et rien que cette idée lui brisait le coeur. La jeune femme poussa un long soupir et ferma les yeux lors d'un virage, comme pour essayer de se détendre, sauf qu'on manqua de la percuter. Mircella rouvrit les yeux faiblement et les ouvrit un peu plus grand pour observer la personne qui se tenait devant elle. De longs cheveux blancs, de magnifiques yeux bleus et un visage de poupée de porcelaine. Elle paraissait si frêle, si fragile, que l'elfe s'en voulut presque de la voir s'excuser. Elle décida alors de jouer la carte de l'humour pour s'en sortir et ne pas envenimer les choses. « Oh non, absolument pas, ne vous inquiétez pas. D'habitude c'est moi qui percute les autres sans faire attention, et puis j'avais la tête ailleurs. Si j'avais été concentrée, j'aurais pu vous éviter de vous tracasser pour moi. ». Elle passa rapidement sa main dans sa longue chevelure dorée pour la remettre en place et s'inclina poliment. Elle s'apprêtait à repartir quand elle remarqua que l'ange ne suivait pas le mouvement. « Héliana, ma chérie, tu veux bien revenir ici? ». Mais rien à faire. La gamine courait après l'oiseau de la jeune femme qu'ils venaient de rencontrer et ne semblait pas vouloir arrêter. L'elfe poussa un soupir et se rapprocha à nouveau de son interlocutrice. « Navrée de vous déranger, la petite semble intéressée par votre oiseau. Y aurait-il moyen pour elle de passer un peu de temps à ses côtés? Si vous n'êtes pas pressée, peut-être pourrions nous faire connaissance? ».

Mircella se montrait très polie envers cette inconnue. Elle avait appris, au fil de ses rencontres, que se montrer un peu distante au début pouvait avoir du bon. Cependant, elle ne souhaitait pas l'intimider. « Mais ce n'est pas une bonne idée de rester dans le passage. Que diriez-vous d'aller vous asseoir près de la Grotte aux Cristaux? ». Car oui, même si la jeune femme n'appréciait pas le jardin, elle s'était sentie obligée d'en repérer les salles, afin de ne pas perdre l'ange. Et après ces quelques mots, elle engagea la route vers l'entrée de la fameuse grotte, ou elles pourraient se poser pour discuter. Sur le chemin elle lâcha quelques brèves paroles qu'elle pensait nécessaire mais rien de plus. « Je m'appelle Mircella, cette jeune femme Julia et la petite Héliana. Ravie de vous rencontrer. ». La jeune femme.. cela lui faisait si étrange de ne plus caractériser Julia comme une enfant. Mais les choses changent, et il faut parfois savoir vivre avec son époque.

Héliana bouillonnait de joie. Elle courait dans tous les sens, riant aux éclats. Et la première surprise de la voir dans cet état fut l’elfe. Elle ne la connaissait pas sous cette facette pleine de joie, retentissante de bonne humeur. D’ordinaire, elle trouvait l’ange fade, muette et sans aucun avis sur quoi que ce soit. La démone posa une main sur l’épaule de sa maîtresse, un sourire en coin. « Tu sais, si elle se comporte comme ça, c’est peut-être parce qu’elle est maintenant la seule enfant dans le groupe. ». Elle prit un air mature et passa une main dans les cheveux blonds de l’elfe. « Elle veut que tu la remarques, que tu prennes soin d’elle. Que je prenne soin d’elle. Mais dans mon cas, ce n’est pas près d’arriver. ». Son sourire s’élargit alors un peu plus. « Regarde là, sans défense, l’exemple même de l’innocence. J’en aurais presque pitié. Mais ce n’est pas mon rôle. C’est le tien. Alors tiens-le du mieux que tu le peux. » Puis la morte vivante s’éloigna d’un pas gracieux vers les cristaux qui les entouraient à présent. Le regard de Mircella se posa sur la rouquine qui s’excitait de manière exagérée et sourit à son tour. C’était peut-être bien ça. Sans doute réclamait-elle de l’attention à sa maîtresse. Depuis que la Dullahan avait retrouvé ses pouvoirs, elle ne jouait plus avec cette dernière et ne prenait même plus la peine de l’insulter de quoi que ce soit. Alors que quand elle se trouvait dans sa forme d’enfant, elle se retrouvait forcée de se la coltiner. Comme quoi, malgré les apparences, elles s’aimaient quand même un petit peu.

Mais assez réfléchi, elle ne désirait pas laisser la dénommée Lumi parler dans le vide. Elle la gratifia à son tour d’un sourire, tandis qu’elle observait le second oiseau. « Vous avez de la chance d’avoir ce type d’animaux avec vous. J’ai toujours pensé qu’ils étaient le symbole de la liberté et qu’ils se trouvaient être indomptables. ». Puis elle rit, un peu gênée par ses propres propos. « Enfin, je vous dis ça, mais j’ai deux dragons à la maison. Je ne les emmène pas avec moi car ils sont d’une taille considérable et se retrouver étriqué comme ça ne leur plairait pas. Je pense à leur bien être avant tout. ». Les deux bêtes jouaient avec la petite ange qui se mit à virevolter avec ces derniers tout en faisant attention de ne faire tomber aucun objet dans la salle. Elle faisait presque la course avec ces derniers, battant des ailes joyeusement. Rien ni personne ne pouvait entraver le sourire qui prenait place sur son visage angélique et elle se mit à propager une aura de sérénité qui s’accordait parfaitement avec la situation. A la déclaration de son interlocutrice, l’elfe baissa les yeux vers son ventre. Et elle ne sut pourquoi, mais elle fut bloquée entre un sourire et un certain sentiment mitigé. Elle ne connaissait pas ce que c’était d’être mère, mais quand elle entendit que l’inconnue avait peur de la vexer en faisant plaisir à l’ange, elle s’offusqua presque. « Allons bon, non pas du tout ! Elle est très heureuse comme ça ! ». Elle laissa un blanc, pour jeter un coup d’œil aux agissements de la petite. « Ce n’est pas ma fille, vous savez. Je n’ai aucune idée de ce qu’il se passe quand on tombe enceinte mais.. » Elle se retourna avec le sourire. « Je sais qu’être parent n’est pas inné, et qu’on ne sait pas s’occuper de quelqu’un du tac au tac, alors je trouve votre initiative très bonne. On ne naît pas parent, on le devient. ».

Quant à l’idée du nom, elle n’eut même pas besoin de demander son avis à la rouquine car elle avait entendu la question et s’était précipitée aux côtés des deux jeunes femmes. « Je peux lui donner un nom ? C’est bien à moi que vous posez cette question ? ». Les yeux de l’enfant pétillaient d’excitation et son cerveau carburait. Puis quand elle trouva un nom à son goût, elle leva la main pour se manifester, comme s’il s’agissait d’une immense illumination « Porcelaine ! ». Elle parut ensuite gênée, comme si elle avait honte du nom qu’elle venait de proposer. « Cela vous convient-il ? ». La main de la jeune elfe se posa sur les cheveux rouges de la petite et les ébouriffa dans un signe affectif. Puis quand elle releva les yeux, elle s’aperçut de la pièce dans laquelle ils se trouvaient. De magnifiques statues de cristal se tenaient aux extrémités de la pièce, taillées dans le plus grand soin. Chaque détail avait été soigné, préparé, retravaillé jusqu’à ce que la perfection soit atteinte et ce perfectionnisme ressemblait bel et bien à Mircella qui se reconnut en ce travail qu’elle ne pensait cependant pas pouvoir accomplir. Elle s’adressa à Lumi sans parvenir à détacher ses yeux des merveilles qui se tenaient devant elle. « Vous avez une idée de qui parvient à faire des choses d’une telle beauté ? C’est splendide.. ».

La blonde des bois souriait. Elle ne comprenait pas le soudain attachement dont la femme aux cheveux blancs faisait preuve à son égard. Leur rencontre venait à peine de se produire qu'elle semblait déjà prendre une si grande place.. L'elfe passa une main dans ses longs cheveux descendant jusqu'à ses hanches et s'approcha avec lenteur et élégance de son interlocutrice, posant sa main sur son épaule. « Je pense que les plus belles rencontres sont fortuites. Elles sont inattendues et prennent une forme que personne ne soupçonne. Elles se jouent de nous et parfois se transforment en cauchemar..». Elle laissa sa main descendre pour frôler la joue de son amie. « Mais d'autre part, il arrive qu'elles deviennent un véritable rêve éveillé. Qu'elles nous rendent heureux que chaque seconde ou on y pense. ». Elle se détacha lentement de Lumi et son sourire s'élargit lentement. « Je ne sais pas encore dans quelle catégorie la nôtre se place, Lumi..». Ses yeux scrutaient la jeune femme, comme pour lire en elle. « Mais j'ai hâte de le savoir et pour l'instant, je ne regrette aucunement d'avoir croisé ton chemin.». Puis elle tourna les talons. Elle ne désirait pas trop s'avancer sur leur relation, le destin leur réservait encore beaucoup de surprises.

Elle joignit ses mains dans son dos. « Je viens souvent ici à cause de la petite. Elle aime les animaux, alors j'essaye de lui faire plaisir comme je peux. ». Elle lança un regard à la petite rouquine qui s'amusait encore avec les oiseaux, la gratifiant d'une rapide caresse sur sa chevelure flamboyante. Elle suivit ensuite les pas de la jeune fille, observant à son tour les statues de cristal de plus près. Lui confiant un sourire enjoleur, elle se mit à tourner une fois sur elle même avant de se précipiter vers un employé. « Excusez-moi, serait-il possible de rencontrer la personne ayant participé de près ou de loin à la réalisation de ces splendides oeuvres d'art? ». Elle ne cherchait pas à bien se faire voir des travailleurs du jardin animalier, loin de la. Elle pensait réellement ce qu'elle disait. Toutes les sortes d'art attirait l'elfe de manière inévitable. Elle se plaisait dans la musique autant que dans la peinture, mais la sculpture lui restait inconnue. C'était l'occasion d'en apprendre plus et de peut être s'y spécialiser. La personne à laquelle elle avait demandé des renseignements ne donna aucune réponse, se contentant d'indiquer un cygne. Un cygne.. que voulaient-ils que Mircella fasse avec ça? Lui courir après.

Consciente que Lumi dans son état de grossesse ne pouvait se permettre de courir après un oiseau, elle la saisit doucement par les jambes pour la soulever et s'envoler avec cette dernière dans les bras. « Pardonne-moi, mais je ne peux pas te laisser te blesser en tentant de le rattraper. ». Elle plia les genoux et s'élanca à la poursuite du cygne, rapidement suivie par la rouquine et la succube. Ils arrivèrent devant l'entrée de la grotte aux cristaux et la blonde des bois déposa délicatement son amie au sol. Et une de ses paroles lui revint en tête. « Tout à l'heure tu m'as dit ne pas pouvoir utiliser la magie. Serait ce une question de talent ou de naissance? ». Elle entendait par la une autre question, qu'elle accompagna d'un chaleureux sourire. « Serais-tu... humaine? ». Elle fut interrompue par une petite voix et découvrit une fée devant elle. « Je suis celle qui a construit ces statues, ne sont-elles pas splendides? Si Ealuss vous a guidé à moi, c'est qu'il a ressenti en vous une certaine admiration pour ce que je fais et vous m'en voyez encore plus ravie. ». L'elfe soutenait encore l'humaine près d'elle, peut être de peur que comme la porcelaine, elle ne se brise à chaque instant.

635 mots

Mircella fixait l'humaine, un sourire gravé sur son visage. Oh, elle se fichait bien de la race à laquelle elle appartenait, honnêtement. Il n'avait jamais été dans les habitudes de l'elfe de juger qui que ce soit à son peuple. Partout il y avait du bien, partout il y avait du mal. Une vision manichéenne ne lui correspondait absolument pas. Elle posa une main sur l'épaule de la jeune fille et rit légèrement. « Lumi... ». Elle s'éloigna à peine, la gratifiant d'un sourire rassurant avant de continuer à parler. « Si ta nature me dérangeait, je ne serais plus a tes côtés au moment où je te parle. ». Elle revint fidèle au poste et prit les mains de son amie pour les serrer chaleureusement. « Pour moi, tu es Lumi. Rien de plus rien de moins. Tu es quelqu'un, une personne à part entière. ». Elle marqua une pause pour reprendre une faible respiration. « Je n'ai pas décidé de t'aider parce que tu es une personne vulnérable, que ce soit par ta race, ta santé ou je ne sais quoi. ». Son sourire s'élargit lentement. « Je suis bien entendu une âme charitable qui aide son prochain et tu ne déroges pas à la règle. Mais ne prends pas ça pour de la pitié. J'ai cette dernière en horreur. Les humains ne sont pas pour moi moins puissants que d'autres, sans compter que je vous connais trop mal pour porter un réel jugement. ». Elle posa sa main sur la tête de la jeune fille, lui caressant les cheveux presque maternellement. « Ceux qui te jugent la dessus sont loin d'avoir quelque chose dans le crâne. Chacun a quelque chose à offrir, peu importe ce que ça peut être. L'important est de partager et de découvrir.». Elle poussa un long soupir puis parut quelque peu gênée. « Je dois t'ennuyer un peu. ».

La fée quant à elle affichait un sourire constant. Savoir que quelqu'un apprécie ce que l'on fait est toujours plaisant, mais encore plus quand les dites personnes sont si emportées par vos oeuvres qu'elles décident de vous rencontrer en personne. Elle adressa un hochement de tête à l'humaine, avant d'ouvrir sa petite bouche, tout en virevoltant entre les deux jeunes femmes. « Je vous en prie, quelqu'un de doué n'as pas tant besoin de magie. ». Elle laissa éclater un petit rire cristallin. « Vous pensez vraiment ne pas pouvoir contrôler la matière splendide qu'est le cristal? ». Une pointe de malice apparut dans ses yeux. « Serait-ce vraiment drôle si je vous montrais comment je fais et si je m'arrêterais la? Vous avez de plus grandes ambitions, je le sens, je le sais. ». Elle s'installa alors sur l'épaule de l'elfe. « Je voudrais vous apprendre. Oh, et pour les épreuves que je vous propose, nul besoin de magie. Suivez-moi... ».

Elle s'envola de son perchoir et se dirigea vers le fond de la salle, ou elle poussa une porte qui paraissait se fondre dans le paysage. Derrière cette porte se trouvaient des blocs de cristal intacts, en leur état brut. « Je vous donne les outils, et je vous laisse faire, qu'en dites vous? Tailler du cristal n'est pas qu'une question de force ou de technique. Si on ne possède pas l'imagination et la motivation qui va avec, ce n'est même pas la peine d'essayer. ». Elle leur présenta alors les blocs et les outils. « Vous pouvez utiliser tout et n'importe quoi. Bien-sûr, si l'elfe désire utiliser sa magie, elle en est libre, mais devra quelque peu s'éloigner de son amie. Il ne s'agit pas d'un concours, ne vous arrachez pas les cheveux. Vous êtes la pour vous amuser, après tout. Et après ça, quelque chose d'autre vous attend. ». Et son rire retentit à nouveau dans la salle. L'engouement de la fée venait de les gagner..

646mots

Mircella allait apprendre… Un sourire radieux naquit sur son visage qui s’étira lentement. Depuis combien de temps avait-elle oublié le goût de se jeter dans l’inconnu, dans la gueule du loup ? Elle se retrouvait là, seule face à son bloc de cristal. Face à quelque chose qui mourrait d’envie de se faire modeler par son esprit. Tout d’abord, elle passa sa main sur la surface lisse de la matière qui s’offrait à elle pour mieux la comprendre puis elle ferma les yeux. Comme on se retrouve, vieil art. La sculpture faisait parti des choses que la blonde des bois ne connaissait que très mal mais qu’elle admirait sans vergogne. Elle se rappela avec douceur des journées passées à visiter des échoppes pour trouver de la peinture à la petite ange qui, en ce moment même, observait sa maîtresse, pleine de joie. Avec tous les malheurs récents qui lui étaient arrivés, l’elfe n’avait guère trouvé le temps de se détendre et cette sensation de liberté lui donnait des ailes. La rouquine voulut presque rejoindre ce rite quand les oiseaux la rappelèrent à l’ordre par leur envie de jouer.

La jeune fille prit entre ses longs doigts de pianiste les outils nécessaires à l’élaboration de la sculpture. Mais une question vint perturber sa réflexion et elle bloqua un instant au moment de frôler pour la première fois le cristal avec cet objet. Que désirait-elle réellement en faire ? Qu’allait-elle représenter ? Quelle facette de sa personnalité allait parler ? Elle aurait bien pu réfléchir plus longuement aux réponses à donner à ces questions mais cela serait inutile. Pour une fois, elle allait se laisser complètement aller. L’art n’a pas besoin de pourquoi. L’art a juste besoin de l’engouement de soi et d’une bonne dose de talent, bien entendu. Du talent, la jeune femme en possédait, à coup sûr. Mais pas dans un domaine qu’elle ne connaissait guère, et elle doutait franchement de réussir à faire quelque chose comparable à ce que faisait la jeune fée. Mais il n’y a qu’en essayant que l’on comprend.

Elle tapa enfin le premier coup et des maigres éclats de cristal tombèrent au sol. Puis bientôt ce fut une pluie de ces derniers qui s’abattit sur le carrelage rugueux de la pièce. Mircella souriait, prise d’une curiosité monstre envers ce bloc qu’elle déguisait comme elle le désirait. Elle fermait les yeux de temps à autre et se sentit presque comme si elle tenait son ocarina entre les mains. Ses coups répétés sur le cristal se faisaient toujours précis et petit à petit, ce qu’elle tentait de représenter dans son esprit prit forme. Il s’agissait d’une silhouette de femme en pleine fleur de l’âge, tenant la main d’une enfant. Julia haussa un sourcil. Parmi toutes les choses qui hantaient son esprit, elle avait décidé de sculpter sa rencontre avec l’ange ? Ou avec elle ? Elle en doutait, mais elle ne put s’empêcher de continuer d’espérer. Les formes de la jeune femme de cristal se firent plus accentuées que celles que l’elfe possédait et le sourire de la Dullahan s’élargit.

Il ne s’agissait pas de sa maîtresse et de l’ange ou d’elle-même. Mais bien de l’ange et de sa propre personne. La blonde des bois dessinait ce qu’elle désirait le plus au monde, à savoir une entente entre les deux filles qui tournaient dans son quotidien. La jeune femme osa accorder un sourire à celles qu’elle considérait encore comme ses enfants tandis que son ouvrage commençait réellement à prendre forme. En tant que perfectionniste, elle ne laissa pas tomber et dés lors qu’une surface s’irritait plus qu’une autre, elle rétablissait l’équilibre. « Tu ne la trouves pas magnifique ? » souffla la succube à l’ange, se mettant à son niveau une fois qu’elle eut fini de s’amuser avec les volatiles. La rouquine acquiesça dans un sourire montant jusqu’aux oreilles avant de repartir vaquer à ses occupations, aussi niaises et futiles soient-elles.

L’espace d’un instant, Mircella tira son ouvrage sur le côté pour s’éloigner quelque peu de l’humaine qu’elle salua brièvement, un peu gênée de devoir se séparer d’elle de part sa nature. Une fois qu’elle sentit à nouveau un flot de magie parcourir ses veines, elle leva les mains vers le plafond et mit des touches de couleur à sa sculpture. Ainsi, les longs cheveux – si l’on devinait qu’il s’agissait de cheveux – de la petite fille furent colorés d’un rouge vif, sa robe d’un jaune pâle et ses pieds démunis de chaussons. Le corps de Julia adulte fut lui aussi parsemé de petites couleurs, plus majoritairement du noir. Une fois son travail accompli, elle retourna auprès de Lumi et observa son travail, curieuse. « Si tu le désires, je pourrais y mettre de la couleur une fois que tu auras tout finalisé. Ca reste ton choix, je ne voudrais pas t’y contraindre. ». Elle cacha modestement sa propre sculpture et alla quérir la présence de la fée une fois que son amie eut terminé.

La fée s’attarda quelque peu sur la sculpture de l’elfe, l’observant sous toutes ses coutures. Puis elle lui sourit. « Pour une débutante, ce n’est pas trop mal. Vous manquez inévitablement de technique, mais cela s’arrangera avec le temps. Qu’est-ce que votre cœur essaye de dire à travers cette œuvre, je crois le deviner. ». Elle lança alors un regard à la jeune femme plantureuse et à la gamine qui courait dans tous les sens. « Je vous réserve d’autres surprises, vous n’êtes qu’au début de votre apprentissage. Mais passons, je vais maintenant regarder ce qu’a fait votre amie. Votre usage de la magie est de toute beauté et je n’aurais jamais pensé à utiliser des couleurs sur certaines parcelles de la sculpture mais je suis également curieuse de voir ce qu’une jeune femme dénuée de pouvoirs est capable de faire. » Sur ces mots, elle laissa l’elfe en face à face avec son art, dans une réflexion que nul n’aurait su couper.

990mots

La fée souriait, satisfaite de ses élèves. Bien sur, il ne s’agissait pas de talents hors paire, et encore moins de championnes en sculpture mais Earudien ne s’est pas bâti en un jour et elle les sentait motivée à poursuivre leur enseignement. « Je suis heureuse que vous ayez pu, toutes les deux, vous exprimer à votre propre façon. Il n’existe pas de mauvaises ou de fausses manières de sculpter ou de peindre. Tout dépend de votre état d’âme. ». Elle tournoya autour des deux jeunes femmes. « Il n’y a pas de règles dans l’exercice de votre art. Que vous chantiez, que vous utilisiez un quelconque instrument de musique… » Elle posa ses yeux sur la petite rouquine un instant. « Que vous ayez jeté votre dévolu sur la peinture, sur la sculpture ou même uniquement à la collection d’œuvres d’art, sachez qu’ici vous serez toujours les bienvenues. ». Son sourire s’élargit un peu plus. « Je n’offre pas mon enseignement à n’importe qui, mesdemoiselles. Je vous ai senti motivée et amante de l’art dans toutes ses formes. Alors sentez vous libre. Ici, personne ne vous jugera jamais. ». Elle s’envola ensuite un peu plus loin et invita les jeunes femmes à la suivre. Si elles avaient réussi la première épreuve, d’autres les attendaient encore et l’une de ses préférées arrivait à grand pas. Pendant son cheminement, elle se mit à réfléchir à ce qu’elle pourrait bien leur demander et quand elle eut l’illumination, elle s’arrêta.

« Vous me semblez dignes de confiance, mais savez-vous que l’art ne se limite pas à ce que l’on pense ? ». Elle sourit, enjouée. « Vous devez posséder la curiosité nécessaire à une recherche plus profonde de l’art, et plus précisément de la sculpture. C’est pourquoi je vous demanderais de trouver mes trois sculptures favorites. Elles m’ont pris un temps considérable et je les aime énormément. ». Elle joignit ses mains et commença à s’éloigner. « Il s’agit d’un dragon, d’un arbre et.. je vous laisse deviner le dernier, sachez que vous le connaissez, et qu’il est bien pire qu’évident ! ». Puis elle s’envola, laissant les deux amies démunies. La blonde des bois se tourna vers l’humaine et la gratifia d’un sourire. « Cette fée est gentille. Un peu étrange sur les bords mais gentille. Un peu comme nous deux je dirais. » Elle rit légèrement et se mit à observer l’endroit où elle les avaient emmenées. « Retrouver des sculptures ne doit pas être si difficile que ça. Je peux aisément m’occuper de retrouver l’arbre. Un arbre avec une elfe, ça ne rate jamais ! ». Elle s’amusait seule des propres clichés associés à sa race. L’autodérision lui plaisait manifestement énormément. « Je pense qu’ils ont été mis dans des endroits plus ou moins évidents. Si cela lui plaît à ce point, elle n’a pas du se gêner pour les montrer au monde entier. ».

L’elfe plia les genoux et s’élança vers le plafond lentement, pour obtenir une vision panoramique de l’endroit où elles se trouvaient. Mais cela aurait été trop facile. Un arbre.. Il pouvait autant s’agir d’un arbuste qu’un véritable arbre. Elle ne savait pas par ou commencer. Peut-être par l’endroit où toutes les statues se trouvaient exposées. Elle descendit alors et se posa à nouveau sur le sol. « Je te propose que l’on se sépare. Héliana ira avec toi et les oiseaux vu que ces derniers ne semblent pas vouloir s’éloigner de toi, si bien sur, ça ne te pose pas de problème. ». Elle lança un vif regard à la morte vivante. « Toi, tu peux aller ou tu le désires. Tant que tu cherches, bien entendu. Je ne veux pas te voir vadrouiller sans aucun but dans le jardin, j’espère que je suis claire. ». La Dullahan lâcha un bon rire avant d’acquiescer. « Oui,cheffe ! ». La blonde des bois sourit à nouveau. « Moi, je vais également partir de mon côté. Ce que je te propose, c’est qu’on se retrouve ici dans environ allez… vingt minutes ? Et si quelqu’un trouve une sculpture qu’il pense être la bonne, qu’il fonce avertir les autres. Il serait bête que je cherche un arbre alors qu’il a déjà été trouvé, vous ne pensez pas ? ». Une fois cette chose dite, elle décroisa les bras et se mit à marcher vers un sentier qu’elle ne connaissait guère. « Je commence, je cherche en priorité l’arbre ! Je vous souhaite bonne chance et surtout ne vous perdez pas ! ».

Elle prit à nouveau son envol pour léviter près du sol et se mit à chercher dans la salle des sculptures. On ne pouvait pas dire que c’était comme chercher une aiguille dans une botte de foin, mais plutôt chercher une aiguille spéciale dans un sac d’aiguilles ou un grain de sable unique dans le désert. Il s’agissait d’une entreprise longue et plutôt ennuyante. L’elfe ne comprit d’ailleurs pas le but de cette recherche mais peu importe. Cela lui permettait d’occuper sa journée et de peut-être créer des liens plus fort avec l’humaine. Elle appréciait ses qualités et son sourire communicatif. Elle se plaisait à la regarder se démener avec tout ce qu’elle possédait et l’espace d’un instant, se sentit faible par rapport à elle. Elle vivait sans pouvoirs. Alors certes, Mircella ne dépendait pas du tout de sa magie, mais quand bien même. Elle ne s’imaginait pas vivre sans. Peut-être qu’il faut le faire pour le comprendre, tout simplement.

914mots

La petite ange s’amusait comme une folle. Elle aimait qu’on lui offre de la liberté même si le fait d’être confiée à une inconnue l’eut d’abord dérangée. Elle n’était pas un objet, on ne la donnait pas comme ça ! Mais bien loin d’être rancunière, elle s’était mise au travail de manière enjouée. Elle virevoltait dans les airs avec les oiseaux et ses yeux cherchaient un dragon en cristal du regard. Ca ne devait pas être bien difficile à retrouver s’il était à la bonne taille. Certes, l’humaine leur avait dit de choisir celle qui leur plaisait le plus, mais Héliana désirait plus faire plaisir à sa maîtresse qu’autre chose. Et puis c’était si vague comme demande ! Tout lui plaisait ici. Fervente admiratrice de l’art sous toutes ses facettes, toutes les sculptures attiraient son attention de manière irrémédiable ! Elle dut se retenir plusieurs fois d’aller les toucher, de peur sans doute de les faire tomber et d’éclater en milles morceaux ces chefs d’œuvre, bien que le cristal doive être une matière plutôt résistante à la casse. Et un jardin animalier attirait beaucoup plus d’enfants qu’il n’y paraît, alors sans doute ne craignaient-elles pas d’être brisées dans une bousculade.

L’idée d’avoir un cadeau ne propulsait pas la gamine dans les airs. Elle n’avait jamais été très matérialiste et un sourire de Mircella la satisfaisait amplement. La rouquine repéra quelque chose, de son perchoir. Une gigantesque sculpture se tenait non loin. Comment avait-elle pu la rater tout ce temps ? Elle voleta doucement vers cette dernière en prenant soin de ne pas la toucher et un sourire naquit sur sa petite frimousse angélique. Il s’agissait bel et bien d’un dragon, et quel dragon ! Il la dépassait de plusieurs mètres et dominait le Jardin comme quiconque ! Elle rit alors toute seule quand elle vit les oiseaux s’en aller après avoir entendu un sifflement. Il devait s’agir de Lumi, à n’en point douter. Elle regarda avec douleur la sculpture et s’éloigna à son tour, tout en se promettant qu’elle la montrerait avec fierté à sa maîtresse une fois cette dernière revenue.

Mircella de son côté ne s’amusait pas autant. En effet, elle avait désiré rester seule pour sa recherche et peut-être n’aurait-elle pas du. Elle s’ennuyait terriblement. Ses pas dans les airs se faisaient lents et ses yeux cherchaient une figure d’arbre, une forme familière. Elle aperçut de loin la Dullahan qui marchait tranquillement dans le jardin. Peut-être qu’elle ne cherchait même pas, à voir cet air ennuyé sur son visage. Enfin, l’elfe pensait ça, mais elle ne devait pas avoir l’air très réjouie non plus. Elle s’assit alors sur une rambarde, observant les environs. Puis un éclair lui traversa l’esprit. Pourquoi se casser la tête à chercher d’elle-même alors qu’elle possédait un pouvoir lui permettant de trouver tout ce qu’elle cherchait ? Parfois, elle se sentait bête. Terriblement bête.

Elle se concentra alors lentement et son pouvoir dirigea une sorte de ligne au sol qu’elle suivit paisiblement. Rien ne la pressait. Et bientôt, le grand arbre de cristal apparut devant ses yeux ébahis. Il était si grand, si majestueux, qu’elle en resta éblouie un instant. « Ainsi… te voilà… ». Elle s’en approcha pour le toucher, sans aucune crainte de le faire tomber et en admira les détails. Elle ne pourrait jamais faire quelque chose de tel, elle le savait, et son incapacité à imiter le talent des autres la poussait sans cesse à s’améliorer. Mais bien vite, un oiseau vint la quérir, réclamant sa présence plus loin. Elle plia ses genoux et s’envola d’un coup d’un seul pour retrouver l’humaine. Et une fois arrivée à ses côtés, elle la mit dans le bain. « J’ai trouvé l’arbre. Avez-vous trouvé de quoi la fée parlait, ou même une autre sculpture ? ». Elle souriait. Cette aventure l’amusait à présent réellement. Tout irait bien, parce que tout avait toujours bien été.

651mots