Hayina s'assit et se mit à creuser avec sa pelle. Après avoir dévoilé 30cm de terre chaude, elle dut se rendre à l'évidence : ce ne serait pas aujourd'hui qu'elle trouverait un œuf. L'après-midi touchait à sa fin, et d'autres chercheurs comme elle commençaient déjà à remballer leurs affaires et à partir, la plupart bredouilles, mais pas tous. Hélas, l'orisha ne faisait pas partie de cette mince partie.

Arrivant du vieux phare, Hayina avait passé une nuit plus que bienvenue à l'auberge et s'était mise en route pour les terres arides à l'aube. Cela faisait donc une journée qu'elle cherchait des œufs à vendre à ses enchères, mais c'était une journée de perdue. En plus, les terres arides n'étaient pas le meilleur endroit où passer son temps... il y faisait chaud, tout était moche et on ne croisait pas âme qui vive. Et encore, elle aurait sûrement pu apprécier cette journée si Nymeria était venue avec elle... mais la louve avait préféré rester dans les forêts.

Hayina soupira puis cala sa pelle dans son nouveau sac à dos. Elle commença à rejoindre le groupe de personnes qui s'en allait au loin, mais quelque chose l'arrêta net : elle entendit un horrible cri venant de sa droite. C'était pire qu'un cochon qu'on égorgeait. Ne voyant rien, l'orisha se précipita pour monter un énorme rocher.

*Mon Dieu, je ne devrais pas aller voir... oh, et puis je m'en fiche !*

En arrivant au sommet, Hayina vit que plusieurs hommes étaient en train d'emmener de force un inconnu elle-ne-savait-où. Il se débattait de toutes ses forces, mais il semblait affaibli, et ses ennemis ne peinaient aucunement pour le maintenir. Que devait-elle faire ? Au début, elle pensa à faire demi-tour, car ça avait l'air d'être une sale histoire. Mais la victime continuait de crier, et quand elle vit l'un d'eux lui donner un coup qui l'assomma, elle se décida. L'orisha n'allait pas voler à son secours comme une idiote, non; elle se mit à suivre les hommes sans se laisser détecter.

Au bout d'un moment, elle vit qu'ils l'emmenait vers une grotte. Comptaient-ils l'achever là-dedans ? Ou pire, l'interroger pour x raison ? Elle n'aurait pas le temps de le savoir, car elle comptait agir avant. *Si je les prends par surprise, j'aurai le temps de voler jusqu'à lui, l'agripper et repartir en semant la zizanie dans la perception de leurs émotions. Mais comment vais-je pouvoir le porter seule ?* En réfléchissant, Hayina s'était mise à les suivre machinalement, en gardant les yeux rivés sur les ennemis. Mais elle oubliait de surveiller ses arrières... et soudain, son intuition l'alerta. L'orisha sentait une présence derrière elle. En se figeant, cette dernière se retourna et failli crier en voyant l'inconnu au teint pâle qui se tenait devant elle.

" Excusez-moi, j'aurais peut-être dû vous prévenir... Je... Je ne vous veux aucun mal ! Mais attention, si vous me touchez, j-je vous... ferai mal."

*Pourquoi j'ai eu si peur ? Ce jeune homme a l'air encore plus effrayé que moi. Il est pâle comme la mort, le pauvre...* Hayina jeta un regard devant elle et vit que les hommes étaient presque hors de portée de vue. Elle s'approcha d'eux de quelques pas pour garder la vision, sortit son fléau de son sac puis se retourna vers ce dernier :

« Je ne sais pas qui tu es ni ce que tu fais ici, mais moi, je poursuis ces hommes et e m'apprête à leur donner une bonne raclée pour profiter ainsi de la faiblesse d'un homme. Je n'ai rien contre toi. Alors soit tu m'aides maintenant, soit tu t'en vas au lieu de me ralentir. »

Hayina aurait aimé être plus sympathique, mais ce n'est pas comme si elle avait tout son temps. De plus, il était risqué de s'encombrer de paroles. Heureusement, les bœufs étaient bruyants, mais dans cette caverne, le moindre bruit pouvait produire un écho inattendu... tout en gardant un œil sur eux, l'orisha se posa des questions sur la personne qui l'avait suivie. Avait-il entendu des cris, tout comme elle ? Dans tous les cas, il ne pouvait faire partie de la bande des tortionnaires. Enfin... il n'en avait pas l'air, ni le comportement, en tout cas, et c'était tout ce sur quoi elle pouvait se baser.

« Posez-le là, les mecs ! On va le faire parler. »

« Ouais ! On commence par quoi ? »

L'homme avait l'air d'être à l'agonie; il semblait déjà bien amoché par ces inconnus. Leur histoire n'avait pas commencé aux cris qu'elle avait entendus... mais maintenant, c'était certain : peu importe ce qu'il avait pu faire, cette victime ne pouvait mériter un tel traitement. Et il fallait que Hayina... et l'autre, peut-être, interviennent. L'orisha était néanmoins inquiète; elle n'avait aucune idée du niveau qu'elle pouvait avoir face à eux, surtout depuis que cette espèce de chute de tension l'avait attrapée.

Hayina se sentait faible depuis plusieurs jours, et alors qu'elle avait enfin réussi à voler correctement, elle régressait petit à petit à son niveau de débutante. Il était clair que ce n'était pas le moment pour ce genre de choses... mais elle avait encore son fléau, et les quatre hommes n'avaient pas l'air bien malins. D'ailleurs, ce n'était plus le moment de penser à ça. Quand Hayina se retourna, cet inconnu était encore là. Apparemment, il avait décidé de rester.

« Bon, écoute. On doit neutraliser ces gars. Il faudrait qu'on les atteigne sans nous faire remarquer... mais je n'en ai aucun moyen. Par contre, je peux faire diversion. Et toi ? »

Alors qu'elle étudiait l'état du terrain pour voir si elle pouvait être avantagée d'une quelconque manière, l'inconnu lui répondit, mais d'une voix tellement forte que cela la fit sursauter. Hébétée, elle écouta Alexander faire son speech en faisant bien raisonner sa voix dans toute la caverne. Elle était tellement surprise qu'elle n'avait pas pensé à le faire taire.

"Mon nom est Alexander. Il suffit que vous me disiez ce que je dois faire... Je... Je sais pas trop par où commencer, c'est rare que je prenne des décisions tout seul, vous compren..."

Soudain, le rehla s'interrompit et regarda en direction des ennemis. Hayina suivit son regard, ayant peur de ce qu'elle allait voir… et c'était à raison. Le sot avait parlé tellement fort que les deux hommes les avaient tout de suite repérés, et voilà qu'ils se dirigeaient vers eux avec un regard qui n'envisageait rien de bon. A ce moment-là, l'orisha avait juste envie de taper Alexander. Mais malheureusement, elle devait garder cette idée pour plus tard, car une autre priorité s'imposait à eux : se défendre contre les deux hommes.

Sans plus attendre, Hayina se redressa de toute sa hauteur et dégaina son fléau. Elle décida de jouer la carte de l'intimidation avant de se lancer dans un combat acharné; qui sait, peut-être que ces hommes n'étaient que des bandits néophytes et qui fuiraient à toutes jambes dès qu'un petit obstacle faisait surface… peut-être. D'accord, il y avait peu de chances, mais cela méritait d'essayer, au moins pour connaître un peu plus ses ennemis. Alors que ces deux-là s'approchaient avec une lenteur bien mesurée, Hayina leur cria :

« Si vous approchez encore, vermines, je vous ferai regretter votre naissance. Laissez cet homme tranquille, et cette histoire se termina sans effusions de sang… sans des effusions de votre sang, évidemment ! »

Et, pour paraître plus menaçante, Hayina fit tourner son fléau en souriant, comme si elle maîtrisait un jouet d'enfants. Cette carte, c'était du quitte ou double… mais c'était tout ce qu'elle avait trouvé pour leur donner un peu plus de temps. Peut-être qu'Alexander avait eu le temps de se préparer à les affronter… s'il en était capable, du moins. Il avait l'air très pacifique, ce qui n'était pas pour la rassurer. Quitte à avoir un combattant pour l'épauler, elle préférait être aidé d'un homme baraqué bien sûr de lui… *Dans quelle histoire je me suis encore embarquée, moi ? Pour un inconnu ?* Foutus instincts…