« On est encore paumés. » Bronchait une voix caverneuse s’élevant de la sinistre pénombre. Quatre petites lueurs en forme d’amandes étaient apparentes à l’intérieur de ces ténèbres glaciales. Les yeux d’un loup et de son maître déambulaient comme des âmes égarées, se déplaçant capricieusement à la recherche d’une issue favorable. « Comme tu y vas fort. Je préfère parler d’une digression temporaire. Mon intuition m’a-t-elle déjà fait défaut ? » Cette voix était largement plus sereine en dépit des errements. Elle appartenait à l’unique personnage en condition pour se réjouir de tout désagrément. Zane, démon auprès des démons, n’avait pas changé d’un poil. Il était comme toujours, insouciant et insoucieux, tel un utopiste qui voyait toujours le bon dans le pire. Au lieu de répondre de vive voix à son partenaire excentrique, le quadrupède se contenta de maugréer par l'entremise d’un grondement prolongé. L’animal ne le connaissait que trop bien pour comprendre que cela ne lui servirait à rien de lui faire entendre raison. Au sein du duo, Krog était le plus responsable, et aussi le plus à même de localiser la sortie. Dans l'incapacité de voir à plus d’un mètre de lui, le démon entendit clairement les sifflements de sa truffe, signifiant qu’il s'attachait à se repérer en profitant de l’odorat. « Rappelle-moi ce qu’on est venu chercher pour qu’on soit dans une telle galère. » L’homme ne répondit pas tout de suite.

Il était bien trop occupé à emboutir tout ce qui entrait en contact avec son corps. De plus, en cherchant ponctuellement à trouver un quelconque interrupteur, le malin entraînait diverses tombées d’objets indéterminés qui n’eurent pour seule application que de causer un brouhaha qui décontenança la bête. « Pour une relique aux pouvoirs sensationnels, parait-il. Enfin, tu sais ce que j’en pense. C’est un vieux qui m’a refilé l’information. J’aurais dû me méfier de sa fiabilité lorsque j’ai constaté qu’il trempait dans son urine. » Une autre protestation provint de la bête. Encore une fois, c’était lui tout craché. À de nombreuses occasions, il lui était arrivé de suivre des indications estompées dans le seul but de soulager sa soif d’aventures, et ce quel que soit ce qu'ils lui relataient. Zane était trop intelligent pour se faire duper, alors parfois, il se contentait de jouer aux idiots pour vivre… comment disait-il déjà ? La "flamme". Rien que pour ça, le démon était irremplaçable pour le canidé, qui aux dépens d’une vie banale, expérimentait une vie trépidante à ses côtés. « Bon, on n’a pas trente-six solutions. Je vais essayer ça. » Se ruant droit devant lui en ligne droite, le loup recourut à son atout de traversée de la matière pour braver les obstacles et ainsi parcourir une trajectoire suffisante pour situer une source de lumière, à l’extérieur comme à l’intérieur des murs. Pendant ce temps-là, le démon continuait à poser ses doigts sur tout ce qu’il était susceptible de déterrer. Il essayait à deviner chacun d’entre eux en épousant leurs formes, en longeant les contours, et parfois même en frappant dessus. Selon lui, un objet qui se brisait d’un simple coup n’avait rien de magique. Une théorie qui devait s’avérer plus que probable en plus de complaire à son désir d’employer un semblant de force.

Pianotant ici et là en perforant la pièce à l’aveuglette, le séducteur manqua de s’écrouler en cognant une protubérance sur le sol. Entre injures que seuls les démons devaient comprendre et des râlements du plus bel effet, l’accrochage l’avait fait se buter contre un objet plutôt grand, à la consistance ferme en plus de ça. Par réflexe, le monstre des enfers porta la main avec vigueur dans cette chose. Mais au lieu de sombrer ou au moins de se fragiliser comme tout matériel de type normal, c’est le contraire qui se produisit. L’effet de son impact fut retourné contre lui, lui causant une douleur musculaire dans l’avant-bras. Cependant, ce n’est pas la seule anormalité qui s'en découlait. Quelques secondes plus tard, un sifflement s’apparentant à une inspiration fit sa manifestation. « Krog ? Je t’ai déjà défendu de faire ce genre de sale… » N’ayant pas le loisir de terminer sa phrase, le gourou des diables se fut violemment projeté vers l’avant. Une drôle de sensation draina l’entièreté de son corps à disparaitre comme s’il entrait dans une distorsion. S’il avait connu le mal du transport, nul doute qu’il aurait expulsé son petit déjeuner en moins de deux. Heureusement, ce qu’on pouvait éventuellement cerner comme étant un moyen de locomotion se fit très plus brièvement que prévu. Brusquement, absente de la plus infime douceur qui puisse exister, l’homme aux cheveux raffinés fut amèrement projeté sur la terre ferme. Si sa résistance physique avait été moindre, il aurait pu souffrir de l’atterrissage en question. Secouant vivement la tête de droite à gauche, il reprit doucement ses esprits avant de raidir son corps pour le mettre à la verticale. Ce qui l’excédait le plus, c’était l’état de ses vêtements qu’il s’empressa de rafraîchir. Et puis, quel était cet endroit ? Comment avait-il été transporté jusque-là ? « Voici de quoi égayer ma journée. » Des questions sans éclaircissements qui étaient bien en deçà de ses priorités. Le démon souriait à plaine de dents, visiblement ravi de cet accident. Une forêt commençait à se tracer devant ses yeux, mais ce n’était pas tout. Un autre individu fut craché dans cette étrange dimension. Il reconnaissait Krog qui s’affala de la même façon que lui, mais il n’était pas le seul…

Il lui fallut bien un certain temps de réaction avant de réaliser qui était la troisième proie de cette aspiration atypique. Son inconscient s’attendait à trouver n’importe qui en ces lieux, qu’il s’agisse d’une ancienne ou d’une nouvelle relation, mais pas un seul instant il s’était attendu à la voir elle. Callidora, ou la grande Callie comme il aimait l’appeler, aussi connu comme étant la femme de ses plus grands désagréments. À chaque fois qu’un phénomène étrange se produisait et qu’il se trouvait dans une galère que lui seul savait décupler avec davantage d'inconvénients, elle était dans les parages. S’ils s’étaient quittés dans une incompréhension totale préparée par ses soins et celui d’un de ses camarades, leurs dernières entrevues s’étaient toutefois mieux passées malgré quelques méconnaissances qui demeuraient. Finalement, la revoir s’avérerait peut-être plus pragmatique que prévu. Peut-être pourraient-ils s’expliquer et repartir du bon pied, qui sait. En tout cas, si une aventure ne le permettait pas, plus rien ne le permettrait et s’en serait irrévocablement terminé de leurs sulfureux duos. En toute connaissance de cause en matière des risques qu’il encourait, Zane restait dévoué à ses principes et à son tempérament, si bien qu’il préserva son attitude ambivalente -ou pas- selon le point de vue. Blindé de son sourire le plus touchant, le démon effaça en un rien de temps la distance qui les séparait les uns des autres. À l'instar d'un remerciement, il procura une légère claque sur le fessier de l’animal. « Krog, si j’avais su que tu étais capable de donner la vie à tous mes désirs, je t’aurais sollicité plus souvent. » Adressa-t-il à l’ensemble comme de l’ironie à peine recelée. En dehors de la complicité qu’ils avaient jadis obtenue à force de cohésion, la brune était sans doute la meilleure alliée avec qui il pourrait s’engager. Avec tous les tandems qu’il avait formés, aucun n’avait été aussi infaillible que celui-ci.

Le loup, qui ne se sentait pas visé par ces retrouvailles, se plaisait à rôder dans l’intention de chercher un moyen de revenir à leur destination précédente. À défaut d’être hospitalier, l’endroit était surtout vide. Vide de magie, vide d’individus, vide de tout. Les éléments étaient peu nombreux, et pourtant… un chemin se dessina vertueusement jusqu’à la forêt lointaine. Si la magie ne se ressentait pas, elle était bien présente. Elle leur indiquait la voie à prendre, ne laissant que peu de bifurcations au groupe. Avant même que le démon ne puisse intervenir, le loup prit la parole. Ses oreilles étaient dressées. Elles trépidaient, comme mises en garde d’un son que les êtres normalement constitués ne pouvaient pas ouïr. « Vous deux, restez en arrière. Je vais y aller en tant qu’éclaireur. Je saurais prévenir le danger bien plus utilement que deux impudents tels que vous. » Dans ces moments-là, mieux valait le laisser faire. Il savait ce qu’il faisait et n’avait pas totalement tort. S’il connaissait le démon et les nombreux problèmes qu’il apportait, il n’avait rencontré la brune qu’une seule fois. S’avançait-il de trop en la rangeant dans le même panier que le pire des insouciants ? Pas si sûr. Alors qu’il souleva une patte en signe de départ, il s’arrêta et se tourna vers elle. « Callidora, c’est ça ? Ce sale type parle souvent de toi. Je ne sais pas si tu dois prendre ça comme un bon ou comme un mauvais signe. » Conséquemment à cette divulgation pour le moins embarrassante, le loup se lança avec une vélocité sans nom en direction des arbres. Une main hissée en l’air, Zane avait tenté de le stopper, les lèvres déjà entrouvertes pour lui rugir quelque chose. À la vue de son visage putréfié, il ne s’agissait sûrement pas d’une amabilité. Lorsque la jeune femme se tourna vers lui, il reprit instantanément possession de son visage serein, faisant abstraction d’une mauvaise plaisanterie de son compagnon. De son coude, il percuta à plusieurs reprises le flanc de la belle en lui faisant parvenir un clin d’œil. « Tu sais comment sont ces bêtes, elles sont pourvues d’un humour si malsain. Je me demande bien d’où ça lui vient. » Et qu’on ne vienne pas le comparer au sien. Son humour à lui était beaucoup plus spirituel et hilarant.

Toutefois, en regardant l’animal disparaitre dans la masse verdâtre, il savait bien que le malin avait fait ça dans l’unique but de les laisser un moment tous les deux. Frottant sa nuque pour se décontracter à base de doux gémissements, Zane recadra son regard sur Calie. « Néanmoins, il a en partie raison. Je suis enthousiasmé de te revoir en pleine forme. C’est moi où tu es devenue encore plus délicieuse que la dernière fois ? » Peut-être tentait-il de noyer le poisson, ou bien il était réellement sincère. Avec lui, rien n’était aussi simple que l’option A ou l’option B, mais depuis le temps, elle le savait. Aussi, ils devaient prendre exemple sur l’éclaireur et s’introduire à leur tour dans la forêt. Au fur et à mesure que les minutes passaient, il sentait l’atmosphère se corrompre d’une drôle de manière. Le démon prit la main de cette dernière et l’amena à suivre la route qui leur avait été profilée. « Tu as sûrement beaucoup de questions à me poser, et j’y répondrais en temps et en heure. Comme tu t’en doutes, nous allons passer un sale quart d’heure. » Se sentait-il bon de préciser au cas où elle penserait qu’il s’ingéniait à éviter le sujet. Par contre, lorsqu’il mentionna l'inconfort auquel ils allaient devoir faire face, c’est une profonde effervescence qui emplissait son visage de joie, et non l’inverse. Ils venaient maintenant de pénétrer dans l’enceinte du royaume des végétaux. Sauf que voilà, à peine fut-il engagé en compagnie de Callidora qu’il fut forcé de lui relâcher la main lorsque la pointe d’une flèche s’enfonça dans ses omoplates. Étouffant un cri de douleur, il leva les yeux vers le ciel pour y constater la présence de Virion. Que fichait-il ici, et pourquoi ce geste ? Les contrariétés commençaient plus tôt que ce qu'il avait anticipé.

Ce qu’il voyait n’avait pas le moindre fichu sens. Comment se faisait-il que Virion, un homme censé le servir jusqu’à la mort se convainque de lui décocher une flèche dans le dos ? Sa présence était tout aussi incongrue, puisqu’il devait normalement se trouver en d’autres lieux. À la première interrogation qu’il se posait sur la vérité de cette situation, Zane ne voyait qu’une seule explication trouver un semblant de tangibilité : des illusions. C’était le plus crédible, mais pas n’importe lesquelles. De son contrôle d’illusionniste hors pair, le démon était bien placé pour savoir qu’elles avaient un summum, comme tout pouvoir, quel qu’il soit. Dès qu’il avait ressenti la première percée dans son dos, il comprit toutefois qu’il s’agissait d’un rêve pouvant rapidement devenir réalité. Des illusions d’un niveau largement inégalable, de celles qui pouvaient tuer aussi psychologiquement que physiquement. À propos de l’attaque qu’il avait reçue à l’instant, il aurait pu s’en sortir seul. Comme il arrivait à le faire la plupart du temps, mais il devait néanmoins confesser qu’il n’était pas mécontent d’avoir Callidora à ses côtés, ne serait-ce que pour lui servir de soutien, ou même pour ôter cette flèche qu’elle dégagea dans l’urgence. N’étant pas dans sa mentalité d'exposer un semblant de faiblesse, il escamota un second rugissement douloureux en serrant fortement sa mâchoire. Il fallait qu’il pense à autre chose, qu’il parvienne à se calmer, à régenter sa colère pour s’en servir à bon escient. Expirant à plusieurs reprises, les paupières fermées, il se concentrait. Doucement, les battements de son cœur ralentissaient. Ils devenaient de plus en plus réguliers et puis… plus rien. Plus un seul battement durant quelques secondes. Lorsqu’il repartit de plus belle, Zane était debout. Le ruissellement de son sang avait cessé, mais le plus surprenant venait sans doute du fait qu’il était étrangement paisible. Ses yeux furetaient partout à la recherche de l’individu. « Merci pour ton aide Callidora. Tu es toujours aussi agile de tes mains. » Nul doute qu’elle serait stupéfaite par son état d’âme si tranché, à mille lieues de ce qu’il avait pu lui présenter auparavant. Qu’elle se rassure, cela ne dura qu’un seul instant. Comme s’il souhaitait entamer son réveil, le démon battit brusquement son poing au centre de sa paume. La magie opéra instantanément : ses lèvres s’étendirent en un délicat sourire, son regard prit l’incandescence d’un meurtrier, et son attitude en général vivait d’une assurance intensive.

Dans son retour en force, il avait parfaitement saisi la détresse de sa partenaire. L’absence de couleur était certes un immense handicap, mais il n’était pas une fatalité. Malgré la résurrection de sa rage, l’homme préservait tout de même la domination intégrale de ses émotions. Spontanément, il se rapprocha de la brune et… lui ébouriffa ses cheveux. « La Callie que je connais ne se laisserait pas déstabiliser par si peu. Dans ton malheur, tu pourrais en tirer un avantage. Réfléchi, j’ai confiance en ce que ta petite tête pourra nous sortir. Si c’est tout ce dont est capable la championne de la coupe des nations, j’ai eu raison de supposer que ce concours était une arnaque. » Il se moquait volontairement d’elle à ce propos. Il avait vu tellement de participants sortir du concours avec trop de confiance, qu’il en était presque étonné de voir une gagnante douter. Mais c’est aussi pour ça qu’il appréciait Callidora, car d’une certaine façon elle était un peu comme lui. Le point fort de la jeune femme n’était pas l’intelligence, c’était la combattivité. Avec tout ce qu’il lui avait fait voir, elle était revenue plus forte que jamais. C’est ce message qu’il espérait lui transmettre. Les tribulations ne faisaient d’ailleurs que commencer. Cela était d’autant plus concret lorsqu’un double de la Rehla se joignit à eux. Une main sous le menton associé à une mimique indécise, le démon réfléchissait. « Choix délicat. Je me demande qui est la plus séduisante de vous deux. Et puis j’hésite à la garder. » Il se massa la tête en laissant un soupir se répandre. Comme toujours, il s’amusait des circonstances. Index et majeur liés, il adressa un signe tout en reconstituant l’action d’un baiser avec ses lèvres. « Ne bouge pas, princesse, et admire. » Tandis que la fausse Callidora s’approchait, Zane eut recours à une longue enjambée. Durant celle-ci, il avait porté son bras droit en arrière, comme s’il s’apprêtait à lancer quelque chose de toutes ses forces. Arrivée à portée honorable, il consacra sa puissance en révélant la présence d’une batte confectionnée entièrement de pierre. La masse percuta sans ménagement le menton du clone, qui s’éleva très haut dans le ciel avant de s’émietter en particules.

Ce qu’il ignorait en revanche, ou plutôt ce qui releva juste après ça, c’est qu’il n’existait pas qu’une seule représentation. Mais plusieurs. Elles s’avançaient toutes vers eux, une dague à la main. Elles adoptaient exactement la même conduite que l’originale. « Je vais finir par les mélanger. Bon sang ! Que fais-tu, Krog ? » La manifestation d’une silhouette se forma dans la pénombre de la forêt. Il ne voyait pas de qui il s’agissait, mais la forme ne convenait pas du tout à celle de Virion. En revanche, il eut peur de reconnaitre ce qu’il détenait dans sa main. Une forme tout aussi impériale se tenait à ses côtés, mais elle semblait inerte. « Ton loup ne t’aidera pas cette fois-ci. Je l’ai neutralisé. » La voix était austère. Il ne connaissait pas cet étrange timbre. D’un geste équivoque, il projeta la forme en l’air. Le démon se propulsa à son tour afin de réceptionner le loup qui à cause de son énorme poids le fit reculer sur quelques mètres. Il posa Krog à terre afin de rapidement l'inspecter. Il portait une profonde contusion sur le ventre. Le sang du démon bouillonnait de l’intérieur, à tel point que sa magie s’extériorisait hors de son organisme. Les mèches de ses cheveux ondoyaient, la terre autour de lui s’effritait lentement. Il commençait à perdre le contrôle jusqu’à ce que… « Callie ! Attention ! » En éployant sa main juste à temps, il avait pu la conserver d’une attaque de cet étrange personnage qui paraissait toujours obscur malgré son intrusion dans la lumière. Autour de la brune, il avait provoqué un dôme d’ombre -contenant une ouverture- qu’il peinait à maintenir à cause de la puissance de l’intrus. Et puis, il restait toujours les clones.

Il était trop tard pour amnistier le coupable. En ce monde, il s’inscrivait deux variétés qu’il ne fallait jamais atteindre ; Krog, ainsi que son honneur. Si l’un d’entre eux essuyait un blasphème, c’est la bête ensommeillée qui prenait possession de lui, suscitant une colère grandissante très difficile à repaître. Il promettait de se venger, de déconfire noblement cet inconnu par égard pour son loup. Pour ça, il avait besoin d'un appui, mais s’en rendrait-il compte avant qu’il ne soit trop tard ? Rien n’était moins sûr. Le temps, qui était jusqu’ici encore agréable, commençait à engendrer une soudaine averse, puis des éclairs s'éveillèrent. En réalité, le climat changeait régulièrement. Symbole d’une perte de contrôle qui lui arrachait toute emprise indispensable à son pouvoir raccordé à la météo. De légers cyclones s'attelèrent eux aussi à se dévoiler. En un sens, cela permettait de nuancer ses émotions. Pour ne pas perdre une seule seconde, le démon improvisa instantanément un bouclier d’ombre incorporé à de la roche pour mettre le loup en sécurité.

Il créa ensuite une plateforme de pierre qui le propulsa en avant, remportant ainsi un certain gain de temps. Il appela en renfort ses ailes et se déposa juste à côté de son amie. « J’espère que tu n’es pas rouillée, car tu vas devoir suivre la cadence. Je te défends d’hésiter une seule seconde, alors donne tout ce que tu as. » Il ne lui laissait pas la permission de renoncer. Elle devait se battre selon ses propres normes, et avec autant d'aplomb. C’était du moins leurs seules chances d’échapper au phénomène paranormal de cette sylve. Il n’avait plus envie de folâtrer. Pas maintenant. Pas tant qu’il ne serait pas certain de protéger le duo. Pour une raison qui lui échappait, il se sentait responsable. Quitte à se sacrifier pour leur laisser le temps de se retirer, il était déjà préparé pour cette éventualité. « Occupe-toi des illusions. Pour te paraphraser, elles sont inférieures à toi. Et puis je risquerais d’en peloter une ou deux par inadvertance. » S’il plaisantait cette fois-ci, ce n’était pas pour attester d’une quelconque conviction. Il le dissimulait par un rictus, mais c’était surtout pour la réconforter. Sans même lui porter un regard, il dressa son bras dans la direction de la jeune femme, le poing fermé. Il attendait un échange, comme un encouragement mutuel.

Équivalent un déclic à sa frénésie désespérée, il partit directement après avoir éprouvé le toucher. Se fondant dans les ombres pour précipiter son déplacement, il fit obstacle de son corps afin d'interférer avec la créature diabolique. Maintenant qu’il était à proximité, il souffrait parfaitement de l’aura maléfique qui s’en répandait, peut-être quatre, même cinq fois plus que lui. Il paraissait presque navrant à ses côtés, si bien qu’il étouffait sans difficulté son essence. Zane lui porta un premier coup, mais il enraya net sa main. Il poursuivit avec un coup de genou, mais il le désamorça encore. Il plongea alors abruptement sa tête pour le frapper de plein fouet avec son front, réussissant l’exploit de lui faire lâcher prise. Recouvrant l’accès à ses membres, le démon fit s’insinuer une arme de jet au creux de sa main avant de la projeter sur l’ennemi, mais c’était sans compter sur sa réactivité curieusement élevée. Il dévia le couteau du tranchant de sa main avant de provoquer un champ de force qui rabroua le guerrier. Invoquant son katana, il ancra l’arme blanche dans le sol pour brider entièrement le dérapage. À l’instant où il leva la tête, un énorme crochet bombarda son visage en arrière, mais avant même qu’il ne puisse déboucher au sol, le mystérieux inconnu le piétina de son énorme pied, forçant le démon à cracher une importante quantité de sang. Il maitrisait complètement le duel. « Tu es si faible, gamin. Tu n’es pas digne de… » Il ne comprit pas la fin de son énoncé. Le mot lui avait semblé se décomposer en un dialecte étrange, comme s’il était inculte de cette langue. Comme si cela ne suffisait pas, Zane fut empoigné par la gorge, après quoi il fut projeté aux pieds de la brune. Sa vue se troublait et… « Qu’est-ce que… Je ne sais pas ce qu’il m’a fait, mais si tu te plaignais de l’absence de couleur… tout est inversé dans ma vision. » En effet, ce qui se trouvait habituellement en haut se trouvait en bas, ce qui se trouvait à gauche à droite. Même ses propres animations étaient désorientées. S’il avançait le pied droit, c’est en réalité le gauche qu’il bougeait. Tout cela n'augurait rien de bon. « Je gère Callie, t’en fais pas… Je suis à deux doigts de le vaincre. » Même dans le tourment, il était bon acteur. Il était parvenu à camoufler une épaisse blessure du côté de son bas ventre, et s’il s’efforçait de rester debout pour ne pas l’alerter, le sang qui s’écoulait et la sueur qui jaillissait de ses pores n’étaient pas pour rassurer.

Vacillant à la façon d’un vieillard à qui l'on avait confisqué sa canne, le démon fit tout ce qu'il pouvait pour renouveler le profil de son allure afin de voiler sa détresse. Pour la première fois de sa vie, il sentait son corps le lâcher alors qu’il avait péniblement échangé quelques coups. C’est tout ce dont il était capable ? Tout cet entrainement acharné pour… ça ? En dépit de son martyre, il avait toutefois appréhendé quelque chose. Alors qu’il venait tout juste de se rendre auprès de Callidora, il s’appropria sa main afin de la mettre à plat. Il y déposa une clé dont l’extrémité incarnait un loup forgé dans l’acier. « Tu vas devoir me faire une promesse, ma belle. Si jamais il devait m’arriver quelque chose durant ce combat, je veux que tu emportes Krog avec toi. Quoiqu’il t'en coûte, je veux que tu le mènes en sécurité. Cherche le vrai Virion en enfer. Il vous guidera. Ce type ne fait pas partie des illusions de ce monde. Il est réel » il referma les doigts de la Rehla sur ce précieux instrument qui conduisait dans une forteresse que seuls lui et son conseiller étaient en mesure de localiser. Il savait que cet affrontement était d’ores et déjà voué à le condamner, mais il pouvait au moins donner le meilleur de lui-même. C’était la moindre des choses. Conciliant un sourire et une nasarde sur le front de sa camarade, Zane se précipita de plus belle pour le second round. Il était grand temps d'exploiter toute sa magie et son savoir en chœur.

Si mener la guerre avec une acuité visuelle défectueuse en étant statique était un jeu d'enfants, c’était une autre paire de manches en pleine bataille. L’une des perceptions les plus appréciables contraignait le personnage à se focaliser autrement sur les habitudes à adopter. En théorie, inverser ce qui se passait dans sa tête pouvait sembler très simple, mais en pratique, tout cela était loin d’être évident. Actuellement, il avait surement l’air de ressembler à un poisson se mouvant maladroitement hors de l’eau. Il ne savait pas exactement si ses horions portaient, ou bien même si l’homme en couvert d’ombres subissait des dommages sévères. Il ignorait un tas de facteurs, mais la lancination qui le foudroyait chaque seconde était bien courante en tout cas. Il avait préalablement configuré une plaque d’ombre sur son avant-bras, se servant également de cette matière pour harceler sans interruption l’adversaire en travaillant leurs perspectives. Aussi, à certaines occasions, il profitait d'endurer un coup pour ériger des pitons de roches sur le sol, ceci afin de déstructurer son équilibre. Erreur de calcul, il s’était trompé de point et récolta un coude dans l’estomac en retour, relâchant une nouvelle fois le liquide rougeâtre par voie orale. Si le démon persistait aussi bien malgré les nombreuses plaies qui s’implantaient sur ses muscles vulnérabilisés, c’est, car la fureur était encore en pleine possession de ses faits et gestes. Il ne se préoccupait pas de Callidora, espérant juste qu’elle ait suivi son conseil comme convenu. Avant d’être optimiste, Zane était avant tout pragmatique. Admettre que quelqu’un était plus fort que lui n’avait jamais traversé son esprit. Seulement, il ne pouvait pas non plus se targuer d'avoir une chance. La jeune femme lui serait certes d’un grand secours, mais elle s’exposerait trop au danger en intervenant. Qu’importe de quelle façon, il se promettait de ne pas naufrager tant que son heure ne serait pas venue.

Entre gardes et autres heurts triés dans divers arts martiaux, il ne s’en sortait pas trop mal puisqu’il s’imagina à plusieurs reprises accabler l’invincible antagoniste. Oui, mais voilà. Même quand il réussissait à l’atteindre, il ne soulevait que de faibles ravages. En plus de posséder une puissance hors norme, le forcené était muni d’une robustesse inhumaine habile à survivre à sa force pourtant vertigineuse. Le concurrent visiblement doté d’une grande cape bordant son corps décida de s’en détacher. L'invraisemblance voulait d’ailleurs qu’à l’instant où elle toucha le sol, l’ombre se dissipât pour permettre à la couleur et la texture d'apparaitre. Il s’agissait d’un grand drap de satin grisâtre. Cet ornement qui semblait superflu ne fit hélas qu’accroitre les aptitudes de son porteur. Sans savoir par quelle formule exacte, le démon fut attiré vers l’avant, comme si un aimant gisait dans sa poitrine et que ce dernier était aimanté par un autre. Cela ne dura qu’un seul instant avant que la paume de l’individu ne lui fracasse le thorax. Débarrassé de son souffle pendant ce qui paraissait lui être une éternité, une consécution de salves vint pleuvoir virulemment sur sa pauvre enveloppe charnelle. À chaque impact accueilli, il sentait ses os lutter tant bien que mal. Leur rigidité ne suffisait pas toujours. Lorsqu’une ultime intervention martela son crâne, il sentit brièvement sa vue recouvrer son état d’origine. En échange, c’est un largage des plus pénibles qui l’attendit. C’était prévisible, mais les os de son bras droit, peut-être aussi ses côtes étaient brisées. Les muscles ne répondaient pas plus à son appel, bien trop endommagés pour aboutir aux directives qu’il émettait. Ses lombes étaient également en compote. Avec une obstination surpassant ses espérances, il parvint tout de même à se redresser aux dépens d’un effort considérable.

S’il soupçonnait la fin arrivée, c’était sans compter sur l’intervention de Callidora qu’il fut interloqué de revoir. Il aurait dû s’en méfier. Croire qu’elle suivrait ses suggestions divulguait bien l’incommensurable délicatesse qu’il avait pour méditer. Il ne ruminait plus comme il faut, car nul doute qu’elle serait revenue rien que pour y laisser sa peau. Ce qu’elle essaya de faire par la suite le perturba d’autant plus. Il ne comprenait pas véritablement ses fantaisies et ce qu’elle fabriquait avec cette arme sur son épaule. Néanmoins, quand elle lui recommanda de ne pas bouger, il comprit d’emblée qu’il pouvait lui faire confiance. Jamais elle ne l’avait trompé tout au cours de leurs aventures, et puis la jeune femme était bien plus pensante que la moyenne pour mettre au point une combine. Il approuva d’un signe de tête, s’abandonnant entièrement à l’idée qui avait pu éclore en elle. Il fut simple témoin aux incidents qui suivirent. Une femme qui évoquait trait pour trait Callidora si ce n’est quelques singularités s’en prenait à la créature noirâtre. Assurément tout aussi abusé, l’homme mystérieux rétrograda de plusieurs cabrioles tout en entravant chaque technique que la nouvelle femme lui procura. « Tu es folle, ché… tsss, j’ai torturé mon corps. Je n’ai plus l’énergie nécessaire pour prendre la fuite, et il va revenir d’une minute à l… » Un bruit assourdissant l'agita. Ses pupilles contournèrent la silhouette de la brune, car il savait. Il savait qu’il s’en était débarrassé. Sa réaction étant trop ulcérée, un bras plongé dans les ténèbres traversa la poitrine de son alliée. Cependant, les ondulations en vigueur autour de son membre laissaient penser qu’il n’avait fait que traverser la matière sans véritablement la meurtrir directement. Il avait volontairement conjuré de s’en prendre à elle. Depuis le début, il était la seule victime de l’antagoniste. Par crainte de comprendre ce qu’il avait cherché à convoiter, Zane baissa lentement le visage pour y déceler sa main sublimement tendue vers l’avant. Les ongles allongés à son extrémité venaient de s'introduire dans sa peau. « Du poison… » N’importe quel idiot l'aurait deviné. La différence, c’est que le démon le proférait avec une totale indifférence. Sa cible sèchement frappée, il dégagea son bras, annonçant effectivement qu’il n’avait pas accablé la Rehla.

Alors qu’un virus noir se développa au centre du buste du beau diable, l’étranger prit la parole en éclatant de rire. Au centre de sa paume s'éveilla une fiole au contenu luminescent. « Voici l’unique antidote à ton mal, héritier des Azmog. Je vais le laisser soigneusement reposer au bout de cette forêt. Vous avez compris les deux seules options qu’il vous reste. Soit Callidora part seul et survit face aux restants des illusions, soit elle décide de t’embarquer avec elle, mais dans ce cas je ne donne pas cher de ta peau, jeune femme. Le poison te tuera précisément dans deux heures. Il faut une heure pour sortir d’ici en se pressant un peu… et sans obstacle. Au revoir, mes enfants. » Un monologue qu’il avait eu du mal à saisir de bout en bout à cause de son profond malaise. L’essentiel était toutefois acquis. Nul doute qu’il avait entièrement raison sur le fond comme sur la forme. L’homme avait méticuleusement calculé son coup pour que le but soit irréalisable à deux. Après son départ dans un gaz, Zane s’écroula par privation de force. Il avait tout donné et avait besoin d’énormément de repos. Le problème, c’est que le temps lui manquait. Le démon recycla son fameux sourire. « L’avantage, c’est que je vais pouvoir répondre à tes questions sans pouvoir me défiler. Je ne sais pas pourquoi, j’ai envie d’être généreux en restant un peu ici. » La protubérance s’élargissait de minute en minute et sa respiration devenait de plus en plus lourde et saccadée, mais pour l'inconscient qu’il était, c’était bien marginal. Un glapissement l’alerta de la présence de son compagnon. Les yeux courbaturés, il jeta un coup d’œil en direction de la provenance. À en juger par son agilité, il était en pleine forme. Le quadrupède s’approcha rapidement du duo. Il s’adressa à la brune, sachant que le démon n’était plus en état de lui prêter l'oreille. « L’homme m’a libéré et m’a soigné. J’avais un doute, mais maintenant je comprends… » Il éleva la truffe vers Callidora et caressa sa main de sa langue baveuse. Dans le langage animalier, il la remerciait chaleureusement. Pendant ce temps, Zane peinait à rester éveillé. « Je vais t’aider. Quel est le plan ? » Pour sauver la vie de son ami et de son maitre, Krog se vouait à servir et à épauler la jeune femme

La tendance de se laisser aller était on ne peut plus intense. Depuis sa naissance en tant que démon, à aucun moment le malin n’avait éprouvé ce besoin urgent d’être au repos. Si la fainéantise était un attribut qu’on accordait aisément aux publics de son peuple, Zane n’était pour autant que très peu connecté à cette caractéristique, ayant toujours préféré l’action à la sédentarité. Le fait est que si son esprit aussi infaillible soit il souhaitait continuer à se battre aux côtés de ses camarades, son corps lui refusait d’être plus amplement brutalisé qu’il ne l’avait été. Cette leçon attestait que tout n’était pas noir, car même dans la défaite il avait assimilé ce que le triomphe n’aurait pas pu lui proposer. Dans toute sa carrière de combattant, ce duel avait été de bout en bout à sens unique. Les secrets autour de cet homme étaient disparates et irrésolus… du moins pour le moment. Il ne pouvait pas encore en discuter aux siens en exprimant ce qu’il avait sur le cœur, mais il se sentait une drôle de proximité avec ce dernier. Pour autant, il avait été médiocre de receler sa véritable essence. Un être entièrement maléfique, oui, mais de quelle race ? Ordinairement, il parvenait sans mal à l'élucider, mais pas aujourd’hui. Par des enchantements de substance indéterminée, il avait réussi l’exploit de déguiser son identité en continuant de l’affronter d’une organisation tout à fait exemplaire. En terme de puissance magique, il se situait probablement au-dessus des rois et des empereurs. Ce dont il était persuadé, c’est que l’impératrice qu’il avait en guise de leader était un objectif insignifiant comparé à son assaillant du jour. Isolé dans un monde de songes, ses paupières étaient cette fois-ci entièrement fermées. Il n’était plus conscient de ce qui se tramait à l’extérieur. Sa dernière image était celle de Callidora qui lui intimait de ne pas s’inquiéter. Elle n’avait fait aucune promesse, mais s’il y a bien une personne qui était en mesure de réussir, c’était elle et personne d’autre. Sa persévérance était sans mesure. Et puis elle pouvait aussi compter sur le renfort de Krog qui improviserait en un tandem tout aussi enthousiasmant. En l’état des choses, il pouvait uniquement les accompagner par la pensée, ce qui venant d’un actif tel que lui, constituait une sévère punition. Au moins, la brûlure dans sa poitrine commençait à s’estomper. Savoir si ce sentiment était plus positif que nuisible était une question de point de vue qu’il aimait à ignorer.

De l’autre côté du miroir, dans la tangibilité de ce qui se passait à l’extérieur de ses onirismes, c’est sous les empreintes de Krog que sa volonté était transmise. Le loup devait reprendre la relève le temps que son frère d'armes reprenne ce qu’il faut de sa santé pour rétablir la route. Pour ça, il devait reposer ses attentes sur la seule personne qualifiée de remettre de l’ordre dans cet épisode déjà joliment chargé en émotions. Pour l’animal qu’il était, la notion de race n’avait aucune réelle signification éthique pour lui. Il n’avait cure de la plupart des choses à propos de la brune, ne l’ayant jamais vraiment fréquenté malgré les innombrables traversées qu’elle avait engagées avec le démon. Pour lui, Callidora était juste une femme complaisante qui aimait rendre service aux autres et venir en aide à tous ceux qui en avaient besoin, mais peut-être était-elle plus que ça vue tout ce que pouvait lui relater son ami ? En la voyant procéder avec autant d'ardeur et de ferveur, il savait qu’elle ne se battait pas seulement pour lui, mais aussi pour elle. Aucun humanoïde n’avait autant pris soin de Zane que celle qui actuellement, se démenait pour contribuer une protection confortable au mercenaire du mal. Face à autant de délicatesse et de compassions, Krog se devait de demeurer insonore afin de ne pas troubler son travail. Ce n’est qu’une fois celui-ci effectué et après lui avoir donné le top départ qu’il lui confia toute sa vélocité pour se retirer à ses côtés. Durant sa course effrénée, la curiosité l’emporta. « Si tu me le permets, j’aimerais te poser une question. Pourquoi mettre autant d'efforts à sauver un démon ? La société animale est différente de la vôtre, mais je suis au courant qu’ils sont les ennemis de tout le monde. » C’était plus complexe que ça, mais en théorie il avait raison. Si les êtres maléfiques s’enclenchaient continuellement dans des guerres avec les êtres bénéfiques à base d’alliances et autres stratagèmes militaires, tout le monde s’accordait à dire que les démons incarnaient le mal absolu mieux que quiconque. Si Zane était un être foncièrement unique de son peuple, il n’en demeurait pas moins une menace. Ne serait-ce que par ses caractéristiques. Dans la controverse de ce qui poussait une femme à agir comme elle le faisait, il devait savoir.

Non seulement elle avait les notions et les habiletés fondamentales pour embrasser les mécaniques d’une forêt -avantage qu’il pensait être le seul à avoir-, mais en plus elle s’inquiétait de la survie d’un vulgaire carnivore qu’elle connaissait à peine, lui préconisant de faire attention à lui. Derrière cette incitation judicieuse qu’il suivrait à la lettre, les babines du mammifère s'allongèrent délicatement en arrière, ce qui avec un peu d’imagination n’était pas sans rappeler un sourire. De ce côté-là, il s'apparentait bizarrement à quelqu’un. « T’en fais pas pour moi. Outre le fait d’être un occupant d’une des forêts les plus funestes, j’ai constamment vécu en la présence d’un fichu névrosé. Fais attention à toi également. Tu es tout aussi importante pour son équilibre. » Lâchait-il comme une évidence qu’elle devait forcément savoir. En tant que compagnon de voyage le plus fidèle, il faisait certes partie de la balance qui maintenait le démon dans une relative stabilité. Jusqu’à tout récemment, elle en faisait également partie. Pour en revenir à l’action, le loup s’immisçait entre les formations végétales avec une agilité que seule une bête était en droit d’obtenir. Il prenait à revers chaque obstacle sans pour autant ralentir le rythme de ses pattes qui étaient uniquement régies par la précarité. Aucune tergiversation n’était maitresse de ses instincts, jusqu’à ce qu’il se fasse barrage à Callidora pour la contraindre de lever le pied. « Pas par ici. » Sa truffe remuait imperceptiblement, signe qu’il faisait parler son sens de l’odorat très développé. « Je sens une émanation malsaine. Grimpe sur mon dos, ou sinon nous perdrons un temps considérable. » Elle pouvait se sentir honorée. Jusqu’alors, Zane avait été la seule personne autorisée à le faire sans endurer les tragédies qui en dérivaient dans la majorité des cas. Était-ce la hâte de la situation ou bien la croyance qu’il portait en elle ? Probablement les deux.

Il s’arma de patience en attendant qu’elle soit bien installée avant de l'éclairer d'une suggestion, non sans une pointe d’ironie. « Accroche-toi bien. » La galopade se fit dans l’instant où elle s'empara d'une prise convenablement adaptée pour ne pas la faire basculer à la moindre secousse. La vitesse qu’il avait lors de cette course était d’autant plus saisissante que lorsqu’il se contentait de la suivre. Pour éviter au mieux les ennuis, Krog se fiait à ce qui faisait de l’animal la plus grande force de la nature. Il était chez lui, et ça se voyait. Malgré sa taille massive qui pouvait paraitre handicapante, il mit en œuvre une opération surprenante pour grimper aux arbres et se promener de branche en branche. Il n’avait aucune idée de comment la jeune femme le gérait, mais nul doute qu’elle s’adapterait en conséquence. En évitant les dangers au sein d’un silence toujours aussi complice, il modifia localement sa trajectoire lorsque cela était nécessaire. Parfois, il passait même au travers du sol grâce à son pouvoir, juste assez pour échapper agilement aux illusions supplantant une certaine hauteur. Malgré la succession de toutes ses facultés, il s’avérait qu’une accumulation conséquente d’illusions l’empêchait de reproduire sans cesse la même prouesse. Au bout d’un certain moment, il fut mis dans l’obligation de s’arrêter. « Nous ne sommes plus très loin de la fin. Je vais les combattre. » Ses dents de prédateur étaient révélées au grand jour. Conjugué au son d’un grognement régulier, le loup ne reculerait pas devant cette résolution. La fiole ne serait pas en garantie à l’intérieur de sa mâchoire. Elle seule devait endosser ce rôle. « Je t’attendrais ici, exactement au même endroit. Tu sais quoi faire. » Pour lui aménager l’espace nécessaire à sa fuite, il s’éloigna de Callidora en s’engouffrant légèrement dans les bois. C’est lors d’un hurlement prolongé emblématique de son espèce qu’il lui apporta la convenance de s'engager. Attirées par lui, la majorité des silhouettes contrefaites allèrent dans ce sens. Il devrait les combattre durant quelques instants, le temps qu’elle revienne à lui.

Sa réponse était évasive, mais elle se rapprochait un peu de l’idée qu’il se faisait lui-même de son maitre. Aux yeux du carnassier, le démon n’était pas qu’un démon à part, il était une individualité à part. Il suffisait qu’il croise son regard pour comprendre qu’il ne plaisantait pas sur la voie de sa providence. Sans doute pouvait-il apporter au monde plus d’équilibre que de tragédies, à condition d’être bien accompagné. Il se devait de le sauver, car à ce jour il ne voyait plus sa vie sans l’admirable "monstre" qui avait sauvegardé sa vie par le passé. C’est en repensant à ses meilleurs souvenirs en sa compagnie, à leurs plus gros délires et à leurs meilleurs coups ensemble qu’il parvenait ainsi à vaincre la menace sans même songer à renoncer. Il n’était peut-être qu’un loup avec les aléas que cela impliquait, mais qu'importe. Il devait tout donner pour se battre. De plongeon en plongeon, il défila de puissants coups de patte alourdis de griffes acérées pour venir à bout de ses poursuivants, tandis qu’il usait de sa robuste mâchoire phénoménale pour arriver à bout des plus coriaces. En dépit de son agilité qui décroissait à mesure que le temps passait, il sema toutefois quelques-uns de ses assaillants en passant au travers de la boiserie et des autres entraves. Les blessures commençaient à se multiplier, jusqu’à ce que ses oreilles tressaillent au moment où il entendit les pas de la jeune femme fouler la terre. Elle revenait. Il se devait donc d’être prêt pour le départ. Jalonnant entre les troncs d’arbres, il s’infiltra dans la végétation et s’exonda tout de suite à ses pieds afin qu’elle puisse reprendre le contrôle de sa respiration. Il voyait bien que Callidora était à bout de souffle. Contrairement à lui, elle restait une humaine, imbriquée dans une enveloppe qui lui interférait de dépasser ses limites. Sa maladresse fut de croire qu’elle disposait de la même endurance que le diable, mais voir les choses en face tendait à dire que c’était loin d’être le cas. « Repose-toi. Je m’occupe du reste. » Ce n’était pas tant son état physique qui inquiétait le loup, mais davantage son état psychologique. Il n’en connaissait pas la cause directe, mais elle craquait de l’intérieur. Il était grand temps que le démon fasse son retour, ne serait-ce que pour remettre de l’ordre dans l’équipe. L’attachement qu’il portait à son égard se révélant en tout cas d’autant plus flagrant dans cette situation.

Immergé d’un sentiment de courage imminent, la monture donna tout dans cette ultime course qu’il savait primordiale. Combien de temps leur restait-il en tout ? En fait, mieux valait éviter de penser à ça. De toute façon, la notion de temps n’existait pas dans le règne animal, ou du moins elle était bien différente de la leur. Courir, courir, courir. C’est tout ce à quoi son corps devait réagir. Il le fit d’ailleurs tellement bien que le retour lui sembla bien plus rapide que prévu. Ils arrivèrent rapidement au pied de Zane dont la protection venait d’être annulée par les soins de la jeune femme. Elle se précipita alors pour lui procurer le remède. Elle versa tout le contenu dans sa bouche et s’effondra ensuite sur le sol, en pleurs. Krog ne savait pas quoi faire, si ce n’est attendre le résultat en déviant lui aussi le regard. Il se pouvait que cet homme ait fabulé du début à la fin et qu’il n’existât pas la moindre existence d’un antidote. Il se pouvait aussi que le flacon ait d’autres propriétés pires encore que celle de la mort. Mais en l’occurrence, ils n’avaient pas eu d’autres bifurcations que de le croire sur parole et de foncer tête baissée. L’œil toutefois à semi-ouvert, il aperçut la présence d’une silhouette au-dessus du corps de Callidora. Ils avaient oublié qu’ils étaient en milieu hostile et que la forêt était continuellement envahie d’illusions diaboliques. « Attention ! » Mais c’était trop tard. Il était trop loin pour empêcher l’agression et elle était trop exténuée pour échapper au crime. Mais c’est soudain dans l'obscurité totale que la silhouette s’interrompit. Son corps forma des vaguelettes, et comme s’il était appelé à rentrer chez lui, son corps entier décolla vers l’avant. En levant les yeux, il crut rêver en apercevant Zane, complètement rétabli de toute incision. Son expression était grave, mais il reconnut immédiatement un rictus pointé de profil. Il balançait également son bras par plusieurs rotations, sûrement afin de retrouver sa pleine mobilité. « Aaaah, je suis déçu ! Vous m’enterrez beaucoup trop vite. Comme si un simple poison pouvait se débarrasser d’un autre poison sur pattes. C’est affligeant. » Il ria à gorge déployée, et de bon cœur. C’était tout lui. Il avait rapidement su retrouver son humeur en plus de sa puissance écrasante. Cette épreuve, pourtant terrible, l’avait fait renaitre en un homme plus effrayant encore. Sa défaite faisait d’ores et déjà partie du passé. En se frottant la nuque à la manière d’un sauvage, il remarqua une fois de plus la présence d’illusions qui s’apprêtaient une nouvelle fois à tuer la belle brune. Bruissant de consternation, il empoigna leurs visages respectifs et les brisa sans sommation. « On ne touche pas à un cheveu de ma Callie, illusions de seconde zone. » Ils étaient visiblement affriolés par sa soudaine fragilité, d’où leur attirance qui n’avait au final, rien de sexuel. Du moins selon son hypothèse.

Zane devait à présent reprendre les choses en main. Ses deux alliés en avaient suffisamment fait pour sa personne. C’était à son tour de les dédommager pour avoir fait autant pour lui. Ils parleraient dès qu’ils seraient sûrs et certains d’être à l'écart de tout danger, mais pas avant. Il s’intéressa rapidement à Krog, qui se trouvait dans un meilleur état. « Je te remercie pour tout mon ami. » Lui confia-t-il d’une chaleureuse fluctuation de tête. Le loup répondit en exposant ses crocs, sans que sa mâchoire soit en mouvement. « Même les abrutis ont le droit d’être sauvés. » « Tu fais mal à mon petit cœur, mais nous parlerons de ça plus tard. » En effet, ils n’étaient toujours pas sortis de l’auberge malgré la réussite de leurs missions. Sa partenaire avait surestimé ses capacités, un peu à l’image de ce qu’il avait fait. Il s’empressa de retourner auprès d’elle. Il glissa sa paume sur sa main pour l’aider à se relever. « L’insouciance ne mène jamais à rien, tu sais. Tu aurais dû prendre exemple sur moi et être plus prudente. Regarde-moi, pas une seule égratignure. » Il savait que l’humour fonctionnait n’importe quand et qu’elle était d’autant plus profitable dans les moments dramatiques. Il posa alors son autre main contre la joue de Callidora, manipulant légèrement son visage pour que son regard traverse le sien. « Écoute-moi bien. Je te défends de lâcher ma main, à aucun moment. Vois ça comme une chaîne de sécurité. Si elle se brise, je ne pourrais pas te protéger comme je l’entends. Krog va assurer nos arrières. Il est temps de sortir de cette satanée forêt ! » Sans perdre un instant de plus, il prit les devants et avança droit dans la sylve en s’assurant de ne pas lâcher prise sur sa précieuse marchandise. S’il s’avérait qu’elle manquait de force pour marcher, alors il se chargerait de la porter jusqu’au bout. En attendant, il se défaisait de chaque ennemi qui barrait son passage. Le loup avait pour rôle de les achever dès lors qu’ils frôlaient la terre.  

L'action du produit avait dépassé ses espérances, et sûrement la leur. La discordance entre les minutes précédant sa consommation et l’instant présent était étonnamment opposée. C’était comme si le temps qu’il avait gaspillé durant son sommeil avait été assuré pour se transporter dans son être au moment de son réveil. C'était une interprétation comme une autre qui se valait, mais peut-être qu’un autre secret un peu plus malsain se cachait derrière ce miracle. Il n’avait pas eu connaissance des trois fioles, si bien que pour lui l’antidote était inéluctablement celui qu’on leur avait certifié, sans qu’un quelconque piège ait pu y être glissé. En attendant, il se sentait en pleine forme, de telle sorte qu’il aurait pu courir un marathon rien que pour l'allégresse. Son improductivité avait subsisté une éternité pour l’homme qui n’était pas familier à se trouver en place et lieu de la princesse en détresse. Cette fonction n’était définitivement pas faite pour lui, du seul fait que sa force et son intelligence demandaient qu’à être marquer dans un corps libre. C’est pour cette raison que sa renaissance avait été si retentissante et mordante d’entrée de jeu. Il se devait de prendre la relève, non pas par impératif, mais car il était redevable et devait rendre la pareille à celle qui avait tant saigné pour lui permettre de se perpétuer. « Tu dis ça, car tu ne sais pas ce qui se tramait dans mes hallucinations. Fait étrange : je me retrouve toujours dénudé dans ces moments-là. » Lançait-il en engageant sa dextre sous son menton, comme si une méditation assidue se devait d'élucider cette ambiguïté, soulignant une rareté inexistante de le visualiser fréquemment dans un accoutrement réduit au sein du monde réel. Son exhibitionnisme valait qu’on s’y attarde. Mais prochainement. Mener la troupe à évacuer cette zone forestière truffée de prestiges se devait d’être précipité. Il n’était probablement pas le seul, mais il commençait à haïr la flore et les mirages. Heureusement qu’il était suffisamment de bonne humeur pour écarter un carnage qui lui aurait permis de déboiser la formation végétale dans son ensemble.

La constitution de la brune laissait clairement à désirer. Il est vrai que des vitamines lui auraient fait le plus grand bien en prévision de lui fournir ce regain qu’il manquait. « Je te rassure, elle avait un arrière-gout d’urine… Mais maintenant que j’y pense, ceci pourrait t’aider un peu. » Zane palpa à la hauteur de son torse, non pas pour se caresser, mais pour tomber sur quelque chose de plus consistant. Lorsqu’il trouva l’objet tant convoité, il l’arrangea autour du cou de la brune. Il s’agissait en fait d’un minéral verdâtre qui s'illuminait à intervalles réguliers dès l’instant où elle se situa auprès de son cœur. S’il était avare en éclaircissements, c’est parce qu’elle se rendrait bien vite compte de l’effet qu’il lui procurerait. À défaut de lui reconstituer la magie qu’elle avait égarée, elle permettait au démon de distribuer la sienne avec elle. Cela mettrait un peu de temps à faire effet, mais c’était mieux que rien. L’objet était provisoire. Il se briserait de lui-même une fois le délai atteint, mais il supposait que ce serait largement honnête pour le restant du trajet. Ce bonus versé servait principalement dans des cas similaires. Étrangement, les ennemis se faisaient plus récurrents, mais en contrepartie ils étaient amorphes. Cet heureux hasard permettait même au loup d’en pulvériser quelques-uns par une simple contrainte de la mâchoire. Il fermait convenablement la marche en décimant les poursuivants, tandis que Zane se servait du sabre pour accabler les indésirables à distance. Considérant ce procédé comme une vulgaire routine, la brune redoutait visiblement de recroiser l’individu. Il répliqua avec un franc sourire en se moquant d’elle. « Même s’il revenait, c’est ma magnificence royale qui l’a mis en appétit, et non ton élégance raffinée. Désolé, belle gosse, mais ton sex appeal n’a pas suffi pour une fois. Tente ta chance auprès des réprouvés ou des vampires. J’ai entendu des histoires horripilantes à leurs sujets. Tu savais que l’un d’entre eux voulait séquestrer une femme dans une tour meublée de sirènes et ensuite se marier avec ? Des psychotiques, je te dis. » Après tout, il avait sciemment consenti à la garder en vie alors qu’il aurait pu les réduire à néant quand il le souhaitait. Il savait que Callidora avait un doute. En outre, ce n’était pas le moment de les corroborer. Quant à son histoire contée sur les légendes de deux individus suspicieux, c’était plus un moyen de passer à autre chose. Bon, le pourcentage de l'épouvanter était préoccupant, mais il ne s’agissait là que de récits pour enfants. Du moins, il l’espérait.

Alors que ça devait être la vingtième créature qu’il démantelait sous les yeux blondis de la brune, Zane enregistrait une dominance minorée de ces monstres. Ils se faisaient plus précieux et avaient maintenant pratiquement disparu de la circulation. En théorie, cela signifiait qu’ils étaient près du but. Mais avant d’en arriver là, Callidora fut éprise d’une nouvelle réclamation. Cela faisait longtemps qu’il s’y attendait. Pour autant, il n’y était pas préparé. Cependant, elle avait raison. Autant que cette histoire devienne accessible pour elle. Elle était suffisamment restée dans le flou, ce qui devait parfois ressembler à de la torture. Zane s’arrêta ainsi pour lui répondre. Ils ne risquaient plus rien, sans compter que le gardien titulaire de la forêt veillait sur eux. Il ficha ses yeux dans les siens et adopta une élocution plus sage tout en relâchant un peu de pression sur sa main. « Deux raisons m’ont poussé à faire cette mise en scène. Premièrement, pour écarter ce qui vient de se passer aujourd’hui. Le fait est que j’attire de plus en plus de complications. Que se serait-il passé s’il avait décidé de s’en prendre à toi ? » Il prit une pause dans son compte rendu afin qu’elle puisse songer au second scénario qui aurait pu se produire. Il baissa ensuite les yeux en direction du sol, singeant une grimace. « Et puis il y a moi. Il se trouve que plus je gagne en puissance, plus il m’arrive de perdre le contrôle, comme cette fois-là où j’ai failli tuer cette femme. » Il parlait de cette journée, quand ils avaient été malgré eux réunis pour le marché de Noël et qu’il avait subitement cédé à un début de folie en perdant une partie de sa raison. Maintenant, elle savait ce qui lui était passé par la tête. Ce n’était pas contre elle qu’il avait agie, mais pour elle. Encerclé par le danger, il en devenait peu à peu un. Mais il s’était également rendu compte d’autre chose durant ces mauvaises passes. Il se mit à rire et l’embrassa sur le coin des lèvres, juste brièvement. « Il se trouve que tu m’as sauvé à deux reprises. Aujourd’hui comme tu viens de le faire, et cette fois-là quand tu m'as apaisé. » Assurément, il savait que tant de déclarations auraient comme répercussions de la désarçonner, et c’était bien normal. Ce qu’elle devait retenir, c’est qu’elle était plus douée que ce qu’il croyait et qu’elle était plus à même de le renforcer que l’inverse.

Maintenant qu’elle disposait de toutes les données pour se soumettre son propre avis et qu’il n’avait plus rien à cacher, ils continuèrent leurs itinéraires jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus continuer. Les ennemis avaient définitivement disparu, mais la remarque de Callie à propos d’une possible énigme à déchiffrer n’était pas pour le consoler. Non pas qu’il était allergique aux énigmes, bien au contraire. Il aurait certainement pu la résoudre facilement avec l’aide de son amie, mais les symboles qu’il voyait apparaitre et disparaitre lui rappelait quelque chose d’autre. D’un recul qui se voulait instinctif, il essaya de faire demi-tour, sauf que le corps de la brune n’avait pas encore choisi de retrouver sa fougue. « Ce n’est pas une énigme princesse. C’est un sort maléfique. » Encore le coup d’un sorcier ou bien d’un démon. Accessoirement même les deux réunis, pourquoi pas. Quoi qu’il en soit, une étourdissante lumière aveuglante se mit à éclater avec la même intensité qu’une étoile. Se protégeant machinalement avec l’avant-bras, une déflagration se fit ressentir à l’intérieur de son abdomen. Quelques secondes plus tard, la lumière avait disparu. En revanche, un changement radical avait été opéré sur le duo, et pas des moindres. C’est en considérant ses mains et son torse qu’il s’aperçut… qu’il était maintenant gratifié d’une poitrine, et pas n’importe laquelle. Lui et la brune avaient échangé de corps, pour le meilleur comme pour le pire. « Dites-moi pas que c’est pas vrai ?! » Toutefois, si le choc semblait bel et bien au rendez-vous, le démon ne perdait pas le Nord pour autant. Ainsi, il jeta un coup d’œil sans ménagement à sa poitrine -ou plutôt celle de Callidora- en tirant sur son décolleté. Il pivota également à plusieurs reprises sur lui-même pour examiner sa nouvelle morphologie sous toutes les coutures. Il interpréta même une petite chorégraphie. Danse qui aurait pu être merveilleuse dans son vrai corps, mais qui donnait un air tout à fait singulier à la brune pour le coup. Même dans ces conditions, il trouvait un moyen de s’amuser. « Bon, c’est sympa pour se peloter, mais il faut retrouver ce chenapan. Que je lui casse les dents. » Prononça-t-il dans une posture tout à fait masculine qui devait la rendre bien moins engageante que d’origine, ce qui n’empêchait pas au farceur de se divertir en faisant rebondir ses seins par de légers soubresauts. Le fautif devait se trouver dans les parages. Celui qui voulait le plus se venger n’était pas autant Zane que Krog qui avait enfilé l’enveloppe d’une… poule. Le pauvre ne pouvait pas exprimer sa colère puisqu’il semblait plus demeuré qu’autre chose.