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 [VI] Le Reflet d'une autre

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Kitoe
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Kitoe
Mer 06 Mar 2019, 21:29

Catégorie de quête : VI. Recherche et exploration
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Intrigue/Objectif : En PLS dans son lit, Kitoe I décide de partir à la recherche de Kitoe pour redevenir un bon Reflet.

Kitoe I aka. Toki766 mots
Le Reflet d'une autre
« Je serais toi je ferais attention si je devais la croiser. »

Cette phrase se répétait en boucle dans son esprit, accompagnée de beaucoup d’autres.

« Kitoe… »

Son cœur se serra. Ce sentiment inqualifiable que sa voix avait exprimé à ce moment-là l’avait moralement achevée, et la conversation qu’elle avait eu avec Nefraïm n’était pas allée beaucoup plus loin. En fait, il y avait eu un long silence pendant lequel le Reflet avait cherché à mettre des mots sur ce qui devait encore être expliqué. Mais se justifier n’aurait servi à rien. Il n’y avait pas eu à chercher une quelconque explication, ça ne les aurait pas avancés. Ça les aurait simplement lestés. Ça n’en aurait jamais fini. Au fond, c’était très bien. Kitoe… Sa gorge se serra. Elle semblait revivre beaucoup de choses à la simple entente de son propre prénom. Le Reflet était dans son lit, allongé sur le côté, les jambes pliées. Ses yeux étaient grand ouverts. Elle réfléchissait. Le problème était que toutes les trente secondes, elle surprenait ses pensées à avoir dérivé vers le monde des souvenirs. Or, il fallait qu’elle songe à l’avenir. Son esprit était embrouillé par toutes sortes de choses. Son cerveau était trop plein de plein de nœuds pour réellement pondre une solution qui l’extirperait de sa situation sans nom. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle devait changer de vie. Retrouver son modèle était la seule chose qu’elle s’imposait. Autant dire que les alternatives étaient moindres. Ça lui simplifiait déjà la tâche : entre changer de personnage ou perfectionner celle qu’elle était, elle avait décidé de faire les deux en même temps. Ne pas faire ce choix était en soi apaisant, et elle aurait bien eu du mal à le faire : la personnalité de Kitoe l’incitait à retrouver Kitoe. Le Reflet se sentait liée à elle, malgré la distance du temps, par un lien d’amour fraternel qu’elle ne pouvait se permettre de briser. Néanmoins, en tant qu’Ange non officiel, l’idée de rejoindre les Démons, en plus de l’effrayer, la repoussait profondément. Kitoe n’avait jamais repris sa forme originelle pour songer. Elle ne voulait pas retrouver cette sensation désagréable de vide, de silence, d’inerte et de fade, enrobée d’un vague sentiment de malaise. Elle savait pertinemment que si elle le faisait, elle pourrait retrouver son corps de copie à tout moment, mais elle appréhendait toujours cet état. C’était un peu comme craindre le moment de sauter d’un rocher pour plonger dans l’eau : il ne suffisait que de sauter, mais encore fallait-il oser le faire. On disait qu’il fallait compter jusqu’à trois, cesser de réfléchir, puis s’élancer. Son problème, c’était qu’elle trouvait que le chiffre trois menait à une profonde philosophie.

Elle n’avait découvert son pouvoir de localisation que très tard. A vrai dire, elle le maîtrisait encore assez peu. Elle s’était beaucoup entraînée ces derniers temps, d’abord avec des objets simples de sa maison, puis dans la rue. Kitoe avait pratiquement cessé toute autre forme d’activité pour se consacrer uniquement à cette capacité. Elle avait commencé à pouvoir trouver des gens. Une fois, un homme lui avait demandé d’arrêter de suivre sa femme, qui s’était crue tracée plusieurs fois d’affilée par cette petite Ange blonde. Kitoe avait rougi puis s’était lourdement excusée, prétendant que ça n’arriverait plus. Jusqu’ici, elle avait tenu promesse. Sa maitrise de ce pouvoir avait beaucoup grandi en très peu de temps. Cependant, le Reflet semblait aujourd’hui faire face à un cap, un mur. Elle ne progressait plus. Elle s’était demandée si elle n’était pas arrivée au stade ultime de la puissance du pouvoir, mais avait rapidement écarté cette hypothèse. C’était elle le problème, et pas le pouvoir. Elle n’était pas assez puissante. Or, elle ne voulait plus attendre. L’idée de retrouver Kitoe la hantait de plus en plus. En temps normal, la jeune femme pouvait faire preuve d’une grande patience. Cependant, lorsqu’une idée ne voulait plus quitter son esprit, y remédier devenait urgent, et c’était exactement ce qu’il se produisait, couplé au fait qu’il fallait absolument qu’elle maîtrise sa copie une bonne fois pour toutes. Elle venait seulement de remarquer ces deux écrasantes vérités qui la lorgnaient depuis dix ans et qui lui étaient insupportables : non seulement elle avait raté sa copie, mais en plus on venait de lui rappeler qu’elle n’était en réalité qu’un misérable ectoplasme sans nom à la recherche d’une vie potable. Elle aurait pu détourner le regard, un peu honteuse, pour continuer de les ignorer. Mais, soyons honnête, cela ne l’aurait avancée à rien. Ça lui serait retombée dessus à un moment ou un autre.



Bijin
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Kitoe
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Kitoe
Mer 06 Mar 2019, 21:47

Kitoe I aka. Toki785 mots
Le Reflet d'une autre
Son esprit refit un tour au Royaume des Tentateurs. Kitoe crut un instant qu’elle allait être prise de nausées. Elle ne s’imaginait clairement pas passer la suite de sa vie là-bas. Elle redoutait son expédition, mais il fallait aussi avouer qu’elle attendait avec une certaine impatience le moment de partir. Au-delà de sa volonté de bien faire, elle voulait comprendre : comment Kitoe en était-elle arrivée là ? Qu’est-ce qui l’avait poussée aussi loin dans le vice, au point d’en devenir abominable ? Tomber dans le péché était une erreur qu’elle pouvait concevoir ; sombrer dans le Mal et la cruauté en était une autre, surtout pour l’Ange qu’elle avait connu.

Le Reflet passa une main derrière elle pour chercher le livre à tâtons. Il était toujours ouvert. Sur la couverture était écrit : le Conte du Sapin. Sauf qu’il ne s’agissait en rien d’un conte et encore moins d’une histoire sur les sapins. Il faisait apparaître quelqu’un. Une jeune femme qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau, à l’exception près que cette dernière était brune. Kitoe. La vraie. Le Reflet l’avait trouvé au fond d’un placard et s’était dit qu’il s’agissait d’un vieux livre laissé par les anciens locataires. Elle avait cru que ses jambes allaient faillir lorsqu’elle avait découvert l’image de son double. Elle n’avait pas osé l’approcher et n’avait fait qu’observer pendant le temps qui lui avait été imparti. Puis la vision avait disparu. Kitoe avait pleuré, la respiration courte. Elle avait fermé et rouvert le livre à plusieurs reprises sans parvenir à reproduire le phénomène.

Kitoe ferma les yeux et inspira plusieurs fois profondément. Elle ressemblait à quelqu’un cherchant le courage de se lever à l’heure du réveil. C’était à peu près ça. Elle, elle cherchait le courage d’y aller. Malgré son cerveau tout emmêlé, elle sentait que c’était le moment. Elle avait envie de partir sans rien prévoir. Elle ne voulait pas réfléchir davantage à un plan, un itinéraire, à des réactions à avoir ou non. Elle voulait juste y aller et voir. Puisqu’elle repartait de zéro, elle n’avait rien à perdre. Kitoe se leva, le cœur battant. C’était un geste simple mais symboliquement fort à ses yeux. Elle parcourut la pièce du regard, puis décida de faire le tour de la maison, comme pour vérifier que tout était bien en place, comme si cela avait une réelle importance. Sur la petite table dans sa chambre, il y avait toujours la lettre que Nefraïm lui avait écrite la veille où elle lui avait tout dit. Elle la relut. Elle était brève. Cela lui rappela qu’il lui avait dit que lui aussi avait un Reflet. La nouvelle l’avait surprise, mais aussi rassurée : ça la dérangeait moins qu’il sache ce qu’elle était s’il connaissait l’existence de sa race. Elle s’était demandée si elle n’avait pas eu affaire audit Reflet lors de leur conversation, mais n’avait jamais osé émettre la question. Kitoe tira l’unique tiroir que présentait le meuble, juste en-dessous du plan de travail. Elle en sortit du parchemin, de l’encre et une plume, puis s’assit. Sa main s’arrêta au-dessus du papier, un peu tremblante. Était-ce vraiment utile ? Devait-elle annoncer qu’elle partait ? N’était-ce pas plus simple de disparaître, juste comme ça ? Avec un peu de chance, on l’oublierait. On ne ferait pas plus d’histoire. Cette version des faits l’arrangerait bien. Mais on finirait par remarquer que la maison qu’elle habitait était vide et un peu délabrée, qu’elle n’avait payé aucune taxe depuis longtemps ou elle ne savait quoi d’autre. Il y avait toutes ces personnes qu’elle avait aidé, avec qui elle avait travaillé et passé beaucoup de temps. Il y avait ses amis. Et Nefraïm, qui se douterait d’où elle serait passée et qui en serait certainement déçu – et le mot était faible. Aurait-elle l’insolence de lui écrire, vraiment ? Même un mot bienveillant pourrait devenir une provocation : désolée mais je ne suis pas désolée. Elle resta encore longtemps suspendue à la pointe de sa plume, à peser le pour et le contre de l’initiative d’écrire quelque chose. Au final, soit elle faisait bref et avait l’impression de ne pas penser un traitre mot de ce qu’elle écrivait, soit elle tentait de s’expliquer mais ne faisait que s’enfoncer dans un monticule mastodontesque de phrases longues et assommantes. Ce n’était pas judicieux. Kitoe posa sa plume et ne prit même pas la peine de refermer l’encrier. Elle se dirigea vers l’armoire et l’ouvrit. Elle y avait rangé, elle s’en souvenait, un glaive et un bouclier. Héritage familial. Elle n’avait pas cru le ressortir un jour et espérait ne pas avoir à l’utiliser. Mais elle préférait le prendre avec elle. Il finirait entre de mauvaises mains, mais… tant pis.



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Kitoe
Mer 06 Mar 2019, 22:10

Kitoe I aka. Toki850 mots
Le Reflet d'une autre
Kitoe marchait dans les rues du Jardin. Elle s’était recouverte d’une cape, notamment pour cacher le bouclier accroché dans son dos et le glaive qui pendait à sa ceinture. C’était lourd. Ça lui donnait déjà l’impression d’être une personne différente. Kitoe s’était déjà sentie plus fausse et plus étrangère à ces lieux qu’elle fréquentait depuis longtemps. Elle s’était déjà sentie pire, et elle aurait pensé ressentir la même chose aujourd’hui. Or, ce n’était pas le cas. Maintenant qu’elle partait, elle était emprise d’une profonde sérénité. L’on disait que les condamnés à mort ressentaient la même chose. L’idée était morbide, et pourtant, elle lui convenait parfaitement. La lumière du jour était douce et agréable. C’était calme. Rien ne semblait pouvoir troubler l’atmosphère qui régnait ici.

Elle avait réalisé qu’elle n’avait jamais vraiment quitté le Jardin de Jhen depuis qu’elle avait fui la Citadelle Blanche. Elle avait aussi réalisé que Kitoe pouvait très bien s’y trouver, puisque les Terres Blanches appartenaient maintenant aux Démons. Néanmoins, sans qu’elle ne sache l’expliquer, il lui semblait plus cohérent que son modèle se trouve en Enfer. Elle n’était sûre de rien. Elle pouvait aussi bien se tromper. Mais encore une fois, elle n’avait rien à perdre. Elle relativisait : oui, son but était loin. Terriblement loin. Mais au pire, les quelques jours en plus qu’elle passerait à chercher ne seraient rien comparés à toutes ces années où elle s’était enfermée dans le mensonge. Elle avait beaucoup de temps, et si les choses devaient mal se passer, beaucoup de vies devant elle. Kitoe aurait voyagé sans s’arrêter si elle n’avait pas été soumises aux besoins primaires des mortels. En ce contexte si particulier, elle se serait volontiers passée de tout contact humain. Ceux-ci lui étaient désagréables. Elle se sentait un peu plus mal dès qu’on voulait lui parler ou que l’on posait le regard sur elle. Il arrivait qu’on juge sa mine un peu triste et qu’on lui demande ce qui n’allait pas – surtout une mignonne fille comme elle était. Elle, elle ne faisait que répondre par un « non, ce n’est rien. » et souvent on la laissait tranquille. D’autres fois, on parvenait à lui soutirer un sourire. D’autres fois encore, on la faisait fuir. Lorsqu’on lui demandait où est-ce qu’elle allait pour vagabonder ainsi, elle donnait une destination au hasard. Une fois ou deux, on lui expliqua qu’elle n’était pas sur la bonne voie, et ses protestations pour répondre qu’elle le savait n’eurent pas le moindre effet sur ses inébranlables – et quelque peu insupportables – interlocuteurs. Elle comprit ensuite qu’il lui fallait donner une destination qui était à peu près dans la même direction que les portes qu’elle cherchait, et on finit par lui foutre la paix.

Naturellement, elle ne compta pas le temps qu’elle mit à atteindre l’Enfer. Il lui parut juste long et éprouvant. Cela s’expliquait notamment par le fait qu’elle ne connaissait pas l’emplacement exact des portes qui menaient à cet autre monde. C’était ce qui arrivait lorsqu’on ne préparait pas son voyage. De plus, elle n’avait pas trop osé demander à droite à gauche, car après tout, de la part d’une Ange, c’était tout de même assez bizarre. Mais le principal, c’était qu’elle avait fini par y arriver. Elle était plutôt fière d’être parvenue à se débrouiller toute seule. En revanche, elle faisait moins la maline maintenant qu’elle se tenait face à cette ouverture. Sa nature menaçante ne lui disait évidemment rien qui vaille. Elle l’effrayait et l’impressionnait. L’aura qui en émanait était pestilentielle. Son instinct lui ordonnait de fuir, mais Kitoe devait se faire violence. Elle devait rentrer… là-dedans. Avec sa forme originelle. Ce n’était qu’un mauvais moment à passer, se répétait-elle en boucle, mais tu y arriveras. On ne réfléchit pas avant de sauter.

… 1

2 …

3

Brume. Sensation sourde. Isolement. Elle ressentait toujours l’aura mauvaise qui émanait de cette porte, mais ce n’était plus qu’un constat à l’avis délavé et sans goût. L’hésitation avait disparu. De ses pas légers, elle entra. Les portes se refermèrent derrière elle.

L’Enfer était grand. Le Reflet aurait probablement désespéré si elle en avait été capable. Son pouvoir de localisation ne l’aidait en rien. L’Enfer était trop grand. A partir de là, elle ne savait plus où chercher. Elle avait sous-estimé la difficulté de sa tâche, et elle sentait en permanence l’atmosphère malsaine tenter de s’infiltrer dans son esprit. C’était oppressant, comme si de toutes parts on essayait de faire éclater la bulle dans laquelle elle était enfermée. Était-ce cela, qu’on appelait la corruption ? Elle n’était pas assez forte pour pouvoir y lutter complètement. Elle cherchait juste à garder en tête la raison de son déplacement. Du reste, elle avait parfois l’impression de ne plus être elle-même – si tant est qu’elle eut eu une personnalité palpable. Encore une fois, la notion du temps lui échappa complètement. Son activité ressemblait plus à de l’errance qu’à de la recherche. Elle vagabonda longtemps. Peut-être plus que longtemps. Elle alla avec la patience d’un pêcheur parti pêcher dans un lac stérile. Et puis à un moment :

Devant. A gauche.

Un moment ça avait mordu.



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Kitoe
Mer 06 Mar 2019, 22:37

Kitoe I aka. Toki754 mots
Le Reflet d'une autre
Le Reflet avait accéléré le pas. Son modèle était proche. Elle ressentait sa présence et était follement attirée par elle. C’était elle, c’était elle, c’était elle ! Elle alla à travers bosquet, car ce n’était pas un champ. Par réflexe, elle se baissait régulièrement pour ne pas se prendre une branche démoniaque dans la gueule. Son pouvoir la dirigeait tout droit vers un amas de maisonnettes pauvres et délabrées. Il y avait eu un sacré bordel ici, et elle n’était pas sûre de vouloir savoir quoi. C’était presque désert. Quelques créatures semblables à des rats avaient pris leurs habitudes. Ils avaient construit leurs nids dans les crevasses et les trous béants que l’on pouvait voir dans certains murs. S’était-elle trompée ? Et si son pouvoir de localisation avait localisé quelqu’un, ou quelque chose d’autre ? Y’avait-il ne serait-ce qu’une seule de ces baraques susceptible d’accueillir quelqu’un ? Pour se rassurer, elle se dit qu’on pouvait aussi se demander si l’Enfer lui-même était capable d’accueillir quelqu’un. Ça ne la rassura absolument pas. Le Reflet s’arrêta un moment devant l’entrée de l’une de ces maisons. Elle contempla l’encadrement, qui n’avait plus de porte depuis, semblait-il, un certain temps. L’entrée donnait directement sur un couloir vide, sale et gris. Il ne se terminait pas parce qu’une partie de la bâtisse avait dû s’effondrer. Néanmoins, on devinait une ouverture sur le côté gauche. Le Reflet s’aventura à l’intérieur, tourna la tête et…

Kitoe. Elle était là, assise au beau milieu de cette pauvre pièce sombre, froide et humide. De dos, elle aurait pu lui faire de la peine. Mais sa condition de brume l’empêchait de ressentir clairement quoi que ce soit. Le Reflet se demanda quelle forme adopter. Il était encore trop tôt pour copier la nouvelle apparence de son modèle. Elle avait peur que redevenir Ange ne lui soit trop insupportable. Alors elle pensa à celle d’un chat. Elle s’exécuta. Était-ce bon ? Est-ce qu’un chat blanc, c’était bon ? Le félin s’assit, contemplant la Démone de ses grands yeux bleus. Du peu qu’elle pouvait voir, elle essayait déjà de recueillir un maximum d’informations de cette première rencontre à sens unique. Elle scrutait sa maigreur, sa façon de se tenir nonchalamment sur cette table qui trônait en plein milieu de la pièce. Elle analysait ses cheveux sales, le grain de sa peau, comme brûlée par endroits, les stries de ses cornes qui semblaient trop imposantes pour sa tête.

Pourquoi est-ce qu’elle était brune ? Pourquoi la Démone avait-elle changé sa couleur de cheveux ? Le chat baissa la tête pour observer son pelage. Est-ce qu’un chat blanc, c’était bon ? Sa robe s’assombrit. Elle ne savait pas. Est-ce que c’était vraiment important ? Pourquoi cherchait-elle à soigner son entrée ? Ça n’avait pas de sens. En plus, ce genre de mise en scène ridicule ne se passait jamais comme prévu.

-Kitoe…

*

Il restait encore du sang sur le mur d’en face. Il avait en grande partie séché. L’odeur avait fini par se dissiper un peu. Cette odeur si délicieuse… Elle regardait les taches écarlates avec un demi sourire. A sa place, Lia se serait jetée par terre pour lécher les dernières traces de cette vie qu’elle avait prise. Mais elle, Kitoe, n’en était pas arrivée à ce stade de folie. En réalité elle était plutôt calme. Elle n’avait pas faim. Elle n’avait envie de rien. Le repas datait d’hier soir. Il fallait le dire, elle s’était fait péter la panse. Elle était toujours paisible après un festin pareil. Un sentiment de plénitude, où elle n’avait plus envie de rien ni de rien faire. Juste… être là, avachie et immobile, perdue dans elle ne savait quel flot de pensées.

Un bruit des plus inattendus l’extirpa cependant de sa méditation digestive. Un miaulement, pour être exact. Kitoe n’avait pas vu de chat depuis une bonne éternité. Elle avait même oublié que cela pouvait encore exister. La Démone pivota sur sa chaise. De sa main gauche, elle tenait fermement son couteau, au cas où l’on viendrait à se jeter sur elle. Mais un miaulement, qui plus est, aussi doux, ne pouvait être qu’émis par un chat tout aussi doux. Kitoe le dévisagea avec suspicion. Le félin était noir et se tenait sagement dans l’encadrement qui séparait la pièce du couloir – là aussi, on aurait dû trouver une porte. Un chat. Mais pas n’importe quel chat. Elle fût surprise qu’il ne fût pas blanc, mais ça ne l’empêcha pas d’afficher un demi-sourire.

-Toki…

Toki avait toujours eu des yeux particuliers.



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