Je marchais doucement dans les rues de Sceptelinôst, cherchant la preuve des informations que j'avais réussi à obtenir. J'étais réellement nulle dans mon rôle d'espionne et, si les gens me parlaient, c'était surtout parce qu'ils jugeaient que je n'étais pas dangereuse. Je ne souriais pas, effrayée de me plonger ainsi dans des ruelles sombres et étroites à la recherche d'une organisation criminelle. D'accord, j'appartenais au Circus Brothel mais, plus le temps passait, plus je me disais que j'avais fait une bêtise. Enfin, non, je devais honorer ma famille et si je voulais le faire, je devais recueillir des informations sur le clan Taimon. Seule ça aurait été délicat mais avec l'appui du Circus, tout me semblait plus simple, bien que je n'ai encore rien trouvé de concluant. Mais peu importait car, pour le moment, je devais me rendre à l'adresse que l'on m'avait indiqué. Tout avait d'ailleurs commencé d'une étrange façon. Comme toujours, je passais quelques heures par semaine au sein même de l'organisation, évitant de regarder les prostituées par gène, évitant en réalité de regarder les gens en général. Je restais dans un coin, attendant que les heures défiles. C'était peut-être idiot mais je ne voulais pas que l'on croit que j'avais l'intention de partir et qu'on essaye de m'assassiner. De ce fait, en étant toujours ponctuelle, je venais un jour par semaine, toute une après-midi, m'en allant avant que les clients n'arrivent en soirée. Bien sûr, je ne restais jamais là à rien faire, cela aurait été d'une idiotie sans nom. Certes, je n'étais pas très intelligente et je pensais sérieusement que je n'étais « pas très » tout court, ce « pas très » s'appliquant pour toutes les choses que j'entreprenais, sauf la couture. Ce n'était pas un manque de modestie mais je n'étais douée que pour cela, et le croire me donner chaud au cœur. Bref, quoi qu'il en soit, j'amenais justement de quoi faire et en profitait pour recoudre des costumes en mauvais état. Au moins, si je n'étais pas d'une grande aide en tant qu'espionne, je me rendais utile autrement. L'on devait me trouver quelque peu pitoyable, je m'en doutais, mais que pouvais-je faire d'autre? Tant pis, j'étais ainsi, une mauvaise magicienne, une mauvaise sorcière, une mauvaise espionne, une mauvaise élève et, je commençais à croire que j'étais aussi une mauvaise amoureuse. Je voulais voir Iro depuis un moment déjà mais aucune occasion ne s'était présentée jusqu'ici. Ou comment passer sa vie le nez plongé dans le tissu ou dans les livres ennuyeux de maître To. Heureusement que je voyais souvent Alec, sinon j'aurai finis par mourir d'épuisement sous les leçons de mon chat.

Quoi qu'il en soit, ce jour là, au Circus, alors que je rapiéçais l'un des vêtements d'une des prostituées, un homme vint me voir. Je le connaissais que de vu sous le nom d'Adam mais je ne lui avais jamais parlé auparavant. Et, cette après midi, pour la deuxième fois depuis que je faisais parti de l'organisation, l'on me confia une mission. Un homme disait avoir entendu parlé d'une autre organisation essayant de se hisser au rang du Circus. Je ne pensais pas cela possible mais ne savait-on jamais. Il me demanda, à moi, Edwina, d'aller rencontrer cet indic afin d'en savoir plus et trouver de ce fait le lieu de résidence de la dite organisation concurrente. Je faillis m'étouffer, comme si le fait que l'on puisse faire reposer sur mes épaules la réussite d'une telle entreprise ne pouvait être que celui d'un fou. Pourtant, il était bien sérieux et je dus m'y résoudre, ce dernier m'indiquant qu’Émilie s'en sortirait très très bien sans moi pour recoudre le vêtement que je tenais dans les mains. Je fus donc entraînée vers la sortie par cet homme beaucoup plus grand que moi, qui me gratifia d'un « bonne chance » avant de me fermer la porte au nez. Me retournant vers la rue, je compris que je n'avais apparemment pas mon mot à dire. Mais c'était normal après tout et je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. C'était moi qui avait poussé la porte du Circus, moi qui m'étais engagée et moi qui devais à présent répondre aux attentes que l'on plaçait sur moi.

Après avoir rencontré la dite personne, voici où j'en étais : errant dans les rues le soir en petite tenue afin d'attirer un potentiel patron qui me prendrait pour une future prostituée qu'il pourrait acheter. En enfilant la tenue, j'avais tout de suite remarqué que j'avais pris des formes. J'étais couturière, je passais mon temps à prendre les mensurations des gens mais je ne prenais absolument pas soin de moi, comme si je ne comptais pas. Je ne me regardais d'ailleurs presque jamais dans la glace et c'est quand ce genre de choses m'arrivaient que je prenais conscience de la réalité de mon corps. Je marchais alors depuis des heures, essayant de remuer des fesses comme je voyais quelques femmes le faire parfois. Je ne trouvais pas ça très élégant mais, apparemment, c'était ce qu'il fallait faire pour attirer les regards. Et, alors que je m'arrêtais à un croisement, un homme m'attira discrètement dans un coin avant de me souffler : « hép ma jolie! Ça te dirait de bosser pour le Captain's Club? Tu te ferais beaucoup d'argent tu sais... ». « Euh... oui... ». « Allez viens avec moi, je vais te faire visiter. ». Pour tout avouer, j'étais totalement paralysée de peur, me forçant quand même à le suivre alors que mes jambes tremblaient. J'avais peur qu'il le voit d'ailleurs mais peut-être mettrait-il ça sur le dos de l'ambiance qui était légèrement lugubre. Je ne devais pourtant pas perdre le nord et, une fois que je fus sûre de l'endroit de cette organisation concurrente, je prétextais une envie pressante pour m'éloigner en courant, déjà bien loin lorsqu'il dut comprendre le fin mot de l'histoire. Il devait surtout bien me prendre pour un folle mais, peu importe, je n'avais même pas envi de savoir ce qu'il pensait de moi, ni plus jamais le revoir. Je rentrai donc au Circus pour dévoiler mes informations. Mission réussie, même si j'espérai que la prochaine se déroulerait dans très très très très longtemps.

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