Je marchais depuis plusieurs jours vers le cratère du volcan. L'eau et la nourriture me manquaient, mais pourtant, je voulais continuer d'avancer. Rien au monde n'aurait pu me faire reculer, même la peur ou le danger réel. Alors qu'une volonté étrangère à la mienne me poussait à agir, des questions vinrent s'insinuer en moi. Où est ce que j’allais exactement?
En effet, ma destination était le sommet, là où le brasier est ardent et mortel. Cependant, je n'avais aucune raison d'y aller ni assez de folie pour m'y diriger sans raison.
En fait, je savais au fond de moi que quelqu'un d'autre agissait à ma place, dans mon corps. Je le laissais faire en ne voulant pas heurter ma présence à la sienne de peur d'y découvrir un quelconque esprit du mal
capable de me voler mon âme. Mes jambes portaient le poids de quelqu'un d'autre ou quelque chose, une autre âme qui a sut apprivoiser la mienne avant de gagner sa confiance. C'était en tout cas ce que je ressentais sans vraiment pouvoir l'expliquer. Mon cœur me disait de faire confiance à cette entité et de continuer à avancer jusqu'à ce que je n'en puisse plus.

Je sentis tout à coup une présence dans mon dos, une qui n'était pas dans ma tête. Elle était de toute évidence hostile puisqu'elle se dérobait sciemment à mes sens en essayant de ne pas me perdre de vue. Son existence me parut évidente
quand une queue dépassa d'un rocher en glissant comme un serpent. Ce n'était pas ce dernier, aucune espèce de serpent n'a des pics sur la tête ni des écailles aussi grosses. J'avais pris l'habitude de tout enregistrer dans ma tête en un clin d’œil afin de faciliter mon travail de forgeron. En effet, un forgeron devait avant tout pouvoir reproduire avant de créer. Les ustensiles du quotidien ne se renouvelaient pas toutes les semaines, il fallait pouvoir refaire l'objet dont le client avait
d’habitude une totale confiance, pour qu'il puisse s'en aller en paix. Le moindre détail comptait, que ce soit le motif ou sa forme générale. On ne faisait pas tous des épées légendaires à modèle unique à longueur de temps.

J'avançais à pas prudent de peur d'éveiller quelque soupçon à mon poursuivant. Sa discrétion laissait à désirer maintenant que je ne l'ignorai plus, comment avais- je fais pour ne pas le remarquer plus tôt? Je devais être sacrément sur la Lune à poursuivre une chimère sans nom. J'arrivai au pied du volcan et commençai à le gravir sans aucun essoufflement. Le monstre qui était à l'origine de chacun de mes mouvements me protégeait de la fatigue. Pas beaucoup toutefois, juste assez pour passer une journée à escalader, marcher, ramper et courir d'une traite, pour enfin m'endormir avec seulement quelques courbatures. Le réveil était alors un véritable plaisir.
Pour l'instant, autour de moi, Le paysage était totalement sinistre avec ses crevasses et ses rochers noirs cendrés. L'une des crevasses trembla devant moi avant de laisser échapper avec brutalité un immense jet d'eau chaude. Celle-ci retomba en fines gouttes de pluie que la lumière du soleil transformait en perles colorées. Je trouvais cela magnifique, mais je ne m'arrêtai pas avant d'être en haut.

Au deuxième jaser, je sentis des picotement sur ma peau, comme si des petite pierres me tombaient dessus, alors qu'il n'y avait que des gouttes d'eau. Quand les "pierres" prirent en taille, je me mis à courir en essayant d'en éviter un maximum. Je fus touché à plusieurs reprises, les jasers étaient courant dans cette partie du volcan. Malheureusement pour moi, ils libéraient leur eau l'un après l'autre. Je me doutais que la solidification rapide des gouttes d'eau n'avait rien de naturelle, il y avait de la magie dans tout cela. Sûrement que le démon à la queue surplombée d'une crête de pics n'y était pas pour rien.
Au sommet du volcan, sans la moindre peur à part celle d'être rattrapé par mon poursuivant, je sautai sans attendre. Au cours de la chute, j’entre-aperçus une présence: un jeune homme à la chevelure abondante et noire. Il me souriait comme pour me rassurer, il planait dans les airs comme l'aurait fait un homme volant. Le vision s'effaça rapidement pour laisser place à la panique. Qu'avais- je fais?

Des questions... J'en avais des tas sinon des montagnes. Autant de question que de sentiments pour tout dire, mais je préférai garder les moins utiles pour moi. Je n'arrivai pas à croire que je fus tout ce temps le jouet de deux divinités légendaires. En fait, je n'avais pas besoin qu'on me dise ce que mon interlocutrice fut pour que je l'adore. Ses longs cheveux bonds illuminaient son visage parfait sous tous les angles. A chaque fois que je posais mes yeux sur ses lèvres, mon visage s'assombrissait de désir alors qu'il était déjà bien sombre. Elle dégageait tout autour d'elle une pureté si étrange que j'en avais froid dans le dos, une pureté qui laissait mes hormones mâles sur le carreau. S'effaçait alors l'impureté du regard pour la vénération du cœur. En somme, à défaut de lui vouer un véritable culte, je décidai de ne jamais oublier cet être tout droit sorti du cristal le plus pur qui existe.
Si l'enfer n'était pas effrayant, ce ne devait être que grâce à cette femme. Si le monde était encore pur et modelable à souhait, ce devait être par l'éclatante force qui émanait d'elle. Elle m'avait appelé et mon cœur avait répondu. Être chaman fut sans doute ma destinée, une telle rencontre ne pouvait être le fruit du hasard ni de la malchance d'ailleurs. Même le démon qui me poursuivait n'avait plus s’impacte sur mon esprit, la frayeur m'avait quitté sous le regard de cette beauté. Pour tout dire, il n'y avait aucun démon dans les parages, ce qui ne me déplaisait pas le moins du monde.

"J'ai énormément de question, assez pour écrire le roman de toute une vie. Mais nous n'avons pas à tergiverser plus longtemps pour une chose déjà faite n'est ce pas? Je suis à vous depuis le commencement de mon aventure, j'ai accepté les termes du contrat avant même de les avoir entendues de votre bouche. Sinon, je vous promets que je ne serais pas venu. Quoi que puisse être un chaman, je déciderai d'en être car le Destin est de mon côté. Faîtes de moi le prochain émissaire d'une telle race avec ma bénédiction."

Et alors que je plongeais mon regard dans le sien pour prouver ma détermination avec mon âme plus qu'avec des mots, un sourire éclatant m'échappa, laissant voir au grand jour à quel point j'étais heureux d'être en présence de la divinité. De plus, la joie d'être enfin utile à plus important que moi déliait mon cœur de ses entraves terrestres tel que la honte ou la retenue. Je n'avais pas de nom pour un tel être, alors je la nommais Matrice car elle semblait posséder les clefs de tous les cœurs. Un petit point noir sur ce tableau atténua mon bonheur: le roi des démons. Où était- il? Et surtout, qui était- il? Je n'avais jamais entendu parler d'un roi pour cette race des sous- sols. Je savais qu'ils vivaient dans le volcan dans un lieu appelé Enfer par la plus part des légendes, mais comment ont- ils pu se soumettre à un seul et unique démon sachant leur malice si grande? Je ne connaissais pas grand chose au monde qui m'entourait malgré le nombre de mes voyages, mais comment j'avais pu passer à côté d'une telle révélation? Sûrement que cette histoire de "chaman" serait venue à ma connaissance si j'avais fait plus attention. Pourtant, mon esprit craintif et lâche ne cherchait que la tranquillité et la paix, il ne se mêlait nullement de ce qui ne le regarde pas. Je ne me sentais pas digne de leur confiance.

"Je suis à vous et à cette toute nouvelle race, mais j'aurais deux toutes petites questions. Combien sommes- nous pour l'instant et qui sont ces nouveaux adeptes? A défaut de connaître leurs noms, savez- vous où ils vivent ou s'ils ont un endroit spécial où résider? Et s'il faut que je change radicalement de style de vie pour correspondre à vos critères de choix du "bon" chaman?"