Le château des cavaliers sans têtes. Le continent mystérieux. Les mots mystère et étrange semblaient monnaie courante lorsqu'il s'agissait de parler de ce château aux légendes peu ordinaires même pour notre monde en proie aux pires folies. S'agissant d'un lieu soumis à toutes les convoitises des hommes, je soupçonnai que d'autres génies avaient dû être aussi attiré que moi par l'ambition et l'avidité d'une pureté tentatrice. Oui, le calme des préludes d'une tempête d'un nouveau genre se faisait chaque jour plus pressant, plus présent, concentrant le mal de la lumière. Il était évident qu'il fallait tirer les bonnes cartes et choisir ses alliés comme ses adversaires, pour peu qu'il faille changer de camps in extremis. Comme je le disais souvent, il n'y ni bien, ni mal; simplement de l'intérêt porté à la chose.

Le château était, je le voyais, séparé en deux : deux camps bien distincts que tout opposaient. Au delà des forêts des horreurs et des merveilles qui entouraient le château, je me tenais devant le monument en me disant d'emblée qu'il n'avait rien de si mythique que ça; ça n'était rien qu'une veille bâtisse encerclée par la brume des marées et cachée par les arbres sinistres, même dans le côté lumineux. Je me demandais à cet instant si je trouverai vraiment quelqu'un prêt à désirer mes services. Après tout, j'étais encore trop faible pour piéger mes maîtres, qu'ils en profitent. Un jour je retrouverai ma puissance passée et alors, tout serait différent. En l'occurrence, il fallait attendre, quelques temps, le temps de se refaire voilà tout. Après tout, ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort, du moins j'y croyais, sinon je ne serai pas là.

J'arpentai quelques heures les différentes pièces du château qui, je devais l'avouer, avait de quoi effrayer les peureux mais pas les génies dans tous les cas. Sous une forme de brume, j'allais ici et là, à la recherche d'hommes et de femmes perdus et désespérés mais je ne trouvai que des souris et un peu plus de vide au fur et à mesure que le temps passait. Et je m'ennuyai, soufflai grossièrement en reprenant ma forme originelle. Assis sur un amas de pierres, tombées là, les bras croisés, je cru entendre un bruit nouveau, des pas légers mais prudents, une femme je l'imaginai. Tiens peut être que finalement, la journée ne serait pas si vaine que prévue...

Oui je m'ennuyais, c'est vrai. C'est à dire que c'était ma première visite et j'avais entendu meilleur publicité sur cette demeure aux milles dangers pour au final, ne trouver qu'un amas de vanités dans toutes les pièces était une chose des plus démotivante. Pas un bruit si ce n'était un crépitement discret tel un mauvais décor de maison hantée sans que cela ne soit digne d'un quelconque intérêt. C'est d'ailleurs pour cela que tomber nez-à-nez sur la succube fut, pour moi, une chance à ne surtout pas manquer sous prétexte de retourner à mon ennuie. Entendant sa voix naturellement sensuelle, digne d'une véritable succube, je fus ravis qu'elle interrompe mes pensées. Et puis cela faisait un sacré moment que je n'avais plus recroisé une succube, ces gens là se faisaient rares et pourtant nous avions, elles et les génies, quelque part un destin commun, servir au mieux; après certes notre race était connu pour ses rebellions et ses perversités qui tournaient toujours au désavantage du rêveur mais bon, cela n'était pas le cas de tous les génies. En réalité tout dépendait avec qui on faisait affaire, certains ne méritaient qu'une entourloupe, d'autres un souhait bien réalisé.

Se relevant,je m'approchai d'elle en la dévisageant, que de délicieuses formes, née pour être désirée. S'il y avait bien une interdiction chez les génies, c'était bien de désirer, de rêver. Nous avions l'obligation de pouvoir matérialiser et concrétiser ceux des autres et non les nôtres, une sorte de malédiction en soit. Ainsi nous avions perdu l'habitude pour beaucoup de comprendre en quoi le monde pouvait être beau, en quoi les hommes pouvaient s'aimer, se désirer puis se haïr, nous avions presque perdu le sens commun à force que nos propres sentiments soient devenus artificiels. Mais qu'importe, je ne rêvai ni d'amour, ni de délices charnels, simplement un peu de liberté et ça n'était pas elle qui me l'apporterait. Alors je ne faisais qu'observer et imaginer ce qu'un autre homme pourrait ressentir à ma place, je constatai alors que oui, elle était vraiment belle et qu'être en face de moi était du gâchis puis ce que je ne savais pas apprécier ce spectacle à sa juste valeur.

" Un plan des lieux ? Pourquoi faire, il n'y a rien d’intéressant, cet endroit est à mourir d'ennuie ! Ma foi, pourquoi pas ! Vous cherchez quelque chose ? Je peux peut être vous servir de guide ! Un génie c'est un allié utile, vous en conviendrez. " dis-je avec assurance. Elle était ma seule chance de ne pas, justement mourir d'ennuie et de désintérêt, si je ne saisissais pas l'occasion, ma journée serait vraiment morne, définitivement sans saveur ni couleur.