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Ljund & Ni'Obë
~ Chaman ~ Niveau I ~

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◈ Parchemins usagés : 42
◈ YinYanisé(e) le : 22/07/2023
Ljund & Ni'Obë
Sam 27 Jan 2024, 22:04


Point de vue : Ni’Obë
Lors de sa préparation, je tournai le dos à mon frère tout en restant près de lui, dans la tente. Concentré, il ne faisait pas attention à moi. Plus tôt, son mentor Metléhem m’avait intimé de partir et je m’étais exécutée, mais j’avais de nouveau traversé l’étoffe dès que celui-ci était parti. Je n’aimais pas m’éloigner de trop et surtout, je ne faisais rien de mal et lui laissais suffisamment d’intimité. La moindre remarque que Lju était susceptible de faire ne me ferait pas broncher.

J’étais dans un drôle d’état. Nerveuse, peut-être plus que lui ; j’étais émue de voir mon petit frère sur le point de battre pour la première fois de ses propres ailes ; et je devais avouer que j’étais aussi un peu jalouse, car je n’aurais jamais l’opportunité de passer ce rite comme je l’aurais dû. C’était aussi pour cette raison que j’étais ici, dans la tente : ainsi, c’était un peu comme si je le passais moi-même. Par ailleurs, je réfléchissais. Le rite de passage à l’âge adulte était l’occasion pour l’enfant de trouver son Hozro et effectuer sa première fusion. Cela me troublait depuis la fois où Metléhem avait annoncé la bonne nouvelle. J’avais pris du temps à comprendre pourquoi alors que la réponse était simple : sa future Hozro, c’était moi. C’était évident. Tellement évident que je n’avais pas pensé ne pas l’être depuis que j’avais retrouvé Ljund. Je le secondais depuis le début, je le conseillais. Sans mon aide, il n’était pas grand-chose d’autre qu’un bon à rien talentueux dans le domaine de la fracture de bras. J’en avais eu la preuve concrète à mon retour. Je n’avais, de fait, pas demandé son avis à Ljund quant à mon statut pour lui. J’avais cru que nous avions conclu une sorte de pacte silencieux, où nous nous étions tous les deux compris. Je commençais à croire que ce n’était pas le cas. Je savais que je devrais vite aborder le sujet, mais j’avais décidé que cela pouvait attendre encore un peu. Quand nous nous serions éloignés de la maison, car bien sûr, je partais avec lui.

- Tu es prêt ? Il hocha la tête sans articuler un son. L’appréhension lui scellait les lèvres et il avait le regard fixe.

Le rituel en soi n’était pas compliqué. Il n’avait rien à faire, hormis se barrer quand on lui en donnerait le signal. Mais c’était beaucoup à porter pour ses épaules encore frêles. J’avais du mal à croire qu’il était en âge d’être adulte. Peut-être que c’était trop tôt et en même temps je savais que cette expérience ne pourrait que le faire grandir.

Je pivotai dans les airs. Ljund était couvert de tatouages et je ne pus m’empêcher de lui adresser un sourire maternel. Papa et maman n’étaient même pas là pour être fiers de lui, alors j’essayais d’être fière pour nous trois.

De nouveau, l’adolescent vérifia ses effets. Metléhem lui avait remis une pipe et du tabac dans une blague en cuir. Pour le reste, il s’était débrouillé. Il n’avait pas besoin de grand chose, hormis de quoi chasser. En cette période où l’herbe était sèche et coupante, il n’avait guère besoin de plus de vêtements que le pagne qui tombait sur ses hanches. La nourriture, l’eau, il trouverait tout cela dehors.

- Bon eh bien… commença-t-il d’une voix mal assurée. Il se râcla la gorge. Je vais y aller ? Si je reste trop longtemps, on va se moquer.
Il adopta une mine déterminée comme pour se donner du courage, rejeta ses épaules en arrière et repoussa la peau pour quitter la tente. Metléhem attendait patiemment dehors. Il y avait d’autres enfants qui étaient venus assister au départ, avides de se projeter sur ce qui les attendrait quand le chaman les jugerait prêts à se lancer dans leur périple. Solennel, Ljund regarda son mentor uniquement, lui adressa un signe du menton et s’engagea sur le chemin en terre tassée par les allées et venues.

Au bout de quelques minutes, le village fut réduit à une vague bosse dans la ligne de l’horizon, jusqu’à disparaître totalement quand il prit le coude d’un virage et qu’une colline lui masqua la vue. Alors seulement, Ljund laissa ses épaules descendre. Il me jeta un coup d'œil en biais.

- Pour l’instant, ce n’est pas si difficile. En plus, le temps est idéal. Je devrais sans doute en profiter pour chasser, en prévision de ce soir ?

Joignant le geste à la parole, il s’empara de sa fronde et quitta le sentier pour pénétrer dans les bois. Son pas manquait de discrétion, plus que d’ordinaire et au bout d’un certain temps, il jura en trébuchant sur des ronces. Agacé, il jeta sa fronde au sol et se laissa glisser contre un tronc.

- J’devrais sans doute plus me concentrer sur la fusion. Metléhem a rien dit, comme d’habitude. C’est mon mentor, mais au final, il ne m’apprend rien. grogna-t-il. Si ça se trouve, il devient sénile et m’a envoyé trop tôt en pèlerinage. J’aurais l’air de quoi moi, si je rentre bredouille ? Mieux vaut ne pas rentrer tout court.

Je pris un air d’incompréhension. J’hallucinais. Pas plus d’une minute plus tôt, mon petit frère s’était targué de trouver l’épreuve on ne peut plus facile. Son attitude me révoltait : je ne l’avais pas éduqué comme ça. Papa et maman ne nous avaient pas éduqués comme ça. En plus, il confirmait les craintes qui m’avaient saisies plus tôt.

- Comment ça, “si je rentre bredouille” ? je lui laissai le temps de réfléchir brièvement à ma remarque. Ljund, sérieusement, tu pensais à quoi là ?

Il me regarda avec des yeux de merlan frit. Il avait intérêt à bien penser avant de prendre la parole, car je comptais lui faire passer un sale quart d’heure s’il en faisait autrement. Je m’avançai et me penchai vers lui, très proche. Ce qui me retenait de lui en foutre une était purement et uniquement lié à un défaut de physique.

- Je suis là.

Il cligna des yeux. Visiblement, il n’étouffait pas sous la compréhension de ce qui tombait sous le sens. Moi, je m’étranglais. Si Métléhem avait envoyé Ljund trop tôt en pèlerinage, c’était parce qu’il savait que j’étais là. Je ne voyais pas d’autre explication à présent.

- Tu n’as à chercher nulle part. C’est moi ton Hozro. je m’écartai en croisant les bras. Alors maintenant, pour le mois qui vient, ta priorité c’est d’aller chercher de la nourriture. Pour la fusion, on s'entraînera ensemble.

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Ljund & Ni'Obë
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Ljund & Ni'Obë
Mar 06 Fév 2024, 22:21


Point de vue : Ljund

- Hein ? croassai-je.

Je fixai ma soeur avec des yeux ronds comme des billes, incapable de pousser la réflexion plus loin. J’étais sous le choc de ce qu’elle sous-entendait.

- Mais… Mais Nini… T’es Nini. l’informai-je d’une voix faible.

C’était vrai. Avant d’être un Esprit, elle était surtout et avant tout ma sœur. Quelle que soit la solidité de son enveloppe, je ne l’avais jamais considérée autrement. La seule différence pour moi résidait dans le fait qu’elle me collait en permanence, là où avant, j’avais des moments de tranquillité - utilisés à bon escient pour commettre quelques méfaits propres à mon âge. Maintenant, je souffrais de sa présence permanente, et me demandais si je n’allais pas mourir puceau à ce rythme. Au final, le seul lieu qu’elle n’atteignait pas était l’intérieur de ma tête. Ce qui ne serait théoriquement plus le cas si je comprenais ce qu’elle était en train de me dire.

- Comment ça, “je suis Nini” ? Tu te fous de moi ?

Sa remarque eut le don de m’énerver presque instantanément, principalement parce que je ne voyais pas pourquoi elle me criait dessus. Je ne voulais pas comprendre non plus ce qu’elle disait. Un instant, j’envisageai même de me boucher les oreilles comme quand j’étais enfant pour ne plus avoir à l’écouter. Mais j’étais un homme désormais. Enfin, je crois.

- Mais t’es sérieuse ? Toi ? Et moi ?

Ses yeux étaient si écarquillés que j’aurais juré qu’elle pouvait les sortir de ses orbites d’un simple coup à l’arrière de son crâne - ce que j’aurais été heureux de faire pour lui remettre les idées en place. Ses narines étaient grandes ouvertes au possible et sa mâchoire si serrée que j’aurais juré entendre ses dents grincer. Avant sa mort, ça aurait été le signal qui ne trompait pas de prendre la fuite pour éviter son ire. Désormais Esprit, et moi plus âgé, je la défiai du regard et croisai les bras sur mon torse.

- Bien sûr que je suis sérieuse !

Elle aurait pu faire tomber sur mon crâne une enclume que je n’aurais pas eu l’air moins sonné. Sonné et pris d’une légère nausée. Sa suggestion - pour le dire de façon diplomatique car j’avais mon mot à dire quoi qu’elle en pense et c’était aussi à moi de décider - me mettait profondément mal à l’aise. Je la trouvais malsaine. Ce n’était pas bien. Je ne la voulais pas dans ma tête, ça allait me rendre fou, au mieux.

- Lju, ne me dis quand même pas que tu n’y avais jamais pensé ?

J’avais du mal à en croire mes oreilles.

- Bah… J’eus un haussement d’épaule accompagné d’une grimace presque contrite. Je n’étais pas vraiment désolé, mais j’étais sans doute un peu bête.

Sa protestation se transforma en un choc encore plus grand quand elle inspira une bruyante goulée d’air, qui se réchappa d’entre ses lèvres sous la forme d’un rire rauque et presque forcé. J’en eus la chair de poule. Nous nous disputions souvent, mais je sentais que cette dispute était différente. Elle nous frappait au cœur et nous écorchait de l’intérieur. Je ne voulais pas la blesser, mais je ne voulais pas céder mon unicité. Pas à elle.

- Alors c’est ça, tu me prends pour Alfsol. C’est tout ce que je représente à tes yeux : un simple Esprit secondaire et encombrant dans le déroulé de ton existence.

Elle se détourna de moi. Je n’en revenais pas. J’avais envie de la secouer mais c’était impossible.

- Quoi ? Mais pas du tout ! Tu dis n’importe quoi !

En plus, Alfsol était réellement utile ; je trouvais à la fois faux et arrogant de se comparer à l’impressionnante Kazak.

- Je suis sous ton nez et je te conseille en permanence, Ljund. En PERMANENCE ! Sans moi, tu ne serais déjà plus là à passer le rituel le plus important de ton existence ! Est-ce ainsi que tu comptes me remercier ? En vouant ta vie à un Esprit qui ne te connait même pas ? Je suis revenue pour toi, je t’ai cherché pendant DES SEMAINES, pour que tu choisisses au final de me mettre à l’écart ?

J’ignorai que c’était possible une fois mort, mais elle dût reprendre son souffle. Un air dégoûté déformait ses traits. Du point de vue d’un infidèle, la scène devait être particulièrement paisible. Elle avait pourtant crié fort.

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Ljund & Ni'Obë
Mar 06 Fév 2024, 22:22


Point de vue : Ljund

Je voulais protester, lui dire qu’elle avait tort, mais les mots restaient coincés dans ma gorge. Je trouvais des failles à son raisonnement. Je savais que je lui devais beaucoup, mais n’était-ce pas cruel de s’attribuer tout mon mérite quand j’étais celui qui suait sang et eau sur cette coquille décharnée qui nous transportait sur les flots ? Quand c’était moi qui prenait toutes les réprimandes de l’équipage, qui essuyait les tâches les plus ingrates pendant qu’elle se la coulait douce avec son air endeuillé et dépressif et ses remarques ironiques persiflées dans mes oreilles ? Mes dents se serrèrent pour verrouiller mes pensées derrière mes lèvres scellées. Certaines choses ne devaient pas être dites, mais elle n’avait pas l’air du même avis.

-Je suis morte de la main d’hérétiques dans des circonstances ignobles. Je n’ai pas même eu l’opportunité de vivre la vie que j’aurais dû mener. Je n’ai pas pu honorer comme il se doit les Ætheri car on me l’a injustement enlevée ! Je n’aurais jamais droit à ma part, c’est ça ?

Elle retenait des larmes de colère. Elle se pencha vers moi qui ne disait plus rien. Elle avait pris de la hauteur.

- Les Dieux nous guident tous pour une raison. elle prononçait ses mots comme un sifflement entre ses dents et pourtant, elle continuait de crier. Je baissais les yeux vers mes pieds, incapable de soutenir son regard à l’évocation des plus Grands. Loin d’avoir fini de creuser ce gouffre de culpabilité, elle enchaîna impitoyablement, ses mots comme des flèches qui faisaient mouche à chaque expiration. Je refuse de croire que je suis morte pour m’écarter de toi ; au contraire. Tout ce que j’essaie de faire depuis le début, c’est de faire de toi le plus grand des Kazak, et en échange, il me serait interdit de goûter à nouveau au monde tangible ? Tu ne m’enlèveras pas ça, Ljund.

Lentement, je m’accroupis. Les coudes sur les genoux, ma tête retomba entre mes épaules et mes doigts se rejoignirent sur ma nuque. Ma poitrine se gonfla, et en même temps que le soupir qui s’échappa d’entre mes lèvres, les larmes dévalèrent sur mes joues. Je me mordis aussitôt la lèvre inférieure pour les retenir mais maintenant qu’elles étaient sorties, d’autres suivirent, comme des fétus emportés contre leur gré dans un torrent. Je reniflai, une fois, deux fois et enfonçai mes doigts dans mes cheveux. Je me sentais trembler de façon incontrôlable. Mes ongles pénétrèrent le cuir chevelu et la douleur réveilla cette ire que Ni’Obë excitait depuis le début. J’attrapai de la terre et des cailloux à pleines poignées et les envoyai sur elle de toutes mes forces en poussant un cri de rage. Les gerbes traversèrent son enveloppe grisâtre et je poussai un hurlement guttural de frustration qui chassa un couple de corbeaux de la branche d’un conifère au-dessus de nos têtes. J’envoyai mon pied frapper contre un tronc et ce fut plus satisfaisant que jeter des brassées de terre dans le vent, mais plus douloureux pour mes orteils aussi. Avec le bras, j’essuyai mes larmes et jetai un regard haineux à ma sœur.

- T’as vraiment toujours été qu’une putain d’égoïste hypocrite ! Qu’est-ce que t’as pas compris en crevant ? Tu récupèreras pas ta vie, c’est fini ! Tu crois que je vais te prêter mon corps pour te filer une vie de substitution ? Tu rêves ! Jamais ! Tu sais encore mieux que moi qu’c’est pas comme ça que ça marche ! Je crachai au sol et frappai même du pied. Je me sentis un peu ridicule mais enchaînai avant de laisser le sentiment s’installer.

- Putain ! J’arrive pas à croire que… que tout ce temps tu - tu ! Je bégayai de colère. J’aurai voulu lui envoyer mon poing dans la figure. Par défaut, je m’ouvris la peau des phalanges sur le même arbre qui avait reçu mon coup de pied.

- Je croyais que tu m’aimais ! Tu disais que tu restais parce que papa et maman étaient plus là ! Mais tu veux juste te servir de moi ! C’est de la merde, Nini, c’est juste de la merde ! Merde ! répétai-je encore, au cas où elle n’aurait pas compris mon point de vue.

- Je veux même plus te voir ! Ne me suis même pas ! J’ai pas besoin de toi pour être un grand Kazak ! Va te trouver un autre corps à occuper espèce de parasite ! Tu m’dégoûtes ! Je tournai les talons et marchai vivement pour m’éloigner d’elle.

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Ljund & Ni'Obë
Dim 11 Fév 2024, 21:37


Point de vue : Ni’Obë

Ma mâchoire se décrocha comme elle ne s’était jamais décrochée auparavant. L’angle qu’avaient pris mes mandibules en aurait inquiété plus d’un de mon vivant. Jamais je n’avais été autant insultée et humiliée. Ljund était devenu fou, à tel point qu’il avait osé lever la main sur moi. Je n’avais pas cillé face à sa poignée de cailloux ridicule, mais toujours était-il que l’acte avait témoigné d’un dépassement de bornes grave. Il aurait pu me faire taire, couper net la tension entre nous alors que je réalisais à quel point j’avais pu être égoïste, mais je baignais dans une telle détresse que je n’avais aucune envie de me plier aux répliques de mon frère. Moi aussi j’étais en colère. Moi aussi j’avais envie de hurler et de pleurer. Moi aussi j’avais envie de le frapper en poussant des cris de goret. Moi aussi j’avais envie de devenir folle à ce point et pourtant, j’étais bel et bien plantée là, à bouillonner en considérant avec un ahurissement grandissant les réactions de mon frère. Mes poings se serraient et se desserraient. J’attendais ses assauts, prête à contre-attaquer avec d’autant plus de vigueur.

Mais chacune de ses accusations me fit le même effet qu’un coup de poing dans le ventre. J’encaissais. Il ne me laissait pas l’opportunité d’en placer une et de toute manière, je n’en étais même pas capable : j’avais considérablement sous-estimé sa capacité à me répondre. Ses attaques me laissaient toutes pantoise. J’en avais le souffle coupé.

- Je…

Me balancer l’irréversibilité de ma mort à la figure était une chose, une pique grossière que je tournais moi-même en argument. Hormis pour le ton employé, la dispute aurait pu se cantonner à ça sans avoir de réelles conséquences.

- Mais pas du tout, je…

Qu’il pense que je l’utilisais dans mon unique intérêt personnel était une idée insupportable et dégradante. Mais avec du recul, je pouvais la concevoir.

- Tu... !

Mais que Ljund me traite de parasite était de loin la pire chose qui avait pu traverser la barrière de ses lèvres. Je renonçai à riposter. Toute la haine, les insultes qu’il venait d’épandre à la volée terminaient de faire céder le dernier rempart qui me séparait d’une profonde détresse. Il me détestait. Je n’étais qu’un parasite à ses yeux, une emmerdeuse étouffante, machiavélique, manipulatrice, une ignoble perverse. Quand il s’éloigna, je ne cherchai pas à le suivre. Je ne m’en sentais pas la force, comme si le monde allait se dérober si je tentais seulement. A la place, je m’effondrai en sanglots. J’étais nulle. J’avais tout raté. J’avais tellement raté que j’étais en train de perdre mon frère. Je craignais même que ce fut déjà trop tard. J’avais conscience d’avoir été une chieuse, mais ce n’était que maintenant que je me le reprochais. A genoux sur l’herbe rase, je me pliais en deux sous la violence de mes pleurs. Je plaquai mes deux mains contre ma bouche pour étouffer ma voix et fermai les yeux. Cette panique m’avait déjà saisie tout entière le premier jour de ma mort et encore une fois, j’eus envie de mourir.




Les jambes repliées contre ma poitrine, j’avais plongé mon regard dans le feu que Ljund avait allumé. Je m’étais placée sur le côté, en-dehors de son champ de vision. Il ne voulait plus me voir ; aussi j’appliquais à la lettre sa volonté. Toute la journée et jusqu’au soir, j’étais restée à l’écart et il s’était débrouillé seul. Il avait fait la cueillette et chassé, peut-être - je m’en fichais assez, j’étais allée me promener pour me calmer. Je l’avais uniquement observé se battre avec le bois sec pour allumer ces foutues braises qui ne réchauffaient aucun cœur.

Je détestais le silence qui s’était interposé entre nous, mais je ne désirais pas le briser. J’étais peut-être la grande sœur, celle qui devait montrer l’exemple, mais je refusais de faire le premier pas après les ignominies qu’il avait perpétré à mon égard. J’estimais que ce n’était pas à moi de m’excuser. J’avais joué mon rôle d’aînée mais lui avait joué celui de petit con pourri-gâté. Je profitais aussi de sa mortalité, car son confort de vie ne dépendait plus que de lui, sans mes conseils. Si cela revenait à ne plus se parler pendant des années, si cela signifiait qu’il allait oublier ma présence au profit d’un autre Esprit, ça m’était égal. Ljund, dès à présent, allait se démerder et grandir un peu.

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Ljund & Ni'Obë
Dim 11 Fév 2024, 21:46


Point de vue : Ljund

Marcher ne m’avait pas calmé. À l’inverse, j’avais continué à accumuler mentalement toutes mes récriminations contre Ni’Obë. Vers la fin, elle était devenue responsable de tous les maux dont je m’étais convaincu être la victime. Je pestais même contre le fait qu’elle se soit occupé de moi après la mort de nos parents au lieu de s’occuper d’elle-même. Il y avait toujours quelqu’un au village pour s’occuper des plus jeunes, nous étions une communauté soudée, mais Ni’Obë avait toujours pris à cœur mon éducation. Quand je pensais au prix à payer en échange, le sang me remontait à la tête comme une décharge.

Respirant fort, je ne me préoccupais pas du boucan que je faisais, froissant la faune environnante qui s’éloignait de mon turbulent chemin. Je m’en fichais. Je n’avais plus envie de chasser, je n’avais pas le cœur à avaler quoi que ce soit. J’avais envie de me battre mais je ne pouvais pas avec elle, et ici, j’étais seul. Une flopée de jurons fusa entre mes dents serrées. Elle avait tout gâché. Cette mission que j’avais tant attendu, ce périple que j’étais si heureux d’entamer, j’allais enfin être un homme, et ça aussi elle me l’enlevait. J’avais envie de me rouler au sol et de hurler à la mort même si ça ne résoudrait rien.

- Fais chier ! gueulai-je avec défi, les yeux braqués avec fureur sur un innocent buisson.




Assis en tailleur près du feu que j’avais allumé, je me tenais le dos droit, le dos des mains sur mes genoux. Les yeux fermés, je concentrais mon attention sur la régularité de ma respiration. Régulièrement, des pensées parasitaient le calme que je tentais d’instaurer à l’intérieur de moi après la tempête qui avait régné toute la journée. Je m’efforçais de ne pas retomber dans l’émotion qu’elles provoquaient. La rage avait fini par retomber, remplacée par une faim vorace. Par fierté, je refusais de m’en plaindre et ignorais les élancements réprobateurs de mon estomac. Je n’allais pas mourir d’une nuit passée le ventre vide, et je pensais à Ni’Obë. Je refusais de lui offrir le plaisir de se moquer de moi qui échouais à me remplir le ventre après moins de vingt-quatre heures passées sans sa tutelle.

Dans la journée, j’avais croisé des Esprits mais j’avais changé de direction avant de les croiser. Je ne voulais parler à personne, de vivant ou mort, et la recherche de mon Hozro était devenue obsolète. Bien sûr, j’avais repensé à ma sœur, à ce qu’elle avait dit, à cette évidence qui n’en avait pas été une pour moi. Très étrangement, elle avait suivi ma volonté et je ne l’avais plus vue depuis que j’étais parti après mon coup de sang. C’était inhabituel de sa part. J’étais entêté, mais elle l’était mille fois plus. Et moi, j’étais allé trop loin. Une grimace tendit mes traits alors que je retenais mon envie de pleurer. Ma concentration définitivement brisée, je soupirai, rouvris les yeux, et me positionnai de façon à ramener mes genoux contre moi pour poser mon menton dessus. J’essayais de ne pas me sentir coupable. Ce n’était pas notre premier désaccord, nous nous étions même déjà battus avant son décès, mais ce n’étaient que chamailleries familiales, rien qui ne soit pas oublié le lendemain. Le problème, c’est que je continuais de m’opposer à son idée. Je n’arrivais pas à l’envisager en moi.

Finalement, je m’allongeai sur le dos, la tranche chauffée par le feu. Les mains nouées derrière la tête, j’accrochai mon regard à la voûte et enviai ce lieu où tous mes problèmes devenaient insignifiants. Mes pensées s’accordèrent sur une prière muette aux Ætheri. Que pensaient-ils de cela ? Qui avait raison de Nini ou moi ? Est-ce que Metléhem, plus observateur et perspicace, avait lu les signes envoyés par les plus Grands et avait conclu aussi que ma sœur devait devenir mon Hozro ? Étais-je le seul à ne pas trouver cette fusion normale ?




Je m’éveillai en sursaut au petit matin, réveillé par le grignotage d’un rongeur sur mes orteils. Je le chassai d’un coup de pied et m’assis, l’air perdu et les cheveux en pagaille. Des cendres déplacées par le vent dans la nuit maculaient le côté de mon visage. Par réflexe, je cherchai Ni’Obë autour de moi avant que le silence ne me rappela les événements de la veille. La nausée me suffoqua. Être à jeun n’aidait pas. J’avais malgré tout l’esprit plus clair, assez pour prendre la mesure de toute ma stupidité. Embêté, je me grattai la tête et en profitai pour resserrer quelques tresses. J’effleurai les charmes agencés en collier sur mes clavicules. Ils devaient me donner protection, chance et force. C’est de courage dont j’avais besoin. Je pris une inspiration.

- Nini ?

Je ne savais pas si elle était dans les environs, je l’espérais. Je connaissais aussi suffisamment ma sœur pour savoir qu’elle ne se montrerait pas simplement à l’appel de son surnom comme un chien fidèle, pas après ce que nous nous étions dit.

- Ré’Unnr’Wo. Je suis désolé. Est-ce qu’on peut parler ?

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Ljund & Ni'Obë
Sam 17 Fév 2024, 18:10


Point de vue : Ni’Obë

Toute la nuit, je m’étais réfugiée dans la cime d’un arbre. Pendant les premières heures de sommeil de mon frère, j’avais plongé ma concentration tout entière dans la contemplation des braises, jusqu’à ce que la dernière étincelle ne s’éteigne. Par la suite, j’avais basculé ma tête dans l’autre sens pour terminer la nuit à observer le ciel et ses étoiles. Je n’étais pas très douée dans la lecture des astres. Là où d’autres s’amusaient à dessiner des formes à nommer, là où des marins s’en servaient pour se repérer à la perfection sur une carte, je ne voyais qu’un nuage éparpillé de points luminescents dont seuls quelques uns parvenaient à se distinguer, par une taille ou une brillance un peu supérieure.

La lueur du soleil chassa peu à peu les constellations. Je ne m’en étais pas rendue compte immédiatement. Je m’étais perdue, au-delà de mes propres pensées, endormie et éveillée à la fois, allongée sur une épaisse branche.

Ce fut l’appel de mon frère en contrebas qui m’extirpa de la torpeur. Il me cherchait. Et moi, je ne voulais pas qu’il me trouve. Je me retirais contre le tronc de mon refuge, mais continuai de l’épier. J’avais très envie de le rejoindre, mais je ne voulais pas lui donner la satisfaction de retrouvailles si aisées. Même si l’utilisation de mon Hiwa me faisait frémir, je ne devais pas.

Je ne tins comme ça qu’une heure ou deux. Je supposais toutefois que le temps avait paru aussi interminable pour Ljund. Il n’avait pas quitté le campement, et s’était occupé les mains en brossant ses vêtements pour en retirer les saletés de la veille. Il était inhabituel qu’il se montre aussi soigneux de ses affaires. Visiblement, il m’attendait plus qu’il ne ressentait le besoin de se trouver une soudaine passion pour la propreté et l’ordre. Quelques fois, il réitéra son appel, se figeant, à l’écoute d’une réponse autre que le sifflement du vent dans les conifères.

- Qu’est-ce que tu veux ?

Il sursauta et se tordit le cou pour tenter de m’apercevoir. Je restai en retrait, toujours invisible. Je m’essayai à changer de place furtivement, passant d’arbre en arbre.

- Tu es perdu sans ta parasite de sœur, grand Kazak ? sifflai-je d’un intonation larmoyante. J’avais le cœur serré, mais j’espérais qu’il se sentait ridicule.

Comme il ne me trouvait pas dans le décor, il resta debout, les bras ballants.

- Je suis désolé. Je n’aurais pas dû dire ça. J’étais en colère, mais je ne le pense pas. Tu sais bien que jamais je… Il inspira et le reste de sa phrase se perdit dans sa barbe inexistante.

Je levai les yeux au ciel. Ses excuses étaient passablement ennuyeuses. Des comme ça, il m’en avait fait écouter des centaines de fois - et moi aussi par ailleurs. Mais alors, nous étions enfants. Il avait eu toute la soirée et matinée pour cogiter, mais il gardait l’éloquence d’un gardien de cochons. S’il avait préparé un argumentaire, celui-ci s’écroulait comme un château de cartes. Il soupira et gratta le sol avec un pied.

- J’aimerais qu’on parle. Tu ne veux pas te montrer ? Je… Piteusement, il garda le nez baissé sur la poussière qu’il soulevait. Je te jetterai plus de terre dessus. C’était con. Sans blague. Tu sais bien comment c’est, j’ai souvenir que papa râlait combien tu étais chiante quand tu étais adolescente. Tu leur a dit de sacrées horreurs à eux aussi, je me souviens. Allez quoi, Nini, tu veux pas qu’on reste fâchés pour toujours… supplia-t-il.

Je grognai en me rabattant derrière un tronc d’arbre et croisai les bras. Le problème de notre famille, puisqu’il avait décidé d’en parler, c’était que nous étions têtus et doublés de rancuniers. Il y avait des affronts plus gros que d’autres et ceux dont Ljund avait fait preuve hier ne pouvaient pas être effacés d’un seul revers de manche. Un autre problème subsistait en plus de cela : lui n’avait peut-être pas pensé tout ce qu’il avait dit, mais de mon côté, j’avais longuement réfléchi à ce que je lui avais avancé. J’avais peur de lui avouer à nouveau mes aspirations, surtout si c’était pour me prendre une deuxième soufflante. Je ne voulais pas non plus qu’il en garde ce goût amer, là où je pensais qu’il s’agissait de la meilleure solution malgré les situations bizarres que cela pourrait engendrer. Je me mordis la lèvre, soucieuse. Malheureusement, mes craintes ne nous avanceraient à rien.

- Quoi ? Fis-je en sortant enfin de ma cachette. Je lui fis comprendre que j’étais toujours fâchée contre lui, mais je ne voulais pas non plus entendre d’autres excuses. Je préférais passer au concret. De quoi tu veux parler ?

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Mer 21 Fév 2024, 22:20


Point de vue : Ljund

Dans l’attente et l’incertitude qui l’accompagnait, j’avais plusieurs fois manqué perdre patience et lever le camp. Il n’y avait que la gravité de notre dispute qui me clouait au sol et j’avais tour à tour prié les Aetheri, et maudit cette tête de mule qui me faisait payer mes mots par le silence. Pour moi, il était clair que j’avais été trop loin. En partant de ce constat, je devais me montrer mature et trouver une issue à ce conflit, car c’était ce qu’il était attendu de moi si je voulais être l’homme que Métléhem avait vu en moi en me déclarant apte à partir à la recherche de mon Hozro. Parfois, je me disais qu’il abusait trop sur les herbes à fumer et qu’à tout moment, quelqu’un allait venir me chercher pour m’informer que tout ça n’était qu’une erreur et que je devais rentrer et reprendre le cours de ma vie en attendant d’être prêt. Mes craintes ne se réalisèrent pas, mais ne disparurent pas pour autant. Étais-je légitime ? Je pensais que oui, mais je n’en étais pas totalement sûr. J’avais violemment rejeté ma propre sœur, et pour quoi ?

Désormais, j’avais la tête froide, et je me martelai mentalement de le rester en voyant enfin les contours dilués de l’Esprit de Nini entrer dans mon champ de vision. Je déglutis à son expression, aussi menaçante qu’un ciel chargé de nuages noirs promettant une tempête mortelle pour les inconscients sortis en mer. Sa question me décontenança toutefois et je cillai à plusieurs reprises, pris de court.

- Comment ça, de quoi je veux parler ? Bah… De tout ! Tu sais ! J’écartai les bras, tandis qu’elle gardait les siens scellés l’un contre l’autre. De toi, de moi, de nous. De mon Hozro et de ce que tu…

Les termes rechignaient à sortir, comme si les prononcer risquait de provoquer une fusion par accident. C’était irrationnel, bien sûr et j’étais heureux que Ni’Obë ne puisse pas lire dans mes pensées.

- J’pense pas que tu sois un parasite. J’ai dit ça parce que j’étais en colère, je suis désolé.

J’hésitais à ajouter qu’elle m’avait aussi poussé à bout en me sermonnant. J’en avais assez qu’elle me prenne pour un enfant et de devoir encaisser ses humeurs volatiles et intenses, comme démultipliées depuis qu’elle était morte. Je comprenais ses frustrations, un peu, mais le cycle était ainsi. Il était peut-être cruel qu’Ezechyel l’ait rappelée à lui mais si c’était son désir, Ni’Obë devait s’y plier. Toutefois, le moment était sans doute mal choisi pour reprocher à Ni’Obë son comportement quand je devais me faire pardonner le mien.

- Tu ne veux pas de moi. Qu’est-ce que tu veux dire d’autre ?

Elle s’était assise par terre et regardait quelques feuilles mortes qui jonchaient l’humus.

- Ne dis pas ça. marmonnai-je, mal à l’aise. La culpabilité m’étouffait déjà trop.

- Je sais que… c’est bizarre. Mais qu’est-ce que tu veux, que je parte comme papa et maman l’ont fait ?

Elle leur en voulait, d’être morts sans dire au-revoir. Elle n’était pas encore allée les voir, comme si elle repoussait ce moment le plus possible. Mon expression se durcit. Parfois, c’était plus simple d’éviter de penser à eux. J’avais la chance d’avoir des journées bien occupées, entre la tribu, mes tâches de mousse, les Esprits si bavards, et Nini, toujours présente pour me soutenir et me conseiller. Comme en écho à mes propres pensées, elle reprit et je me gardais bien de l’interrompre. Curieusement, ces quelques heures sans elle m’avaient fait réaliser, d’une part que depuis sa mort elle ne m’avait jamais quitté, et d’autre part que le son de sa voix m’avait manqué, ainsi que sa présence.

- On a toujours tout fait ensemble. Honnêtement, je n’ai pas envie de te voir avec un autre Hozro. Je… ça aussi c’est bizarre. Encore plus bizarre, je trouve.

Une boule dans la gorge, j’acquiesçai. Je me plaçais à son niveau, et je commençais à comprendre.

- Je sais que je suis chiante, que je veux tout contrôler et que ça t’énerve. Mais sérieux, Lju, tu serais mort trente-cinq fois sans moi. Elle tenta un sourire moqueur. Elle faisait sûrement référence à ces voyages où j’avais eu le sang un peu trop chaud et j’eus la présence d’esprit de baisser les yeux avec humilité. Je laisserai davantage respirer quand ce sera fait, promis.

Elle en retourna au sol.

- Et si tu préfères choisir quelqu’un d’autre… eh ben je pense que ce sera mieux pour tout le monde que je parte.

Je ne dis rien pendant un moment. J’examinai soigneusement la situation, ce que je ne faisais jamais. Toute ma vie, j’avais été impulsif. Cela m’avait occasionné de nombreuses déconvenues. J’avais brisé des amitiés, cogné mon corps, manqué à plusieurs reprises de relâcher le dernier souffle offert par Edel, tout cela parce que je ne m’arrêtais pas pour réfléchir. Finalement, je pris la parole, lentement. Je m’étais assis moi aussi, face à elle.

- Nini, je ne vois pas mon futur sans toi. De ça, j’étais sûr. Cette évidence pouvait-elle muter pour prendre les couleurs de celle de ma sœur ?

Du bout des doigts, elle dessinait des formes invisibles sur le sol.

- Je t’aime, et je ne veux pas qu’on se sépare. Ça ferait trop mal.

Une étincelle traversa ses mires opaques et elle releva vers moi un regard rempli d’espoir. Et à partir de là, je n’arrivais pas à trouver davantage d’arguments à lui opposer.

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Ljund & Ni'Obë
Lun 15 Avr 2024, 21:16


Point de vue : Ni’Obë

L’espoir, le soulagement, le tout mêlé à une joie hésitante, mais incommensurable, firent exploser chaque particule qui composait ma condition d’Esprit. Je ne pus retenir les larmes plus longtemps. J’éclatai en sanglots comme un simple bébé et l’émotion m’élança dans une étreinte que je ne parvins pas à honorer. À ce bruit, Ljund releva vivement la tête pour fixer des yeux effarés sur moi. Je traversai le corps de mon frère stupéfait qui amorça un mouvement de recul, et me rattrapai de justesse avant de chuter dans sous la terre. Je me reculai en reniflant bruyamment et me prosternai face à lui, mes mains aplaties sur le sol, à ses genoux.

- Nini… Dans sa voix, la culpabilité et la peine s’entremêlaient en une mélodie qui me serrait le cœur, comme si j’en possédais encore un.

- Moi aussi je t’aime. Je t’aime de tout mon coeur. Je serai toujours là pour toi, je te le promets. déclarai-je précipitamment avant qu’il n’ait le temps de rétorquer quoi que ce soit.

Je le regardai dans les yeux. J’étais inconsolable. J’avais peut-être refoulé certains sentiments depuis trop longtemps, car c’était une véritable cascade d’émotions qui me traversait.

- Nini… répéta-t-il plus bas et la dernière syllabe s’étrangla sur l’eau qui débordait de ses yeux pour barrer ses joues de sillons humides.

- Je serai la meilleure des sœurs. Je ferai tout ce qu’il faudra pour que tu sois le plus heureux des hommes.

Mon nez disparut à nouveau dans les feuilles mortes et l’humus. Ma dévotion était réelle et j’étais prête à le vénérer. Je remerciai Ljund à plusieurs reprises alors qu’il se tortillait comme un ver et reniflait ses larmes, mal à l’aise. Dans la famille, nous gérions les émotions avec le même brio. Je remerciais les dieux, tous, pour la grâce qu’ils m’accordaient.

- Je ne veux plus jamais qu’on se dispute comme ça. gémis-je en guise de conclusion.

- Moi non plus, je suis tellement désolé, Nini, pardonne-moi. hoqueta-t-il. Il s’était entouré de ses bras, à défaut de pouvoir m’enlacer.

J’avais eu tellement peur. J’avais commencé à me projeter sur une existence ailleurs, aux côtés d’un Chaman d’une autre tribu ou dans l’Au-Delà, loin de Ljund. J’aurais été exécrable, car j’y aurais perdu les miens et l’opportunité de trouver les hérétiques qui m’avaient ôté la vie.

- Je ne veux plus jamais que tu disparaisses. Promets-moi que tu ne partiras pas comme papa et maman. Je me suis senti si seul, c’était horrible. L’air misérable, il ne me quittait plus du regard, suppliant, son cœur aussi lourd qu’une ancre.

- Je ne partirai pas, je te le promets. L’envisager suffisait à me mettre en colère.

Il s’essuya le visage avec le bras, brouillant les motifs géométriques peints la veille, ceux qu’il avait mis le plus grand soin à dessiner pour l’occasion. Il inspira profondément et sembla retrouver la maîtrise de lui-même au bout de plusieurs minutes. Quand il regarda autour de lui, le monde n’avait pas changé, mais plus rien n’était pareil. Il baissa les yeux sur moi et dans les siens dansait une incertitude que je connaissais bien. Il me regardait toujours ainsi quand il attendait que je lui dise quoi faire, comment le faire, quand le faire.

- Du coup… Euh… Il se gratta la nuque. Sa voix rauque râclait le fond de sa gorge comme pour l’en débarrasser des dernières miettes d’émotions. Tu veux bien me laisser du temps avant… tu sais, avant qu’on le fasse. Je ne me sens pas prêt là tout de suite. confia-t-il piteusement.

Il avait surtout envie de changer de sujet. Je hochai la tête. J’avais aussi besoin de temps. De toute façon, dans nos états respectifs, nous n’étions bons à rien pour aujourd’hui. J’essuyai mes larmes factices du plat de la main.

- J’aimerais bien aller me baigner. songea-t-il à voix haute. Tu me suis ? Il esquissa un sourire hésitant.

Je lui répondis par la même expression. Je remontai d’un mètre dans les airs.

- Allons-y.

La mer n’était jamais très loin. Je le suivis jusque dans l’eau dans laquelle je fis mine de m’immerger. Évidemment, je ne sentais rien. Ces sensations me manquaient : les vagues, le vent, le sel, le froid, le sable et les galets sous mes pieds. Je ne pouvais plus éclabousser Ljund pour déclencher une bataille d’eau, ni plonger sous la surface pour lui attraper les chevilles et le faire couler, ou le porter sur mes épaules pour faire tomber les équipes que formaient les autres enfants de la tribu. J’avais hâte de revivre pour pouvoir expérimenter tout ça. Ce serait différent, nous ne pourrions pas tout faire en une seule personne, mais ce serait bien quand même. De ça, j’étais certaine.

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