Lhyæræ nageait dans les eaux de l'Océan. Elle revenait du fond des abysses et, fort heureusement, avait obtenu le droit de retourner à la surface. Après ce qu'il s'était passé à Caelum, le fait qu'elle ait désobéi à Næ et se soit enfouie en compagnie d'un bipède, elle avait reçu une missive de la part de sa tutrice, la conviant chez elle afin de régler quelques petits détails. Myæsha, la fameuse tutrice donc, était une femme particulièrement raciste. Elle ne voyait les Hommes que comme des moins que rien qu'il fallait noyer au plus vite. Maîtres de la surface, ils se pensaient grands mais, à ses yeux, ils n'étaient que des insectes avec un ego surdimensionné. L'ancienne souveraine des abysses avait bien fait son œuvre en apprenant à cette vermine ce qu'il en coûtait de penser une seule seconde pouvoir surpasser le peuple des mers. Quoi qu'il en soit, malgré la vision bien négative de Myæsha, Lhyæræ était fascinée par la culture des terres. Elle n'aimait pas ses habitants, faute d'une éducation allant dans ce sens, et acquiesçait sans la moindre hésitation s'il était question de noyer des marins ou des pirates. Ils naviguaient sur ce qui leur appartenait, ce n'était que pure logique de vouloir chasser ces gueux. Elle était certaine que des Démons arrivant à Utopia en clamant qu'ils en étaient les mettre aurait produit le même genre de réaction de la part des Humains. Enfin, peu importait. Elle avait choisi de se cultiver sur la vie terrestre et, sur des terres qui ne lui appartenaient pas, elle n'avait aucune raison de revendiquer quoi que ce soit.

« J'ai ouïe dire que tu t'étais entiché d'un être humain... J'espère que c'est faux Lhyæræ, tu ferais honte à notre peuple... oh oui, tellement honte... » avait commencé l'Ondine en voyant sa protégée arriver. La jeune femme savait qu'elle devrait mentir, trouver une excuse quelconque à son comportement, sinon, il était certain que sa tutrice na la laisserait jamais remonter à la surface. Elle avait accepté avant tout parce que Næ était avec elle et qu'il la protégerait une fois là bas. Cela lui coûtait énormément de savoir Lhyæræ dans ce monde si... insignifiant à ses yeux. « Je ne me suis pas entichée. Je me sers de lui mais je n'ai pas envie de le dire à Næ. Sa jalousie et sa possessivité me plaisent. Ne croyez pas ce qu'il vous raconte, sa vision n'est pas objective et je me plais à me jouer de lui pour mieux lui offrir ce bipède sur un plateau une fois que j'en aurai finis avec lui. ». La vérité était toute autre puisque, effectivement, les sentiments – aussi désolant qu'elle pouvait les trouver – étaient bien présents. Elle aimait cet homme et ce simple fait lui donnait envie de l'assassiner. Le problème c'est que dès qu'elle se trouvait en sa compagnie, sa volonté fondait comme neige au soleil. « J'ai bien plus tendance à croire Næ que toi. ». « Dans ce cas, attendez un peu et vous verrez que ce que je dis n'est que la vérité... ». Bien sûr que non mais Lhyæræ avait l'intention de trouver un moyen de devenir indépendante. Myæsha ne viendrait jamais la chercher à la surface et il ne restait plus qu'à régler le cas de Næ. Si elle pouvait trouver un moyen de le convaincre de garder le silence... « J'ai également ouïe dire que cet homme était venu sous l'Océan... ». L'air de sa tutrice était grave. « Peu d'Hommes sont capables de telles prouesses. J'ignore son secret et ses dons mais j'aimerai que tu fasses attention. Trop de ces moins que rien profitent de la naïveté de certains des nôtres. Je n'aimerai pas te voir embrochée. ».

C'était donc après une discussion plutôt désagréable que Lhyæræ avait été autorisée à rester sur la terre ferme. Néanmoins, depuis qu'elle avait quitté Myæsha, elle pensait au futur, à ce qu'elle devrait faire. Næ aussi l'avait averti de la perfidie des hommes mais, quoi qu'on puisse lui dire, elle savait que Wriir ne lui ferait pas le moindre mal. C'était une certitude. Les autres de son espèce pouvait mourir, elle n'en avait que faire, mais, lui, il était spécial. C'est donc, plongée dans ses pensées, qu'elle ne vit pas qu'elle était entrée dans une sorte de filet. Quand elle s'en aperçut, il était trop tard, les mailles de ce dernier se refermant sur elle. Elle sentit son corps hissé vers la surface et des rires gras, sans doute à cause d'une plaisanterie faite par un homme au préalable, fendre l'air une fois qu'elle fut émergée. Elle voulait se débattre mais, malheureusement, elle savait que cela ne servirait à rien tant que le filet ne serait pas ôté de son corps.

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Une fois que le filet eut touché le sol, Lhyæræ tenta de se débattre à travers ses mailles. Elle aurait été un peu plus puissante, elle n'aurait fait qu'une bouchée de ce qui l'entravait. Le problème c'est qu'elle ne l'était pas. Après quelques longues secondes, elle s'avoua vaincue, choisissant de rester calme afin d'éviter de se blesser inutilement. Myæsha avait raison, les bipèdes étaient tous répugnants. Wriir était la seule exception à ses yeux, même si elle avait essayé de les aimer. Respirant profondément, elle essayait de ne pas céder à la panique ou aux scénarios qui pouvaient défiler dans son esprit. Elle ne maîtrisait pas encore très bien la langue des Hommes à vrai dire. Elle arrivait à comprendre les expressions courantes, les phrases quand elles étaient prononcées lentement, mais elle avait beaucoup de mal avec ce qui était abstrait. Pourtant, les intentions de ces individus se lisaient sur leur visage. Ils étaient menaçants, d'une manière ou d'une autre. Elle n'avait aucune idée de ce qu'était un quatre heure mais cela sonnait mal. Néanmoins, le terme « poisson » ça, elle connaissait. Fronçant les sourcils, elle aurait bien mordu le premier à essayer de la toucher. N'avaient-ils jamais vu une Sirène ? À bout de souffle et de nerfs, elle se demandait si elle tiendrait encore longtemps dans une telle ambiance. Elle avait l'impression d'être une algue rare que beaucoup d'individus convoitaient. Elle n'était ni une algue, ni rare. Lhyæræ commençait à douter de sa stratégie. Peut-être qu'en se montrant menaçante, ils auraient reculé ou l'auraient remise à l'eau ? Ses jambes étaient apparues et la nudité qui était sienne semblait attirer les regards. Elle ne comprenait pas pourquoi, même si Næ d'abord et Wriir ensuite avaient essayé de lui expliquer ces subtilités propres aux Bipèdes. Il y avait des choses qui la dépassaient totalement.    

Soudain, elle sentit le filet se dégager. Dans toute cette foule, elle devait avouer avoir du mal à suivre. À présent debout, elle fixa la jeune femme qui l'avait aidée, ne comprenant pas son geste. Était-elle de son côté ou souhaitait-elle lui faire du mal ? La réponse sembla trouvée quand un manteau fut posé sur ses épaules. Toujours méfiante, elle tendit à son tour l'oreille. Il n'y avait rien de menaçant de son point de vue. Après... pour des marins ou pirates, elle ne savait pas trop ce qu'ils étaient, peut-être que cela ne signifiait rien de bon. En réalité, même si les Hommes parcouraient la mer chaque jour, elle n'avait jamais fait la différence entre leurs différents statuts. Pour elle, ils étaient tous pareils : des ennemis à abattre. Néanmoins, sa position ne lui permettait pas vraiment d'agir comme elle l'aurait voulu. Il fallait qu'elle se calme, qu'elle accepte sa défaite pour le moment. Aussi, de ce qu'elle avait compris, son chant posait problème. Avant même de répondre à la question, elle murmura simplement : « Je ne chanterai pas. Promesse. ». Elle confondait parfois les verbes et les noms quand ils avaient la même racine. L'adrénaline et la peur n'aidant pas non plus à réfléchir tranquillement, ses fautes seraient sans doute nombreuses. Puis, elle sourit, essayant de paraître sincère. Elle l'était, elle ne chanterait pas, simplement, elle avait peur que sa haine de plus en plus marquée pour les Hommes ne la fasse passer pour une menteuse. Consciente qu'elle n'avait pas la main, elle se sentait toujours menacée, malgré l'aide apportée. Regardant autour d'elle, comme si elle désirait que la foule s'efface, elle se mit à jouer avec ses doigts pour maintenir son anxiété. « Je m'appelle Lhyæræ. ». Quelque part, elle se disait que si son prénom l'intéressait, c'est qu'elle n'avait pas envie de la tuer... pas tout de suite. Il fallait vite qu'elle trouve quelque chose, un sujet de conversation quelconque afin de paraître plus sympathique. « Faites-vous quoi ici ? ». Ce n'était pas correct. Il fallait qu'elle réussisse à mieux communiquer. « Qu'est ce que... ». Elle marqua une pause, comme pour rechercher dans les yeux de ceux qui étaient là si elle avait bon ou non. Ne voyant rien de particulier, elle continua sa phrase tout en reprenant le début. « Qu'est ce que vous faites ici ? ». Elle n'avait aucune idée, en réalité, de ce que faisaient les hommes sur leur navire. Pour elle, il s'agissait d'individus qui narguaient le peuple des mers en naviguant sur l'Océan comme s'ils avaient le pouvoir de le dompter et qui cherchaient manifestement à voler ses trésors et à tuer ses habitants. Elle n'avait pas pris en considération que ces individus puissent transporter des marchandises ou autres.

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