Le cheval en papier
Alcide & Eiko

Yue Po - Herons

Moko, juché sur la tête de la petite Orine, observait les mouvements méticuleux qu’elle articulait dans son travail. Chaque pliure était l’objet d’une intense concentration, pour réussir à aligner parfaitement les bords et les angles de son papier. Ce n’était pas toujours simple, et la fillette avait déjà dû recommencer son œuvre quatre fois. Cette fois-ci, cependant, elle touchait au but, son origami prenant peu à peu la forme qu’elle désirait. Sa langue dépassant légèrement de ses lèvres crispées par l’effort et les sourcils froncés, l’amatrice passa le plat de ses doigts pour aplatir le papier. Ce dernier avait été choisi avec soin, tout comme la forme donnée au matériau. Le motif représentait un camaïeu d’éventails bleutés. Eiko aimait à penser qu’en soufflant fort dessus, ils se transformeraient soudainement en ailes et permettraient à son cheval de s’envoler. Elle laisserait le soin à son grand frère de tester sa théorie. « Tu crois qu’il aimera ? » s’inquiéta soudainement la brunette en relevant les yeux vers la petite boule de poils qui décorait sa chevelure. Moko hulula calmement, ce qui fit sourire l’inquiète. « Oui, c’est parce que mon grand-frère, plus tard, ça sera un grand chevalier ! » assura-t-elle avec enthousiasme. « Alors il a besoin d’un super cheval pour l’emmener partout où il voudra ! » C’était Papa Jun qui lui avait raconté tout ça. Lorsqu’elle lui avait posé la question, il lui avait répondu qu’elle avait beaucoup de frères et sœurs. Enthousiaste à cette idée, elle avait alors commencé à l’ensevelir d’interrogations à leur sujet. Quel âge avaient-ils, étaient-ils tous des Orines, où est ce qu’ils vivaient, est-ce qu’ils pourraient venir prendre le goûter avec eux, quand est ce qu’elle pourrait les rencontrer ? Pour pallier à sa vive curiosité, l’adulte lui avait proposé de lui faire découvrir un frère à la fois. Il avait commencé par l’un de ses petits derniers. La personnalité d’Alcide, décrite au travers des yeux de son père, avait enchantée la Hanatsu. Elle l’avait instantanément trouvé gentil, et avait souhaité pouvoir le voir pour de vrai. Ça n’avait pas été possible, mais leur Papa lui avait proposé de lui apporter un cadeau. Sans plus attendre, la fillette s’était empressée d’aller confectionner son présent.

« Et voilà ! Qu’est ce que tu en penses, Mokoko ? » demanda fièrement la petite artiste, levant l’origami au-dessus de sa tête pour que son Jishi puisse l’inspecter. Elle sentit la fourrure du petit animal lui frôler les doigts, ce qui la fit rire. « Ça chatouille ! » commenta-t-elle. Le feluche fureta et se posa sur sa main, donnant l’illusion de monter sur le cheval, ce qui arracha un nouveau rire à la fillette. Celle-ci rapporta sa main devant elle, écoutant attentivement le ronronnement produit par la boule de poils. « Oh, une chanson ? » répéta-t-elle, à la fois surprise et ravie. « Oui, c’est une bonne idée ! » s’exclama-t-elle. Alors, presque immédiatement, elle se mit à user du Dakao ambiant pour créer une chansonnette en l’honneur de son grand frère.

« Moi, j'ai un super grand frère,
Son secret, c'est d'être chevalier !
Tous les jours, il protège la terre,
Avançant sur son cheval plié.

Alcide, le chevalier bleu,
Il est gentil et a tout plein d'amis !
Lorsqu'il nous aide, c'est qu'il est honnête !
Quand il me fait rire, c'est pour mieux vivre.

Moi je l'aime déjà, mon super grand frère,
Alors c'est juste pour lui,
Qu'en cadeau, cette chanson lui est offerte,
Que sa mélodie chasse loin l'ennui.

Alcide, le preux chevalier,
Il n’a ni peur ni rancœur.
Lorsqu’il sourit, même le soleil s’embellit,
Et quand il m'encourage, il chasse tous les orages !

C'est vraiment un super grand frère,
Qui aime toujours tout le monde.
Alors moi, pour lui j'espère,
Que dans son cœur la joie abonde ! »

« Oh, j’ai une idée ! » s’interrompit la chanteuse, stoppant soudainement la mélodie qu’elle avait entonnée pour terminer sa chansonnette. « On a qu’à lui écrire les paroles sur le papier de dedans le cheval ! Comme ça, ça lui fera une surprise dans sa surprise ! Ça fera deux cadeaux ! » Elle avait eu l’idée en se rappelant d’une coutume que sa maman lui avait expliqué. Ça ne se faisait pas trop, par ici, mais il paraissait que les Orines de Maëlith répétaient cette tradition tous les ans. Celle d’écrire des vœux à l’intérieur des Origamis, et d’attendre que les vents les emportent jusqu’à leur futurs Aisurus. Dans son cas, ce n’étaient pas vraiment des vœux, simplement des encouragements. Ce n’était pas grave. Du moment que les paroles étaient sincères, c’était le plus important ! La Hitoka s’empara d’un nouveau papier et se saisi d’une plume. Retrouvant sa mine sérieuse, elle s’empressa d’écrire ses vers avec application. Il y aurait sans doute des fautes d’orthographe, puisqu’elle ne maîtrisait l’écriture que depuis peu de temps, mais cela ne l’empêchait jamais de s’exprimer. Elle ne craignait pas encore les erreurs, et fonçait droit devant sans s’inquiéter.

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