a) Enfance

Düst s'arrêta un instant devant la grille du Manoir. Il le faisait simplement parce qu'il l'avait promis, sans véritablement comprendre les motivations de la femme qui lui avait demandé ce petit service. Entrant dans le jardin enneigé, il ne tarda pas à apercevoir celle qu'il était venu voir. Il l'observa un moment. Cette enfant lui ressemblait, et pourtant... « Bonjour » dit-il doucement, en se baissant pour être à la hauteur de Séléna. La petite fille l'avait vu venir de loin et même si ce qu'elle faisait, c'est à dire donner à manger aux écureuils, était une chose très importante pour elle, le monsieur semblait être quelqu'un d'important. Il était très grand et très beau. Il l'impressionnait véritablement et elle finit par lui sourire, lui répondant alors : « Bonjour. ». « Comment t'appelles-tu ? ». Elle lui aurait bien dit que ce n'était pas poli de tutoyer quelqu'un mais elle n'osa pas. Pour une fois, quelqu'un avait réussi à contenir le flot de paroles qui sortait généralement de la bouche de la fillette. « Séléna. Juste Séléna. ». « D'accord. Hé bien, enchanté, juste Séléna. ». Il la regarda un moment avant de demander : « Est-ce que tu sais qui je suis ? ». L'enfant fit non de la tête. « Je m'appelle Düst, je suis le Roi des Réprouvés. Est-ce que tu sais ce qu'est un Réprouvé ? ». Séléna fit la moue avant de hocher la tête. « C'est comme Sindis et Samuel. ». « Sindis ? ». « Oui. ». La coïncidence était bien trop grosse pour que le Seigneur des Deux Rives l'ignore. Cependant, il préféra ne pas s'attarder sur la chose. Qu'il se retrouve au Manoir Taiji en compagnie d'une blondinette à parler d'un Réprouvé du nom de Sindis était chose étrange. Cela dit, l'enfant ne semblait pas au courant des choses du monde, trop petite, trop naïve, pas assez cultivée. « D'accord. Alors en fait, voilà, je viens te demander un service. ». « Ah oui ? » fit Séléna en passant se main dans ses cheveux. « Je ne sais pas faire grand chose moi, monsieur. ». Le Souverain était assez mitigé. Ce n'était pas rien ce qu'il voulait lui demander. Il n'avait pas l'intention de la tuer ou de lui faire du mal. Seulement, il s'était dit que Drejtësi avait ses raisons de lui demander une telle chose. C'était amusant mais le Roi qu'il était se sentait un peu démuni devant la petite chose. Il ressentait cela généralement avec les enfants. Ils étaient si innocents... « Et un Roi ça fait quoi exactement ? » demanda-t-elle sans attendre qu'il s'explique sur le prétendu service. La question prit le Réprouvé de court. Il se racla la gorge avant de rire. « Hé bien... tout un tas de choses. ». « Mademoiselle D'Aubervilly aussi elle fait tout un tas de choses. Pourtant, elle n'est pas Roi. ». Décidément, cette fillette avait une certaine répartie pour son âge. D'ailleurs, il ignorait totalement ce dernier. Il devait trouver à s'expliquer. « Tu as raison. Qu'est ce qu'elle fait Mademoiselle D'Aubervilly ? ». Le nom lui disait quelque chose mais il devait se faire des idées. « Elle s'occupe de notre éducation, aux autres et à moi... ». « Hum d'accord. Hé bien, un roi c'est comme Mademoiselle D'Aubervilly, mais ça s'occupe de beaucoup plus de monde, sur un plus grand territoire que ce manoir. ». « Alors tu es comme un professeur ? ». « Hum... On va dire ça comme ça. ». « D'accord. Et tu veux m'aider à nourrir les écureuils ? » questionna Séléna en souriant. « Pourquoi pas... ». Elle lui tendit son petit sac de glands. Il en prit quelques uns, les regardant un instant. « Où sont tes parents ? ». « Je n'ai pas de parents. Mais, en tout cas, tout le monde me demande tout le temps où ils sont. ». « Pas de parents ? ». « Non... ». « Tu as été adoptée tu veux dire ? ». « Non... ». Düst se dit que cette petite fille devait vivre dans l'ignorance des faits. Les événements récents avaient bouleversé les Terres du Yin et du Yang. Peut-être avait-elle perdu la mémoire quant à ses origines et que personne ici n'avait eu cœur à lui confier la vérité. Il décida de ne pas insister. « D'accord. Tu es très courageuse alors ! Et justement, j'ai besoin d'une personne courageuse pour représenter les Réprouvés lors d'une grande épreuve : la Coupe des Nations ! ». « Samuel, lui, il est très courageux... ». Düst sourit. « Non, je pensais à toi, à vrai dire. Tu es d'accord ? ». « Hum... ». Séléna fit mine de réfléchir. On lui avait enseigné qu'une vraie femme se devait de faire ça. « D'accord. » lâcha-t-elle, enjouée, sans mesurer les conséquences de ses dires. En réalité, elle n'avait aucune idée de ce qu'était la Coupe des Nations. Rude tâche que celle de l'homme d'avoir à expliquer cela à une fillette. Plus rude encore fut celle de rencontrer le fameux Sindis.