Les canines et les ailes noires

Partenaire : Solo
Intrigue/Objectif : Adam tente de lier les Déchus et les Vampires.

Je me frottais les yeux avec mes doigts depuis au moins cinq minutes. La nuit et le petit matin avaient été mouvementés. Les discussions avec Triss n’avaient fait que m’achever. Nous avions dû nous préparer pour une entrevue toute particulière avec les Vampires. Puisqu’il était question de recréer un lien économique entre les Déchus et nos hôtes, il valait mieux ne pas faire de faux pas regrettables. La diplomatie avait un caractère parfois hasardeux. Il ne fallait pas laisser passer les opportunités de plaire. Les Suceurs de Sang étant des séducteurs dans l’âme, nous devions jouer finement notre argumentaire.

Une fois que j’eus fini d’essayer de me réveiller, je posai les yeux sur la bague que j’avais de nouveau confisqué à Kaahl. Je soupirai. Les souvenirs du matin continuaient de faire leur chemin dans mon encéphale. Il y avait une telle volonté de se détruire chez la Déchue qu’il devenait avec l’artefact que ça m’effrayait. Je ne pourrais pas lui redonner l’objet comme ça. Judicaël et moi-même avions eu du mal à le canaliser. L’Archimage n’étant pas né de la dernière pluie, il avait rapidement compris que le Magicien transformé avait bien plus de puissance qu’il ne laissait paraître en temps normal. Et encore, Alya n’utilisait pratiquement pas la magie, une aubaine pour nos deux corps ankylosés par l’alcool et la fatigue. À présent que la tempête était passée, j’étais étonnement frustré. Je n’arrivais cependant pas à déterminer s’il s’agissait d’une frustration sexuelle ou d’un autre ordre. Peut-être les deux. La situation m’agaçait trop. J’en voulais à l’abrutie d’Ange de ne pas le rendre aussi heureux qu’elle le devrait. Je m’en voulais également. Kaahl n’était pas exempt de reproches non plus. J’avais l’impression qu’il passait son temps à tenter la mort et à saisir les opportunités néfastes. Parfois, je songeais même qu’il puisse souhaiter qu’on l’arrête. Je ne savais pas quoi penser. Était-il au bout du rouleau ou faisait-il semblant de l’être ? Était-ce simplement la bague ou était-ce un problème plus général ? Je n’étais pas sûr d’avoir les épaules nécessaires pour recueillir tous ses secrets et jouer les psychologues. Le mieux serait qu’il consulte. Ce serait néanmoins la pire chose qui puisse arriver à un professionnel de santé. Ce dernier finirait sans doute mal. L’Empereur Noir ne pouvait pas se permettre de laisser ses états d’âme courir dans la nature.

Plus tôt, Judicaël et moi avions réussi à calmer la tempête et avions fini tous les deux adossés contre un mur, une bouteille chacun dans la main. Nous avions bu ensemble, comme deux combattants revenus du front et préférant oublier les horreurs de la guerre dans l’alcool. Nous nous étions observés longuement, avant de commencer à discuter. La situation était inédite, surtout pour lui. Heureusement, l’Archimage Sirigon et moi-même possédions une force qui avait permis d’immobiliser le concerné. Il nous en avait pourtant coûté et je l’avais vite constaté à l’état de son visage. Si nos langues avaient cessé de se caresser, elles avaient fini par s’agiter sur d’autres sujets plus sérieux.

J’étais donc assis sur une chaise, les mains posées sur le bois de la table, à attendre le moment de mon rendez-vous diplomatique. Je ressentais le manque de sommeil d’une façon exacerbée. Il manquait du sang dans mes veines, conséquences de nos jeux de la veille. C’était un sacrifice moindre pour un diplomate. J’avais aimé la morsure à la folie, ce qui me faisait penser d’autant plus que le projet d’unir Vampires et Déchus était viable. Les envies et les besoins pouvaient parfaitement se regrouper. Le seul souci restait la confiance que nous ne nous accordions pas réellement. Sans pour autant être méfiants les uns vis-à-vis des autres, les contacts avaient cessé depuis trop longtemps maintenant pour que tout reprenne avec facilité.

« Tiens, Adam. Je t’ai trouvé quelque chose à manger en chemin. Je me suis dit que ça te ferait du bien. »

Triss venait de rentrer dans la pièce. Elle m’avait vu revenir plus tôt avec la gueule de quelqu’un qui n’avait pas baisé depuis plusieurs jours. L’abstinence chez certains peuples était une règle presque naturelle mais ce n’était pas le cas chez les Déchus de la Luxure. J’étais moins à cran mais j’avais besoin de sexe quand même. J’avais dû me faire violence pour renoncer à un plan à trois. Jadis, j’aurais essayé de convertir la suicidaire, en lui promettant de lui tendre une corde et un tabouret une fois l’acte réalisé. C’était à la fois terrible et drôle, surtout qu’Alya, dans sa bêtise, aurait sans doute accepté l’échange. Cependant, je haïssais certains de mes comportements passés, tant ils étaient le reflet de ma dépendance totale à l’acte charnel, et étais heureux de ne plus les reproduire aujourd'hui.

« Tu as bien fait de penser à moi, merci. Sans ça, je sens que je risque de tomber dans les pommes en pleine réunion. »

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