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 [Q] Ce chemin que nous traçons | Chuan

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Min Shào
~ Orine ~ Niveau II ~

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◈ Parchemins usagés : 291
◈ YinYanisé(e) le : 25/03/2022
◈ Âme(s) Soeur(s) : Elle m'attend quelque part.
Min Shào
Mar 20 Sep 2022, 22:39


Image par Naka Isurita
Ce chemin que nous traçons
Flashback, en parallèle de Fêtes et Confessions.

Objectif : Chuan trouve son mentor à Onikareni et se découvre une passion pour les arts martiaux.

Thème : Le Chemin - El Dorado

C'est toujours quand on ne cherche pas que l'on trouve. Ce dicton était vrai pour bien des choses. Pas tout, heureusement -comment les Orines trouveraient-elles alors leur Aisuru ? Mais assez souvent pour que je décide de lâcher l'affaire quand certaines recherches me rendaient folle. C'est ainsi que j'avais abandonné l'idée de trouver un mentor il y avait déjà quelques semaines. Et pourtant, le destin s'obstinait à m'écarter du chemin de tout mentor disponible. Pendant ce temps, j'étais prise sous l'aile de celui de Min qui se spécialisait dans la danse, mais il ne m'apportait pas un suivi suffisant. Il fallait dire que Min lui prenait déjà assez d'énergie comme cela... je l'adorais, mais par les Aetheri, qu'il était lent ! Moi, j'avais besoin de plus de cadence.

A Hava, on n'avait pas le temps de se prélasser. J'avais trop à apprendre, trop à découvrir, trop à faire. Quand je passais du temps à Onikareni, je voulais en profiter autant que possible. Quitte même à sacrifier une partie de mon sommeil en utilisant des encens énergisants. C'était pour cette raison que je m'étais jetée à corps perdu dans l'organisation de la cérémonie du Lien de Ji-Eun, une Orine que nous connaissions depuis le berceau, ou presque. Le village de Takao était sans dessus-dessous depuis qu'elle avait annoncé être officiellement promise à Alvin, un Magicien dont elle ne tarissait pas d'éloges. Le cœur de Min, lui aussi, était en désordre : il s'agissait de son premier amour. Sauf que les deux tourtereaux n'avaient jamais exprimé le lien qui les unissait, et maintenant, elle allait partir à tout jamais. Evidemment, seulement Wao et moi étions dans la confession. Je comptais bien y faire quelque chose si Min n'avait pas le cran de lui dire adieu comme il se devait. Les adieux, moi, c'était ma spécialité.

Le matin de la cérémonie, je m'étais levée à l'aube pour aller nettoyer le Temple de Liànjiē, là où les adolescents du village amèneraient Ji-Eun pour bénir son union imminente. J'avais ensuite eu le privilège de manger le petit-déjeuner avec la promise et sa mère. J'avais chassé le lourd nuage d'inquiétudes qui planait sur leur foyer en amont de la cérémonie avec mes bavardages. Mon corps était épuisé par les innombrables préparations, mais heureusement, ma langue était un muscle surentraîné. C'est ainsi que le jour du Grand Départ de Ji-Eun commença.

*

J'étais plus épuisée qu'une abeille-reine quand la brise nocturne fit vaciller la lumière des lanternes sur la place principale de Takao. Le long trajet passé à porter le mikoshi avait poussé mon corps dans ses retranchements, et il menaçait de me laisser glisser dans les rêves de Subarashī à tout moment. Pourtant, il me restait encore quelques tâches à accomplir avant de plonger dans ma meilleure nuit de sommeil. Il fallait que je veille à ce que Min donne sa lettre de confession à Ji-Eun et exécute mon spectacle sur la place. Il était d'usage de participer d'une façon ou d'une autre à ces spectacles, mais j'en avais fait trop en préparant une chorégraphie compliquée. J'avais même peur que mes doigts laissent mes éventails tomber au milieu de ma performance, ce qui m'infligerait une humiliation sans égale. Il fallait que je change d'idée, et vite.

*Un spectacle plus simple à faire... je n'aurai pas le temps d'amener mon morin khuur... et je ne peux pas non plus fuir ! Ji-Eun avait si hâte de me regarder !* Je réfléchis à grande vitesse alors que le spectacle précédent touchait à sa fin. Je me tournai vers Min. Son esprit était parti à mille lieues d'ici, dans ses rêvasseries habituelles. Il ne me serait d'aucune utilité, alors je tirai le yukata de Wao à la place. « Wao ! Wao ! Je suis trop fatiguée pour faire la choré... je fais quoi ? Seulement une partie ? Ce sera ridicule, non ? Mon honneur est dans la tombe ! C'est la fin ! Je... » Mon ami m'arrêta d'un geste. Son énergie calme m'apaisa instantanément. « Respire. Tu vas le faire. » J'inspirai profondément puis soufflai. Une fois. Deux fois. Mes tourments s'adoucirent un peu. « Je vais faire... quoi ? » - « Tiens, tu te souviens de ce que tu m'as montré il y a quelques jours ? Ta démonstration de wushu. Tu n'auras besoin de rien, juste de rassembler ton énergie. Et puis... il était temps que tu en fasse profiter les autres. » Wao me serra la main pour m'encourager. Ma démonstration de wushu... je l'avais apprise en regardant des membres de l'armée s'entraîner, mais ce n'était pas ma spécialité. D'un autre côté, ce serait bien différent de tout ce qui avait été montré jusqu'ici et je connaissais par cœur mon petit enchaînement pour avoir passé ces dernières semaines à le parfaire secrètement. Je hochai la tête et applaudis la fin de la prestation, résignée.

J'attendis quelques secondes que l'espace soit libéré. Personne ne semblait vouloir prendre ma place et Ji-Eun avait planté ses yeux dans les miens. C'était le moment. Une respiration et je posai mes éventails, puis me levai. A ce moment-là de la fête, beaucoup étaient partis se coucher et d'autres étaient plongés dans de profondes conversations. Avec un peu de chance, si cette performance était un échec, elle passerait relativement inaperçue... je me sentis libérée d'un poids en réalisant que je n'étais pas affublée de grandes attentes du public. Le plus important ? Faire de mon mieux sur le moment et m'amuser.

J'enlevai mes chaussures et m'avançai sur le tatami. Je fis signe à l'assemblée de me donner un rythme ; Wao était censé me jouer un air, mais il n'en avait pas pour mon enchaînement de wushu. Une fois le rythme donné, je me concentrai. Je priai pour que mes membres tremblants ne soient pas remarqués dans la pénombre déjouée par les lanternes. Lentement, je me mis en posture de combat. J'inspirai et laissai exprimer mon explosivité. Soudain, je fis un pas en arrière, puis une pirouette sur moi-même. J'enchaînai des coups de portée et de trajectoire différentes, toujours en rythme. Je prenais tout l'espace de la place en faisant des bonds, des enjambées et d'autres figures martiales. Comme j'étais une danseuse, mes mouvements étaient emmitouflés d'élégance ; dans un combat réel, ils n'auraient certainement pas l'effet escompté. Mais peu importait : je m'amusais à faire ce mélange, comme un cuisinier s'amusait à s'écarter de sa recette.

Une fois mon enchaînement terminé, je ne m'arrêtai pas mais décidai d'improviser. Après un coup de pied circulaire, je changeai de posture et enchaînai sur une partie de ma chorégraphie de danse. Je me sentais libre. Mon corps était balancé par des vents invisibles, et j'emportais les autres dans ma bourrasque. Quand je terminai ma performance, les applaudissements surgirent tout autour de moi. Ji-Eun se leva. Touchée par cette réception, je m'inclinai de tous les côtés et retournai à ma place. J'avais consommé mes dernières miettes d'énergie, et pourtant, par une magie inconnue, cette danse m'avait donnée un second souffle.

« Ouah ! C'était génial ! Comme quoi, j'avais encore de l'énergie quelque part ? Hein ? Pas vrai, Min ? » dis-je en le secouant allègrement. Cette question sembla le tirer de profondes abysses. « Hein ? » Il n'avait toujours pas donné sa lettre de confessions. J'avais une dernière mission à accomplir.

*

Le lendemain des festivités, la moitié du village ne pointa pas le bout de son nez hors des foyers avant que le soleil s'élève bien haut dans le ciel. La veille avait laissé des traces. Mais sur la place, tout avait été nettoyé : aucune trace de tatamis ni de cerisiers en fleurs, remplacés par des feuilles ordinaires. Moi non plus, je n'avais pas eu le courage de me lever à l'aube. D'ailleurs, mon sommeil était si profond que j'aurais certainement pu ignorer le passage d'une meute d'oniyumi. Mais aussitôt que je fus levée, il me fut impossible de rester en place. Il y avait beaucoup trop d'enjeux en cours, des questions en suspens qui planaient dans l'air. Min avait-il pu confesser ses sentiments ? Ji-Eun parviendrait-elle à atteindre le Pic du Hakai avec Alvin ? Le Lien se conclurait-il au sommet du continent, au terme de cet ultime rituel ?

« Bonjour, Chuan, viens donc t'asseoir. » Le ton de Yokan, mon responsable désigné à Onikareni et grand ami de mère, était calme, mais il ne souffrirait d'aucune contestation. J'étais déjà en train de passer la porte quand il me retint de sa voix. « Tu ne partirais pas à ton entraînement le ventre vide, tout de même ? » Je brûlais de m'élancer dans le grand extérieur pour courir voir Min, mais j'étais obéissante... et surtout, ma curiosité était piquée. « Mon entraînement, tonton ? » Je me retournai vers lui et courus jusqu'à la table du salon. J'entendais d'autres membres du foyer s'agiter à l'étage, mais nous étions seuls dans la pièce. Je me forçai à prendre mes baguettes délicatement pour m'éviter une remontrance et entamai mon bol de riz. « Tu n'es pas au courant ? Tu as un nouveau mentor. » - « HA ! ...ugh ! » Sous l'effet de la surprise, un grain de riz s'était enfoncé dans ma gorge. Je toussai bruyamment et recrachai le coupable dans ma manche. « Ma petite ! Loin de moi était l'intention de causer une telle réaction ! Maintenant, il va falloir que tu te changes avant de partir... » Mais je ne l'écoutais plus. Je m'étais levée et avais entrepris de célébrer ma victoire avec un ami imaginaire.

« Un mentor ! Un vrai ! Enfin ! J'avais peur que ça n'arrive plus. Pourtant, j'avais bien cherché, hein ! J'ai envoyé mes lettres à tous ceux que tu m'as dit ! » Mon oncle ne me répondit pas : il me connaissait par cœur et savait pertinemment que j'allais le surcharger d'informations sous le coup de l'émotion. Quand mon regard croisa le sien, dans lequel pointait une lumière de fierté, je ne pus résister à l'envie de le câliner. « Merci, tonton ! » Il s'esclaffa mais ne repoussa pas mon étreinte. « Pourquoi me remercies-tu ? Je ne suis que l'intermédiaire. C'est toi qui as bien travaillé. » Je me figeai dans mon enthousiasme. « Moi ? Mais comment ? » Il ne répondit pas et fixa le bol de riz, en m'intimant de retourner à ma place. Je m'exécutai et me penchai irrémédiablement vers lui, pendue à ses lèvres. « Hier soir, tu as tapé dans l'œil de Lin Shō. » Cette soirée où j'avais à moitié improvisé mon spectacle ? Alors ça ! « Lin Shō ? Je n'ai jamais entendu ce nom auparavant. » - « Le contraire aurait été étonnant. » Une fois de plus, il profita cruellement de son suspense. « Il ne descend que rarement à Onikareni. Mais pourquoi devrais-je le priver d'organiser sa propre présentation ? Tu l'apprendras par toi-même. » - « Où et quand ? » Il n'avait pas besoin de m'en dire plus. Je voulais savoir. Non, je devais savoir. C'était soudainement devenu un besoin vital.
Mots : 1954
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Min Shào
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Min Shào
Lun 26 Sep 2022, 22:43


Image par Naka Isurita
Ce chemin que nous traçons


Le cœur à la fête, je commençai l'ascension de la montagne. Selon les indications de mon oncle, si je venais à devenir l'apprentie de ce certain Lin Shō, il me faudrait pratiquement vivre sur le plateau du Bouclier. Il s'agissait d'une plaine lovée entre la face Sud du Pic du Hakai et les profondeurs du continent. Pour m'y rendre, je devais faire une bonne partie de l'ascension du Pic pour redescendre sur son autre face. Cette marche allait me prendre la journée, mais cela ne me faisait pas peur. Je passais ma vie à me déplacer, que ce soit à pied ou à dos de pégase, et j'adorais ça.

Quand je marchais dans la nature, je profitais de l'instant de la même façon qu'en méditant. Je me concentrais sur mon corps -poser un pied après l'autre, sur ma respiration et l'air de plus en plus raréfié de la montagne. Cela ne laissait aucune place aux pensées parasites. Pourtant, j'avais matière à réfléchir : mon imagination s'affolait en se représentant mon mentor et ce qu'il allait m'apprendre. Auparavant, je n'avais jamais songé à me spécialiser dans les arts martiaux. Il me semblait que cela fasse partie de ces arts réservés à des talents exceptionnels. Que l'on était né guerrier et que j'avais raté le coche. Mais maintenant que je touchais ce rêve du doigt, ma vision de l'avenir changeait du tout au tout. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine, autant par l'effort que par mon excitation qui n'était pas retombée depuis l'annonce de mon oncle.

Chaque membrane de mon corps me criait d'apprendre des mouvements de combat. Je brûlais d'une passion intense qui dévorait tout mon avenir pour construire un nouveau monde. Je ne croisai que de rares consœurs sur mon chemin, et la météo avait fait de ma mission une randonnée de routine sans encombres. Seul le passage au pied du Pic du Hakai s'avéra difficile, ayant été laissée en proie à la brûlure du soleil, sans végétation pour m'en protéger.

« Lourde de chaleur,
Pour m'enlacer de fraîcheur,
J'invoque les fleurs.
»

Quand je m'affalai au sol, épuisée par ce passage, les herbes humides s'allongèrent par magie et enlacèrent mes mollets réchauffés par l'effort et la chaleur, commandées par mon haiku improvisé. Je me délectai de cette sensation de fraîcheur bienvenue. Mais une fois posée, je sortis mon manteau. L'autre versant était particulièrement exposé au vent rafraîchi par l'altitude. Les randonneurs chevronnés ne s'y trompaient pas : la descente était toujours plus ardue que la montée. Je pris donc le temps nécessaire de me ressourcer, terminant la moitié de mes onigiri préparés avec amour par mon oncle. La nourriture préparée par ses proches avait ce pouvoir étrange de réchauffer le cœur, et j'étais plus motivée que jamais en entamant la seconde partie de mon parcours.

*

Le crépuscule rosissait les nuages quand j'aperçus enfin le Temple du Bouclier. Même de loin, je pouvais voir qu'il était immense. Le Temple se divisait en plusieurs départements, tous construits à moitié sur pilotis, à moitié au creux de la roche. Un ruisseau serpentait entre les bâtiments. Ses briques rouges et ses toitures triangulaires se fondaient étrangement bien dans le paysage montagneux. Limitée par ma petite taille, je grimpai à un arbre pour mieux m'imprégner de la vue en contrebas. J'avais conscience que cette vue qui s'offrait à moi était un spectacle rarement vu par les Orines. Les guerriers du Temple n'accueillaient pas d'invités sans raison. Il me semblât qu'à cet instant, j'avais déjà mis un pied dans cette élite dont j'avais, sans me l'avoué, rêvé depuis mon enfance. Avais-je quelque chose de spécial en moi ? Le Destin m'ouvrait-il enfin les bras ? Mes espoirs de jeune adolescente en quête d'identité crevaient le ciel.  « J'suis arrivée ! » tonnai-je à destination des oiseaux.

Remotivée à fond par la vue, je sautai au pied de l'arbre et m'élançai vers l'immense escalier pour le descendre. Je courus comme si j'avais peur que ce Temple disparaisse si je ralentissais, en manquant de dégringoler les marches sur les fesses plusieurs fois. Je le touchais du doigt ! C'était un rêve éveillé. Le début d'une nouvelle vie ! Je courus vers ce qui semblait être le bâtiment principal. Mais une fois arrivée devant, une évidence me frappa : il n'y avait aucun moyen sécurisé de monter sur le temple. Tous les bâtiments étaient perchés sur d'énormes rochers. Sécurisé, car il était possible de grimper sur la rocaille. Mais je me doutais que ce n'était pas une voie prévue pour. Était-ce une sorte d'énigme ? Un premier test pour les apprenties ? Sans m'inquiéter outre mesure, je commençai à explorer les environs. Je longeai le ruisseau et m'imprégnai de l'atmosphère du lieu. Je ralentis le rythme ; l'excitation retombait petit à petit et laissait ma fatigue pointer le bout de son nez. Le corps avait besoin de temps pour s'adapter à l'altitude et le manque d'air me faisait haleter.

Le Temple semblait désert. Je ne percevais pas âme qui vive : la nature faisait son concert habituel sans être dérangé par la civilisation Orine. S'il y avait bien des guerriers ici, ils se cachaient bien. Pendant un bon moment, je fis le tour du lieu et examinai toutes les entrées possibles. Il n'y avait tout simplement rien. Quelque chose m'échappait définitivement. Je commençais à perdre patience, fatiguée par ma journée de marche. « Il y a quelqu'un ? » Pas de réponse. J'entourai ma bouche de mes mains pour augmenter la portée de ma voix. « Hé ho ! » Ce cri énervé ne reçut qu'un faible écho en réponse, ce qui redoubla mon agacement. Désormais, le soleil commençait à tomber sous le pic de la montagne, permettant à son ombre d'engloutir le plateau silencieux. J'avais faim et j'étais épuisée : c'était une très mauvaise combinaison d'éléments. Je sentais la lourdeur de mon sac qui courbait mon dos d'adolescente. Maintenant, je ne rêvais plus que d'un lit.

Je regardai autour de moi à la recherche d'un ultime indice. Mais je ne vis rien de plus que de la rocaille et des briques. Il n'y avait rien. C'était un mur. Le pire, c'est que j'étais certaine d'être au bon endroit : il n'y avait aucune place à la confusion. Mon mentor m'avait tout simplement oubliée. J'avais donc si peu d'importance à ses yeux ? Des larmes perlèrent au coin de mes prunelles d'ébène. Mes halètements, petit à petit, se transformèrent en sanglots étouffés. Je me sentais vexée, impuissante et délaissée. La rechute était difficile. Je me sentais tout simplement abattue et à court de solutions. Dépitée, je décidai d'aller m'asseoir sur une stèle qui se dressait en face du bâtiment principal.

« Maintenant, je fais quoi ? J'vais camper ici ? ... je peux plus repartir. Plus maintenant », marmonnai-je en retournant vers le grand escalier. Je séchai mes larmes. Une fois le choc passé, je me sentais libérée d'un poids. Telle était ma situation. Soit. Je me devais de l'accepter et penser à l'étape suivante. Quand tu te dresses devant un million de marches, ne regarde pas tout en haut, me disait ma tante. Regarde en face de toi et gravis les marches. C'était ce que je me devais de faire. Une fois revenue à la stèle, je posai mon sac près du ruisseau et m'assit. Mais soudain, dès que mon postérieur entra en contact avec la pierre,  je fus violemment projetée dans les airs.  « Wuuuaaaah ! » Mes fesses se retrouvèrent face aux étoiles et je fus retournée telle une feuille à la merci des vents.  « Mon sac ! Mon sac ! » D'instinct, je tendis les bras et essayai de nager dans l'air. Cela n'eut aucun effet : le courant d'air me força à suivre sa trajectoire, jusqu'à me projeter contre la barrière du Temple principal.

Je poussai une exclamation étouffée sous le choc de mon ventre contre le bois de la barrière. Mais j'eus le réflexe de m'accrocher à ma seule prise et me hissai pardessus, en retombant lourdement de l'autre côté. Entraînée par mon propre élan, je roulai jusqu'à la porte du temple. Et soudain, quand mon regard se porta sur le plafond, une tête chauve fit irruption dans mon champ de vision.  « Bonsoir, Chuan Ming. Lin Shō craignait ne pas vous voir arriver avant la tombée de la nuit. » Il me tendit la main, mais je la poussai sur le côté et me relevai vivement. Des noms plus méchants les uns que les autres me vinrent à l'esprit et se bousculèrent contre mes lèvres. Je dus redoubler de contrôle pour garder la bouche fermée, ne laissant que mon regard parler à ma place. « Vous aurez besoin de votre besace. » L'inconnu tendit le bras vers la stèle et ramena le sac vers moi en usant de télékinésie. Il l'avait fait avec la plus grande aisance du monde. Était-il un disciple de mon mentor ? Ce n'était même pas lui qui avait pris la peine de m'accueillir après mon voyage éreintant ? Mon agacement se transformait progressivement en colère brute.

« Gardez cette rage dans votre regard, kōhai. Gardez-la, canalisez-la et elle vous sera de grande utilité demain. Mais avant », dit-il en lui faisant signe de le suivre, « Il vous mènera à votre chambre pour la nuit. Vous repartirez demain. Une longue journée vous attend. » Je ne disais rien. Il me semblait que l'inconnu ne souhaitait pas être interrompu. Je me perdis dans la contemplation des salles que nous traversâmes. Il s'agissait d'autels dédiés à la prière de plusieurs Aetheri, mais je n'aperçus aucune salle d'entraînement, à mon plus grand regret. Néanmoins, mon regard s'arrêta sur des trappes qui semblaient mener dans un sous-sol. Et si ces bâtiments cachaient de grands souterrains ? Mon imagination s'emballa. Toutes mes contrariétés étaient déjà balayées par la découverte du Temple. « Prenez cette nuit pour vous ressourcer autant que vous le pouvez. Ils ont laissé un bol de riz et une soupe miso sur votre table. Vous aurez également du thé à volonté. »

Le duo traversa un pont pour se diriger sur ce qu'il semblait être la partie résidentielle. De cette perspective, je pouvais maintenant voir les lumières percer à travers les portes des chambres. Nous nous arrêtâmes devant sur ce qu'il semblait être la mienne. Une flamme d'excitation parcourut ma poitrine. J'avais une chambre au Temple du Bouclier. Mon estime de moi venait de remonter en flèche. « Vous avez beaucoup à apprendre et, certainement, tout autant d'interrogations. Mais avant tout cela, Lin Shō testera votre potentiel. Manquez à cette condition et vous n'obtiendrez jamais de seconde chance. » Et elle retomba tout aussi vite. « Je mettrai tout en oeuvre afin de convenir à vos exigences. Comptez sur moi ! » J'ajoutai à contrecœur : « Je vous remercie de votre accueil. »

Mon regard devait en dire long, car l'homme laissa un sourire satisfait s'étirer. « C'est tout ce que Lin Shō espère. » Il se retourna et fit mine de repartir, mais se ravisa et ajouta :  « Oh, et pour votre gouverne... » Il leva le doigt d'un signe autoritaire.  « Il est un peu plus efficace de traverser les airs debout. Vous savez, pour contrôler sa trajectoire, avoir une meilleure pénétration dans l'air et... pour l'élégance. » Il s'inclina, visiblement ravi de sa dernière remarque. Je souris et me retint une fois de plus de laisser le moindre mot sortir de ma bouche, mais serrai discrètement le poing. Il ne perdait rien pour attendre, celui-là ! J'allais lui montrer que je ne méritais pas de telles moqueries. Et peut-être dénoncer ses mauvaises attitudes à ce Lin Shō. Ce n'était pas correct.
Mots : 2032
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Min Shào
Dim 09 Oct 2022, 21:40


Image par Naka Isurita
Ce chemin que nous traçons


Que ce soit le feng shui de ma chambre ou la fatigue de mon ascension du Pic Hakai, je me réveillai de l'une des meilleures nuits de ma vie. Mon corps était monté sur des ressorts : je brûlais de courir vers le terrain d'entraînement et commencer ma formation de guerrière super classe. Mais en sortant de ma chambre, je me rendis compte que l'on ne m'avait donnée aucune instruction. Où pouvais-je aller ? J'avais cru apercevoir une pièce avec des tables basses et des coussins. M'accrochant à cet unique indice, je me dirigeai vers la pièce en sautillant, mais je ralentis en étant happée par la vue du plateau montagneux dans le brouillard matinal. Un tapis de nuages se déroulait au pied du plateau et se muait en gouttelettes en suspension qui mouillait les toits.

Je pouvais sentir l'humidité dans l'air frais. « Je pourrais vivre ici toute ma vie », murmurai-je en admirant la majestuosité du lieu. « Ce ne sera point nécessaire. » Je sursautai et me retournai vers la voix de l'inconnu en levant la tête. Je ne l'avais même pas entendu approcher. Il fallait que je pense à affûter mes réflexes. « Je...? » En détaillant mon expression confuse, l'Orine s'esclaffa. « Les hubei* ne vivent pas ici ! Elles peuvent prendre un portail de téléportation et dormir chez elles tous les soirs. » Le beau brun me sourit. « Mais je suis d'accord. C'est un très bel endroit où vivre, le genre d'endroits où notre armée mérite de trouver la paix. » Il s'arrêta sur le ponton et me montra l'entrée du bâtiment de la main. « Après vous, chère hubei. D'ailleurs... je m'appelle Kunei Tua. Enchanté. » J'entrai dans la pièce. « Et moi, Chuan Ming ! Très heureuse de faire votre connaissance ! »

Kunei m'indiqua le chemin jusqu'à une table où deux places étaient libres, deux parts de petit-déjeuner déjà installées. Je m'inclinai devant tous ces visages inconnus ou vaguement familiers. « Je me nomme Chuan Ming ! Très heureuse de faire votre connaissance ! » Je fus étonnée de voir autant de monde dans la pièce. Il y avait, en tout, une trentaine d'apprentis de différents niveaux de hiérarchie. Mais j'étais de loin la plus jeune. « Vous cherchez quelqu'un, Chuan ? » Kunei pencha la tête sur le côté, l'air interrogateur. Il m'observait ; j'étais certainement un objet de curiosité dans la salle. Il ne devait pas souvent y avoir des nouveaux. Soudain, une femme très musclée s'arrêta à notre table et s'exclama en me regardant : « Alors, c'est vous, l'acrobate maladroite ? » Elle rigola. Apparemment, mon entrée en matière de la veille n'était pas passée inaperçue. « J'aime marquer les esprits », répliquai-je en guise de défense. Je n'aimais pas du tout que l'on se moquasse de moi, mais je ne cachai mon état d'âme derrière ma répartie.

*

Le petit-déjeuner terminé, j'avais peur de me retrouver une nouvelle fois en roue libre. Je ne cachai pas mon soulagement quand l'homme de la veille apparut derrière un pilier de bois et se dirigea directement vers moi. Il portait la même tenue que la veille, similaire à celle des autres mais avec un signe calligraphique signifiant "ciel" dessiné sur ses manches. Ils étaient certainement les symboles de sa place dans la hiérarchie, mais laquelle était-ce ? Un ruban rouge était également noué autour de son poignet. « Chuan Ming. » Je me levai d'une traite, en manquant de faire basculer la table. Je n'en pouvais plus d'attendre : je voulais commencer mon entraînement. Et que ça saute. « Bonjour, Monsieur...! » Je faisais tout ce que je pouvais pour masquer mon entrain, mais il crevait les yeux : je sautillais sur moi-même sans m'en rendre compte. « Je vois que vous êtes... plus que prête ! Venez avec lui. » Lui ? Il se retourna et sortit de la pièce. Kunei me donna un coup de coude. « Il parle de lui à la troisième personne... c'est son truc. Allez-y, courez ! » lui chuchota-t-il.

Un cri d'exclamation s'échappa de mes lèvres et je m'empressai de le suivre. Alors c'était lui, ce Lin Shō ? Celui qui avait décelé mon talent ? Et la première image de moi qu'il avait eue dans ce lieu sacré était mes fesses projetées en l'air ? ... voilà qui ne commençait pas très bien. Je le rattrapai rapidement. Il m'emmena sur un pont, puis un autre, sans rien dire ni même se retourner pour s'assurer que j'étais bien derrière lui. Nous atteignîmes un minuscule carré, entouré de quatre ponts et de quatre piliers en bois rouge. Il se concentra et, soudain, un portail apparut en face de lui. « Hanatsu. » De cette simple mention, il m'intima de passer le portail en première. J'avais mes appréhensions, mais je jugeai que tout ce ce que je ferais serait soumis à un test. Je voulais montrer que je pouvais devenir la guerrière parfaite, sans peur ni distraction.

Je passai le portail et me retrouvai au creux de la montagne. Au-dessus de moi, les nuages avaient été remplacées par un soleil qui illuminait une partie de la grotte. Il lui semblât que la roche avait été creusée de façon artificielle par les Orines : le trou formait un cercle parfait et illuminait les escaliers. Quelques lanternes éteintes trônaient sur les côtés de la cavité. A droite, un escalier descendait dans les profondeurs de la terre en formant des cercles infinis. Je n'en voyais pas le fond, mais j'entendais quelques sons de combat étouffés résonner jusqu'ici. Je m'autorisai une question alors que Lin refermait le portail. « Où sommes-nous ? » Demandai-je timidement. Maintenant que je connaissais son identité, je faisais attention à chaque mot que je prononçais pour ne pas donner de mauvaise impression.  « Dans la grotte aux mille escaliers. Ils l'ont creusée, puis aménagée pour s'y entraîner en toute tranquillité. Certains portails donnent sur Maëlith : les Orines du monde entier, qu'elles fassent partie de l'Huābàn ou soient des Zhēn. Il fait partie de la première catégorie. Dans laquelle vous projetez-vous ? »

Il restait debout au milieu de la salle, imperturbable. Je m'éloignai de l'escalier alors que le vertige avait engourdi mes pieds puis lui répondit : « Je veux devenir une guerrière. » Huābàn* ou Zhēn*, peu m'importait. Je voulais combattre et c'était tout. Mon idée était précise, mais ses contours étaient flous. Lin eut un sourire en constatant l'aplomb de ma réponse. « Être guerrier, c'est dédier sa vie au combat. Il n'y a pas un jour dans votre vie où vous n'accomplirez pas cette mission. L'Huābàn utilise des armes, mais la première arme, c'est votre corps. Même avec la meilleure volonté du monde, vous ne pourrez rien accomplir sans vous en servir. Excepté pour la Magie, évidemment. » Il sourit. « Mais pour maîtriser les techniques magiques de combat, encore faut-il connaître son corps physique : ses forces et ses faiblesses. Savoir comment le renforcer par la magie. Cela passe par l'entraînement quotidien. Un entraînement sans faille. Mais ce n'est pas tout : l'alimentation et le sommeil, eux aussi, jouent un rôle prépondérant. Comme vous entretenez la lame d'un sabre, votre corps doit être dans le meilleur état possible, toujours prêt à combattre. »

Je hochai la tête en buvant ses paroles. Oui ! Je voulais devenir une arme, moi-même ! J'imaginais déjà ma mère me regarder exécuter des enchaînements de coups et applaudir. Je l'imaginais s'en vanter auprès de son Aisuru. Elle allait être si fière ! « Mais commencez par un test simple. » Quelque chose dans son regard changea : il était devenu encore plus sérieux, une ride se creusant entre ses prunelles. « Il veut que vous preniez ce ruban. » Lin brandit son bras, le ruban attaché solidement à son poignet. « De gré ou de force. » Devant cette demande absurde, je lâchai un rire. Moi, piquer un ruban à un guerrier chevronné ? Il essayait déjà de me piéger avec des demandes inconsidérées ? J'étais incrédule, mais j'empoignai mes doutes et allai les cacher dans un coin de mon esprit que je fermai à double-tour. S'il me le demandait, alors je devais le faire.

Alors je réfléchis. J'avais pensé à courir et lui sauter dessus de tout mon poids pour le faire tomber et prendre son ruban. Je l'avais déjà fait à mon frère Lyrienn. Mais ce dernier n'était pas du même gabarit que le gringalet de Hava. Alors, je tentai la seule solution qui me parut viable : « Pouvez-vous me le donner ? » Il secoua la tête. « Voulez-vous voir une performance de wushu ? » Tentai-je comme second essai. « Mh... pourquoi pas », finit-il par répondre. Je me concentrai, essayant de faire le vide. Il faisait froid dans la grotte : cela me permettrait au moins de me réchauffer un peu. Puis j'exécutai ma chorégraphie ; la même qu'il avait vue la veille. Quand j'eus terminé, je m'inclinai et tendis les bras pour obtenir son ruban. Mais il n'en fit rien. « Une jolie performance. Moins d'énergie que la dernière fois, moins d'entrain. Mais le talent est toujours là, il en convient... mais cela ne mérite pas le ruban. »

Cette fois, je commençai à m'énerver. Mais il renvoyait une énergie si tranquille, si imperturbable qu'il me semblât qu'utiliser la force ne serait pas la solution. Lui savait aussi bien que moi que je ne faisais pas le poids face à lui. Alors que voulait-il ? J'employai plusieurs formules pour tenter de le faire ployer : des haiku, des vers, des énigmes. Rien n'y fit, même s'il semblait s'en amuser. Quand j'eus épuisé toutes mes idées, la frustration avait pris le contrôle. Mes mains tremblaient ; je serrai le poing pour m'empêcher de laisser les vannes s'ouvrir. Une montagne de frustration avait remplacé mon enthousiasme, empilée par les échecs. Je pensais avoir passé déjà quelques heures à tenter de passer son test, mais le soleil était figé dans le ciel. Je compris qu'il était artificiel, lui aussi. Les Huā avaient-ils intégré un thème nocturne au lieu ? Ces lanternes devaient bien servir à quelque chose.

« Très bien », marmonnai-je dans ma barbe. Je m'assis en position de méditation et inspirai un grand coup. Mon sang bouillait encore. Chaque fibre de mon corps avait envie de crier, d'exprimer ma frustration de quelque façon que ce fût. Mais il fallait que je le contrôle. J'avais appris à tempérer les torrents de mes émotions comme un Lyrienn faisait taire la tempête. Et je méditai. « Vous me direz quand je pourrai prendre le ruban », indiquai-je d'un ton que ne me savais pas capable d'employer dans un tel état de tourments. « Bien sûr. » Lui restait immobile. C'était comme s'il s'était transformé en statue et que son esprit avait quitté son corps. J'en fus surpris de l'entendre répondre. En méditant, je songeai à ce début de journée. Ce n'était pas du tout ce à quoi je m'attendais... j'aurais déjà dû faire trente pompes, cent abdos et trente minutes de course à l'heure qu'il était ! Ce test était stupide. Tout simplement stupide.

Hubei : apprentis.
Huābàn : armée des Orines.
Zhēn : guerriers, équivalents des samouraï.

Mots : 1884
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Min Shào
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Min Shào
Ven 14 Oct 2022, 23:01


Image par Naka Isurita
Ce chemin que nous traçons


Une heure. Deux heures. Trois ? J'avais perdu le cours du temps. Mais au-dessus de nous, le soleil avait été soudainement remplacé par une lune artificielle. Les lanternes projetaient leur douce lumière sur les murs de la caverne. Ce changement d'ambiance m'avait apaisée... un peu trop, d'ailleurs. Mes paupières commençaient à se faire lourdes. Je devais lutter pour les rouvrir, encore et encore. Et en face de moi se tenait Lin Shō, aussi immobile qu'imperturbable. Cela m'agaçait fortement : je ne pouvais ni rivaliser avec sa force, ni son intelligence... ni sa patience. Il fallait dire que je n'étais pas une fille très patiente. Mais aujourd'hui, j'avais excédé toutes mes attentes. J'étais fière de moi. Pourquoi lui ne le reconnaissait-il pas ? Il voulait des élèves surhumains, ou quoi ? Et si c'était le cas... pourquoi venir vers moi ? C'était ça qui m'agaçait le plus. J'avais l'impression de perdre du temps, alors que je n'en avais pas à perdre. Je voulais être la femme la plus forte qui soit quand j'atteindrais l'âge de me marier à mon Aisuru et cela n'allait pas se faire tout seul.

Finalement, ma tête finit par tomber au sol. Le sommeil avait gagné. Je soupirai et essayai de me lever. Mes jambes étaient tremblantes, paralysées par ma position inconfortable prolongée. Les yeux de l'Orine se plantèrent dans les miens. Je ne pouvais distinguer aucune émotion dans son regard. Je baissai la tête, incapable de soutenir son regard pour lui dire ce qui allait suivre. « Il est temps de rentrer. » J'essayai d'y insuffler toute l'assurance dont je pouvais faire preuve. « Veuillez rouvrir le portail », ajoutai-je en levant le regard. C'était un échec : j'avais envie de pleurer, mais je serrai le poing et retins mes émotions le plus fort possible. Ce dernier hocha simplement la tête obéit.

*Heureusement qu'il ne m'a pas donnée une énigme pour ouvrir le portail, car je l'aurais étripé*, pensai-je amèrement. Je marchai maladroitement jusqu'au portail. J'avais le tournis et mon estomac grondait. En m'approchant de lui, j'hésitai à faire une ultime tentative. Le bracelet était juste à côté de moi, je pouvais presque le frôler... mais il serait certainement plus rapide que moi et je salirais encore plus mon échec. Je secouai la tête et passai simplement l'outil magique. Quand j'en sortis, la lumière m'aveugla. Le soleil était à son zénith. Devant mon air interrogateur, Lin Shō décida enfin de m'offrir quelques explications. « Le temps s'écoule plus lentement dans la Grotte aux mille escaliers. C'est ce précieux outil qui leur permet d'être aussi performants. » Je hochai la tête en guise de compréhension.

« Si vous le souhaitez, un portail jusqu'à Onikareni est à votre disposition dans le bâtiment principal. Vous pourrez vous y téléporter directement sans avoir besoin de redescendre la montagne. » Il s'inclina cérémonieusement et me tourna le dos. A la perspective de retourner chez moi bredouille, mon ultime barrage de volonté s'abattit. Je m'élançai tout droit sur son poignet en espérant m'emparer de son bracelet. Mais alors que je pensais refermer ma prise sur l'objet, mes mains traversèrent son corps. Ce dernier se retourna, surpris, puis lui sourit d'un air provocateur. Que...? Quelle était cette magie ? Était-il seulement réel ? *Attends. Est-ce que j'étais face à un fantôme tout ce temps ? Non ! Dites-moi que non !* Soudain, la colère m'enflamma. Je me jetai sur le leurre de toutes mes forces et m'écrasai derrière lui en traversant son corps tout entier. « Nom d'un chien ! » Mon visage devint rouge comme une pivoine. Je courus jusqu'au bâtiment principal aussi vite que je pus et sautai à travers le portail sans laisser le temps aux autres de réagir. Et une seconde plus tard, je me retrouvai dans le dojo d'Onikareni. Une vieille Orine me regarda, ahuri devant mon expression de rage. « Chuan Ming ! Que t'as donc piqué ? » - « Les gens sont nuls ! » lui criai-je, avant de partir comme une tornade vers Takao.

*

Le soir venu, ma rage avait laissé place à la honte. J'avais honte d'avoir perdu mon calme et d'être partie ainsi. C'était peut-être ça, le vrai test : connaître l'étendue de mon sang froid. Et je l'avais complètement raté. En voyant ma mine déconfite, Yokan ne me fit pas l'affront de prendre des nouvelles de la journée. Il savait que quand j'étais dans cet état, il ne fallait pas venir me parler. J'étais comme un tourbillon : j'aspirais toute bonne humeur et j'en faisais de la bouillie. Si la méditation m'aidait à contenir mes émotions, il n'y avait qu'une chose qui pouvait les calmer : une bonne nuit de sommeil. C'est ainsi que le lendemain, j'arrivai toute sautillante dans la cuisine. « Tu as bien dormi ? » se contenta de me demander Yokan en me tendant un bol de soupe miso. Je le pris et bus la moitié d'une traite. « Aah, quelle bonne soupe ! Merci ! Et pour répondre à ta question... » j'entamai une bouchée de riz. « J'ai très bien dormi, oui. Et toi ? » Les deux Ming entamèrent la conversation, puis Yokan prit un air sérieux. « Sinon... j'ai trouvé quelque chose sur le pas de la porte, ce matin. » - « Ah oui ? Quoi donc ? » dis-je, la bouche pleine. « Un mot qui t'étais destinée. » Je m'arrêtai aussitôt de mâcher. « Pour moi ? Montre, je veux voir ! »

Ce dernier sourit. « Tu vas être contente. » Je bouillis. « Mais donne-la moi !! J'peux pas savoir si je lis pas, hein !! » En me voyant perdre le contrôle, il s'immobilisa. Je croisai les bras et boudai devant sa réaction. Il faisait toujours ça quand je m'énervais : il se transformait en statue et ne bougeait pas jusqu'à ce que je me calme. Cela avait pour effet de m'énerver encore plus, mais je devais prendre sur moi. J'avais constaté à Hava que c'était une technique pour éduquer les chiens à la patience. Savoir que j'étais traitée de la même façon me donnait envie de lui sauter au cou. « Pardon... je me calme... tu vois, j'inspire, j'expire... c'est bon, je peux lire le mot qui m'est destiné à moi ? » J'insistai bien sur le fait que le mot aurait dû arriver dans mes mains en première. Yokan comprit mon sous-entendu mais ne le releva point. Il tendit le mot puis se leva pour aller réveiller mes petits cousins. Je me précipitai alors sur le papier et le dépliai avec hâte.

A Chuan Ming. Félicitations ! Vous avez passé la première sélection d'initiation poussée au wushu. Rendez-vous au Temple à midi.

« Quuoooiii ?! » criai-je. Maintenant, c'était certain, mes petits cousins étaient bien réveillés. Et moi qui me voyais déjà chercher un autre centre pour en apprendre plus sur les arts martiaux... j'avais déjà enterré mon avenir de guerrière. Et voilà qu'il renaissait de ses cendres, plus beau que jamais. Je me levai et montai les escaliers comme un tigre enragé. « Je suis prise, Yokan ! Je suis priiise ! » Je le pris dans mes bras et tentai de le soulever, alors qu'il faisait encore trois têtes de plus que moi. Il s'esclaffa. « Je n'en avais aucun doute, ma petite. Va donc te laver à l'onsen et te préparer. » J'embrassai son ventre, à défaut d'atteindre sa joue, et descendis les marches tout aussi vite. Aujourd'hui était ma première journée en tant qu'apprentie guerrière, c'était officiel. Avant d'aller me laver, j'allai cueillir des tournesols que je plantai un peu partout dans le foyer. Je voulais partager ma joie avec le monde entier.


*

« Vous revoilà, hubei. » Quand j'arrivai dans la Grotte aux mille escaliers, je sursautai en voyant l'homme charmant que j'avais rencontré la veille. C'était quoi son nom, déjà...? « Kunei Tua ! Quelle joie de vous revoir ici. Vous allez vous entraîner avec moi ? » demandai-je innocemment. Ce dernier fut secoué d'un rire pudique. « Pas exactement. Je vais vous entraîner. Je suis votre nouveau mentor. » J'ouvris la bouche, sans savoir quoi répondre. « Laissez-moi vous expliquer notre processus de recrutement. » Soudain, deux coussins se matérialisèrent dans la pièce. Il s'assit et m'invita à faire de même. « D'abord, laissez-moi lever le doute : Lin Shō est bien réel. C'est bien lui qui a vu votre représentation et nous a donnés votre nom. » Je souris, une chaleur se propageant dans ma poitrine. Mon estime de moi-même avait été mise à rude épreuve et un compliment ne me faisait pas de mal. « Cela dit... la personne que vous avez vue hier n'était qu'une projection. Cela fait partie du processus. Néanmoins, je ne vous en dirai pas plus sur ce sujet. Nos secrets ne sont précieux que s'ils ne sont pas partagés... »

« Je le comprends. Mais... mais... je pensais avoir raté le test hier. Je n'ai pas pu prendre son bracelet. » Ce dernier secoua la tête. « Le contraire m'aurait étonné ! Cette mission était tout à fait impossible. J'y ai moi-même été confronté et je ne l'ai pas réussie. » Ses yeux se perdirent dans le ciel artificiel, certainement plongé dans de lointains souvenirs. « Le véritable test, en revanche, était tout autre. Nous avons jaugé votre mental. Et je dois dire que j'ai été impressionné par votre patience, hubei. Le feu qui brûle en vous crève les yeux, et vous êtes parvenue à le canaliser quand c'était nécessaire. C'est en ça que vous ferez une bonne élève. Car vous êtes déterminée. » Son sourire réapparut sur son visage. « Vos capacités physiques... ce n'est pas cela que l'on recherche. Ce lieu est un havre d'apprentissage. Le potentiel est tout ce que nous voulons déceler chez nos élèves. » Devant tant d'éloges, mon cœur se remplit. Mes yeux s'humidifièrent, l'émotion prenant le dessus. « Je... merci. Je ne vous décevrai pas », formulai-je avec difficulté.

« Avant que nous commencions, j'ai une question d'ordre pratique. Quel sera le rythme d'entraînement ? » j'espérai avoir l'air mature en initiant une telle réflexion. Je me retins de dire que ce que je voulais, c'était de vivre ici et m'entraîner jour et nuit pendant des années. « Pour commencer ? Vous viendrez tous les deux jours. Un jour d'entraînement et surtout, j'insiste... un jour de repos réel pour laisser à votre corps le temps de se soigner, et à votre esprit d'assimiler les connaissances que je vais vous inculquer. Ensuite, nous adapterons le programme en fonction de vos obligations, cela va de soi. » Il se leva. « Aujourd'hui, l'entraînement se déroulera ainsi : un enchaînement d'endurance, un de force, et enfin, un premier apprentissage technique. Et cet après-midi, vous vous rendrez dans la salle Carrée afin d'écouter un cours de philosophie du guerrier. C'est un cours auquel les élèves de tous niveaux assistent. Et j'insiste : ce cours sera tout aussi important que celui de ce matin. » Je buvais ses paroles. Je hochai la tête et sautai sur mes pieds. La théorie était ce que je redoutais, mais peu importait : maintenant, j'allais enfin pouvoir renforcer mon corps. Mes yeux brillaient de motivation. Aujourd'hui, je devenais une apprentie guerrière. Une vraie de vraie.

Mots : 1932
FIN
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