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 [Solo] - Nous nous souvenons

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Ljund & Ni'Obë
~ Chaman ~ Niveau I ~

~ Chaman ~ Niveau I ~
◈ Parchemins usagés : 42
◈ YinYanisé(e) le : 22/07/2023
Ljund & Ni'Obë
Jeu 10 Aoû 2023, 10:25


Accroupis près du feu, nos orteils s'enfoncaient dans la terre meuble et sèche. La chaleur des flammes nous réchauffait et terminait de faire sécher les récents motifs peints sur notre visage et notre corps. Ils étaient un peu différents de ceux que Ljund avait l'habitude de dessiner, ce qui nous avait fait rire.

Nous regardions le ciel. Son tissu s'était modifié récemment. Les voies des Ætheri sont impénétrables mais nous nous plaisions à nous perdre en conjectures pour expliquer le phénomène. Peut-être les étoiles dansaient pour la naissance d'un être d'exception qui modifierait la face du monde, peut-être célèbraient-elles la mort d'un autre, peut-être prédisaient-elles une nouvelle ère. Aurions-nous une place dans celle-ci ? Nous avions envie d'y croire. Notre avenir ne pouvait se limiter à ce petit bateau côtier où nous faisions et défaisions des nœuds inlassablement. Mers et océans scandaient un chant plus tentateur que les promesses les plus douces des Sirènes. Les récits des terres au-delà des récifs enflammaient notre imaginaire. Nous nous souvenions des histoires contées comme ici, au coin du feu ou sur le bateau quand la mer était calme et qu'on oubliait de nous attribuer une tâche ingrate.

Unis comme nous l’étions, nous nous souvenions de notre enfance avec une netteté toute neuve. Nos ressentis mélangés formaient un tableau où les coups de pinceaux chaotiques conduisaient à un ensemble harmonieux.

Nos parents avaient eu l'honneur de mêler leur sang à leur bateau quand nous étions encore jeunes. Toi, Lju, tu suçais encore ton index et ton majeur en t'endormant ou quand tu réfléchissais, et tu crochetais la tunique de Ni'Obë pour la suivre partout où elle allait. Nous n'étions pas abandonnés. Un chaman ne connaît pas la solitude. Les esprits sont souvent bien plus bavards que lors de leur vivant. Puis il y avait notre tribu. Tous s'occupaient de nous et nous n'éprouvions qu'un léger pincement à savoir que nous ne reverrions pas nos parents en chair et en os. Nous étions heureux de savoir qu'ils étaient morts selon leur souhait. Un soir, Ljund avait déclaré ne pas vouloir croiser leurs esprits. Il s'était lové dans les bras de Ni'Obë, mâchonnant pensivement un ruban de viande séchée.

- Je préfère que leurs esprits continuent de voguer sur les mers, qu'ils ne remettent pas le pied à terre. Et quand on aura notre propre bateau, ils viendront avec nous à l'aventure. Dis, Nini, il sera de quelle couleur notre bateau ? Tu voudras aller où en premier ?

Ni’Obë avait glissé ses doigts dans la chevelure de son petit frère, le regard tourné vers l’horizon. La ligne orangée entre le ciel et la mer était devenue infime.

- Il sera de la même couleur que les flots.

Elle aimait cette teinte variante, entre le bleu et le vert. La couleur permettait à la mer de déclarer son humeur. La nuit, cette dernière se fondait avec le ciel pour ne devenir plus qu’une immense étendue d’encre. Les nuits sans lune étaient les plus belles. A l’âge où Ljund n’était encore qu’un bambin, Ni’Obë adorait se pencher par-dessus la rambarde pour voir comme l’eau noire avalait la coque du bateau. Le royaume des abysses se transformait en un néant impénétrable sur lequel leur navire flottait sans la moindre difficulté. L’enfant y laissait courir son imaginaire comme sur une feuille de papier vierge.

- J’aimerais voir à quoi ressemble un continent. Il paraît que ce sont des terres aussi immenses qu’un océan et qu’on n’en voit jamais la fin. Nous pourrions raser les côtes des peuples qui y habitent et créer des comptoirs et des colonies. Nous pourrions manger un tas de poissons différents.

Elle avait conclu cette dernière phrase avec un sourire. A l’époque, Ni’Obë ne parlait pas beaucoup, sauf lorsqu’il s’agissait de raconter des histoires à son cadet. Elle était comme une seconde mère pour lui et ce qu’elle venait de lui raconter était bien une fable à laquelle elle ne croyait qu’à moitié. Nous riions parfois du souvenir que cette adolescente avait laissé en nous. Sa discrétion et sa modestie étaient de toute évidence les deux qualités qui rattachaient son esprit à son corps. Ce qu’elle se figurait comme un fantasme n’en était plus un ; pour l’heure, l’ailleurs était devenu une nécessité.

- Papa et maman nous guiderons. A nous quatre, on règnera sur l’eau.

Les années avaient passé et nous ne les attendions plus, pour tout dire. Ni’Obë avait posé ses yeux sur Ljund.

- Et toi, où aimerais-tu aller ? Sais-tu comment nous appellerons notre bateau ?

Les caresses sur son cuir chevelu facilitaient la rêverie édifiée par les mots de Ni'Obë et le garçon se sentait glisser doucement dans un état somnolent. Ses paupières papillonnaient, les questions de sa sœur freinant son endormissement.

- Ce serait trop cool de conquérir un continent. On serait les héros de Kazak ! On en aurait un chacun, d'accord ? Je veux avoir le mien à moi.

Pas question d'avoir Nini sur le dos. Il en profiterait pour faire la fête tous les jours, manger et boire tout le temps, comme il voyait les adultes le faire régulièrement. Si nous avions su. Il n'était pas prêt de se débarrasser d'elle. Un petit rire nous avait secoué, mais il sonnait autant railleur que vexé.

- Il faut que notre bateau ait un nom effrayant, qui fasse naître la terreur dans le coeur de nos ennemis comme euh, Tonnerre de Guerre ! Eclair de Guerre ? Tempête de Mort !

Ljund ricanait, fier de ses idées.

- J'veux aussi manger tous les poissons qui existent. On pourrait manger des Ondins, j'imagine que le goût doit être pareil qu'une truite ?

- Il n'y a qu'un moyen de le savoir ! avait rétorqué, taquin, un des esprits flottant près de nous.

- C'est tout ce qu'elles méritent ces grosses baleines !

Ni’Obë avait rigolé. Chez les Kazak, nous apprenions très tôt à détester et à nous méfier des filles d'Aylidis. Leurs charmes et leurs crocs avaient emporté trop d'entre nous pour que nous puissions les envisager autrement qu'en brochette au-dessus d'un feu sacrificiel.

- J'sais pas trop où aller par contre pour le continent, c'est quoi le mieux ?

- Le Continent Naturel ? Avait suggéré un esprit.

- Plutôt le Continent Mystérieux, tous ces peuples qui s'y cachent, ça doit cacher des trésors, c'est sûr. avait opposé un autre, l'air frétillant autour de lui.

- Le Continent Mystérieux...

Séduits par le mot lui-même, nous nous étions évoqués des terres merveilleuses, cachées, qui n'attendaient que nous.

- N'écoutez pas ces imbéciles. Un Kazak n'a pas besoin de terres quand il peut posséder les océans. Vous allez juste vous salir à fouler la boue impie que les hérétiques occupent, inconscient des dons offerts par les Aetheri. Le sel, il n'y a que ça de vrai pour laver l'âme et l'endurcir.

Revêche, la femme esprit qui s'était exprimée les regardait de tout son haut, une moue désapprobatrice imprimée sur ses traits translucides. Ni’Obë soutenait son regard. Il était doux.

- Construire des ports sur la terre n’est qu’un moyen de tisser notre toile sur les océans.

Elle n’avait rien inventé ; certains adultes, dont leurs parents, pensaient ainsi, là où d’autres préféraient se cantonner aux terres que leur peuple possédait déjà, horrifiés rien qu’à envisager fouler les terres étrangères. Le courroux des plus chauvins ne l’affectait pas. A l’époque, il fallait dire que peu de choses l’affectaient.

- C’est ce que nous ferons.

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Ljund & Ni'Obë
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Ljund & Ni'Obë
Ven 11 Aoû 2023, 19:31


Nos temporalités se mélangeaient. Si cela nous avait dérouté au début, nous y avions vite trouvé des avantages. Recroiser nos deux mémoires les corrigeait mutuellement, tout comme l'œil gauche complétait la vue de l'œil droit. Nous comprenions mieux nos réactions lors de nos conversations et de nos rares disputes.

Sans nous éloigner, nous nous isolions souvent de nos pairs. Nini adorait ces moments. C’était une préadolescente que le monde fatiguait vite et Ljund la suivait par réflexe où qu’elle aille. Un fil invisible semblait les relier en permanence.

- Viens. Avait-elle dit à Ljund un jour.

Le bateau venait tout juste d’être amarré. Nos parents étaient morts durant les jours précédents mais aucun d’entre nous n’avait pleuré. Ni’Obë avait attrapé son frère par le bras. Elle tenait dans sa main libre deux bâtons auxquels étaient accrochés des fils, et avait refilé un seau dégoûtant à Ljund qui l’avait examiné avec fascination. Elle l’avait ensuite entraîné à terre, dans les rochers.

La côte escarpée de l’île était dangereuse. Nombre de navires s’étaient échoués là au cours des années, offrant leurs coques éventrées au ciel et laissant leurs cadavres au sel et aux poissons. Le littoral était un véritable cimetière ouvert ponctionné par les lames minérales qui sortaient de terre. Les derniers jours calmes n’avaient pas agité les eaux, mais la marée était à la hausse. Ni’Obë nous avait dépêchés pour que nous ne nous retrouvions pas piégés. Nous avions fini par atteindre une plateforme rocailleuse, le point culminant après la falaise. Sans émettre une seule plainte, Ljund avait frotté les cailloux pris dans ses genoux ensanglantés après avoir trébuché à plusieurs reprises sur les bernacles. Se plaindre était mal vu dans la tribu et même s’il en avait envie, il retenait ses larmes. La marée avait refermé le chemin que nous venions d’emprunter, ce qui signifiait que nous étions coincés ici pour six heures.

- Avant de mourir, papa est venu ici et m’a appris à pêcher.

Elle avait tendu une des cannes à pêche à Ljund. Elles avaient appartenu à nos parents mais nous ne les avions, jusqu’ici, jamais utilisées.

- Maintenant il faut que je t’apprenne.

Un air sérieux peint sur le visage, Ljund s’était emparé de l’outil en essayant d’imiter sa sœur dans la façon de le tenir. Pour l’expérience, il avait remué le poignet et l’extrémité de la canne à pêche avait vibré entre ses doigts comme le mât d’un bateau. Son attention était ensuite descendue sur le seau. Sa petite main avait plongé à l’intérieur avec un bruit visqueux et en était ressortie avec une poignée de bestioles grouillantes.

- C’est ça que mangent les poissons ? Dégueu…
Il avait secoué sa main pour ne conserver qu’un ver bien dodu qu’il avait épinglé tant bien que mal sur le hameçon. Dans sa maladresse, il s’était alors embroché l’index et avait poussé un petit cri avant de se mettre à sautiller sur place en fourrant son doigt blessé dans la bouche. Ni’Obë avait rigolé.

- T’es pas dégourdi. On mettra de l’eau de mer pour désinfecter. Et tes genoux aussi.

Elle-même s’était baissée pour attraper un vers. Ca l’avait aussi dégoûtée la première fois, mais en y réfléchissant, ce n’était pas plus gluant que du poisson cru.

- Il faut lancer la ligne le plus loin possible. C’est là-bas qu’il y a le plus de poissons.

Elle pointa du doigt une zone où l’eau était plus profonde. Elle n’en savait trop rien en réalité, mais c’était vers là qu’elle avait eu son premier poisson. En guise de démonstration, elle laissa tomber son appât dans l’eau, que le courant guida à l’endroit indiqué. En y repensant, nous étions déçus de la démonstration de Nini. Elle ne faisait pas comme ce que notre père lui avait montré. Quand il l’avait fait, Ni’Obë avait été impressionnée. Papa avait brandi sa canne et d’un geste souple, avait fait virevolter le hameçon dans les airs. La danse du fil et de ce petit bout de métal l’avait hypnotisée. Il lui avait proposé d’essayer mais elle avait eu trop peur de planter son hameçon n’importe où.

- Quand tu sens que ça tire, tu utilises le moulinet pour ramener le poisson jusqu’à toi.

- C’est tout ? C’est facile.

Aussitôt, avec la confiance qu’ont les enfants qui ne connaissent pas encore le doute, il avait envoyé son bras dans un grand mouvement d’avant en arrière. Rien n’avait plongé dans l’eau. Étonné, il avait regardé à droite, puis à gauche, puis avait tiré violemment sur sa canne à pêche. Son vêtement s’était alors relevé brusquement dans son dos, le remontant jusqu’au cou. Il avait glapi de surprise et tiré encore plus fort jusqu’à ce que Ni’Obë le délivre de sa bêtise.

Après ce début chaotique, l’après-midi nous avait trouvé assis sur le rebord de la falaise, le dos courbé au-dessus des flots. Nous étions concentrés, peut-être trop pour des enfants. D’ailleurs, Ljund avait commencé à avoir la bougeotte. Les poissons n’avaient pas l’air séduits par ses vers de terre et il avait soupiré avant de se curer le nez avec son index, l’indemne. Préoccupé, il avait fini par quitter sa ligne du regard pour se tourner vers sa sœur.

- Nini ? Papa t’avait appris quoi d’autre ? J’ai l’impression qu’ils m’ont rien appris à moi.

Est-ce qu’il était trop bête ? Trop faible ? Inquiet, Ljund avait commencé à se ronger un ongle. Il n’arrivait même pas à pêcher un maudit poisson. Le jour où il pourfendrait des Sirènes lui avait paru aussi éloigné que la Lune.

- Bien sûr que si, ils t’ont appris des trucs aussi.

Nous avions passé plusieurs après-midi à retenir différents nœuds marins. Ljund se montrait plus doué sur le plan artistique et se passionnait pour les peintures corporelles. Il avait acquis beaucoup de choses en même temps qu’elle alors qu’elle était plus vieille.

- C’est juste que je suis plus grande.

- Ouais. Je suis sûr que plus tard, je te dépasserai ! Peut-être même que je dépasserai l’Hǫfðingi, qui sait ?

Il avait ricané avant de retrouver son sérieux.

- Merci de m’apprendre à pêcher. Tu vas continuer à m’apprendre des trucs, hein ? Tu me laisseras pas ?

- Évidemment que non.

Nini avait gardé son attention sur sa ligne tout du long, imperturbable. Elle ne l’avait pas dit à l’époque, mais à présent cette pensée nous revenait avec tellement de force qu’elle avait la puissance d’une réplique : “T’as besoin de moi et moi aussi j’ai besoin de toi.” Ce jour-là, elle n’avait pas osé faire part de ses propres doutes. Comment allait être la vie sur terre sans nos parents ? Allions-nous les recroiser un jour ? Allions-nous connaître le même destin à la fois fatal et glorieux ? Papa et maman étaient morts jeunes. Mais ils étaient morts bien. Cette idée nous avait galvanisés par le passé. Aujourd’hui, elle nous crispait. Nous avions trop à faire. La frustration de Ni’Obë était la nôtre, elle aiguisait nos ambitions comme les dents du loup des mers que nous avions l’intention de devenir.

- On sera de vrais Kazak. Promis.

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Ljund & Ni'Obë
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Ljund & Ni'Obë
Ven 01 Sep 2023, 10:03


Le temps se réenroulait sur lui-même comme une bobine et nous suivions ses circonvolutions sans manquer un seul pas de l’étrange danse. Nous avions pris une pause dans ces visions nostalgiques, le temps de remettre une bûche dans le feu mourant, et cette simple action suffit à nous remémorer un jour d’automne.

Les prémices d’une tempête, habituelles en cette saison, ronflaient sur les côtes de l’Île Maudite. Ljund se tenait dressé face à la mer grise qui grossissait de seconde en seconde. Leurs parents étaient absents depuis plusieurs semaines. À chaque jour qui passait, les chances de les voir revenir pour passer l’hiver sur les terres augmentaient. Nous avions hâte de les revoir pour entendre leurs aventures, découvrir les trésors dénichés dans leurs voyages. Ils n’oubliaient jamais de nous ramener quelque chose d’atypique. Le cadeau préféré de Ljund était le crâne d’un Weltpuff. Comme en échos, celui de Ni’Obë était la peau de la même bête. Ils avaient dit les avoir trouvés sur un marché. Apparemment, il s’agissait d’un mouton exotique. Ljund avait peint la surface osseuse de motifs et aimait le porter sur la tête comme un masque quand il n’était pas simplement accroché au-dessus de son lit. À cet instant, il le portait et gardait une main dessus pour empêcher le vent de le lui arracher.

Quand il en avait eu assez de scruter l’horizon pour y déceler la forme sinueuse d’un bateau, il avait couru pour rentrer à la maison. Une idée avait germé dans sa tête en pensant au retour de ses parents.

- Nini ! avait-il beuglé en claquant la porte.

Elle n’avait pas eu le temps de lui reprocher sa brutalité qu’il continua de crier. Ni’Obë s’était assise pour raffistoler l’un des nombreux vêtements que Ljund avait troué avec ses broutilles quotidiennes.

- Niniiii !

Dès qu’il l’eut trouvée, le garçon avait sauté dans les bras de sa sœur. Elle avait manqué de l’embrocher avec son aiguille.

- Faisons une surprise à papa et maman ! On pourrait préparer le repas pour quand ils rentreront !

À califourchon sur ses cuisses, Ljund avait gonflé sa frêle poitrine et prit un air qu’il imaginait très effrayant. Il fit mine de tendre un arc invisible sur une cible pas plus réelle.

- Ils seront trop fiers si on a nous-mêmes chassé le gibier ! Et on le cuisinera ! En plus, il commence à faire froid. On pourrait profiter du feu pour faire cuire du ragoût ! Avec de la graisse qui grésille et pas trop de légumes.

Il salivait presque sur Ni’Obë. Celle-ci le repoussa.

- Bas les pattes, espèce de crapaud. Je finis.

La couture qu’elle avait effectuée sur l’entrejambe du pantalon était maladroite, mais ça semblait tenir. Avec patience, elle cousit les derniers points. Ljund se lassa rapidement de ce monotone spectacle et fit mine de frapper sa sœur en s’arrêtant à chaque fois à quelques centimètres de son visage ou des parties de son corps qu’il visait. Sa performance s’accompagnait de bruitages gutturaux.

- Tu veux attraper quoi ? Du lièvre ? Ou de l’ours ?

La question était rhétorique car la réponse était évidente et ne se fit pas attendre. Ce serait l’ours pour Ljund, même si tous deux savaient que le renne était le gibier le plus courant. Ni’Obë se leva et partit à la recherche des armes dont ils auraient besoin. Elle revint avec une paire de couteaux et deux arcs. Ces derniers étaient d’un format particulier, adapté à leur taille. Nos parents nous avaient initiés très tôt au port de différentes armes. Nous n’étions doués avec aucune d’entre elles. Ni’Obë tendit l’équipement requis à son petit frère et nous nous enfonçâmes dans les terres de l’Île, après notre camp.

Nos bottes s’enfonçaient dans la neige épaisse. De la vapeur s’échappait de nos bouches au rythme de nos respirations éprouvées. Nous avions quitté le sentier principal. Nos vêtements en fourrure grise et blanche nous permettaient de nous camoufler dans ce paysage à quasi-découvert. Les arbres étaient relativement rares et il fallait marcher davantage vers le sud pour atteindre les premières forêts boréales.

Arrivé en haut d’une colline, Ni’Obë se jeta à plat ventre sur le sol comme nos parents nous l’avaient enseigné et fut imitée par Ljund. De ce point d’observation, nous pouvions discrètement repérer les points de passages des animaux. La première étape consistait à débusquer là où ils subvenaient à leurs besoins, et en particulier les points d’eau car c’était là qu’ils baissaient leur garde et devenaient vulnérables. Nous avions été attentifs lorsqu’on nous avait inculqué ces notions de base, il ne restait qu’à les mettre en application.

- C’est une de nos dernières chances d’attraper un ours, avant qu’ils n’entrent en hibernation. Il va vouloir se gaver de poisson.

Et Ljund frétillait comme ces derniers. Venait la partie qu’il détestait le plus : l’attente. Il s’était collé à Ni’Obë pour que nous bénéficions de la chaleur de l’autre et nous avions patienté jusqu’à en perdre la notion du temps, jusqu’à ce qu’un mouvement en contrebas nous arrache à notre léthargie contemplative. Des branches sèches avaient craqué et de longues pattes s’étaient frayé un chemin dans la végétation.

- Ça, c’est pas un ours., avait marmonné Ljund, déçu. Mais c’est mieux que rien. Regarde faire l’expert, Nini.

En tâchant de faire le moins de bruit possible, il s’était saisi de son arc, puis d’une flèche qu’il avait positionnée sur la corde tendue. Un œil fermé comme il avait vu faire ses aînés en les accompagnant à la chasse, il avait tendu l’arme au maximum de sa force - autrement dit, la courbure de l’arc avait à peine daigné se cambrer - et il avait lâché sa flèche en expirant. Le trait avait filé vers l’élan dans un bel arc de cercle et s’était fièrement plantée dans une motte d’herbe, à plusieurs mètres de la bête. Cette dernière avait fait pivoter sa tête anguleuse alourdie de ses épais bois dans leur direction, son corps musculeux, raidi, prêt à la fuite. Ljund avait juré et s’était empressé d’attraper une autre flèche. Occupé à la positionner, il n’avait pas vu l’animal souffler par ses naseaux, baisser la tête et commencer à trotter vers eux, l’encolure arrondie. Lorsque le garçon avait relevé les yeux, l’élan avait pris le galop, faisant voltiger des morceaux de terre à chaque foulée. Nini tira Ljund par son col et l’obligea à rouler sur le côté.

- Attention !

Les pattes de l’immense bête les avaient frôlés de près. Ni’Obë sentit le souffle de sa course fouetter son visage, ce qui la fit fermer les yeux. Sa main restait plaquée contre la nuque de son frère, le forçant à rester à terre. Sans le savoir, elle lui faisait bouffer la neige. Elle était plutôt préoccupée par les agitations de l’élan.

- Super l’expert !

Elle rageait. Ca nous en faisait une belle. Ljund n’aurait pas pu faire pire intervention. Elle rabattit nos capuches sur nos têtes sans délicatesse.

- Arrête de gigoter et tais-toi !

Le meilleur moyen de se protéger des cervidés était de faire profil bas, au contraire des prédateurs qu’il fallait impressionner à tout prix. La tête plongée dans la poudreuse, nous n’avions que nos oreilles pour entendre l’animal. Il piétinait agressivement autour de nous. Nini sentit son souffle lourd examiner nos corps. Le moindre de nos muscles était raidi par l’adrénaline et le froid. Nous attendîmes de longues minutes avant que Ni’Obë ne daigne jeter un œil au-dessus d’eux. L’animal n’avait plus donné signe de sa présence depuis un moment.

- On s’en va. déclara-t-elle, ce qui provoqua une exclamation de protestation de Ljund.

En tirant son frère par son vêtement, elle retourna immédiatement sur le chemin du campement.

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Ljund & Ni'Obë
Sam 07 Oct 2023, 17:05


Allongé sur son lit, un bras calé sous la tête et une jambe surélevée en appui sur l’autre, Ljund se morfondait, épris d’un ennui qu’il aurait souhaité jeter à la face du monde. C’était l’heure où les enfants dormaient mais il n’y avait personne pour surveiller qu’il était sagement en train de roupiller. Maussade, il examinait une peau de lézard séchée, volée à un soigneur du village. La chose s’était révélée décevante et n’avait rien d’un artefact magique. Il avait espéré grandir, ou au moins pouvoir se métamorphoser en dragon mais le morceau de vieille peau sèche ne faisait que répandre un fumet vaguement désagréable. Il poussa un soupir à s’en fendre l’âme. La communauté l’avait mis à l’écart de l’activité qu’ils avaient passé la journée à préparer. Quand il s’était proposé pour aider, on l’avait écarté sans lui accorder un regard, en lui demandant de ne pas se mettre dans leurs pattes.

- Plus tard, plus tard, quand tu seras grand. songea Ljund avant de tirer la langue au plafond.

C’était leur réponse générique pour tous les trucs intéressants qu’il y avait à faire.

- C’est des conneries, ouais.

Il marmonnait ainsi depuis une heure quand les fourmillements présageant la venue d’une bêtise devinrent trop pressants pour être ignorés. Il finit par se lever et fourra la peau de lézard sous les couvertures du lit de sa sœur en ricanant d’avance de sa petite plaisanterie. Ni’Obë n’était pas du tout une petite nature, mais il aimait bien la surprendre de temps en temps.

Quelques minutes plus tard, le garçon se faufilait à l’extérieur. Il croisa un esprit à qui il enjoignit le silence et la discrétion en déposant son index sur sa bouche. L’esprit se contenta de sourire tristement et Ljund poursuivit son chemin pour se rendre en catimini au cœur du village. Surmontée d’un grand chapiteau tissé de peaux de bêtes, la grande place était généralement ouverte et tout le monde aimait s’y retrouver pour bavarder. Les enfants les plus jeunes y jouaient, sous la surveillance des plus âgés. Or, cette nuit, les tentures avaient été déployées et seuls des rais de lumière traversaient les coutures abîmées. Les notes les plus profondes d’une mélodie entraînante lui parvenaient.

Le cœur battant, Ljund colla son œil à l’un des interstices et essaya de retenir son souffle bien que le risque que quiconque l’entende était nul tant les tambours battaient dans une frénésie qui devait assourdir l’audience. Des cœurs chantaient aussi à l’intérieur et leurs voix graves firent lever la chair de poule sur les bras du voyeur. Les chants appelaient les Ætheri à rejoindre leurs festivités. Ljund espéra que s’ils se laissaient tenter, ils ne le verraient pas, en train de fureter dans l’ombre.

Sa salive s’assécha quand il vit que tous les participants n’étaient pas en train de danser. Tous étaient nus mais la nudité était courante et cela ne le choquait pas. Non, ce qui retint son attention fut les mouvements saccadés des corps entre eux, s’imbriquant avec un abandon hypnotique qui transforma son bas-ventre en lave incandescente. Les yeux exorbités, Ljund avait très chaud. Il avait déjà vu des animaux s’accoupler, mais la scène traduisait une bestialité plus suave.




Ni’Obë partit se coucher dès qu’elle eut terminé de nettoyer les peintures qui recouvraient son corps. Elle était d’humeur maussade. Malgré son insistance auprès des adultes, ils n’avaient pas accepté qu’elle assiste au rituel qui avait été programmé pour le soir-même. Elle avait pourtant revu son argumentaire avant d’aller au casse-pipe :

- C’est juste pour regarder, je suis assez grande pour ça maintenant ! Je vais rien faire...

Elle s’était tatouée toute seule spécialement pour l’occasion. Elle s’était dépêchée, juste après avoir couché son frère, et était partie en douce.

- Non, pas encore. Tu es trop jeune, tu n’as pas encore appris tous les enseignements et tu dois surveiller ton frère.

Ni’Obë avait croisé les bras, furieuse d’être encore une fois mise à l’écart. Alors que la nuit tombait, elle était rentrée à la maison les poings serrés, jurant que les adultes étaient des gens nuls et incapables.

Une fois propre, la jeune fille s’était réfugiée au fond de ses couvertures. Un contact froid avait effleuré ses orteils, la faisant sursauter.

- Erk.. fit-elle en découvrant la peau de lézard.

Ljund lui avait encore fait l’une de ses farces minables. Agacée, elle bondit de son lit et rejoignit celui de son petit frère, équipée de la peau, bien décidée à lui rendre la pareille. Elle découvrit qu’il n’était pas là.

- Ljund ?

Elle explora toute la maison, en vain. Il n’était pas même planqué dans les endroits stratégiques de cache-cache. Interloquée, Ni’Obë quitta la maison et revînt sur ses pas. Ce fut là qu’elle surprit son petit-frère, flanqué derrière les grandes tentures qui cachaient les adultes. Un sourire espiègle étira le coin de ses lèvres. Elle s’approcha à pas de loups et lorsqu’elle fut suffisamment proche, elle bondit.

- Bouh !

Ses mains s’abattirent sur ses épaules et elle le tira vers l’arrière alors qu’il retenait de justesse un hurlement de surprise. Elle rit puis plaça ses poings sur ses hanches, reprenant son rôle de grande sœur.

- Qu’est-ce que tu fais ? T’as pas le droit d’être là !

- Rien du tout ! se défendit-il en maudissant la chaleur qui envahissait ses joues. J’arrivais pas à dormir. La musique est trop forte, je me demandais ce qu’ils foutaient.

Il leva un regard lourd de suspicion sur sa sœur. Elle le lui rendit.

- Et toi ? T’y es pas ?

Ni’Obë était à cet âge incertain où certaines choses lui devenaient accessibles. Visiblement, pas toutes. Il eut un sourire narquois. Elle entrouvrit la bouche pour répliquer, mais rien n’en sortit. En réalité, elle était assez contente d’avoir eu un prétexte pour retourner dehors.

- T’allais espionner les grands ? Ils font crac-crac. Ça veut dire que t’as jamais fait encore ?

Il la détailla, de haut en bas. Cette fois-ci, elle fronça les sourcils, mais à peine un son n’osa sortir de sa bouche. A son âge, certaines de ses consœurs avaient déjà commencé à participer aux célébrations des grands.

- T’oses pas ? Il paraît que ça peut faire mal pour les filles. En tout cas, j’ai entendu que Nawisz s’était plaint d’avoir eu mal. C’est un peu injuste, non, que seules les filles aient mal ? J’veux pas faire mal aux filles, sauf si elles m’embêtent.

La colère montait aux narines de l’aînée. Elle saisit brutalement le bras de Ljund pour l'entraîner en retrait. Ils devaient rentrer à la maison.

- Tais-toi ! Tu dis n’importe quoi.

Elle avait vite détourné son visage pour qu’il ne voit pas qu’elle avait les larmes aux yeux. Elle travaillait très dur pour bien faire et intégrer le rang des adultes le plus tôt possible, mais malgré tous ses efforts, elle n’avait pas encore eu ses premières règles. Elle avait peur d’être en retard, de ne jamais les avoir et de ne jamais pouvoir participer aux rituels. Elle se fichait d’avoir mal.

- T’y connais rien. T’es pas une fille, alors tais-toi. Elle souffla plusieurs fois par les narines pour évacuer sa colère. Ils arrivaient à la maison. Et puis toi tu sais même pas quoi faire avec ton zizi. Va te coucher, gros bébé.

- N’importe quoi toi-même ! Je sais quoi faire avec mon zizi ! C’est comme quand on fait pipi, faut le tenir ! Et après, on le met dans le trou !

Fier de ses vastes connaissances, il tira la langue à Ni’Obë. Celle qui n’y connaissait rien, c’était elle.

- Pourquoi tu t’énerves, d’abord ? Tu…

Un air inquiet se peignit sur ses traits. Et si sa sœur était anormale ?

- Tu n’as pas de trou ?

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Ljund & Ni'Obë
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Ljund & Ni'Obë
Ven 29 Déc 2023, 11:14


Nous repensions à ce souvenir commun avec tendresse et nostalgie. Nous étions si innocents à l’époque, et définitivement plus bêtes aussi. Quand Ljund s’était inquiété de l’absence d’un vagin chez Ni’Obë, celle-ci n’avait pas réussi à répondre, paralysée par la colère, la vexation et l’humiliation. La conversation s’était terminée là, sur le pas de la maison. Elle n’avait connu une suite que plusieurs jours plus tard, alors que son souvenir s’était déjà effacé de la mémoire du plus jeune.

C’était une nuit particulièrement calme. La mer était d’huile et pas une brise de vent ne soufflait. Le Darr Stjarna était à l’arrêt, échoué au milieu d’un océan de rien. La journée qui avait précédé avait été tout aussi morne et la pêche n’avait pas été à la hauteur des espérances. Ljund et Ni’Obë s’étaient tellement ennuyés qu’ils avaient passé la journée à dormir et à présent, ils n’avaient plus sommeil.

- Au fait, j’ai un trou. Ni’Obë tourna la tête vers son frère qui lui renvoya un regard perdu. Tu as dit que j’en n’avais pas l’autre fois mais c’est faux.

Ses mires étaient noirs, sévères. Elle lui en voulait toujours de s’être moqué d’elle. Elle se perdit de nouveau dans l’obscurité comme pour la défier de la contredire. Elle n’attendait pas que Ljund réplique quoi que ce soit ; elle voulait seulement mettre les choses au clair parce que ça l’avait travaillée depuis. Maintenant que c’était dit, elle pouvait passer à autre chose. L’éventualité que son frère se mette à répéter à qui voulait l’entendre qu’elle n’était pas normalement constituée l’aurait tiraillée autrement.

- Tu préfères les filles ou les garçons ?

La question était tombée comme une enclume troublant la quiétude de l’eau et Ljund ouvrit la bouche comme une carpe.

- Hein ?

- Je t’ai vu bander l’autre soir, alors je me suis demandée à qui tu pensais. avoua-t-elle.

L’ombre d’un sourire narquois adoucit ses traits. Le teint du garçon vira à l’écrevisse.

- Mais ça te regarde pas ! éructa-t-il, scandalisé. Tu m’espionnes ? Perverse ! Et puis c’est sûr que j’bandais pas d’abord ! Que le matin !

Ni’Obë pouffa. Elle n’était pas peu fière d’avoir eu sa revanche et en outre, que celle-ci marche aussi bien. Il bougonna encore un peu avant de reprendre plus distinctement.

- Et puis c’est quoi cette question bête d’abord ! Le cycle fonctionne qu’entre les hommes et les femmes, t’as pt’être un trou mais t’es idiote.

Il lui tira la langue, malicieux à son tour. Les insultes étaient aussi courantes que les marques d’affection entre eux. Nini lui asséna une tape dans la nuque.

- Et alors ? brailla-t-elle. Cycle ou pas, ça existe quand-même. Ne me dis pas que t’es suffisamment con pour ne pas avoir remarqué ?!

Elle-même avait pris un moment à saisir pourquoi leurs voisines étaient deux femmes qui faisaient toujours tout ensemble. Ljund tordit le nez. Il n’avait jamais trop prêté attention à ça, et il n’y avait jamais réfléchi non plus. Il savait vouloir le faire avec les filles, mais quand elle lui parlait des garçons, Ni’Obë aurait pu lui proposer d’aller vivre sur les étoiles qu’il ne l’aurait pas regardée autrement. Finalement, il haussa les épaules. Sa sœur avait toujours été un peu bizarre.

- Plus tard, je veux beaucoup d’enfants. confia-t-il, soudainement sérieux. Ses ongles grattèrent un morceau de peinture qui s’écaillait sur la rambarde. Ils seront tous sur mon bateau et assez nombreux pour former tout un équipage. On aura un bateau rien qu’à nous, rien qu’aux Strom. Et nos enfants joueront ensemble, pas vrai ? Ils seront comme nous !

Un sourire nostalgique teinté de peine assombrit nos prunelles dans lesquelles dansaient les flammes en reflet. Le doux rêve de Ljund ne verrait pas le jour, pas comme il l’avait espéré. Il s’agirait de nos enfants, cependant, car nous n’étions plus qu’un. Un léger malaise se diffusa en nous. Parfois, nous songions que nous aurions dû davantage réfléchir avant de décider que Ni’Obë devienne l’Hozro de son frère. Nous n’envisagions plus la vie l’un sans l’autre, mais l’avenir était marqué par l’incertitude. Nous devions nous trouver une partenaire, un jour, mais nous n’étions pas sûrs d’être impatients de la trouver rapidement afin de nous reproduire. La chair était devenue un sujet plus complexe qu’il n’aurait dû l’être et nous ne possédions pas la délicatesse adéquate pour parler de cette fatalité. Le souvenir nous happa de nouveau.

- On fera des courses avec nos équipages respectifs. Ni’Obë se mit à rire. Mais ne t’attends pas à gagner. T’as toujours été moins fort que moi.

- C’est ça ouais, tu verras quand je serais plus grand, je te foutrai à l’eau juste avec mon petit doigt. crâna-t-il.

L’adolescente avait hâte de participer aux rites, de trouver des partenaires, de goûter aux plaisirs de la chair et de donner des enfants. Elle savait alors qu’elle serait une bonne mère. Après tout, c’était elle qui avait éduqué son petit frère.

- Alors ? Tu ne m’as pas dit à qui tu pensais quand tu bandais. Il y en a plusieurs ou une seule ? Est-ce que c’est Yzna ?

La blonde avait été une grande amie de Ljund. Ils s’étaient perdus de vue dernièrement. De nouveau, le garçon se sentit rougir. Ses yeux voguèrent autour d’eux. Ils étaient seuls mais il se rapprocha néanmoins de sa sœur et prit soin de parler à voix basse.

- Tu répètes à personne ? Promis ? Si tu le dis à Yzna, je… Je te ferai bouffer mes crottes de nez quand tu dors. Une fois ce point clarifié, il se râcla la gorge. En plus, Yzna, c’est ma sœur de cœur. Ni’Obë sentit son poil se hérisser à la mention d’une autre sœur, mais ne rétorqua pas. Le reste de l’histoire était bien trop intéressante. Je me sens sale quand je pense à elle comme ça. L’autre jour, on…

Il soupira et sembla soudain trouver fort intéressant de tripoter les ampoules sur ses mains. Elle aussi regardait ses ampoules sur ses mains à lui, comme s’il allait en sortir la suite de l’histoire.

- Bah euh, on se baignait tu vois, comme d’habitude. Mais elle a commencé à, son corps est, tu sais… Il eut envie de mourir. Elle a des seins un peu maintenant quoi. marmonna-t-il.

Il évitait de regarder Ni’Obë. Celle-ci se retenait de rire. Si l’air sortait ne serait-ce que par ses narines, c’en serait terminé.

- Et puis, elle a voulu qu’on se bagarre et je sais pas, j’étais gêné. Je l’ai repoussée un peu brutalement et je me suis enfui. On s’est pas reparlés depuis. Je crois qu’elle est en colère et j’ose pas lui parler. Chaque fois que je la croise, je la revois dans la rivière, et je repense à ce que j’ai vu l’autre nuit quand tu m’as surpris. Je sais pas si je veux le faire. mentit-il. L’envie n’était pas ce qui lui manquait.

Ni’Obë fronça les sourcils, surprise par ses paroles. Bien sûr qu’il voulait le faire. Tout le monde voulait le faire.

- Peut-être que t’es encore trop jeune. commenta-t-elle finalement. Il fronça les sourcils. Cette réponse lui déplaisait.

- C’est à quel âge qu’on commence à…

Il se sentait prêt, lui, il avait toujours été pressé de tout faire, vite. Il voulait rapidement devenir un adulte, fort et respecté. Et être un adulte, c’était aussi faire l’amour, souvent. Il entendait bon nombre de plaisanteries, dont la signification véritable lui échappait souvent, mais le sujet revenait régulièrement entre les grands. Il laissait ses oreilles traîner et peu à peu, commençait à se convaincre que lui aussi voulait “toucher de la cuisse”.

- Je sais pas trop. fit Nini en haussant les épaules. En réalité elle savait mais ne voulait pas le lui dire car elle était techniquement en âge, mais n’avait toujours rien fait. Ljund ne devait pas savoir, autrement il lui ferait une remarque dans ce sens. C’était pourtant elle la grande sœur, celle qui dirigeait. Il ne devait pas la dépasser.

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