Partenaire : Solo
Intrigue/Objectif : Ca fait genre deux ans que je dois la faire

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" … Qu'est-ce que c'est, au juste ? " L'Ange fit pendouiller le serre-tête du bout de son index, tentée à tout moment de le lâcher à la mer.

" On a débattu avec Thorvard… "

" Non, tu ne m'as pas laissé parler. " Objecta le frangin, en vain.

" Et nous avons convenu que malgré tes ailes bizarres, tu ne fais vraiment pas assez Réprouvée. Puisque tu as toute la panoplie des Culs Blanchis, nous te léguons cette magnifique couronne – Thorvard tenta de lui faire comprendre que ce n'était vraiment qu'un serre-tête, encore en vain – parée d'authentiques cornes de Démone. En fait, c'étaient celles d'une Kiir'Sahqon qui se les ait arrachés. Bref, mets-la et tu revêtiras enfin nos deux faces. C'était idiot comme pas possible. Soit ça, soit on te casse la gueule pour te rendre moins belle ; et faire taire les autres femelles qui te jalousent. "

Dans leur dos, quelques Réprouvés abondaient en son sens à force de commérages.

" Il parait que Tenka a quitté sa femme depuis qu'il a vu Lardon… Et elle n'est toujours pas au courant vu qu'il n'est pas rentré de son service militaire. "

Lardon leva les yeux au ciel. Saoulée. Il a fallu beaucoup, beaucoup de temps avant qu'elle ne s'acclimatât au caractère de cochon du Skuli et à son extravagance. Mais plus encore, les jours passés à Gona'Halv la forgèrent dans le moule de la guerre. Elle ne se battait plus dans le but d'une idéologie ou au nom de quelques grands honneurs : elle saignait dans l'unique intention de saigner. Petit à petit, les plus jeunes comprenaient pourquoi on l'appelait Edmund'Faasnu, et les vétérans retrouvaient cette hargne qu'ils avaient pu admirer à plusieurs reprises, loin de leurs fanions. Qu'une telle entité ait pu finir sous leur égide relevait d'un miracle. Hélas, cette nouvelle n'avait pas encore atteinte toutes les terres Bipolaires, tant la vie de la Sùlfr semblait si discrète, parsemée de rumeurs dont on ne parvenait à trier les vraies des fausses.

" Le problème étant que tu n'arriveras pas à me casser la gueule, Oncle Billy. Elle se pencha sur lui, narquoise. J'aurai le temps de te tuer huit fois d'ici-là. "

Un tonnerre d'hilarité s'abattit sur le navire à cette cinglante réponse, la tête de Billgrim à ce moment précis étant si mémorable. Piqué à vif, il se contenta de l'asséner d'insultes sans queue ni tête – enfin, impliquant tout de même beaucoup de queues – alors qu'elle-même conservait son sourire ravissant, celui auquel Tenka, et tant d'autres, fondit au point de plonger dans la folie.

Malgré cette pseudo rixe, Lar enfila le serre-tête, lui donnant alors des airs d'Ange Démoniaque. Pour Billy, elle avait surtout l'air d'une bufflone. Qu'importait, car il n'était pas si commun que le Réprouvé lui octroya quelques présents plutôt utiles, dans une moindre mesure. Il était vrai qu'elle n'était qu'au sens strict du terme qu'une Ange, que le surnom de Kiir'Sahqon n'était qu'une vanne amère de Thorvard, qu'elle ne deviendrait Réprouvée qu'à la sueur de son front. Et en ce sens, la Sùlfr réussit à les convaincre de l'accompagner dans ce voyage.

Bientôt, les terres d'Orahza apparurent dans leur champ de vision. Se sachant étrangers aux parcelles côtières, les Réprouvés débarquèrent en hâte avant de laisser les navires retourner à l'eau pour amarrer à l'abri des regards. À vrai dire, la majorité de l'île semblait déserte et selon les dires de Lardon, les propriétaires légitimes ne se côtoyaient pas spécialement. Dans ses plus lointains souvenirs, aucune âme n'osa l'interpeller, encore moins lui proposer un simili d'alliance. En fin de compte, cette configuration convenait à la perfection, puisque son intention était de faire table rase de sa parcelle pour ériger ce qu'elle avait tant évoqué à Billgrim au coin du feu et d'une bonne bière. Confiante, la guerrière guida l'armada volontaire de Gona'Halv jusqu'à son terrain et constata en un clin d'œil que sa modeste cabane n'avait pas bougé d'un iota. L'Ange passa une main sur son visage, assaillie de quelques rémanences triées à la volée : sa courte collocation avec Jiang-Li, l'arrivée de Momoko, l'apparition de Ponpon, la mise en place de son élevage de lapins… Tout était à l'identique depuis la dernière fois. Et ce détail, précisément, lui était curieux. La blonde ne pensait pas nécessairement revoir l'Orine dans les parages, mais le fait que les lapins semblaient encore en bonne santé l'interpella. Prudente, elle approcha de l'enclos, secondé de quelques Bipolaires très curieux. Ils avaient l'air tous là et étaient toujours aussi si petits, ses petits bichons…

" Oh, Bill. Son frère lui chuchota tout bas : Pourquoi Lar a des oreilles de lapin ? " Le rouquin renifla.

" Si je devais expliquer toutes les bizarreries de cette blondasse, je serais riche à Stenfek. "

" Elles sont encore plus grandes que les cornes… " Et ça, c'était intolérable.

Malgré l'étrangeté du phénomène, aucun d'entre eux n'osa le relever à la principale concernée. Certains et certaines se montreraient prêts à les caresser, ces appendices poilus comme pas possibles… Quoi qu'il en soit, Lardon termina son tour de propriétaire et arriva à la conclusion que tout avait tenu debout jusqu'alors. Ce qui était, en soi, parfait.

" Bon, alors, qu'est-ce qu'on fout ici ? "

" Regardez le cercle de combat. Le terrain ensablé et cerné de petites roches bien polies, gravées de symboles étranges ; chamaniques. Je propose de l'élever en une arène gigantesque ! C'est possible puisque nous avons le terrain de là-bas – elle pointa un repère précis – à là. " Ce qui s'avérait immense comme parcelle.

" Tout ça t'appartenait mais est-ce toujours le cas ? " Elle haussa les épaules.

" Personne n'a mangé les lapins, alors je suppose que oui ? "

" Tss. Si un braillard vient faire des réclamations, on saura comment l'accueillir. Pas vrai, les gars ? " Les soldats rirent entre leurs lèvres, aiguisant avec avidité leurs lames en main.

" Ce qui m'étonne le plus dans cette histoire, c'est que tu ais accepté, mon bro (frère). "

De loin, le roux se montrait comme le plus borné de Gona'Halv. De ce fait, il invita Lardon à étaler ses plans, devenus les leurs par un accord tacite.

" Imaginez. Elle éleva les bras. On construit une arène encore plus grande qu'à Lummnar'Yuvon, plus grande que ce que le Matin Calme possédait. Les murs seraient si hauts qu'ils pourraient contenir toute une armée prête à s'abattre sur le terrain depuis les gradins. Le terrain d'ailleurs pourrait être différent et mué selon notre volonté, afin de leur faire vivre un enfer sans nom. Viendra alors le temps des victorieux, ceux encore debout, qui pourront profiter d'un repos bien mérité, dans une suite spacieuse ou des bains revigorants… Elle fit le tour du terrain, ses nouveaux camarades sur ses pas. Tant de spectateurs pourraient nous admirer étriper les pires monstruosités de ce monde. Je pense bien sûr aux Goled et aux nuisibles inhospitaliers de l'île, mais on pourrait aussi se battre entre nous, organiser des jeux plus fous les uns que les autres, rameuter les prétendus grands guerriers de ce monde et leur montrer que non, nous sommes les plus forts. Elle s'arrêta et admira la cabane et l'enclos au loin ; sans surprise, les oreilles de lapin avaient disparu. Quand j'étais petite, j'aurais tant voulu profiter de l'Arène de Cristal pour leur montrer à tous que oui, je suis la plus forte. Un silence, jusqu'à qu'elle pointa une autre direction. En plus de l'arène, je veux construire une école de combats là-bas. Nous y entrainerions nos petits champions en herbe, ils auront accès à tout le matériel nécessaire et nos connaissances pour devenir de véritables armes sur pattes. Et juste là, à côté de l'enclos à lapins… Je voudrais un village. Nous pourrions y faire vivre nos ouvriers, nos forgerons et artisans, les spectateurs pourraient y passer un séjour et financer notre entreprise, jusqu'à la nuit des temps. Elle s'accroupit, saisit la terre meuble à ses pieds pour la broyer peu à peu entre ses doigts calleux. Je souhaite de tout cœur… que cette terre s'abreuve de sang. "

Ils acquiescèrent ensemble, emballés par le torrent passionnel de la Souriante. Il n'en fallait de toute manière pas tant pour les Réprouvés d'ériger de nouvelles infrastructures militaires, surtout si le terrain leur était conquis d'office. Malgré tout, sous la bénédiction de leur blondasse, le projet se montrait d'autant plus intéressant.

" Et comment s'appellera cette arène, hein ? "

Elle se releva, gaie, prête à répondre.

" Unum Prior. "

En un instant, l'instinct guerrier fit tirer toutes leurs lames au clair. Le groupuscule pivota comme un seul homme vers la source intrusive, se présentant sous la forme d'un rassemblement plus petit que le leur… mais plus obscur. L'Ange s'éleva un brin sur la pointe des pieds afin de bien voir les étrangers, comprenant aussitôt avec un certain effroi leur identité.

" Vous êtes qui, nutaar (putain) ?! "

Momoko l'ignora, de même que les Chamans postés derrière elle. Étant donné sa proximité avec la propriétaire légitime, elle représentait l'espoir de leur réussite. De cette mission que nulle autre que la Hǫfðingi leur avait assignée. Naturellement attirée, la Sùlfr s'était rapprochée pour lui faire face, les deux porte-paroles des contingents alors élues. La tribu à ses côtés n'était pas la plus diplomate qui soit, surtout que son rôle ne se cantonnait pas à faire bonne figure auprès d'autrui, même des leurs. Pourtant, c'était bel et bien eux que la Reine avait convoqué, afin de tisser le premier lien entre eux et les Bipolaires. La question de Billgrim était légitime, mais Lardon ne pouvait pas trahir le secret, encore moins sous cette forme ; cette apparence que l'Orine contempla un temps, captivée par la beauté dérobée de la Sùlfr, celle que ses tortionnaires d'antan – ennemis, amant – réduirent à néant pour ne laisser qu'une âme meurtrie par tous les recoins. Cela étant, le contact maintenant établi, le temps lui était compté.

" Répète après moi : trois, deux, un. "

L'Ange se montra aussi sceptique que ses comparses, Momoko ne se laissa pas abattre et lui intima par un nom qui la ramènera dans ses bras.

" Maîtresse. " Le Lien s'opérait et les défenses de la fausse Réprouvée s'étiolait. Contre toute attente – même pour elle – la Sùlfr céda.

" Trois, deux, un. "

" Un, deux, trois. "

" Un, deux, trois. "

" Je mets fin à mon règne. "

" Je mets fin à mon règne. "

1829 mots ~

" Réprouvés. Nous nous rencontrons enfin. "

Peu de temps après le siège d'Arcadia.

Billgrim Skuli revint du champ-de-bataille, à peine couvert de nouvelles cicatrices et de trophées de guerre. Les Chevaliers d'Arcadia ne faisaient clairement pas le poids face à leur stratégie du "foncer dans le tas". En fait, ceux qui les avaient enjoins à venir – les Marcheurs Ternes – se seraient très bien débrouiller sans eux. Surtout sans ces foutus Sorciers. Le rouquin peinait encore à croire qu'ils avaient dû se battre aux côtés – façon de parler – des magos noirs. Sans parler des rumeurs de bavure, dont il n'avait pu vérifier de son côté. À peine le drapeau de l'Empire victorieux apposé au sommet de la citadelle que Gona'Halv les rappelait.

Contrairement au reste du peloton pourtant, le Réprouvé décida de faire un détour à Orahza. Il savait que Lardon n'avait pas été présente lors du siège, puisque la rater relèverait de l'impossible. De toute manière, depuis ce contact avec ces gens "bizarres", Billgrim était certain de la trouver à la parcelle. Plus ou moins… Sur le chemin du chantier, il rumina ces moments avec la blondasse. Depuis la révélation, elle n'était plus vraiment la même à ses yeux. Elle n'était plus cette, relativement, petite Ange égarée dans leur camp militaire, amnésique et toujours aussi farouche en combat. Elle n'était pas vraiment son élève, mais il éprouvait un certain contentement à embraser sa soif de sang et à l'écouter exprimer son désir d'être une véritable Réprouvée. Léto Sùlfr était vraiment spéciale. Nul Bipolaire n'en avait douté depuis la Coupe des Nations ; ce n'était pas que leur Dovahkiin qu'elle courtisait de la sorte par sa hargne et sa combativité sans égales. Malgré tout, lorsque les masques tombaient, la déception n'était jamais bien loin.

Oui, Léto Sùlfr était plus que spéciale. Il lui suffisait de lever les yeux pour s'en convaincre une énième fois. La construction d'Unum Prior avait démarré aussitôt sa volonté abattue, sans que les Réprouvés et les Chamans aient eu leur mot à dire. Pourquoi s'opposer à une telle folie, après tout ? Les deux camps étaient gagnants, même si les soldats de Gona'Halv ne possédaient pas toutes les informations sous-jacentes. La prétendue Orisha avait été claire : les Réprouvés auront une très grande partie de la responsabilité globale, comme si la parcelle leur appartenait finalement. Le chantier était de leur cru. Simplement, cette tribu inconnue liée à Léto aurait leurs droits sur les soutterains de l'arène. C'était tout. À l'instar de ses comparses, Billgrim ignorait où ces énergumènes voulaient en venir, ce qu'ils comptaient tramer au sein de ce qu'on appelait le Cœur d'Unum Prior. Les Réprouvés s'étaient contentés de creuser les galeries en leur compagnie, sans parvenir à grapiller la moindre confession. Les Zaahin seuls sauront leurs intentions là-dessous. Ces gens étaient taciturnes, mystérieux, mais parvenaient bien à s'intégrer aux beuveries et quelques fois aux parties de jambes en l'air qui fleurissaient à l'orée des soirées suivant le dur labeur. Ils ressemblaient à Léto, au fond. Elle en était bel et bien leur "Reine", comme elle s'en était targuée. Elle était spéciale… mais Lardon n'existait pas vraiment alors.

Mis à part les bas-fonds, les immenses murs de l'arène prenaient déjà formes, même si plusieurs parties manquaient encore de consolidation. Une forte priorité avait été alloué au village adjacent – baptisé Nohr – afin de pouvoir accueillir tout ce beau monde. Les délimitations pour l'école furent décidées, mais Léto tenait à ce que l'arène soit finalisée avant de s'attaquer à cette structure. En attendant, le terrain de l'Hyperianne servait pour les entraînements quotidiens, à défaut de pouvoir répondre présent à Gona'Halv. La Sùlfr ne désirait pas non plus annexer une partie de l'armée Réprouvée pour son bon plaisir après tout et comprendrait leurs multiples départs si le devoir les appelait ; comme pour Arcadia, finalement. De toute manière, Billgrim ignorait encore que la Souriante pouvait les remplacer à tout moment avec son armada de serviteurs à sa solde. Mais si les Chamans pouvaient se concentrer sur le Cœur, tout se passerait pour le mieux…

À défaut du reste, les appartements de Léto – directement implantés dans l'arène – furent les premières pièces terminées sur le chantier. Forcément, puisqu'autant les Réprouvés et les Chamans s'étaient évertués à terminer cet endroit qui serait le berceau de la cheffe. Elle se serait contentée de la cabane près de l'enclos à lapins, mais la blonde ne rechignait clairement pas à une suite plus spacieuse. C'était ici qu'Oncle Billy espérait la retrouver et il eut bien raison. Elle était comme il l'avait laissée : impressionnante, intimidante, riche comme pas possible, amoureuse de l'art et des armes, des gens aussi puisqu'il la trouvait rarement seule. Cette fois, c'était un petit être à la fourrure épaisse et soyeuse qui lui tenait compagnie, celui-ci debout sur la table à manger et elle repue de son déjeuner.

" Mes frangins se portent très bien ! Depuis qu'il y a du monde dans les parages, tout le monde s'occupe bien de nous ! "

" Personne n'a tenté de forcer l'enclos, j'espère ? "

" Oh non non ! Depuis que vous avez rétamé ce grand monsieur qui voulait nous griller à la broche, il n'y a pas eu d'autre accident ! Les monsieurs et les madames ont compris que vous nous aimez bien et que nous sommes de la même famille. " Léto esquissa son plus beau sourire, paupières closes.

" Ravie de l'entendre. "

Encore ces oreilles de lapin. Si on n'expliquait pas encore ce qu'était ce fameux Ponpon, on imaginait bien que son lien avec les lagomorphes était avérée. Surtout avec cette malédiction – il la qualifiait ainsi – de la Titanide à se voir pousser de longues oreilles poilues à leur proximité, comme si de rien n'était.

" Oncle Billy ! Il reporta son attention sur son visage, paré de multiples symboles tribaux et vifs. Avec sa voix et son enthousiasme, il aurait presque cru à Lardon. Presque… Je ne t'ai pas encore présenté Ponpon ? C'est un ami qui s'occupe des lapins. "

Le supposé Eversha fit bouger son nez, tout son corps immobile, sans jamais oser esquisser le moindre pas vers le grand gaillard aux muscles saillants et à la barbe impressionnante. Un guerrier qui ne souriait pas assez à son goût. Face à l'ambiance morne, la Chamane décolla de son siège pour remplir une autre coupe et l'offrir au Réprouvé.

" C'est quoi ? " C'était mousseux et la robe lui rappelait sa boisson préférée.

" Du Ashï ! C'est une bière de chez moi. "

Il grommela mais se laissa tout de même tenter par la dégustation, cul sec. Il était vrai que ça en avait les propriétés, même si le goût se montrait un brin différent. L'espace d'un instant, il avait craint qu'elle lui présentât du vin. Se posant sur le rebord de la table, une main affairée à gratouiller la petite tête de Ponpon, la Sùlfr fixa le guerrier.

" Le siège est terminé ? " Elle était déjà au courant via les Esprits. Écouter les Vivants se montrait, tout de même, aussi gratifiant.

" On leur a bien botté le cul. Tu croyais quoi ? " Elle sirota sa bière.

" Rien. "

" Tsch, tu pensais qu'on allait perdre. "

" Nooon… Elle posa sa coupe, sans négliger le lapin. Je connais bien celle qui a initié le siège. La victoire vous était assurée dès le début. "

" Ah ouais ? Qui c'est ? " Elle sourit.

" Une très bonne amie. " Il n'y avait pas de terme exact pour la décrire.

" Tu ne viens pas à Arcadia ni pour nous, ni pour elle. Il jeta le récipient vide par terre, semant quelques millilitres sur un tapis de fourrure. Pour une fahdon ney kril (amie des braves), tu es plutôt ingrate. " Un éclair de défi éclata entre eux.

" Le Duc n'est rien face à moi. Encore moins face à vous. Unum Prior… est bien plus important qu’une poignée de chevaliers corrompus. "

Elle cessa ses caresses pour Ponpon. D'un signe de tête entendu, elle l'invita à prendre congé. Le semi-animal sautilla à toute allure vaquer à ses occupations, laissant Léto – dénuée des oreilles de lapin – avec Billgrim. Elle passa une main dans ses cheveux, un chouïa songeuse. Elle ne portait pas le serre-tête offert. Il était temps de passer aux aveux.

" Suis-moi, Oncle Billy. "

Il n'aurait pu refuser. Malgré toute sa volonté, le Réprouvé ne pourrait s'opposer aux lubies de cette femme. Sans la bague angélique, elle rayonnait d'un feu qui l'embraserait au moindre faux pas. Il le savait, ils le savaient tous. Le soldat était conscient de l'affection que la Sùlfr leur portait, mais il ne pouvait décemment pas la sous-estimer. Son prétendu titre de souveraine ne semblait pas être que de la poudre aux yeux, même s'il ignorait tout de ce soi-disant peuple d'au-delà de la Mer. Parfois, à travers les sinueux couloirs du chantier, ils croisaient ces Chamans, silencieux comme des tombes. Quelques Réprouvés avaient sympathisé avec eux, mais sans plus. Lui se contenterait de la Souriante, tant qu'il la tolérera encore. Ils s'enfoncèrent dans les entrailles de l'arène, le Cœur les plongeant dans une pénombre absolue. Ils s'armèrent de torches lorsqu'il fallut descendre encore plus dans les souterrains, le tunnel semblant infini. Plus ils descendaient, plus le Skuli avait l'impression d'entendre les murs… boire ? C'était une impression singulière, comme si l'oxygène se raréfiait. Il n'avait pas l'habitude des endroits clos de la sorte. Tout ce qui le guidait fut le sourire éclatant de sa sœur d'arme.

Lorsqu'ils atterrirent dans l'alcôve principale, l'ensemble des Chamans présents leur jetèrent une œillade méfiante. Billgrim les reconnut : ils étaient de la tribu du premier contact. Ils étaient affreux à voir, austères, et la plupart d'entre eux étaient plus ou moins masqués ou encapuchonnés. Ils avaient des airs de Sorciers et cela ne lui plaisait pas du tout. La majorité s'adonnait à la forge de casques complets, à l'apparence monstrueuse, incertaine, tous parés d'une pièce masquant totalement le visage. D'autres examinaient ces mêmes casques ou les engluaient de magie. La salle était grande et baignait dans une lueur provoquée par de multiples signes et symboles tout autour d'eux. Les dessins convergeaient jusqu'au centre, un bassin poisseux et noirâtre. L'odeur y était infâme.

" Qu'est-ce que c'est que ça, encore ? Il s'éloigna du mieux qu'il pût des symboles gravés. C'est encore de la magie de femmelette ? " Avec elle, il s'attendait à tout.

" Nous nous trouvons sur un lieu sacré. "

Sans crier gare, Léto jeta sa propre torche dans le bassin. Au contact du feu, l'ersatz de liquide s'y trouvant provoqua des remous et des cris stridents s'éternisèrent jusqu'à que les étincelles disparurent.

" De la magie impie, rien que ça. " Léto émit un petit rire, amusée.

" Tout ce surnaturel n'est pas de notre ressort. Il est l'œuvre d'un Æther. " Piqué à vif, le Réprouvé se débarrassa de sa propre torche ; mais pas dans le bassin cette fois, les hurlements lui vrillaient encore le crâne.

" Vos Dieux n'existent pas ! Si on doit expliquer cette merde, c'est par un Zaahin ! " Elle acquiesça doucement, tout à fait sérieuse.

" Æther, Zaahin, ou encore autre chose. Pour être honnête, à ce stade, je n'ai cure de sa nature. Elle s'approcha du bassin, dégoulinant tout son regard sur la surface. Il nous a arraché beaucoup trop. Saccager son antre ne lui a vraisemblablement pas suffi. Ceux qui nous pensent inférieurs sont ainsi : ils continueront d'exercer leurs droits, tant qu'on ne les aura pas rabaissés jusque dans les méandres de l'oubli. Elle se retourna vers lui. Je ne construis pas Unum Prior pour le plaisir. Je n'érige pas une arène par loisir. Cet endroit sera un tombeau, celui d'un être païen que nous pourrons chasser ensemble, si tu acceptes de m'aider. "

Billgrim demeurait sur sa position : les Ætheri n'existaient pas, les Zaahin prédominaient. Ils étaient les seuls, des hommes et des femmes s'étant élevé jusqu'au panthéon grâce à leurs actions pour le bien du peuple. Cette chose qu'elle décrivait, il s'en foutait royalement. Néanmoins, s'il était question de tuer…

" Qu'as-tu en tête ? " Elle sourit à nouveau et sortit les cornes qu'il lui avait offerte pour les renfiler.

" Lorsque nous terminerons la construction de l'arène, nous ne l'ouvrirons pas tout de suite au public. Unum Prior érigée, il sera alors convoqué grâce au Cœur et je veux que tu sois témoin de notre confrontation. " Les Chamans cessèrent leurs activités pour les écouter.

" Et qui est-il ? "

" Son nom n'a pas d'importance. Il n'en aura plu quand je l'aurai détruit. D'où ma requête à ton attention… Fais de Lar une Réprouvée. Une bête, une arme, afin qu'il soit attiré par sa frénésie. Un silence morne. Si j'échoue, tu devras reprendre la gestion de l'arène. Mais si un tel scénario survenait, je vous conseillerais plutôt d'abandonner définitivement les lieux. Tous autant que vous êtes. Elle s'approcha, d'un pas lourd. Qu'il soit un Æther… qu'il soit un Zaahin… il a attiré mon courroux. Et s'arrêta. Je vais tuer un Dieu. "

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