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 [Couronnes] - La Crucifixion

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Mar 04 Jan 2022, 20:10



La Crucifixion


Je soupirai, tout en jouant distraitement avec mon verre. De la porte de la salle au trône, un long tapis rouge pouvait mener ceux qui le désiraient à moi. J’avais décidé de permettre les doléances, quelques jours avant la tenue de ma crucifixion. Néanmoins, ma magie était tellement étendue et effrayante que peu osaient marcher jusqu’à ma personne. Certains fuyaient avant même de passer l’embrasure de la porte. Lux in Tenebris me murmurait d’éliminer les faibles, que laisser les moins que rien subsister était une faute qui nivelait le peuple des Sorciers par le bas. Ces chuchotements me plongeaient dans un état migraineux constant. Elle n’était satisfaite que lorsque je faisais le mal. Les susurrements se taisaient alors un temps, comme pour me remercier d’être bien obéissant.

Un homme et une femme entrèrent. Le premier tenait un bouquet imposant dans les bras. Mon regard se posa sur les fleurs. Je ne souris pas, ni pendant les salutations d’usage, ni après. J’attendis. « Votre Altesse, c’est un bouquet en provenance de la Marche Terne, afin de remercier les Sorciers d’avoir participé au siège d’Arcadia. » Val’Aimé était entré quelques secondes après eux, sans bruit. Sa simple présence, couplée à la mienne, rendait la voix de l’orateur tremblante et hésitante. Il pesait ses mots, en essayant d’oublier que notre puissance pesait sur lui. Sa collègue, elle, le regardait d’un œil critique et méprisant. Elle n’aurait sans doute pas fait mieux mais, puisqu’il avait eu le culot de prendre le beau rôle, il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. Je lisais ses pensées avec une facilité déconcertante. Néanmoins, l’un comme l’autre étaient stupides. Devais-je les tuer tout de suite ? J’appuyai mon coude contre l’accotoir. « Et ? » « Il est destiné au gouvernement. Que devons-nous en faire ? » « Remerciez la Marche comme il se doit, en précisant que ces fleurs ont été particulièrement utiles contre les nuisibles. » « Ah oui ? » osa la jeune femme. Je bus. « Oui. Aussi, vous devriez tous les deux aller vous promener. Il fait un soleil radieux aujourd’hui. C’est rare. » Je regardai le bouquet. « Et prenez ces fleurs avec vous. N’hésitez pas à les montrer à qui voudra, sans dire d’où elles proviennent, bien entendu. Cela doit rester un secret. »

Une fois qu’ils furent partis, Val’Aimé s’avança. « Votre Majesté. » Je fis un léger signe de tête. « N’était-ce pas des Rue Fétide ? » demanda-t-il. « Si, accompagnées de deux Sorciers incapables de les reconnaître. » Je me levai. « C’est malheureux, pour un peuple confectionneur de philtres, de comprendre autant d’incultes au sujet des fleurs et de leurs propriétés. » Il comprit. « J’imagine qu’ils retiendront la leçon, une fois que les rayons du soleil auront attaqué leur peau. Une dermite aigüe n’est jamais agréable à vivre. » Il me fixa. « Néanmoins, cet acte est une offense de la part de la Marche Terne. Il ne devrait pas rester impuni. » Mes prunelles revinrent sur lui. « C’est amusant que vous parliez de punition, justement. Je croyais que les interdits concernant le siège d'Arcadia étaient clairs, pourtant. » Il resta silencieux. Je m’approchai et posai une main sur son épaule. Nos deux magies s’englobèrent, chacune attirée par la noirceur de l’autre. Je plissai les yeux. « Je sais que vous voulez le trône et que vous ne faites qu'attendre que je meure sur la croix pour vous l’accaparer. » Il ouvrit la bouche. « Ne niez pas. Je n’aime pas perdre mon temps en discussions inutiles. » Un mince sourire apparut sur mes lèvres. J’étudiai son faciès rongé par la Magie des Ténèbres un temps avant de reprendre la parole. « Vous pensez que nos intérêts divergent mais vous avez tort. » Je m’écartai. « J’ai l’intention que notre coopération fonctionne alors autant être honnêtes l’un envers l’autre. Du moins, autant que deux Sorciers puissent l’être. » Car il n’y avait d’honnêteté que par opportunisme. La porte de la salle du trône claqua sous ma volonté, pour nous laisser davantage d’intimité. « Le réseau d’espionnage est très efficace, comme vous devez déjà le savoir. Je suis moi-même un ancien espion, alors je connais parfaitement le système et le moyen d’obtenir des informations qui, parfois, ne se situent que dans les pensées des individus. Je sais que vous regrettez amèrement de voir s’ériger une dynastie composée de Salvatore, et non de Taiji. Forcément. Vous prêchez pour votre paroisse. Mais qu’est-ce qui importe le plus, à vos yeux, la vérité ou le faux-semblant ? » Il mit quelques secondes à répondre, d'une façon prudente. « Avec tout mon respect, je ne comprends pas où est-ce que vous voulez en venir. » « Bien sûr. Parce que, moi, contrairement à vous, je sais garder une information secrète. La réalité me concernant a toujours été floue. La foule est trop bête et, au cas où un esprit serait plus éclairé qu’un autre, elle manque de moyen pour effectuer des recherches poussées. Vous serez donc ravi d’apprendre que vous et moi appartenons à la même famille et que je n’utilise le nom de Salvatore que dans l'objectif d'installer une continuité qui, il me semble, est profitable aux Sorciers. » Je fis quelques pas, sans le quitter des yeux. « Mieux : nous sommes demi-frères. » Je m’étais rapproché. Je jouais avec les distances.

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Mar 04 Jan 2022, 20:10



La Crucifixion


« Je vous en prie, continuez. » articula Val’Aimé, d’une voix qui me parut sèche mais mesurée. Son visage restait de marbre mais je jouais bien trop à ce jeu-là moi-même pour ne pas distinguer la naissance d’un intérêt vivace. « L’ancien Empereur Noir Jun Taiji est mon père. » Il ne parut pas étonné. « Et votre mère, si je puis me permettre ? » « L’Oracle du Chaos, la femme que j'ai tué lors de mon couronnement. » Il y eut un silence. « Érasme… ? » demanda-t-il. Il comprenait vite. « Oui. » Il ne souriait que très peu mais ses lèvres finirent par s’étirer d’une satisfaction malsaine. Il ne semblait pas troublé par l'inceste. Ce que je lui révélais, c’est que le futur serait sombre. Néanmoins, malgré son contentement, je savais qu’il se méfiait.

« La crucifixion vous donnera tort ou raison. » dit-il lentement, en effaçant toute trace de son égarement de son faciès. « Mais si vous avez raison, alors vous ne pourrez pas continuer dans une voie pacifique. Les hommes choisis par l’Oracle du Chaos sont destinés à d’horribles réalisations. » Il marqua une pause et me regarda. « Mais je ne vous apprends rien. » « En effet. C’est pourquoi je vous garantis que nos intérêts convergent. » Je souris à mon tour. « Néanmoins, contrairement à vous, là encore, je ne suis pas favorable au fait d’annihiler toute chose pour le simple plaisir de la suppression. J’ai quelques ambitions qui prennent du temps et je ne peux pas me permettre d’aller trop vite. » J’ouvris ma paume à hauteur de torse et regardai ma main. « Nous possédons une grande force et, comme vous vous en doutez, je contrôle un autre peuple, celui-là même qui nous a aidé à prendre la Terre Blanche. Les Momies, pourtant, me demandent beaucoup d’énergie et, ce que je veux, je veux le prendre sans elles. Surtout, nous ne devons pas oublier que les aléas de la vie peuvent jouer en notre défaveur. Il suffit de peu pour qu’un génocide réussisse. Regardez les Démons. » Je souris, mesquin. « Dire que personne ne s’est douté… » murmura-t-il, pensif. J’émis un rire mauvais. « Nous sommes des Sorciers, Val’Aimé. Nous n’avons pas besoin de la gloire attachée à nos victoires. Plus elles sont secrètes, plus nous y gagnons. Les Démons, avant, jouaient les trublions de l’orgueil. Ils nous servaient à cacher nos propres entreprises. Aujourd’hui, nous devons nous montrer plus prudents que jamais. C’est pourquoi la mort de cette Thur est une erreur. » Il aurait été stupide de croire que j’avais oublié cet écart. Il inspira, contrarié. « Je cherchais votre fils et elle m’a attaqué. Croyez-moi, j’aurais aimé tous les réduire en poussières. Au lieu de quoi, j’ai respecté nos engagements, jusqu’à ne plus être en capacité de le faire. Ces sauvages ne méritent pas notre miséricorde. » « Mais ces sauvages, comme vous les appelez, peuvent nous être utiles, d’une manière ou d’une autre. Il n’y a pas plus sanguin qu’un Réprouvé et tout le monde sait qu’il n’y a pas plus facile à manipuler que les êtres primaires et colériques. Vous savez, un Réprouvé n’oublie jamais. Malgré les siècles, le simple nom de notre père suffit à les mettre hors d’eux. Je doute que l’assassinat d’une Thur reste sans conséquence. » « Alors que devons-nous faire ? Attaquer ? » Il en rêvait. Néanmoins, malgré son interrogation, je sentais qu’il n’y croyait pas. Je lui donnai raison. « Non. » Je souris. « Nous allons envoyer une lettre d’excuses aux Réprouvés. » « … Excusez-moi ? » Il avait articulé sa question avec une difficulté certaine, comme s’il vomissait chaque mot. « Ce qui compte, c’est la communauté internationale. Si nous y mettons les formes, nous excusons et proposons quelques denrées en compensation, nous paraîtrons désolés. » « C’est bien le problème. Que va penser le peuple ? » « Croyez-moi, si je survis à cette crucifixion, le peuple se pliera à mes volontés. On peut remettre en question le pouvoir du Roi en de rares occasions. J’ai accepté l’épreuve. Si le pouvoir religieux ne plie pas ensuite, je le ferai moi-même plier. » Il n'y avait pas de conditionnel, en réalité.

Je devais paraître sûr de moi. Tout était calcul et précision. En choisissant mes alliés, j’avais ouvert la voie de ma survie. Néanmoins, je savais que mes ennemis avaient également avancé leurs pions et que leurs pièces maîtresses étaient prêtes. J’espérais donc avoir tout envisagé et tout prévu. « Le point est le suivant : si nous nous excusons mais que les Réprouvés persistent, nous ne semblerons pas être dans notre tort mais simplement subir un comportement injuste et haineux, porté par un passé particulièrement lointain, perpétré bien avant la naissance de la quasi-totalité du peuple. » Je repris après un instant de silence. « Chacun sait que la guerre contient son lot de cadavres. Les Sorciers n’ont pas attaqué d’autres Réprouvés. Cet épisode doit sembler être un accident, parce que c’est ce qu’il est, n’est-ce pas ? » Il inspira, expira, attendit et répondit. « Malheureusement, nous pouvons le considérer ainsi : un accident nécessaire. Cette chose aurait continué à attaquer si je ne l’avais pas arrêtée. » Nous savions tous les deux qu’il aurait pu simplement la blesser. Cependant, il l’avait tuée aussi parce qu’il l’avait souhaité. Néanmoins, les circonstances étaient floues. Il cherchait Érasme au milieu d’un grand nombre de Réprouvés. Tout aurait pu se produire, à commencer par la riposte de la Thur et de ses alliés s’il avait attaqué. Sa monture incapable d’avancer, il s’était retrouvé entouré d’ennemis millénaires et il n’était pas connu pour être d’un tempérament sympathique, à l'instar des Bipolaires. C’était déjà étonnant qu’il n’en eût pas tué plus. « Exactement. C’est pourquoi nous allons nous excuser et attendre. » En espérant qu’il n’y aurait pas de débordements. « Ce qui est parfait, étant donné que vous allez être particulièrement occupé ces prochains jours. J’ai une mission à vous confier, qui, j’en suis sûr, vous plaira. »

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Kaahl Paiberym
Dim 09 Jan 2022, 19:04



La Crucifixion


Mes doigts s’avancèrent vers la glace. Elle reflétait l’entièreté de mon corps, des pieds à la tête. J’avais joué Elias de nombreuses années mais je n’avais jamais été lui. Il n’était qu’une illusion que ma magie construisait en modelant mon apparence. Il l’était, jusqu’ici. À présent, ce corps aussi haut que rachitique était le mien. Ses rides plissaient les coins de mes yeux et parcouraient mon front en une expression à jamais préoccupée. Ces plis, qui marquaient ma peau, traduisaient l’existence entière du Roi des Sorciers. La vieillesse ne pardonnait jamais une vie de sérieux et de travail, l’absence de sourire et les ennuis qu’infligeaient toujours les responsabilités. Elias était ainsi fait et, à cause de la Mue, il n’y avait plus aucune frontière entre lui et moi. Mon corps, mon vrai corps, n’était plus que de l’histoire ancienne. Ce qu’Adam perdait sans peine me perturbait. À présent que le Grand Chaos était moi, comment pourrais-je me défendre de ne pas être lui ? Sur mon corps, il ne restait plus rien de Kaahl Paiberym. J’avais créé le mythe d’Elias Salvatore et, à présent, le mythe était devenu une réalité pour tous, y compris pour moi. Plus je passais de temps dans cette carcasse dégarnie, plus j’avais l’impression d’étouffer. Je m’étais perdu et, s’il m’était facile de faire bonne figure lorsque j’étais entouré, s’il m’était facile d’oublier mes démons, les choses étaient bien différentes lorsque j’étais seul. J’avais la certitude tenace que même en essayant de noyer mes cauchemars, ils reviendraient toujours, nageant, immortels, dans l’océan sombre de mes maux. Au fond, ne souhaitais-je pas mourir ? Mes tentatives de survie, mes stratégies pour assurer ma pérennité n’étaient-elles pas qu’une vaste farce, dans l’objectif secret de tenter d’échapper au monde des Ombres ? En essayant, peut-être pourrais-je plaider ma cause devant l’entité supérieure qui veillait à la punition des lâches ? Dans mes instants d’égarement, je me rendais bien compte que le titre de Roi était futile. J’accomplirais ce que mon successeur s’empresserait d’effacer, par égocentrisme, par jalousie, par bêtise. Mon combat tomberait dans l’oubli du Temps. Rien n’avait réellement de sens et j’avais conscience que ceux que j’aimais seraient bien mieux sans moi. Adam finirait par aimer Laëth de la simple existence du Lien, et inversement. Mes mensonges condamnaient déjà mes relations. J’avais renoncé à l’éducation de mes enfants d’Amestris et avais bien trop couvé ceux de Caelum. J’étais un pète médiocre et ça se saurait bien vite. J’étais un être sans mérite.

Dans le reflet de la glace, les disques marrons de mes yeux devinrent dorés et mes cheveux s’épaissirent et blondirent. Bientôt, je ne me fixai plus. De l’autre côté de la surface dure, le corps de Cyrius s’était dessiné, drapé d’une toge sombre. Il me sourit et fit un pas en avant, ce qui le fit sortir du meuble et retrouver toute matérialité. « Tu es bien pensive, Ta Majesté. » dit-il, avant d’émettre un petit rire excité et fou. Il tourna autour de moi et fit mine de poser ses mains sur mes épaules. Il les arrêta à un centimètre à peine, faisant preuve d’une agilité particulièrement aiguisée pour quelqu’un qui manquait parfois de trébucher en s’emmêlant dans ses propres pieds. « Tu me manques. Sans toi, le monde semble trop clair et sot. Le peuple est composé d’idiots mais il n’y a pas que lui. Tes conseillers manquent d’esprit critique. » Il marqua une pause. « Sans parler du fait qu’ils sont incapables de détecter les fausses notes. » Son index vint toucher l’arc de mon oreille. « Alors que toi… tu sais. »

Après un temps, où nous nous regardâmes par l’intermédiaire du miroir, je finis par parler. « Toi aussi, tu m’as manqué… depuis avant-hier. » Je souris, tout en sachant que mon ironie ne serait pas retenue. Pour le reste, il m’avait réellement manqué. Sa musique, son sang, lui. « Tu as envoyé les lettres ? » « Oui. » « Parfait. » Il sourit. « Certains Conseillers auront vite vent de cette remise. » « Je ne crains pas le courroux des Chanceliers. Les traîtres conspirent déjà contre moi. Les Mayfair, en revanche, pourraient bien se sentir attaqués dans leur rôle de gestion des esclaves. Néanmoins, la logique veut que les Humains soient bien plus des inconvénients que des atouts. Le Ma’Ahid est un problème irrésoluble et, quoi qu’il en soit, les Démons font de bien meilleurs esclaves : plus forts, plus puissants et, surtout, moins réfractaires face à la cruauté. Les Mayfair comprendront. » « Et puis, il ne faudrait pas gâcher mon amitié naissante ! Pour une fois que j’ai une amie ! » Il rit et je me retournai. Il avait d'étranges lubies. Il n'était pas le seul. « Je veux ton sang ce soir. » Une fois qu'il serait en moi, je me sentirais peut-être moins vide.

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Kaahl Paiberym
Lun 10 Jan 2022, 16:32



La Crucifixion


« Vous pouvez garder vos sous-vêtements. » me précisa l'homme à côté du Masskin. Un sourire sarcastique apparut sur mes lèvres. « Avez-vous peur de choquer la foule ? On crucifie le Roi mais il ne faudrait pas choquer la pudeur du peuple. » Le rire qui sortit de ma gorge était si inhabituel et si incisif qu’il réduisit tous les religieux au silence le plus total. Certains avaient refusé d’approcher, à cause des ténèbres qui m’entouraient. Tue-les tous, tournoyait en boucle dans mon esprit et, puisque je n’étais pas d’humeur à garder les petits secrets des autres, je plantai mon regard dans celui du Chancelier en charge de la Religion, tout en ôtant mes vêtements. « Je sais ce que vous êtes. »  

La veille, Cyrius et moi avions joué durant des heures. Mon jeu, tout d’abord tendu, avait réussi à devenir plus souple grâce à la magie du blond. Il s’amusait avec les cordes de mes émotions. Un jour, il m’avait soufflé que les êtres étaient semblables à des harpes pour lui. Il suffisait qu’il tendît les doigts et fît résonner les cordes qu’il désirait, lorsqu’il le désirait. Pourtant, contrairement aux cordes des harpes, celles des individus étaient faciles à briser. Tout comme leur vie.

Tout comme leur vie. Ces mots résonnèrent en moi lorsque je commençai la traversée de la foule. Même chemin que lors de mon couronnement. N’importe quel autre individu aurait sans doute reçu la haine du peuple. Néanmoins, ce que je voyais sur les visages de ceux qui m’observaient était diffus. Personne ne savait comment réagir puisqu’aucun Souverain n’avait jamais accepté de se soumettre aux caprices des hommes et des femmes de Foi. Certains songeaient que si j’avais accepté, c’était parce que je ne craignais rien. D’autres, bien que me haïssant pour n’importe quel grief propre aux Sorciers, se retrouvaient immobilisés. Les langues, qui s’étaient agités jusqu’ici, ne bougeaient plus. Les complots, qui s’étaient multipliés depuis l’annonce du sort que j’allais subir, paraissaient lointains. Ce qui avait parcouru la foule, peu de temps avant mon apparition, s’était immobilisé. Oui, la croix était entourée d’Humains, mais il n’était plus l’heure d’y penser. Plus l’heure de cracher sur le pouvoir religieux pour avoir fait entrer dans une cérémonie sorcière ces moins que rien, ces esclaves. Plus l’heure de se réjouir du fait que le Roi ne s’en sortirait pas, justement parce qu’un homme dénué de magie est incapable de survivre à une crucifixion.

En avançant, je sentais encore la rudesse des cordes sous mes doigts. Le corps d’Elias n’était pas celui d’un musicien. Les pincements que j’avais dû opérer avaient marqué ma chair d’une douleur de débutant. Elle n’avait en rien altéré mon jeu mais avait rendu son exécution plus difficile.

Comme pour fuir la situation, sans que mes pas jamais ne s’arrêtassent, je levai la main vers mon visage, afin d’y observer les traces. Elles creusaient encore la pulpe de mes dernières phalanges. Je pensai que si je devais mourir aujourd’hui, je serais heureux d’avoir joué une dernière fois, même dans ce corps là, ce corps qui n’était pas le mien.

Arrivé proche de la croix, je sentis ma magie faiblir. Des esclaves avaient été entassés là. Ils ressemblaient à des Sorciers, dans les vêtements de cérémonie qui leur avaient été assignés. Pourtant, ils n’en étaient pas et tous le savaient. Ce que je lisais sur leur visage était viscéral, une forme de haine : haine envers moi, haine envers le pouvoir religieux qui se servaient d’eux. Car, fatalement, les Humains seraient accusés d’être à l’origine de ma mort. Il faudrait un responsable à ceux qui me soutenaient. Puisqu’Ethelba ne serait pas plus envisageable que le Masskin, les Humains feraient une cible privilégiée. « Souvenez-vous de ce qu’il se passera aujourd’hui. » leur murmurai-je, en reprenant ma marche pour me fondre au sein de ces derniers. C’était l’heure. C’était maintenant. Maintenant que la foule allait commencer à trembler. Maintenant que le pouvoir religieux allait commencer à vaciller. Si je mourais aujourd’hui, ce ne serait pas sans avoir créé l’événement.

Alors que ma magie s’essoufflait, mon corps commença à muter. Sur la peau parfaitement lisse, bien qu’âgée, d’Elias, commencèrent à se former les arabesques propres aux Enfants d’Ethelba. Un frisson parcourut les Sorciers les plus proches. Dans mon dos, un vortex sombre se créa autour d’une Lune Noire qui ressemblait à s’y méprendre à un trou noir, capable d’aspirer toute chose. Sur mon front, cette même Lune Noire se dessina, toujours aspirante, toujours dévolue à l’anéantissement du Monde. Devant la stupeur générale, un fin sourire mauvais étira mes lèvres. « J’espère qu’Ethelba vous réduira tous en cendres. » articulai-je clairement à l’attention de l’homme qui était censé être au plus près de moi pour réunir toutes les informations concernant mon trépas et les retranscrire sur du papier. Il en fit tomber son crayon. En réalité, je les haïssais tous et peut-être que la Déesse du Chaos désirait qu’Amestris devînt un champ de ruines. Si elle le souhaitait, alors, je me battrais pour elle.

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Kaahl Paiberym
Mar 11 Jan 2022, 19:41



La Crucifixion


Ma tenue était correctement ajustée mais je ne pouvais pas empêcher mon corps de trembler.  J’aurais dû me réjouir de la probable disparition de mon mentor. Pourtant, ce n’était pas le cas. Des frissons glacés parcouraient ma peau. Si Elias Salvatore mourait, qui serait le prochain Roi ? Ma situation risquait de vaciller, aujourd’hui. Plus que ça : elle risquait de se fracasser. J’avais survécu à la dernière passation de pouvoir mais je ne survivrais peut-être pas à celle-ci. Parfois, la famille de l’Empereur sortant était assassinée en même temps que lui, ou après lui, comme si l’influence d’un homme devait forcément s’étendre sur ses possessions : ses femmes et ses enfants. Mais je n’étais pas une possession. Je refusais de périr. Pas ici. Pas comme ça. Pas maintenant. Qui serait le prochain Grand Chaos ? Délilah ? J’en doutais. La primauté masculine s’était installée de plus en plus dans l’Histoire des Sorciers et, avec elle, la préférence pour les héritiers mâles. Un homme pouvait avoir plusieurs femmes et bien plus de descendants royaux qu’une femme. C’est ce qui, selon beaucoup, fondait la domination masculine. Ce n’était pas ma pensée. Je songeais que les hommes étaient faibles puisque nous, les femmes, n’avions besoin que d’une minorité d’entre eux pour continuer à peupler l’espèce. De plus, nous n’étions pas des Humains et la magie pouvait combler sans aucun problème la différence de force physique. À partir de là, je refusais de me soumettre à ces derniers. J’avais accepté le mariage avec un homme que je n’avais toujours pas vu mais, je le promettais, si son comportement ne me plaisait pas, il ne trouverait que sa propre mort au bout du chemin. Si je survivais à ce jour.

« Ta robe… » commença Érasme, depuis l’embrasure de la porte. « … me va très bien, je te remercie. » dis-je, en lui coupant la parole. Inutile d’attendre une quelconque gentillesse de la part de mon frère. Sa langue était empoisonnée, au moins autant que son esprit noyé dans l’alcool ou la drogue. Il soupira et s’avança. Près, trop près. « Érasme, si tu continues, un jour, je vais devoir te tuer. » « Je m’en fous. Tue-moi si tu veux. » s’amusa-t-il. « Vraiment ? » demandai-je, en attrapant la paire de ciseaux qui se trouvait sur ma coiffeuse. Je m’approchai et en pointai le bout sur son torse. Son costume d’ébène le protégeait mais, si je forçais, il finirait par en ressentir de la douleur. Il y eut un temps de silence entre nous, avant qu’un sourire n’étirât ses lèvres et qu’il se mît à rire. « Tu ne trouves pas le palais étrangement silencieux, toi ? » finit-il par articuler, comme si ma menace ne l’intéressait pas. Ses mots, pourtant, suffirent à me calmer. « Si… » murmurai-je avec stupeur. Le calme n’était jamais bon signe. Le Roi devait commencer son ascension vers la croix d’une minute à l’autre mais le château n’était jamais laissé sans protection. La porte de ma chambre était ouverte et nous aurions dû entendre quelques bruits de fond.

« Vous faites quoi ? » demanda Rose-Abelle, depuis l’embrasure de la porte. Elle était petite, avec des cheveux d’un blond étincelant. Ils étaient particulièrement longs et leurs pointes semblaient ne pas connaître l’usure. Je quittai Érasme du regard. Il semblait se réjouir du chaos qu’il pressentait en posant sa question, tout comme de celui qu’il avait distillé en moi. « Rosa, tu as vu quelqu’un, en venant ici ? » La pré-adolescente répondit par la négative d’un signe de tête. Mon regard chercha celui de la Perle Noire, un surnom qu’il détestait entendre mais qui ne cessait de courir les couloirs du palais depuis que Val’Aimé Taiji avait tué la Perle de Sceptelinôst parce qu’il le cherchait, lui. Je ne l’avais pas encore questionné sur sa présence au siège d’Arcadia, parmi les Réprouvés de surcroît. Je possédais, néanmoins, mon idée sur le sujet. « Les couloirs sont vides et ça pue le sang. » déclara Réta, en arrivant à son tour, le regard encore plus fou que d’habitude. Je regardai mon frère et mes sœurs. « Nous allons rester là en attendant Délilah et nous nous sortirons du palais pour nous rendre à la crucifixion ensuite. » « Le mieux serait d’aller la chercher. » articula Érasme. « Tu n’as qu’à y aller, toi ! » lui crachai-je au visage. J’avais un mauvais pressentiment, celui d’une mort imminente si nous sortions de ma chambre. Il y avait une tension dans l’air, quelque chose d’indéfinissable, comme si des monstres se cachaient dans l’ombre et n’attendaient qu’un faux pas de notre part pour attaquer. « Je vais y aller oui, puisque tu n’as aucun courage. » « Ton courage, tu le tires de ton état d’ébriété ! » « Je ne suis pas ivre. » « C’est ça. »

Il disparut par l’embrasure de la porte après un énième sourire insolent. Ceux-là, il ne les faisait pas, avant. À croire que le roux déteignait sur mon frère comme de la mauvaise peinture déteint sur le sol à la première averse. « Ce sera peut-être lui, le prochain Roi. » murmura Réta, en jouant avec les cheveux de Rose-Abelle. « Il vaudrait mieux pour tout le monde qu’Elias survive. » dis-je. C’était ma conclusion. Si Elias ne survivait pas, personne ici ne survivrait, sauf si Érasme devenait Roi. Mais il était encore jeune et il serait aisé pour n’importe quel opposant politique de le tuer. Les Chanceliers se sentiraient floués par cet Empereur sans expérience, n’ayant aucune notion de l’exercice du pouvoir. La situation vacillerait de nouveau, et nos vies avec.

Lorsque la porte s’ouvrit pour la quatrième fois, le visage d’Érasme attira nos trois attentions. « On a un problème. » murmura-t-il, étrangement pâle. Je plissai les yeux. « Quel problème ? » Il s’approcha et se pencha à mon oreille. Je ne le repoussai pas, comprenant que c’était important et non pas l’un de ses tours malveillants. Rose-Abelle était la seule personne qu’il protégeait et je le suspectai de ne pas le dire à voix haute uniquement pour elle. « Elle est morte. Délilah. »    

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Mer 12 Jan 2022, 19:29



La Crucifixion


« Chancelier Elzagan ! » Je me tournai vers l’homme qui m’appelait. Du haut de la muraille, il était possible d’assister au spectacle qui se déroulait plus bas : l’Empereur, couché sur la croix et qui s’y faisait attacher consciencieusement, en retenant chacun des cris qu’il aurait dû pousser. Jouissif. « Oui ? » « Un objet non identifié vole… » Il fut interrompu par la présence soudaine d’un corbeau. Ce dernier, tout juste posé sur la pierre froide, émit un croassement qui se répercuta en écho ailleurs. Le soldat fixa le volatil comme s’il y détectait un mauvais présage. Chaque Sorcier d’Amestris devait ressentir la même tension. Quelque chose se passait. Quelque chose d’excitant. « Excusez-moi pour cette interruption. » prononça-t-il avec un égard motivé par la peur que j’inspirais à la majorité de mes hommes. « Un objet non identifié vole en direction de la Capitale. » Je fixai le ciel. « Je ne vois rien. Vous voyez quelque chose, vous ? » demandai-je à un autre Mage. « N… Non. » « Mais… Et… Et ce corbeau ? » « Quel corbeau ? » m’amusai-je. « Bien sûr que… Quoi encore ? » m’interrompis-je, l’ire ponctuant mon ton. « Qu’y a-t-il, Chancelier ? » « Le Prince Noir. Voilà ce qu’il y a. » articulai-je, avant de me volatiliser.

« Je vois quand même quelque chose… » « Le Chancelier a dit qu’il n’y avait rien. » « »

Avant d’apparaître, j’entendis les dernières bribes de la conversation qui se tenait. Ils étaient plusieurs. « Pourquoi tu l’as appelé lui ? » « C’est ce qu’il faut faire dans ce genre de cas ! » « Exactement. » Ma langue claqua comme la lame d'une guillotine s’abat sur une nuque. « Cela dit, Prince Érasme, si vous m’appelez encore une fois, pour rien, je vais finir par devenir votre véritable problème. » « Délilah est partie. » trancha la rouquine, d’une voix qui ne laissait aucun doute sur le décès de la concernée. Je tournai les yeux vers elle. Dans son regard, il y avait une once de peur qui n’était pas pour me déplaire. Elle ne me craignait pas uniquement pour ce que je représentais, ni du fait de l’étendue de ma magie. Un soupçon d’intelligence brillait dans ses iris verts. Elle avait sans doute essayé de faire comprendre à Érasme qu’il n’était peut-être pas avisé d’appeler le Chef des Armées et Bras Droit de l’Empereur lorsque ce dernier, justement, agonisait sur sa croix. La fidélité, chez les Mages, n’était pas une qualité répandue. « Si c’est une plaisanterie, je ferai en sorte que vous soyez tous crucifiés. » dis-je, en voyant dépasser de derrière Érasme quelques mèches blondes. « Même vous, Princesse Rose-Abelle. » Érasme plissa les yeux, en essayant vainement de me défier. « Vous devriez faire attention, Prince Érasme. Vos comportements récents ne sont pas dignes d’un potentiel héritier du trône. » « Chancelier Elzagan. » articula Eméliana. « Délilah. » répéta-t-elle. « À moins que vous ne fassiez partie des traîtres à la Couronne ? » « À votre avis, Princesse Eméliana ? » Elle resta muette et blanchit sous mon regard. « Je vais diligenter une enquête. » finis-je par me prononcer, lorsque je notai qu’elle était à deux doigts de pleurer. « Ne devrions-nous pas plutôt arrêter la Crucifixion le temps de trouver les coupables ? » proposa Réta, d’une voix folle. Il n’y avait que les fous pour braver le danger. « Non. Certainement pas. » claquai-je. « Bon. Comme vous voulez. » conclut-elle, sans se battre pour ses idées. « Prince Érasme, je vais vous téléporter près de la croix. Vous trois, vous resterez ici. » « Il n’… » Je fis ce que j’avais dit. La porte de la chambre fut fermée, le Prince apparut en plein cœur d’Amestris et je me déplaçai jusqu’à la chambre de la morte.

« Sortez d’ici, Princesse Sundara. » murmurai-je, à la pièce illusoirement vide, avant d’émettre un soupir d’agacement. J’aurais dû m’en douter. « Je… » « Épargnez-vous de la salive. Eu égard à notre petit secret, nous allons devoir trouver une solution qui nous conviendra à tous les deux. » « Quelle solution ? » fit-elle, d’une voix tremblante. Elle se méfiait. Elle avait raison. Pourtant, il s’agissait de la fille du Monarque Démoniaque. Je ne pouvais pas m’en débarrasser comme d'une vulgaire domestique. Comme je demeurais silencieux, elle finit par reprendre la parole. « J’essayais de détendre Délilah. Elle était préoccupée et… » « Taisez-vous. » « Je ne pensais pas que vous… » « Taisez-vous. » répétai-je plus fortement, pour enrayer ses émotions montantes et ses aveux périlleux. « Ne dîtes plus rien sur les faits, sinon je vous tue. » articulai-je, doucement, avant de lui exposer ma solution. « Si Elias Salvatore ne survit pas, je serai le prochain Empereur Noir. Dans ce cas, je vous épouserai et vous aiderai à vous débarrasser de votre père. » « Et s’il survit ? » Le rictus sur mes lèvres s’accentua. « C’est à prendre ou à laisser et c'est tout ce que je peux vous offrir pour l'instant. » murmurai-je.

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Jeu 13 Jan 2022, 17:32



La Crucifixion


Qu’est-ce que le corps ? Et quelle est la plus grande douleur ? Celle qui découle du physique ou celle qui découle du psychologique ? Que voient ces gens ? Me voient-ils vraiment ? Ou ne voient-ils qu’un corps souffrant, l’avatar de leur Roi, à l’agonie ? Et s’ils saisissaient mon essence, auraient-ils peur ?

Accroché sur ma croix, des perles de sueur maculaient la peau de mon visage. Il n’y avait pas que le supplice. Le Ma’Ahid avait vidé la totalité de ma magie, ce qui avait tracé un chemin à la migraine et à la nausée. Ils ne m’avaient pas quitté lorsque des clous avaient mutilé mes poignets et mes chevilles, entrant dans ma chair, sectionnant veines et os sans aucun égard. D’autres attaches avaient été ajoutées, comme si l’on craignait que le poids de mon corps en arrachât des morceaux. Les murmures de Lux in Tenebris s’étaient tus. Étrangement, ils me manquaient. Absents, ils me laissaient seuls face à mes pensées parasites et, surtout, à genoux face à ma réalité. Du haut du monument en bois, si la souffrance n’avait pas été si grande, j’aurais pu rire de ma peur de devenir un Magicien un jour. Ça n’arriverait jamais. On ne devient pas bon en se haïssant soi-même. On ne devient qu’un fou, qu’un extrémiste. Si le souffle ne m’avait pas abandonné, peut-être me serais-je débattu par la parole, pour leur faire entendre raison. J’aurais pu. Mais le souffle me manquait. L’excuse était bien trop belle pour ne pas l’utiliser, pour ne pas avouer que la mort me tentait. Face à tous ceux qui me regardaient, je me demandais : à quoi bon ? À quoi bon régner sur ce peuple d’ingrats et de fourbes ? Lorsque l’on a grandi avec l’idée d’accaparer le trône et le pouvoir, constater l’indicible vérité de la fonction royale est d’un risible désespérant. Personne ne me défendait. Tous admiraient, comme des vaches fixant les promeneurs mais ayant bien trop peur pour s’approcher.

Et tu perdras. Tu perdras tout ce en quoi tu crois, tout ce que tu chéris, tu perdras ta détermination, ta chaleur… La malédiction commença à résonner en moi, comme une ritournelle aux allures d’éternel. J’avais perdu mes croyances. J’avais perdu ceux que je chérissais, d’une manière ou d’une autre, par le passé, dans le présent ou à l’avenir. Le Lien n’était qu’une question de temps. Mes enfants m’en voulaient. Gustine dormait pour toujours. Constantine était morte. J’avais perdu ma détermination, parce que mes yeux s’étaient ouverts sur la triste réalité. Je n’étais rien. Personne. L’on pouvait me targuer de tous les titres du monde, mon œuvre ne serait, au mieux, que quelques lignes dans les pages des livres d’Histoire. Le Destin seul comptait. La Vie n’avait aucune valeur puisqu’elle se poursuivait dans la Mort, comme une agonie sans fin. Je voulais mourir pour vivre la véritable agonie, celle qui serait rude, terrible, pas celle qui se déroulait au côté des Chamans. Parce que si je mourais normalement, alors je deviendrais un Parasite. Et tout recommencerait. Je ne voulais pas que ça recommence. Je voulais offenser mon père, qu’il me condamnât, pour l’offenser encore plus et finir par disparaître véritablement, au cœur d’un Requiem vibrant. Quant à ma chaleur, si elle avait existé un jour, elle n’était plus que chimères, qu’un jeu bien ficelé. Je ne ressentais rien d’autre que le froid, le vide, le désespoir.

Et ton âme sera plongée dans des tourments inenvisageable pour ton esprit étriqué. Que n’avais-je pas encore envisagé ? Les tourments ne m’avaient jamais été étrangers. Le pouvoir implique la souffrance des sacrifices nécessaires. Le calcul des opportunités pour établir une stratégie cohérente n’est jamais dénué de douleur. Perdre un proche au profit de l’idée même du bien commun. Refouler son empathie pour rester fort là où tous sont gagnés par la faiblesse. Prendre des décisions impossibles en comprenant que les passifs attendront le bon moment, postérieur, pour s’insurger et donner leur plan d’action parfait. Aimer son peuple d’ingrats à s’en déchirer le cœur, à s’en déchirer le corps, à le haïr, à désirer mourir.

Mon regard, jusqu’ici perdu dans un lointain réflexif, se précisa de nouveau. Je plissai les yeux face à la foule qui se trouvait devant moi, celle des Sorciers, au-delà de la présence des Humains. Si vraiment je n’avais plus de magie alors… pourquoi voyais-je ces inscriptions, au-dessus de la tête de chaque particule de foule ? Était-ce des nombres ? Des nombres qui, progressivement, petit à petit, s’effaçaient, au profit de nombres inférieurs ? Un compte à rebours. Devaraj ne l’avait jamais vu mais je compris ce dont il s’agissait. Le Clepsydra. Étais-je mort ? Étais-je une Ombre ? Je sentais encore mon corps, pourtant. La douleur de la croix. L’étouffement de la gravité.

Je sus que leur monde allait chavirer, bientôt, au rythme des secondes qui s’envolaient doucement, au rythme de plus en plus lent de mon souffle crissant. Je désirais que mes plans de survie échouassent. Je désirais que mon cœur s'arrêtât de battre pour ne plus ressentir la souffrance de l'amour.

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Sam 15 Jan 2022, 12:38



La Crucifixion


« Qu’est-ce qu’il fait… ? » « Est-ce qu’il porte la… » « Mais… »

Je sentais des parcelles de mon être trembler. Mes mains étaient fermes, mes pas inhabituellement précis. Pourtant, au creux de ma cage thoracique, mon cœur vacillait du fait d’une étrange mélodie. L’effet était celui d’une chanson normalement gaie que j’aurais modifiée jusqu’à la rendre aussi lente que malsaine. Mon monde était néfaste, au moins autant que l’enfant qui me tenait la main et qui avançait lentement, en copiant le rythme de mes pas. Il m’avait fallu faire œuvre d’une diplomatie parfaite pour que les Faes acceptassent de me la confier. Son prénom n’avait pas plus d’importance que son âge. Ce qui comptait, c’est ce qu’elle représentait. Les instruments qui résonnaient en elle étaient ceux du chaos. Chaque note que je percevais me comblait d’une douce allégresse. Cela faisait bien longtemps que l’Oracle n’avait pas changé, bien longtemps que l’inceste s’était installé, créant des générations d’Élus ayant des relations jugées normalement incompatibles. Le père était souvent le frère de son propre fils et tous étaient liés sous la bannière d’Ethelba.

« Tu veux être mon amoureux ? » « Non merci. » lui soufflai-je, alors que nous avancions dans les traces d’Elias Salvatore. Mon rythme était lent, à dessein. Pourtant, j’avais peur pour lui. Mon âme tremblait de le savoir agonisant. Je ressentais sa peine, sa souffrance, à travers tous les pores de ma peau. Je jouissais cependant des interrogations que je lisais sur les visages de la plèbe. Aucun d’eux n’avait la moindre idée de ce qu’il s’apprêtait à se produire. J’étais certain moi-même d’ignorer la totalité du plan mis en place. Je possédais un rôle, celui du Fou. Je n’avais aucune connaissance de la mission assignée au Cavalier ou à la Tour. Et plus je côtoyais le Grand Chaos, moins je comprenais les strates de sa pensée. Lorsque je le saisissais, lui, lorsque je m’emparais de ses émotions, je me heurtais chaque fois aux barrières du labyrinthe de ses réflexions. Les chemins se nouaient et se dénouaient, dans une vaste farce qui cachait une vérité que je n’étais pas certain de désirer m’approprier. Je sentais le danger. Je voulais me fondre en lui autant que le fuir. Et ce paradoxe me plaisait. Je voulais créer avec lui, créer la fin, la construire dans un ballet de notes à la fois magnifiques et funèbres.

« Pourquoi est-ce que… ? » « Il est fou... »

Je souris. Il m’avait ordonné de devenir ce que j’avais toujours fui. Ce rôle, pourtant, aurait dû être le mien. J’étais né pour lui, au même titre que lui. Nous aurions dû nous affronter pour nous rapprocher d’Ethelba, pour être uniques à ses yeux. Mais, malgré la grandeur de notre Déesse, je l’aimais trop pour envisager de le tuer. Le mot « amour » n’était pas assez fort. Il n’en existait aucun pour décrire ce qui m’habitait à son égard. Alors j’avais accepté d’endosser l’habit qu’il m’avait assigné et j’avais consenti à aller retrouver celle que j’avais évité toute ma vie, cette petite chose qui me tenait la main, symbole de la Lune Noire, Mère des Élus d’Ethelba, celle qui aurait dû me donner un fils si j’avais accepté sa grâce. Pourtant, je n’étais alors ni prêt à vendre ma vertu, ni prêt à devenir Empereur Noir. Je vivais pour la musique. Je vivais pour la musique, jusqu’au jour où je l’avais rencontré, lui. Et, depuis, je ne vivais plus que pour lui. J’espérais qu’il ne vivrait bientôt plus que pour moi à son tour. Érasme s’élèverait jusqu’à toucher la Lune Noire et, nous deux, nous pourrions créer le Requiem de ce Monde, une dernière marche vers l’obscurité la plus totale. Et, dans cette obscurité, lorsque le néant lui-même se serait rendu, ce sentiment entre nous continuerait d’exister, au-delà des plaisirs de la chair, au-delà même de toutes les autres émotions, trop fades pour survivre.

Je m’arrêtai bien avant que les Humains puissent avoir une quelconque emprise sur ma magie. Plus un Sorcier était puissant et noble, plus il avait le droit d’être au plus près du supplicié. Autour de moi, il n’y avait que les plus importants. Néanmoins, les cordes de leurs émotions jouaient exactement la même surprise. Ils pouvaient la cacher derrière un visage impassible, aucun d’eux ne comprenait. « Chancelier Merlfide, qu’est-ce que ceci signifie ? » J’avais toujours trouvé amusante cette propension des individus à poser des questions sur des évidences. Je cherchai une enveloppe dans mon costume et la brandis entre mon index et mon majeur. Le petit rire qui s’échappa de mes lèvres ne les rassura pas. Il fit néanmoins sourire la demoiselle qui m’accompagnait. « Je ne suis plus Chancelier, pour votre gouverne. Elias Salvatore a abdiqué à mon profit. » soufflai-je, en tendant au Chancelier Negrim la lettre qu’avait rédigée et signée le crucifié, afin qu’il en vérifie la légalité. « Aussi, en raison de l’offre que j’ai faite aux Humains concernant la location des esclaves de leur sang, avec remise immédiate d’une partie d’entre eux en gage de bonne foi, je vous ordonne de libérer les prisonniers présents autour de la croix. » Les missives n’étaient pas encore arrivées mais cela n’importait pas. J’avais engagé à la fois la parole d’Elias Salvatore et la mienne à l’intérieur. Il y en avait une adressée à la Reine et une à Mancinia Leenhardt. J’en tendis copie au juriste, tout en sachant qu’il devait déjà être au courant.

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Sam 15 Jan 2022, 20:27



La Crucifixion


« Poussez-vous ! » vociférai-je, en essayant de me frayer un chemin parmi la foule. Les murmures ne cessaient de la parcourir. Parfois, ils devenaient des paroles audibles. La panique, petit à petit s’installait. Certains arguaient que puisque mon père n’était plus Empereur Noir, alors le supplice de la croix n’avait aucune valeur. D’autres avançaient que les documents étaient sans aucun doute falsifiés. Ce ne serait pas étonnant : les Chanceliers n’avaient jamais cessé d’être des chiens, avides de dévorer le Grand Chaos pour prendre sa place. Pourtant, un vautour n’a aucun prédateur.

Je ne pouvais pas croire qu’il avait cédé sa place. C’était impossible. Pas comme ça. Je n’en comprenais pas la logique. « Dégagez ! » criai-je une nouvelle fois. Les regards des Sorciers et des Sorcières étaient troublés. « C’est le Prince Noir ! » « Mais… Si… » « Chut. Écarte-toi, on ne peut pas prendre le risque. » « Vous avez raison. Ne prenez aucun risque. C’est plus facile qu’on ne le croit d’arracher des tripes et je n'hésiterai pas à vous montrer, bande de dégénérés ! » crachai-je, en bousculant la plèbe. Je n’avais jamais entendu Lux in Tenebris murmurer autant à mes oreilles des paroles de mort et de destruction. Mon corps dans son ensemble était tendu. J’avais un mauvais pressentiment, un pressentiment qui se renforça lorsqu’une conversation entre deux Mages se transforma en dispute et que les ténèbres commencèrent à parler à leur place. Le Chaos, engendré par la Couronne Noire sur le crâne de l’ancien Chancelier Merlfide, venait peu à peu à bout des plus raisonnables. Ceux qui étaient trop éloignés de la croix pour avoir vent de ce qu’il s’y déroulait entendaient des informations déformées qu’ils s’empressaient de répéter, mal, à d’autres groupes. La foule semblait enfler. L'ordre allait se déchirer.

Une fois que j’eus atteint l’allée centrale, je me retrouvai seul, entouré de deux larges bandes peuplées de Sorciers. Ils n’avaient pas le droit de marcher sur la route royale sans autorisation. J’irais plus vite par là. « Prince Érasme, savez-vous ce qu’est le Chaos ? » Je m’arrêtai, coupé dans mon élan par la voix de Val’Aimé Taiji. « Quoi ? » Il n’était nulle part, uniquement dans ma tête. Il ne répondit pas et continua. « Prince Érasme. Vous êtes le fils d’Elias Salvatore et de l’Oracle du Chaos. Vous êtes l’héritier légitime. Un meurtre a été commis sur la personne de votre sœur, Délilah Salvatore. Un coupable doit être désigné. » « Quel coupable ? » demandai-je, comme s’il s’agissait de la seule information importante dans ses paroles. « Qui est le coupable ? » retentai-je. « La personne que vous désirerez accuser. » « Hein ? » « Le Chaos, Prince Érasme. » « Putain de merde ! » jurai-je, à la manière d’un stupide Réprouvé, en me remettant à courir. Que se passait-il, à la fin ? Qui accuser ? Cyrius ? Il en était hors de question. Val’Aimé ? Non. Il me tuerait. J’improviserais.

Une fois devant Cyrius et les membres de l’Ordre des Justes, je me stoppai, essoufflé. Le Chancelier Negrim était en pleine discussion avec le Chancelier Masskinn. Les documents étaient en règle mais la conversation était animée. Le Masskinn, soutenu par plusieurs membres influents de l’Assemblée à l’origine de la crucifixion, clamait que l’ensemble était une supercherie, qu’Elias Salvatore avait nommé Cyrius Windsor Empereur uniquement pour échapper au jugement divin. « Nous connaissons tous les penchants de l’ancien Chancelier Merlfide pour l’Empereur Noir. » « Ex-Empereur Noir. » rectifia le concerné. « Arrêtez. Nous savons tous qu’une fois détaché de sa croix, vous lui rendrez la Couronne ! » « En attendant, ces documents sont véridiques. Seule la cérémonie officielle fait défaut. Le reste est en conformité. » articula le juriste. « Les Mayfair n’ont même pas été consultés pour cette histoire d’esclaves ! » « Je suis le Roi. Je fais ce qu’il me plaît. Et si vous continuez, vos cordes vocales serviront à… » J’entendis le petit rire de Cyrius résonner. « Vous savez à quoi elles serviront. » dit-il. « Prince Érasme ? » Je déglutis lorsqu’ils me remarquèrent et quittai le corps rachitique de mon père, qui semblait inconscient, des yeux. Je me sentis instantanément écrasé par leur regard. « Je… je… » « Oui ? » m’encouragea celui que je n’avais eu de cesse d’appeler mon oncle. J’inspirai, en me rattachant à lui. « La Princesse Délilah a été assassinée ! Et c’est vous, le coupable ! » dis-je, provoquant des réactions parmi les spectateurs. « Qui ? Moi ? » demanda Cyrius que je n’avais pas cessé de regarder. « Non ! » m’embourbai-je. « Je… C’est vous ! Votre Ordre de soi-disant Justes ! Vous croyez vous accaparer le pouvoir en tuant le Roi ! Vous voulez que la Religion domine mais… mais JE suis l’héritier légitime parce que JE suis le fils du Roi et de l’Oracle du Chaos ! Et si vous ne libérez pas mon père tout de suite, JE vous tuerai ! » « Intéressant. » souffla le Masskinn, visiblement très peu impressionné. « Et si vous rejoigniez votre père sur la croix, pour voir si vous êtes vraiment un Élu d’Ethelba ? » Les murmures commencèrent à se propager de nouveau, par vagues successives.

________________________

« … Il n’y a tou... toujours rien dans le ciel ? » demanda le garde, en tremblant. « Tu as entendu le Chancelier Elzagan. » « Oui mais… C’est… C’est… » « Il n’y a rien. »

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Sam 15 Jan 2022, 23:42



La Crucifixion


Sur mon visage, je sentais l’obscurité. Les yeux fermés, je ne pouvais pas ignorer les changements qui s’opéraient dans le ciel. La foule commençait à en faire cas. À quelques mètres de moi, pourtant, les Chanceliers continuaient de débattre. Je pouvais les voir, sans que mon corps ne les regardât. Cyrius s’était interposé pour protéger Érasme, menaçant le Masskinn avec son arme, celle-là même qu’il avait planté dans la cage thoracique d’Ârès. Le son des querelles se propageait : querelle des Archimages, querelle du peuple. Je l’aimais. J’aimais le Chaos. Je l’avais créé. Si je survivais, je savais que l’Ordre des Justes ne s’en remettrait pas. La crucifixion attendrait ses membres, pas pour prouver une quelconque foi, mais pour haute trahison. L’unique enfant légitime du Roi et de la Reine avait été assassinée et toutes les preuves convergeraient vers eux. Ethelba ne les sauverait pas.

« Chancelier Elzagan ! » Mon corps ne répondait plus. J’aurais souri, sinon. L’armée ne pouvait être vaincue et, si Val’Aimé demeurait acquis, alors l’opinion publique se retournerait contre les religieux. Il était bien plus populaire que Cyrius, bien plus respecté. « Relâchez ces Humains. Obéissez à votre Roi. » Sa voix ne cachait en rien un certain dégoût. Son inimitié pour le Chancelier Windsor était connue de tous. S’il s’inclinait, tout le monde y serait contraint. Observer la scène, depuis les portes de la mort, me comblait. Je savais le ciel aussi noir que mon cœur. Face à mon Destin, tout ce que j’étais, tout ce que je ressentais de positif, se délitait. Si je survivais, je voulais m’asseoir sur une montagne de cadavres, ne plus avoir à aimer qui que ce fût et tuer tous ceux qui essaieraient de me rejoindre pour me corrompre une nouvelle fois. Le bien ne devait plus m’atteindre, d’une quelconque manière. Je ne devais plus chérir. L’amour est la pire maladie qui soit.

« Regardez la Lune ! » s’exclama une voix. Je la sentais. Énorme. « Peu importe la Lune, cette cérémonie ne sera pas entravée ! Vous n’avez pas le droit de vous immiscer dans les affaires qui concernent la religion, Val’Aimé ! » Il y eut un silence. Il n’y avait que l’Empereur Noir pour pouvoir contrôler l’Elzagan. Il ne se pliait à aucune autre volonté. « Soldats, arrêtez-les et libérez ces esclaves répugnants ! Et si quelqu'un essaye de vous résister, tuez-le ! » « Chancelier Elzagan, vous enfreignez la Loi. Un procès doit se tenir après une enquête qui déterminera l’identité des coupables ! » Le rictus de Val’Aimé dut s’intensifier car un silence de mort s’installa dans la conversation. Je sentis la magie s’infiltrer dans leur débat, puissante. Aucun des deux camps ne désirait abdiquer. Beaucoup allaient mourir. Le ciel n’était plus qu’encre. Les contours de la Lune Noire se dessinaient faiblement. À chaque seconde, elle grossissait, comme si elle désirait engloutir la ville entière.

Un hurlement retentit, en provenance des murailles. Il y eut un impact et des visages éclaboussés de sang. « Qu’est-ce que c’est ? » De larges pattes agrippèrent la pierre d’un haut bâtiment. Elle crissa sous le poids. Dans la noirceur, il était difficile de voir quoi que ce fût. L’animal semblait aspirer la lumière en temps normal. Sur fond de Lune Noire, il était invisible. Ses contours inexistants, son rugissement résonna dans la ville pour tout avertissement. « Comment avez-vous pu laisser entrer une bête pareille ?! » La voix du Masskinn était tremblante d’une rage non maîtrisée. C’était la première fois que je l’entendais perdre son calme. À croire que le Destin s’était joué de lui en guidant ses pas vers ma fin. Certains Rehlas ne servent qu’à mourir au bon moment.

Petit à petit, je sentis la magie me saisir de nouveau. Je vivais mon immobilisme d’une étrange façon. J’avais la certitude que mon corps était mort. Pourtant, je me sentais exister. Voulais-je relâcher ma réflexion ? Elle me semblait être la dernière once de vie en moi. Abandonner maintenant, mourir comme le désirait la malédiction de cette vieille femme que j’avais tuée sur Lagherta ? Le suicide me tendait les bras.

« Attention ! » La foule cria encore. J’entendis les bruissements des vêtements, les semelles des chaussures sur le sol dur et gris. Un air glacé percuta ma silhouette. Une haleine fétide et chaude me souffla ensuite dessus. Ma magie me soignait par automatisme et le grondement qui sortit de la gueule du dragon contribua à me sortir de mon état. Faiblement, je bougeai mes doigts. Mes poignets étaient toujours fixés au bois. « » En ouvrant les yeux, je croisai le regard intéressé de la bête. Le Dragon Royal me fixait comme un trésor. Je n’étais pas Aimé mais il me reconnaissait. Il savait. Parce que je devais cumuler à moi seul le plus grand nombre d’artefacts raciaux des Terres de Sympan. « Je ne sais pas comment la faire sortir de là. » m’entendis-je murmurer, comme un aveu d’impuissance. Je voyais comment. Je n’arrivais pourtant pas à me résoudre à vivre. Je ne voulais pas être ce Roi, au-dessus de sa montagne de cadavres, finalement. Ce serait pourtant ce que je deviendrais si j’acceptais la vie.

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Jun Taiji
✞ Æther de la Mort ✞

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Jun Taiji
Dim 16 Jan 2022, 13:08


La Crucifixion



« J’ai toujours aimé ce chemin, cette ligne qui traverse Nementa Corum et qui s’enfonce dans les entrailles d’Amestris. » Il faisait la conversation, plus par envie que par nécessité. C’était comme parler de la pluie et du beau temps, s’extasier devant ce soleil magnifique comme si son interlocuteur ne l’avait pas remarqué. Il aurait pu dire n’importe quoi, elle l’aurait déjà su. Elle souriait, pour l’encourager à persister, pour cacher qu’elle le détestait mais qu’il était arrivé à un stade où il fallait s’en méfier. Il prononçait des inepties, mangeait des mochis et dansait avec les Orines. Son attrait pour les Mortels rendait bien des Ætheri malades. Il y était trop attaché, comme s’il voulait encore vivre, encore ressentir et aimer. Il ne prenait que très rarement une apparence divine. Il se limitait. Cependant, dès qu’un Immortel oubliait ce qu’il était et tentait de le défier, le retour de bâton était violent. Elle se demandait quand est-ce qu’il serait puni mais les Esprits du Temple ne semblaient pas disposés à s’en prendre à lui. Pourquoi ? « Il était déjà là, du temps de la Prison. C’était un lieu que je n’aimais pas. Je suis heureux qu’elle ait été détruite. Envoyer la précédente Reine se faire violer par les lépreux jusqu’à la fin de son existence est un acte qui me hante. » Ils se promenaient, remontaient l’allée, parmi les mouvements de foule hystériques. Aujourd’hui, les Sorciers avaient peur et ils auraient d’autant plus peur ensuite. Les points de vue s’entrechoquaient en des combats de rue. Il ne s’agissait pas d’une simple bagarre de taverne, comme chez les Réprouvés. Lorsque la magie se mêlait aux duels, tout était toujours plus grave.

Sans s’en rendre compte, les Mortels s’écartaient sur leur passage. « Moi non plus, je ne t’aime pas. Je ne t’ai jamais aimée. » dit-il, comme un cheveu sur la soupe. « Et je suis heureux d’avoir été Empereur Noir contre ta volonté et d’avoir attiré ton Oracle. » « Je suis heureuse qu’elle t’ait violé. » Elle sourit, méchamment. « La vie d’un Rehla est une violence permanente. » articula-t-il. « Il aurait pu naître Rehla. » continua-t-il, après un temps. « Si tel avait été le cas, je ne l’aurais pas protégé. » Il pensa brièvement qu’il était bien dommage qu’il ne puisse pas s’en prendre à elle directement. Il l’aurait bien étranglée pour la punir de prononcer des inepties pareilles. Son fils était actuellement cloué à une croix et elle appelait ça protéger. Elle ne faisait que le détruire, petit à petit, morceau après morceau. « Tu n’as pas prévenu Jezekael ? » dit-elle, en voyant le Roi des Ombres attendre, proche de la Croix. Il ne répondit pas. D’une façon ou d’une autre, le Destin conduirait Ârès dans les plaines de Lua Eyael aujourd’hui et l’Esprit de la Mort le savait. Peut-être était-il simplement curieux.

Ezechyel s’arrêta. En scrutant la foule, il remarqua chaque Eorgor présent par l’intermédiaire des Yeux. Les corps des Sorciers hantés ressemblaient à ceux de chats pour lui. Invisible, sa famille observait le monde et immortalisait l’instant. Personne ne les remarquait, pas plus que les Mages Noirs faisaient attention à la présence d’Ethelba parmi eux. Elle ne ressemblait pas aux représentations qui étaient réalisées d’elle. « Pourquoi avoir accepté de créer une nouvelle Oracle ? » lui demanda-t-elle. Ce qu’il s’était passé dans le Monde des Contes était en dehors de sa juridiction. Il n’aurait pas dû la façonner là-bas. Encore une fois, il ne répondit pas : il se contenta de regarder l’enfant qui tenait toujours la main de Cyrius et qui ne semblait pas traumatisée par ce qu’il se déroulait.

Ethelba s’avança davantage et le visage de la fillette fut affublé d’un sourire énorme. Un craquement sinistre retentit depuis le ciel, bien plus fort que les rugissements du dragon, bien plus fort que les cris de la foule. Le silence s’abattit, palpable, généralisé. Dans le ciel, des morceaux de la Lune Noire venaient de se détacher. L’incertitude régna mais, bientôt, elle fut remplacée par l’intime conviction que le ciel allait tomber sur Amestris. Ça ne tarda pas. Un groupe de Sorciers fut écrasé et, en même temps, un bâtiment explosa sous l’assaut d’un projectile. Ethelba se tourna vers Ezechyel et lui sourit. Elle n’avait jamais aimé être contrariée. Que des Mortels pussent remettre en cause le choix de ses Élus ne lui plaisait pas. De son vivant, ceux qui lui avaient dit non avaient fini par périr. « Allons-y. » souffla le Dieu de la Mort, après un dernier regard vers ses fils.




« Oui oui. Bien sûr. Je garde le trône. » « Merci. » dit-il, positionné devant son Reflet. « Cependant, tu devrais faire attention. S’ils apprennent que tu pars à l’aventure en dehors de toute mission en utilisant les pouvoirs du temps, tu sais ce qu’il se passera. » « Je sais oui… Mais je ne peux pas le laisser mourir. » « Si tel est son Destin, tu ne devrais pas intervenir. » Jun sourit. Il haïssait le Destin. C’était à cause de lui qu’il était obligé de jouer les Sorciers, à cause de lui que Lux in Tenebris le rendait fou, un peu plus chaque jour. Il voulait oublier cette magie pernicieuse. « … Pourquoi est-ce qu’à chaque fois que je choisis un modèle, je me retrouve avec des énergumènes comme toi, hein ? C’était pareil avec ta sœur… » « Certains aiment se compliquer la vie. » dit le jeune Roi, en haussant les épaules. « Sans doute. » Le silence s’installa et, après quelques instants, un air de défi marqua le visage de Jun. « En tout cas, s’ils veulent que je sois considéré comme un Banni du Temps, libre à eux. Cependant, je ne crois pas que ça arrangerait leurs affaires. Ils ont besoin de moi et, jusqu’ici, j’ai tenté de correspondre à leurs attentes. Mais je ne peux pas rester là sans rien faire alors que j’ai vu ce qu’il se passera dans le futur si je n'interviens pas. » Le Reflet soupira. L’Empereur Noir était considéré comme un homme stratège et réfléchi. Actuellement, devant lui, il voyait uniquement un Rehla qui se laissait gagner, à tort, par ses émotions. C’était inhabituel de le voir ainsi. Il savait que plus le temps passait, plus il se rapprochait de l’autre. Son physique avait changé drastiquement à travers le temps, tout comme sa psyché. Il avait toujours été maniaque mais la stratégie n’avait jamais été son fort, avant une certaine époque. Lui qui aimait la légèreté, se murait de plus en plus dans un silence glacial. Si ça avait été un autre que cet homme que le Reflet avait du mal à se visualiser, il n'aurait pas cherché à le sauver. « Je reviendrai, comme toujours. » « J’espère bien. »

Jun apparut à quelques mètres de la Croix. Il leva les yeux vers le ciel une seconde avant de se diriger vers le Dragon et le Roi. Il fronça les sourcils. Il n’aimait pas le corps d’Elias, pas plus que cette situation et l’haleine trop chargée et humide de l’animal. Voir son Autre dans cet état lui perça le cœur. Il se planta devant lui et fit disparaître les attaches qui le maintenait en place. L’écroulement fut inévitable. Il ne sourit pas. Il n’essaya pas de le relever. « Écoute moi bien. Si tu ne te relèves pas, si tu ne te bats pas, Amestris va se faire pulvériser. » Ce n’était pas exactement vrai mais il n’avait aucun remord à mentir ouvertement. « Le peuple des Sorciers disparaîtra en partie et les Réprouvés viendront le finir. Tu perdras ceux que tu aimes… et ne nie pas les aimer. Je sais que tu les aimes, même si c’est malgré toi, même si tu aimerais que ce ne soit pas le cas, même si ton amour est tordu. Je le sais parce que je les aime aussi, à cause de toi. » Il posa sa main sur l’épaule d’Elias. « Ne me fais pas regretter de prendre des risques pour toi. » Jun leva les yeux au ciel et fixa un morceau de la Lune qui s’annihila sous l’action de sa magie. La Valse Destructrice tordait la matière, la rendait laide et, à un haut niveau de magie, lorsque les Sorciers s’approchaient du pouvoir, elle la supprimait totalement. « Tu dois vivre, tu entends ? » Il s’accroupit. « Tu dois vivre parce que… » Il chercha son oreille et y murmura quelques mots, avant de sourire. « C’est clair ? » Il se redressa. « Je prends l’est. » annonça-t-il, avant de disparaître.    

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Dim 16 Jan 2022, 19:32



La Crucifixion


« La Lune Noire a explosé ! » « La Lune Noire ! Regardez ! » « Oh ! » Autour de moi, les cris s’élevèrent massivement. La magie s’exprima de nouveau. Je la sentais, je la voyais. Les Sorciers tentaient de dévier les projectiles. « Ethelba nous a tous maudits ! » Cette phrase reviendrait comme un refrain. « La religion a été dévoyée ! » « C’est la faute du Masskinn ! » « Val’Aimé Taiji a déclenché la colère d’Ethelba ! » Toutes les versions s’affrontaient mais la version dominante était celle d’une malédiction, due au supplice de la Croix que les religieux avaient fait subir au Roi véritable, à l’Élu du Chaos. Alors que je tombais au sol, m’écroulant sur moi-même, je devenais d’un même temps le symbole de la folie des hommes et des femmes de Foi contre le pouvoir royal, de leur dégénérescence, de leurs écarts des textes véritables. Alors que je me tenais à genoux devant mon père, mes membres engourdis et l’esprit convoqué par la Mort, je m’élevais dans les esprits comme une figure intouchable par les Mortels. Tant qu’Ethelba me donnait sa bénédiction, nul être, religieux ou non, ne devrait plus tenter de me défier, sous peine de maudire l’ensemble. Tous regrettaient leurs fourberies. Tous regrettaient leurs complots. Demain, si je survivais, j’obtiendrais, enfin, le respect de mon peuple. Ce que les autres Souverains accaparaient dès leur montée sur le trône me serait offert. Peut-être plus. Une crainte. Une crainte profonde. Pas celle que je fasse subir un quelconque supplice à un opposant politique, mais celle qui découlerait de la colère de la Déesse si un être remettait une nouvelle fois en cause ma légitimité. Je n’étais pourtant pas le seul à l’être, légitime. Je le savais. Cyrius et Érasme avaient reçu le même présent empoisonné du seul fait de leur naissance. Nous formions un triptyque dérangeant. Il n’aurait dû y en avoir qu’un, un unique, survivant des deux autres.

Mon regard se leva vers Jun. Mes émotions pour lui étaient complexes. Je le haïssais lorsque le Dieu se trouvait devant moi mais je ne pouvais pas m’empêcher d’aimer chacune de ses autres versions. Je me sentais attiré par lui, au-delà de tout, comme je l’étais avec Cyrius, d’une manière légèrement différente. Étaient-ils vraiment dissemblables ? J’avais déjà émis une hypothèse folle les concernant. Je l’avais enterrée. Je ne préférais pas savoir.

Au sol, ma magie continua de ramener mon corps parmi les vivants. Mon esprit restait cependant à convaincre. Avais-je envie d’incarner ce que le futur me promettait ? De reconstruire ? Avais-je envie de m’élever parmi les Mages Blancs ? De continuer à sacrifier le Chaos qui vivait en moi ? Et pour combien de temps ? Je l’écoutais, lui, mon père, mon Autre. Pourtant, ses mots, ses invectives, sonnaient comme des paroles lointaines. Je voulais mourir, parce que je ne me sentais pas la force de me relever, de me battre encore. J’étais épuisé, épuisé de me cacher, épuisé de m’interroger sur mon identité, épuisé d’avoir peur, épuisé par les doutes qui m’assaillaient. Je voulais fuir, continuer à être un lâche. Ce qu’il m’énonçait me peinait. Pourtant, je savais qu’un autre prendrait ma place. Je ne serais qu’un parmi des centaines. Peut-être moins, à cause de la Lune Noire qui se brisait sur ceux qu’elle était censée protéger. Les mots chuchotés, cependant, m’éveillèrent à une tout autre réalité. Mes yeux s’écarquillèrent. Que disait-il ? « Att… ! » Trop tard.

Je restai là, immobile, sous l’œil curieux du Dragon Royal. Il semblait avoir envie de me dévorer, pour récupérer ce qui était caché au fond de moi. Comme une épée empoisonnée plantée dans mon cœur, la Couronne du Cycle m’appelait dans la mort. J’expirai, la tension en moi s’intensifiant. Je sentis mon palpitant se gonfler. De façon abstraite, en me concentrant, je pouvais toucher du doigt la présence de la Couronne. Elle était cette lourdeur, elle était ces chaînes qui m’immobilisaient. Elle était ce qui m’empêchait de me sentir digne, de me sentir particulier. Elle m’entravait, dans ma vision de moi-même. Elle me forçait à me détester, à me renier. Elle me forçait à douter de tout. Puisque j’avais mué, elle se trouvait dans la partie la plus intime de mon être : mon Âme. J’allais vivre. « Je vais vivre. » murmurai-je. « Je veux vivre. »

Je fronçai les sourcils et attirai à moi une arme quelconque. Mon poing s’y agrippa et l’abattit dans ma gorge. Le Corps, l’Esprit, l’Âme, la Couronne, enfermée dans mon Âme. Le sang pulsa, coula. Je ne devais pas donner raison à la mort. Je devais rester concentré, pour avoir accès à mon Âme. Mon Esprit, dans mon Âme. Tendre la main vers la Couronne, l’attraper et l’emporter hors de mon corps.

Je me retrouvai en face de la silhouette d’Elias, à moitié dans mon corps, à moitié en dehors. Le Dragon ne me regardait plus. Il reniflait la dépouille, à travers moi. Je fixai ma main et plissai les yeux devant la forme éthérée de l’artefact. Je voyais des contours inconnus jusqu’alors, des individus invisibles et, proche de moi, une Ombre. Je la fixai, pour lui assurer que je partagerais son Destin. Différemment. D’un mouvement vif, je calai l’éther sur la tête d’Elias. L’artefact ne la traversa pas. Il s’y fixa, m’appela. Mon Âme m’aspira et j’ouvris les yeux dans les ténèbres. Mon corps venait de se dissoudre dans des volutes noirâtres qui firent s’envoler le Dragon Royal. J’avais faim. Je n’avais pourtant plus de bouche. Je sentais une colère enfler à l’intérieur de mes poumons illusoires. Ceux qui passaient près de moi blanchissaient à vue d’œil, hurlaient et reculaient. Je devais arrêter le processus. « Je mets fin à mon règne. » soufflai-je, dans des paroles qui n’étaient plus qu’un souffle. Je tombai de nouveau, le sang continuant sa course. Je voulus respirer mais m’étranglai dans le liquide. Ma magie vint me soigner, reformer les tissus, reformer ma trachée. Sur le sommet de mon crâne, inactive, se trouvait une Couronne d’ébène, haute et faite des murmures de la Mort.

Le décor vacilla et disparut. Je disparus.

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Dim 16 Jan 2022, 20:56



La Crucifixion


Rp lié : Et les étoiles pleurèrent

L’air fit virevolter les herbes rouges de la plaine et s’engouffra dans mes poumons. Le corps d’Elias ne me semblait plus si pesant mais je changeai d’apparence pour revêtir la mienne, celle qui m’avait accompagné tout au long de ma croissance, celle qui était la véritable. Mes cheveux tombèrent sur mes épaules et se frayèrent un chemin jusqu’à mes reins. En temps normal, peut-être me serais-je rhabillé. Je n’en ressenti pas la nécessité. Les plantes chatouillaient mes pieds. J’avais l’impression étrange d’être hors du temps. Je n’avais aucune idée de ce que je faisais là, suspendu dans un instant d’éternité. Seul le vent semblait rythmer le présent. Ce présent était insaisissable. Une fois que l’on songeait à lui, il s’était déjà transformé en passé. Le futur était délicat à appréhender. Je me sentais étrangement libéré. Un poids avait disparu. Mes chaînes s’étaient déliées. Je ne me trouvais pourtant pas plus puissant, ni plus maléfique. J’aurais cru que le mal en moi aurait grandi, jusqu’à emplir mon cœur. Ce n’était pas le cas. Peut-être étais-je mort. Peut-être étais-je plongé dans un monde intermédiaire. Je sentis la tristesse gonfler ma poitrine, une tristesse empreinte de joie. Un paradoxe, un fondu émotionnel qui rendit ma vision trouble et qui humidifia mes joues. Je m’arrêtai et m’assis par terre, mon corps disparaissant à moitié parmi les hautes herbes. Je me couchai et me recroquevillai sur le côté, tel un animal blessé. J’avais besoin de bras autour de moi mais je ne disposais que des miens. Je me sentais sombrer vers les méandres de mes blessures. C’était un sentiment étrange, comme si l’enfant en moi ressortait, comme si ses failles s’exprimaient. La vision d’un père qui bat une mère aimée. La vision du mal qui hante un cœur qui existait parfaitement sans lui. Un souffle d’espoir et le bien qui s’estompe, petit à petit, pour donner ça, pour me construire, moi. Et cette peur d’aimer, de m’exposer. La douceur des caresses prodiguées par leurs mains. Ses yeux verts à elle, emplis de l’eau de toutes ses émotions. Ses blagues salaces à lui, enrobées dans un sourire tendre. Et moi, incapable de relâcher ma vigilance, incapable de faire confiance pleinement.

Je roulai sur le dos, mon visage rencontrant le ciel qui veillait sur les terres de Lua Eyael. Les muscles de mon dos se détendirent et je fermai un instant les yeux. Les ténèbres n’existaient plus, ici. Lux in Tenebris se taisait. Existait-elle encore ? Avait-elle seulement un jour existé ? Ici, j’en doutais. J’étais nu, vulnérable. Mes pensées couraient et mes émotions se succédaient sans aucune logique. Je me rendais enfin pleinement compte que des êtres avaient réellement peur pour moi, que des individus, malgré tout, tenaient vraiment à moi. Et, dans mes comportements, je ne faisais que menacer cet équilibre, cette beauté. Comment pouvait-on ne serait-ce qu’envisager aimer un Sorcier ? Comment être capable de tendresse envers un être qui pouvait détruire ce qu’il touchait ? Détruirais-je ce que je toucherais ? Le visage de Laëth m’apparut, coloré de nuances que je ne lui avais plus trouvées depuis bien longtemps. Les courbes des mains d’Adam saisirent mon cœur. Depuis quand tout ce qui m’entourait avait-il perdu son intensité ? Depuis quand me laissais-je englobé par la paralysie ? Depuis quand mes sentiments s’étaient-ils atténués ? J’avais l’impression de revivre, de sentir de nouveau. La sensibilité de mon corps me faisait presque souffrir. La moindre caresse du vent me donnait des frissons. Le moindre bruit m’émouvait. La nature, autour de moi, était d’une beauté effroyable. Il fallait que je visse mes enfants, que je les enlaçasse. Des excuses devraient sortir d’entre mes lèvres. Il n’y avait pas d’autres alternatives. Mon absence avait été si lâche. Pourtant, avant de m’occuper de ceux que j’aimais, il me faudrait sauver Amestris, sauver les vies que la cité contenait. Cette idée me paraissait évidente. Il y avait d’autres sujets, graves et pressants. Libérer Ârès de la Prison du Cœur-Bleu sans pour autant le laisser filer. Il était un danger, de ces démons impossibles à noyer tant ils savaient si bien nager. Mais je le vaincrais, je le promettais.

« Heureuse de vous l’entendre penser. » Je connaissais cette voix. Je me redressai. « Où sommes-nous ? » demandai-je. « À Lua Eyael, mais je suppose que vous le savez déjà. » « Oui mais… je me sens tellement en paix, tellement calme. » « Hum. Ce n’est pas de mon fait. C’est peut-être vous qui avez changé. »

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Lun 17 Jan 2022, 20:12



La Crucifixion


« Peut-être… » soufflai-je, en amenant ma main devant mon visage. J’étais nu mais elle ni moi n’y faisions attention. Mon corps n’avait aucune importance. « Que faisons-nous ici ? » Elle sourit. La dernière fois que nous nous étions parlés, j’étais parti. Pris dans les méandres de ma dépression, actant un fatalisme inévitable, j’avais refusé la mission qu’elle désirait me confier. « Une idée, peut-être ? » « Vous voulez que je m’occupe d’Ârès. » Un petit sourire ourla ses lèvres. « Ça ne vous dérange pas, lorsque vous l’appelez Ârès ? » Je la fixai. Pourquoi me posait-elle la question, alors même qu’elle devait connaître la réponse ? À moins que les Rehlas ne connussent pas tout ? « Je n’ai jamais vraiment porté ce prénom. Il m’est étranger, en quelque sorte. » Adam l’utilisait lorsque nous n’étions pas d’accord. « Vous préférez Kaahl ? » Je ris. « Je ne sais pas. J’imagine que je m’identifie davantage à ce prénom, puisque je le porte depuis ma naissance. Pourtant, il me renvoie à une réalité qui est assez terrible : l’incapacité de Zachary à choisir un prénom différent pour ses trois fils. Ça lui aurait demandé une heure tout au plus. » Je me laissai tomber en arrière, sur mes paumes. « Je préfère Elias, pour être honnête. » « Mais pas forcément ce qu’il représente. » « Pas forcément. Je ne sais pas. Ce n’est pas si simple. » Je souris sans joie, en regardant l’horizon. « Je ne suis pas Elias. Il est une construction. » J’ajoutai : « Ce qui ne veut pas dire qu’il est plus terrible que je ne le suis. » « Vous vous pensez pire ? » « Honnêtement ? Oui. » « Pourquoi ? » J’aimais cet endroit, les herbes rouges. J’avais l’impression étrange d’avoir toujours vécu ici. « Parce que, justement, je peux jouer à être Elias. Mon esprit est capable de modeler le mal et je peux l’incarner sans remords. » J’inspirai et expirai. « J’ai l’impression que je pourrais tout faire, tout être. Il suffirait que je le décide. » L’air chatouillait ma peau. « Lorsque j’ai des remords, c’est que je suis Kaahl. » « Et quand vous êtes vous-même ? » Mes yeux revinrent se poser sur elle.

Le silence qui s’était installé ne fut brisé que lorsque je repris la parole, pour changer de sujet. « Alors, la Couronne est enterrée ici, n’est-ce pas ? » « Oui. » « Je suppose que, comme toutes les autres, elle n’est pas gratuite ? » « En effet. Cependant, vous pouvez la prendre. Elle n’est pas gardée. » « Parce que personne de sensé n’en voudrait ? » Ce n’était pas une vraie question. Il s’agissait d’une évidence. Elle sourit. « Vous n’avez pas tort. » « Quel est son prix ? » « Vous ne pourrez pas l’enlever. » Je haussai les sourcils. « Pas facilement, du moins. » « C’est… inattendu. » C’était le mot. « Je ne pourrais pas régner sur les Sorciers avec elle. » « Vous pensez que vous le pourriez, maintenant ? » Je plissai les yeux. Elle reprit, après un sourire amusé. « La Couronne vous garantira le maintien des dons nécessaires à votre Royauté. Chaque Rehla est capable de développer la magie des peuples au sein desquels il est envoyé en mission et, puisque vous la pratiquez depuis des siècles, vous ne verrez aucune différence. » « J’ai cru comprendre ça, oui. » murmurai-je. En y réfléchissant, c’était une évidence. Je soufflai par le nez, après un instant. « Il ne s’agit plus seulement de vaincre Ârès, n’est-ce pas ? » « C’est ça. Depuis que le ciel a changé, il semble que le Destin ne soit plus le même. » « » « Vous apprendrez. La Couronne, elle-aussi, a changé. » Un temps passa. « Alors ? » « Hum ? » « Il vous faut faire un choix. » J’admirai les herbes rouges, encore et toujours elles. « Comme si j’avais le choix. » « C’est vrai, vous n’en avez aucun. Je ne voulais simplement pas vous brusquer. Mais vous avez compris ce que je voulais dire tout à l’heure, n’est-ce pas ? » « Oui. » « Alors prenez-la. »

La Couronne des Ombres disparut du sommet de mon crâne et j’usai de télékinésie pour déterrer la Couronne du Savoir. Je l’avais sentie dès que j’étais arrivé ici, comme si mon organisme s’était habitué à détecter ces artefacts, comme s’ils m’étaient destinés. « Je n’ai pas le choix. » susurrai-je, en l’amenant à moi. Je n’avais pas demandé quand est-ce que je pourrais la retirer. Peut-être n’était-ce pas si important. Mon existence était déjà régie par des forces qui me dépassaient. En sortant la Couronne du Cycle de mon Âme, j’avais retrouvé des concepts perdus depuis longtemps. Je n’étais plus le même. Que trouverais-je, une fois le Savoir sur la tête ?

Je pris l’objet entre mes mains et le portai au-dessus de moi. À peine posé, une douce lueur émana de mon corps. Mes cheveux, mes yeux et ma peau s’éclaircirent. La Magie des Ténèbres revint d’un coup mais plus délicate, comme atténuée par des sons mélodieux. « C’est… » Je n’avais pas les mots. Je ne voyais rien de particulier. Aucun secret de l'univers ne m'arrivait. J'aurais pensé qu'il se passerait quelque chose. « C’est tout ? » la questionnai-je, étonné. Elle se mit à rire.

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Mar 18 Jan 2022, 20:06



La Crucifixion


Ma mâchoire était tellement serrée que je sentis mes dents crisser. La réalité, crue, m’apparaissait. Elle n’apparaîtrait qu’à moi, à moi et à ses complices. Je savais que je ne pourrais rien dénoncer, rien articuler. Il ne m’en laisserait pas le loisir. Je déglutis. Je me savais épiée. Il l’avait prévu. Il le savait, il savait que j’allais trouver, me douter. Comment avait-il pu oser ? Le cri qui sortit d’entre mes lèvres résonna dans le couloir. Plusieurs murs furent détruits sous la force de ma magie. Comment avait-il pu faire assassiner notre fille ? Tout ça pour… pour détruire le pouvoir religieux, pour l’accuser, pour le purger. Mon cœur battait dans ma poitrine. Je l’entendais me déchirer les tympans. Il ne m’avait pas prévenue. Il n’avait même pas évoqué la question, comme si elle lui appartenait, comme s’il pouvait disposer à sa guise de ceux qui l’entouraient. Le rictus qui déformait mes lèvres prouvait à quel point il me dégoûtait. Qu’il se servît de moi pour éliminer ses opposants politiques ne m’avait jamais dérangée. Qu’il éliminât notre enfant à desseins politiques… Non. Je ne pouvais pas l’accepter. Je ne le pouvais pas.

Les larmes montèrent enfin. Mes joues devinrent deux cascades de tristesse et de haine mélangées. Il ne l’avait pas portée. Il ne savait pas ce que ça faisait, de sentir une vie croître en soi, de sentir son corps changer, se modifier. Il n’avait aucune idée des vergetures, des craquelures, des nausées, des coups. Il ne savait pas ce que ça faisait de voir ses seins gonfler, d’étouffer dans des corsets trop serrés. Je le connaissais depuis que nous étions adolescents. Comment avait-il pu ? J’allais le tuer. J’allais le tuer, je le promettais. Si la croix ne le tuait pas, ce serait moi.

Je fus la première à me déplacer jusqu’à lui, lorsqu’il réapparut. Dans le chaos ambiant, j’étais une ombre. Mes yeux le foudroyèrent mais il ne me regarda pas. C’était comme si ma présence l’indifférait. Après des décennies d’entraide, après l’avoir tiré vers les sommets, je sortais enfin de l’illusion dans laquelle il m’avait plongée. Je n’étais rien pour lui, qu’un outil. Il ne daignait même pas me contempler, m’affronter. Il fixait la cité, comme s’il en admirait la grandeur amochée. Des Mages Noirs l’avaient reconnu, perché sur les hauteurs de la ville. Dans ce décor apocalyptique, il paraissait irréel. J’étais peut-être la seule à le voir comme il était : un monstre, un monstre opportuniste. « Comment as-tu osé ? » lui crachai-je au visage, alors qu’il levait les mains vers le ciel pour réduire à l’état de poussières un énième morceau de la Lune Noire. J’avais entendu sa voix résonner plus tôt, sur le ton impérieux d’un ordre. Les Chanceliers s’étaient rangés à son injonction. Ensemble, grâce à la Valse Destructrice, ils émiettaient la Lune. Amestris, bientôt, serait noire de poussières. Chaque morceau de l’astre scintillait, comme une pierre précieuse. « Je suis occupé, Viviane. » J’émis un rire désabusé, un rire qui se termina dans l’amertume. Ma main se referma sur son bras et je le tirai vers moi. Il me regarda enfin. Dans ses iris, je vis quelque chose de désagréable, quelque chose que je n’avais jamais vu avant, pas comme ça, pas avec moi. « Je te hais ! » lui criai-je au visage, mon poing s’abattant sur son torse. Il ne trembla même pas. Il paraissait en dehors de toute sensibilité. C’était comme si, en face de moi, je n’avais qu’un mur. C’était comme s’il ne me reconnaissait pas, comme si toutes les fois où il m’avait souri avaient été jouées. « Je sais. » murmura-t-il. « Je devais faire un choix. » « Quel choix ? Tu as décidé tout seul de tuer ta fille ! Tu aurais pu… Tu aurais pu prendre un autre enfant ! Tu aurais pu prendre l’une de tes stupides épouses ! Pourquoi elle ? » Mon désespoir grossissait. Je comprenais qu’il ne servait à rien de continuer, de discuter. Pourtant, je m’enfonçais inéluctablement dans la mauvaise voix, celle du danger. Jamais je ne l’avais confronté. Nous avions toujours trouvé une certaine harmonie, des intérêts communs. Finalement, avec le temps, nous étions devenus amis. Du moins, je le pensais jusqu’ici. Il avait eu des gestes tendres envers moi. Parfois. « Après tout ce que nous avons vécu ensemble ! » Ses lèvres étaient pincées, comme deux lignes inexpressives. « Comment as-tu pu me faire ça ? Sans même me consulter ! Sans même chercher d'alternatives ! Je vais… Je vais… » « Tu ne vas rien faire du tout. Et je te conseille de te reprendre. Nous en discuterons ensuite. Ce n'est pas le moment. » me dit-il, en attrapant mon épaule. Je me débattis. « Ne me touche pas ! Tu ne me toucheras plus jamais, tu entends ? Je ne veux plus rien avoir affaire avec toi ! Je vais te dénoncer ! » Je me tus. Ma salive descendit dans ma trachée. « Je vais te dénoncer. » répétai-je, plus doucement, comme une évidence. Je ne parlais pas du meurtre. Je parlais du reste. Il pencha légèrement la tête sur le côté et sa bouche s’étira, imperceptiblement. Ce n’était qu’un mouvement léger, extrêmement diffus, mais il signifiait beaucoup. « Ne bouge pas d’ici. » articula-t-il. « Et arrête de parler. » Je voulus protester mais je sentis des chaînes museler ma volonté. Tout mouvement m’était interdit. Ma langue s’était immobilisée.

Je restai là. Il partit. Un morceau de Lune s’écrasa sur le bâtiment. Je cessai de vivre.

899 mots

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[Couronnes] - La Crucifixion

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