Partenaire : Solo
Intrigue/Objectif : Préquel du lien de Latone au Monde des Chants.

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" Maman, maman, maman ! Lis-moi Lilifer ! "

" Encore ? Tu ne te lasseras jamais de la terrible Lilifer ! "

" Ouiii, elle est trop bien ! Lilifer ! Lilifer ! "

" D'accord, d'accord. À condition d— "

" D'aller au lit ! "

" Exactement ! … Bien. Lilifer, Lilifer… À force, tu dois être incollable sur son histoire. Que dirais-tu de jouer ? Durant la lecture, je te poserais des questions sur son histoire. Si toutes tes réponses sont justes, nous irons à la patinoire demain. "

" Ouiii, la patinoire ! "

" Marché conclu. Voyons… Par où commence l'histoire ? "

" La Colline Dorée ! "

" Oui. D'un éclat étincelant, la Colline Dorée regorgeait de boutons d'or, l'une des fleurs favorites de la dénommée Lilifer. Non loin de la Colline se tenait un village, Saperlinpinpin, connu entre autres pour sa population chantonnant, plus mélodieuse que leurs odieux voisins de Trouglof. Bardes et poètes se réunissaient le temps d'une aubade avant de tracer leur route en quête d'inspiration. Et parmi les musiciens talentueux… "

" Kimeus ! "

" Kimeus, le harpiste solitaire, cherchait inlassablement sa muse pour accompagner son doigté. Il était un jeune homme bon, un sédentaire de Saperlinpinpin, qui ne décrocha aucune once de gloire avec ses partitions. Il lui manquait la voix, le timbre juste pour soutenir les subtiles notes de son monde. Un jour, il trouva le courage de s'aventurer en dehors de Saperlinpinpin, dans l'espoir de trouver… ? "

" Lilifer ! "

" Tout à fait. Lilifer est la fille de la Colline Dorée. À Saperlinpinpin, tout le monde connaissait Lilifer, cette jouvencelle discrète, qu'on pensait muette. Lorsqu'on la saluait, elle répondait par un geste ou un sourire. Peu de personnes connaissait sa voix, si bien qu'on traitait les dits chanceux de menteurs. Toutefois, ces derniers semblaient s'accorder sur un détail très particulier : la voix de Lilifer était terrible, tranchante et incommodante. Elle était aimable, mais ses mots marquaient leurs esprits comme le venin d'un serpent. D'ailleurs, que disait-on sur le chant de la Colline Dorée ? "

" Qu'il pouvait rendre malade. "

" La nuit tombée, peu de courageux s'aventurait en dehors des sentiers battus, y compris sur la Colline Dorée. Mais les bergers qui peinaient à rentrer avant le crépuscule pouvaient entendre ce chant terrifiant qui résonnait au sommet de la Colline, telle une bête assoiffée de sang. Les malheureux ayant ne serait-ce qu'entendu un fragment de ces appels bestiaux quittaient rarement leur lit le lendemain, affligé d'un mal inconnu qui finissait par s'estomper avec le temps. On s'inquiétait alors pour Lilifer, qui esquivait les interactions, d'autant plus à ce sujet. Son charme rayonnait et la rendait suspecte pour certains. Pour Saperlinpinpin, c'était devenu un accord tacite de ne pas s'approcher de la Colline Dorée la nuit, ainsi la chasse aux sorcières n'existait pas. Personne ne prendrait la peine d'aller voir Lilifer. "

" Sauf Kimeus ! "

" Bien sûr, nous retrouvons notre cher Kimeus. Tous les commérages sur Lilifer la fascinaient et son apparente solitude l'attristait. Il voulait l'encourager à élever sa voix avec lui, et qui sait, peut-être élucider le mystère des nuits frappant la Colline Dorée. Tant qu'il s'aventurait de jour, rien ne pouvait lui arriver. Il parcourut ainsi le lieu, baigné par la lueur du zénith, jusqu'à trouver la chaumière de Lilifer. Celle-ci était déjà dehors, en pleine lecture de roman, assise bien droite sur son banc extérieur. Forcément, l'intrusion arracha son attention. Kimeus vit alors le doré des fleurs se refléter dans les yeux de la jeune femme, comme si elle se nourrissait de leur lueur naturelle. Ils étaient si hypnotisant, et ses cheveux si incandescents, que le harpiste se remémora tous les dires sur son éclat. Elle était magnifique, une fleur parmi les autres… "

" Holà, damoiselle ! S'élança alors Kimeus, avec un grand sourire ravi. Je me nomme Kimeus, je viens de Saperlinpinpin. Une fois, je vous le confesse, je vous ai vu que de trop loin, l'occasion manquée de vous approcher. Mais je sais de vous que vous possédez une voix singulière, unique. "

" Kimeus exhiba alors sa harpe, le fruit d'un dur labeur, un travail d'orfèvre. D'une main experte, il pinça quelques-unes de ses cordes pour soutenir son discours, dans l'espoir de charmer la solitaire et l'encourager à l'accompagner. "

" Si ma mélodie vous sied, je vous prie de bien vouloir me prêter votre concours. Je ressens depuis ce jour, qu'à nous deux, nous pourrions élever les voix et les cœurs ! "

" Lilifer s'était contentée de lui sourire amicalement, sans se dérober de son regard. Son éloquence l'amusait, se disait-il. Mais la jeune femme finit par refermer doucement son livre et ses lèvres bougèrent, inaudibles. Il parvint à lire sur elles. "

" Vous devriez partir. "

" … Oh… Bonne nuit, ma petite Gandr adorée. "

804 mots ~

Merci Priam et Astriid pour le nom des bourgs ♪

Canna referma le livre sur Lilifer. Son étude était baignée par la lueur merveilleuse d'Aeos Luminrein, sa cité chérie. Contrairement à la plupart de ses consœurs et rares confrères, la Fae ne faisait point preuve de gaieté, toutes ses réflexions gravitant autour de cet ouvrage, relu maintes et maintes fois. Villosis – qu'on pouvait considérer comme son père – n'avait de cesse de lui faire oublier cette chimère énigmatique, afin qu'elle ne se concentrât plus que sur son devoir en tant que Lorona ; de nombreuses tâches que la jeune femme se contentaient d'éluder par égoïsme. Elle en était convaincue pourtant : de profonds mystères étaient ancrés dans le conte de Midana Gandr. Il lui suffisait de passer sa main sur les pages pour ne serait-ce qu'effleurer sa magie. Depuis sa découverte, de nombreuses Faes s'étaient intéressées au conte unique – jamais répliqué auparavant – sans parvenir à comprendre ce qu'il renfermait réellement. Dans les affaires de la Gandr se présentaient également des partitions, qui serviraient à accompagner le récit. Hélas, toute tentative se solda par un échec. Canna fut la plus têtue, et la dernière en date. La particularité de cette histoire étant qu'il était chantonné, une sorte de comédie musicale à l'histoire tragique. Néanmoins, aucune Fae n'avait réussi à entrer dans le Monde créé par la Gandr, ce qui relevait d'une absurdité sans égale. Certaines chuchoteraient encore qu'il serait maudit et que Canna risquait d'en payer les frais.

Peu lui importait : Lilifer l'obsédait. Elle ignorait encore pourquoi, mais elle était importante. Il lui reste encore quelques temps avant de découvrir la vérité, elle en était convaincue. Juste quelques temps… Ah. C'est déjà l'heure de partir. Un soupir plus tard et il lui fallut se rendre à cette Cité empreint de musicalité.

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" Tu es en retard. " Canna n'affronta pas le regard de Villosis, défaitiste comme à chaque fois, ce qui dénotait bien trop avec son travail sur Lilifer.

Se posant sur une feuille voisine, la Lorona salua sa consœur, Clo, pétillante de joie. Elle avait entendu les dernières nouvelles à son sujet : à Ciel-Ouvert, une Fae serait responsable d'un jardin aux fleurs divines. Le bouche-à-oreille s'était répandu au sein d'Ynys Sailanen, les plus hautes gradées bien plus sceptiques vis-à-vis de ces rumeurs, sûrement confiantes à l'idée qu'elles en auraient déjà eu des échos bien avant tout le monde. D'autant plus que Clo n'était pas une Fae si célèbre. Son affiliation avec ce jardin précis relevait d'un coup de chance. Forcément, Canna ne s'y était pas non plus intéressée, même si elle s'était promis à plusieurs reprises de visiter la Cité des Chants, rien que pour parfaire ses arts. Néanmoins, ce ne fut pas le cas de Villosis : lui avait cherché à se renseigner, et à présent, les voilà.

" Elle arrive ! Pas un bruiiit ! " Aussi discrète qu'un bourdon, la Fae chercha à se cacher, ses collègues ne s'en donnant même pas la peine : aussi minuscules, une géante ne parviendrait pas à les remarquer.

À l'instar du Kirrotu, l'Anteeksi releva la tête et ses prunelles noisette tracèrent leur chemin entre les feuillages jusqu'à l'Orisha. Canna ne masqua pas sa surprise lorsqu'elle dévisagea cette géante bleutée, ressentant une profonde similitude avec la fameuse Lilifer. De plus, son aura magique, bien que ténue actuellement, lui faisait penser aux sensations éprouvées au toucher du conte. Était-ce enfin la piste qu'elle cherchait depuis si longtemps ? Y aurait-il un lien entre ce conte sibyllin et cette femme ? Alors affairée à s'occuper de singulières poires, le trio faerique la contemplait. Depuis sa rencontre avec Clo, la main verte de la Marcheuse s'était affirmée.

" Qu'en penses-tu, Canna ? " Cette dernière laissa échapper un hoquet de surprise. Villosis lui demandait rarement son avis, d'habitude.

" J'ignore qui elle est mais elle me fait forte impression. " Clo acquiesça vivement de la tête, toute guillerette.

" Elle s'appelle Latone. Elle est la cheffe de Ciel-Ouvert, c'est pourquoi j'ai cherché à l'approcher pour enquêter sur le Monde des Chants. "

La Lorona Cyan fronça un brin les sourcils. C'était la première fois qu'elle entendait parler d'un tel Monde, puis le Kirrotu ne semblait pas s'en formaliser tant que ça. Était-il au courant de son existence ?

" De ce tu m'as raconté avant l'arrivée de Canna, j'en retiens que Latone n'est pas plus au courant que nous au sujet du Monde des Chants. Pourtant, les Kangelas t'ont parlée d'elle et t'y ont guidée. La Fae approuva tout ce récapitulatif, Canna peinant un chouïa à suivre. Si sa Voix nous permettrait d'entrer dans le Monde des Chants, alors nous devons absolument la préparer. "

" Mais la Marche Terne est trop occupée, Latone n'a pas vraiment le temps de nous rendre visite… " Villosis lui sourit avec bienveillance.

" Il serait trop dangereux d'amener une telle… force de la nature dans nos contrées. Même si je conçois qu'elle respecte les Fleurs. Canna observa davantage l'horticultrice : elle était si grande et pourtant si consciencieuse. Avant de risquer quoi que ce soit, nous devons nous assurer de sa bonne foi. Et surtout, de sa sensibilité aux Chants. "

L'homme tendit sa main et fit apparaître un artefact qui arracha un nouvel hoquet à sa protégée. Celui-ci était un diadème de fleurs ; un diadème magique.

" Villosis, c'est… "

" C'est une décision mûrement réfléchie, Canna. Souviens-toi que nous sommes joueurs. Il lui donna le diadème, qu'elle n'osât pas toucher. Clo, tu continueras de t'occuper de ce jardin. Il est sacré ; hormis l'Orisha, personne ne doit s'en approcher. Quant à toi, Canna… remets-lui ce diadème lorsque tu le désireras. Profites-en pour la former, lui apprendre à voler et à danser. La Fae prit son courage à deux mains et s'empara de l'artefact, résolue. Nous aurons besoin d'elle pour nous rendre dans le Monde des Chants. " Et dans celui de Lilifer.

1028 mots ~