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 [Q] - Aux écrins de chair, aux esquisses gravées

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Andrea
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Andrea
Mer 03 Fév 2021, 15:56

[Q] - Aux écrins de chair, aux esquisses gravées 10q5
Aux écrins de chair, aux esquisses gravées



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Intrigue/Objectif : Ayant appris le retour d'Hatsuyo à Maëlith, l'Orine célèbre pour ses tatouages, Andrea va chercher à la rencontrer pour en apprendre plus sur son Art Divin. Il tentera de la convaincre de lui enseigner ce qu'elle sait.





J'avais la gorge sèche et les muscles noués. À quelques pas seulement, Hatsuyo était étendue sur une méridienne à l'ombre d'une terrasse. Une pipe coincée entre deux doigts laissait s'échapper des fumerolles opalines et son regard était rêveur. Son kimono vert était ouvert négligemment sur le haut de sa poitrine, laissant apparaître le haut d'un tatouage de dragon qui grimpait jusqu'à son cou. Ses longs cheveux cascadaient sur ses épaules en vagues, uniquement retenus par un foulard pour empêcher les mèches ébènes de retomber sur son visage. Elle avait une beauté naturelle, presque comme si elle ne le faisait pas exprès même si je savais bien qu'elle avait aussi dû passer des heures étant plus jeunes à étudier son attitude. Nous apprenions dès notre plus jeune âge à faire naître la grâce dans chacun de nos gestes comme dans l'immobilité. La perfection devenait innée avec le temps. Le Beau avec la maîtrise des rênes de l'irréel. Arriverais-je jamais à un tel savoir-faire ?
Je me tordais les mains, l'indécision poussant ma nervosité dans ses ultimes retranchements. Plus j'attendais et plus je laissais ma chance de l'aborder s'échapper entre mes doigts hésitants. Ma leçon de harpe était dans quelques minutes et l'Orine avait probablement une multitude de choses à faire autres qu'accorder du temps à une banale Hanatsu. Je baissais les yeux sur mon carnet de dessins. Et si elle n'aimait pas ce que j'avais fait jusqu'à présent ? Si elle me riait au nez devant mon pauvre talent ? J'avais honte de présenter mes illustrations à une artiste aussi confirmée. Soudain, son regard ambré tomba sur moi. Je me figeai. Elle porta sa pipe à ses lèvres sans me quitter des yeux. J'avais l'impression que mes jambes s'étaient enracinées dans le sol, j'entendais presque les tambours dans ma poitrine ralentir. Alors l'Orine eut un sourire en coin et elle leva sa main libre et m'invita d'un geste à m'approcher. J'étais tétanisé par l'appréhension et je sentis mes pieds me porter jusqu'à elle comme s'ils avaient une volonté propre à eux.
De près, je sentais l'odeur de son herbe à pipe, âcre et entêtante. Enfin à son niveau, je la saluais dans un murmure timide, n'osant pas la regarder dans les yeux. Même allongée, j'avais l'impression qu'Hatsuyo me regardait de haut. Elle n'était pas hautaine, peu d'entre nous l'étaient, mais l'écart entre nous était si flagrant que c'en était ridicule et je regrettais déjà d'être venu à elle. Finalement, ses iris me dévisageant avec un air énigmatique, elle souffla un nuage de fumée. «Bonjour. Comment te nommes-tu ?» Sa voix était feutrée, douce comme le bruit d'une lame qui pénètre dans son fourreau. «Andrea.» «Vraiment ?» Dit-elle avec surprise. Ma masutā m'avait donné le nom de son Aisuru, un homme vivant au Spectre de la Dame. Je bafouillais comme pour me justifier. «Mais ma famille m'appelle Haru.» «Mmh je vois. Comment préfères-tu que je t'appelles ?» Son ton était amusé. J'avais conscience de la gêne que je dégageais par tous mes pores. Sans réfléchir, je lui répondis hâtivement. «Peu m'importe... Mais je crois que je préfère Haru.» Je n'avais jamais connu Andrea, celui-ci étant décédé avant ma naissance. Je savais juste qu'il avait rendu ma masutā heureuse mais elle n'en parlait pas souvent. Elle réservait ses sentiments en elle encore plus que moi et nous n'exprimions pas beaucoup le fond de nos pensées. C'était une manière de se protéger. De plus, Haru me représentait plus et il me paraissait important qu'elle me nomme ainsi, comme une marque de confiance que je voulais lui accorder. Elle sourit. «Alors Haru, assieds-toi. Tu vis ici ?» Je m'installais en tailleur sur la terrasse, légèrement de côté ce qui me permettait d'éviter de croiser son regard intrusif. J'acquiesçais doucement. «Oui après tout tu es encore jeune. Tu as déjà voyagé ?» «Un peu.» Très peu. Était-ce une mauvaise chose ? Que déduisait-elle de mes réponses ? Sous ses questions innocentes, Hatsuyo dressait un portrait de moi, j'en étais sûr. J'avais peur de commettre un impair. J'avais peur qu'elle ne me jugeât pas digne de son Art. «Tu devrais essayer. Les terres d'émeraude sont magnifiques, un écrin de beauté inestimable, c'est certain. Mais c'est en découvrant le reste du monde que tu donneras de la profondeur à ce que tu fais.» À ce que je fais. Mes yeux retombèrent sur le carnet entre mes doigts. Fruit d'années de travail, recueil de mes angoisses et de mes espoirs. «Justement à ce propos...» J'hésitais, je butais sur les mots. J'étais à cette frontière que je n'osais franchir. L'Orine me coupa la parole. «Qu'est-ce que tu as là ? Je peux voir ?» Soulagé, je hochais la tête et lui tendit d'une main tremblante le carnet.
J'avais peur de voir ses réactions mais la curiosité était plus forte que mes angoisses et je la dévorais des yeux. C'était un moment charnière pour moi. Hatsuyo était rarement à Maëlith et je ne connaissais pas d'autre Orine qui puisse m'enseigner cet Art. Tout se jouait en cet instant. L'impatience et l'excitation privaient mes poumons d'oxygène, j'étais dans une parenthèse hors du temps, en suspension au dessus du vide. Je voulais qu'elle admire mon travail, qu'elle valide mon talent, que j'existais au travers de quelque chose. J'étais terrifié. Inconsciente de mon trouble, ou bien elle cachait bien ses émotions, Hatsuyo inspira une dernière fois sur sa pipe avant de la poser à côté d'elle. Elle ouvrit le recueil après un sourire espiègle dans ma direction. Elle se mit à tourner les pages. Son visage ne délivrait aucune information et j'avais l'impression de mourir à l'intérieur. Que pensait-elle ? Parfois, elle passait plus de temps sur un croquis en particulier ou alors elle ne lui accordait qu'un bref instant d'attention avant de passer à un autre. Chaque seconde d'attente était une éternité et je du me retenir de lui arracher mon carnet des mains pour m'enfuir avec. Elle me rendit le recueil sans un mot ni expression. L'Orine reprit sa pipe et me regarda en silence. Je n'arrivais pas à deviner ce qu'elle pensait sous ce masque neutre. N'y tenant plus, j'articulais, la bouche pâteuse. «Qu'est-ce que vous en pensez ?» Hatsuyo sourit. «Je n'ai pas pour habitude de mentir, Haru. Mais comme tu me le demandes.» À ces mots, je sentis mon coeur tomber comme une pierre dans ma poitrine. J'aurais dû le savoir. Je baissais la tête, incapable de soutenir l'ambre de ses iris. «Ce n'est pas trop mal. Je vois bien les efforts que tu as mis dans ce que tu dessines. Il y a aussi une sensibilité intéressante dans certains, il se passe quelque chose et c'est ce qui me retiens de ne pas être plus dure dans ma critique. Mais j'ai l'impression que tu n'arrives pas à associer la technique et ce que tu ressens. Tu vois, les carpes là sont presque sans défaut en termes de technique. Tu as très bien appliqué les règles apprises dans tes leçons et je t'en félicite. Mais c'est aussi cruellement creux et dépourvu du moindre intérêt, comme une coquille vide. À l'inverse, tu parviens sur quelques dessins à ressortir sur le papier les émotions qui te parcourent au moment où tu dessines. Mais c'est à peine visible et plutôt incompréhensible si on ne prend pas le temps de les regarder. Les traits manquent de précision, les proportions ne sont pas respectées et le rendu ressemble à un dessin d'enfant.» Ses mots me heurtaient plus que je ne l'avais craint et je sentis avec horreur mes yeux s'emplir de larmes. La gentillesse de sa voix n'était pas feinte mais la déception que je ressentais avait le goût amer d'un thé qui a infusé trop longtemps. Incapable de lui répondre, je fixais un point sur le sol pour ravaler mes larmes. Hatsuyo se pencha alors et glissa deux doigts sous mon menton pour me relever la tête. Doucement, elle caressa ma joue. «Allons Haru, tes yeux sont déjà d'un bleu océan. Ils n'ont pas besoin de plus d'eau.» Je me mordis l'intérieur des joues pour retenir les flots qui menaçaient de déborder. Son visage près du mien, je pouvais mieux voir le tatouage qui ornait un de ses yeux, des pétales bleues claires soulignaient son oeil alors que le haut était barré d'un épais trait rouge comme un coup de pinceau. Puis elle tapota gentiment mon épaule. «Allons. Ne t'en fais pas trop. Il faut bien débuter quelque part non ? Reviens me voir ce soir. J'ai des tas de personnes à aller voir et je suis déjà en retard. J'aurais plus de temps ce soir d'accord ?» Puis gaiement, elle se redressa, rajusta son kimono et vida le fond de thé qui refroidissait dans sa tasse comme on aurait bu un saké. Elle se releva, sa pipe coincée entre ses dents. Sans un regard en arrière, l'Orine disparut à l'intérieur de ses quartiers, me laissant seul avec mes émotions qui tourbillonnaient et cherchaient à me submerger.
Je ne parvins pas à me concentrer sur ma leçon de harpe ce jour-là. La dysharmonie de mon instrument était en accord avec ce que je ressentais et je ne vis même pas les regards désapprobateurs que me lançait ma professeure. Mon esprit retors était trop occupé à rejouer en boucle ma rencontre avec Hatsuyo. La vérité percutante dans ses mots me hantait. C'était un échec. J'avais perdu mon temps à m'entraîner, j'avais eu la prétention que j'avais le niveau, que j'étais maintenant capable d'autre chose que des gribouillages d'enfants. Au bout d'un long moment d'auto apitoiement, je finis toutefois par voir le bon côté des choses. Je me rassurais en songeant si elle voulait me revoir, c'est que je n'étais pas complètement irrécupérable. Qu'il y avait du potentiel en moi ? Et que Kennocha m'en soit témoin, il n'était pas question de baisser les bras. Je voulais convaincre l'Orine que je pouvais m'améliorer. Non, que j'allais m'améliorer. Je ne pouvais simplement pas laisser repartir Hatsuyo sans qu'elle ne m'accepte comme son élève car qui savait quand elle reviendrait à Maëlith ? Avec son mentorat, ses connaissances et ma détermination, je pouvais être un élève assidu dont Hatsuyo serait fière.




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Andrea
Jeu 11 Mar 2021, 18:54

[Q] - Aux écrins de chair, aux esquisses gravées 10q5
Aux écrins de chair, aux esquisses gravées






Vers la fin de l'après-midi, je fis un détour par ma chambre avant d'aller rejoindre Hatsuyo chez elle. Mon regard se porta naturellement sur le rebord de la fenêtre où trônait l'œuf trouvé sur Boraür. Nimbé du voile lumineux des rayons solaires, l'ovale prenait de chaudes teintes mordorées et ocres. Fasciné, presque avec révérence, je m'agenouillais devant pour observer la gemme creuse, à la recherche du moindre signe visible de vie à l'intérieur. Je levais doucement la main pour effleurer le duvet soyeux qui recouvrait l'œuf, traquant la moindre anfractuosité qui aurait pu apparaître en mon absence. Contre la pulpe de mes doigts, je ressentis une faible vibration comme une mélodie à peine audible et un sourire voleta jusqu'à mes lèvres. Quel que soit l'être vivant reposant en son sein, il reconnaissait le lien mystique qui nous liait depuis Boraür, son coeur s'accordait sur le mien. À regret, je m'arrachais à sa contemplation muette pour me changer et enfiler un kimono propre après avoir fait une rapide toilette. Quand je lissais pour la troisième fois les couverture en soie déjà parfaitement installées sur mon futon, j'admis enfin que j'étais nerveux. Comme la boucle sans fin d'un serpent qui se mord la queue, les paroles d'Hatsuyo avaient galopé fiévreusement dans ma tête toute la journée, chaque fois prenant un sens différent, torturant mes méninges à l'infini. Maintenant que j'allais la revoir, j'étais partagé entre l'impatience et la crainte de savoir ce qu'elle aurait à me dire. Chercherait-elle à me convaincre de consacrer mes efforts à un autre Art Divin ? Toute leur vie, les Orines perfectionnaient des Arts dans lesquels elles avaient déjà un certain talent. Hatsuyo pensait-elle que j'en manquais ? Que je perdais mon temps ? Avec un soupir, je me redressais. Il était vain de s'interroger sur ce que j'allais découvrir sous peu.
Sur le pas de la porte coulissante, une Orine de petite taille m'invita à entrer. Mes yeux glissèrent avec curiosité sur ses bras nus recouverts de tatouages aux motifs complexes. «Bonjour, je suis Eizen. Tu dois être Haru, Hatsu m'a parlé de toi.» Ses cheveux indigos étaient remontés en deux chignons et son visage constellé de tâches de rousseur était encadré par deux mèches. Les mouvements vifs de ses yeux en amande trahissaient une énergie turbulente qui troublait mon équilibre interne, beaucoup plus lent et calme - bien qu'actuellement, l'angoisse emportait les palpitations de mon coeur comme un marin novice face à sa première tempête. «Tout va bien ? Tu es tout pâle.» Remarqua la bleue. J'acquiesçai en silence, la gorge nouée. «Hatsu est dans l'atelier, on lui a livré de nouvelles encres et elle est en train de faire son choix. Je vais vous apporter du thé, ça remettra de la couleur sur tes joues.» Mes lèvres frémirent en un début de sourire mais j'étais trop nerveux pour articuler une réponse. Je courbais la nuque pour la remercier et partis dans la direction qu'elle m'avait indiqué.
Hatsuyo était assise à même le sol près d'une large table basse en noyer poli, son cou fin se courbant joliment comme celui d'un cygne. Devant elle, un éventail de pots en céramique noire était déployé comme une myriade de papillons aux couleurs des jardins en fleurs de Maëlith. Toutefois, mon attention fut détournée par l'incommensurable capharnaüm qui régnait dans l'atelier. Un kimono froissé formait une bosse informe près de l'Orine - elle-même n'était vêtue que d'un léger pantalon en lin crème s'arrêtant à mi- mollet avec une large chemise dans le même tissu - la petite armoire et les étagères menaçaient de s'écrouler sous une variété confondante d'objets divers. Sur un petit banc, il y avait une ligne de petits bols remplis de restes de fruits secs et de noix et des baguettes étaient tombées sur le sol. Sans voix, je mesurais l'ampleur du désastre. Ma masutā n'aurait jamais permis un tel désordre chez nous et elle m'avait transmis la même rigueur quant à la propreté et l'ordre qui devait régir une habitation - qui plus est lorsque plusieurs Orines y vivaient. Hatsuyo surprit mon regard effaré et ses lèvres s'étirèrent en un petit sourire espiègle qui lui donnait l'air d'une enfant prise en train de faire une bêtise. «Ah oui désolée.» Dit-elle simplement. Elle n'avait pas vraiment l'air terrassée par le regret. À son attitude, je devinais que c'était ainsi et qu'elle ne comptait pas y remédier. Passant sous silence le moindre commentaire, je demeurais debout, incertain de l'attitude à adopter. «Installe-toi, mets-toi à l'aise. Attends, je vais pousser ça.» La Niseira voulut déplacer une pile de rouleaux de parchemins tâchés d'encre mais vit trop tard la théière en dessous. «Par les fesses de tous les Ætheri !» Râla l'Orine en se précipitant sur les rouleaux qui s'imbibaient d'eau. D'un geste, elle fit s'évaporer l'eau mais un des parchemins était déjà trop atteint pour pouvoir le récupérer. Elle souffla inutilement dessus avant de me regarder, un peu démunie. Elle pouffa devant mon expression incrédule. «Bah ça ne fait rien.» Au même instant, Eizen fit glisser la porte et entra avec un plateau contenant deux petites tasses remplies d'un liquide sombre fumant. La bleue se figea devant la situation et secoua la tête en feignant l'agacement. Je devinais que ce n'était pas la première fois. Elle déposa le plateau sur le sol dans un endroit miraculeusement dépourvu de bric-à-brac et ressortit en dissimulant un sourire amusé.
Prudemment, je m'installais aux côtés de la Niseira. L'incident avait eu l'avantage de dissiper mon anxiété et c'est calmement que j'installais une tasse devant Hatsuyo avant de me servir à mon tour. Je soufflais sur le breuvage, conscient du regard de la brune posé sur moi. Je résistais à l'envie de gratter une démangeaison née de ma nervosité pour me concentrer sur l'atelier. Elle but une gorgée avant de déclarer. «Qu'est-ce qui t'a attiré dans les tatouages Haru ?» Je me figeais. Pourquoi en effet ? Décontenancé, je réalisais avec horreur que je n'avais pas la réponse. La discipline s'était-elle imposée comme une évidence quand j'en avais entendu parler ? Je savais que je nourrissais de la curiosité sur cet Art en ayant vu quelques Orines tatouées autour de moi. Je me rassurais en me disant que j'avais aussi vu mes sœurs pratiquer la danse, ça ne m'avait pas intéressé au point de les imiter pour autant. Voyant que je restais muré dans le silence, elle ajouta légèrement : «Ce n'est pas une question piège, réponds ce qui te passe par la tête.» Peut-être devinait-elle que ses iris sombres posées sur moi causaient une immobilisation temporaire de ma capacité à réfléchir car elle se détourna de moi pour prendre des pots au hasard et les examiner. Elle glissait souvent l'extrémité de son index dans les pots pour en tester la texture et voir l'effet que la couleur avait sur sa peau. Je notais alors, fasciné, les tâches multicolores qui auréolaient ses mains fuselées. Des mains d'artiste. D'une voix basse, je répondis enfin. «Tout comme je préfère le vert au rouge, je ne saurais dire pourquoi cet Art Divin plus qu'un autre.» Soufflais-je finalement.
Hatsuyo ne répondit pas pendant de longues secondes et je craignis qu'elle ne m'eut tout simplement pas entendu. À moins que ma réponse ne la satisfasse pas ? Incapable de supporter ce silence, je repris d'une voix hésitante. «Je pense que j'aime la tonalité intime d'une œuvre sur le corps d'une personne. Parce que le tatouage va englober une partie de l'âme de l'artiste comme de celle du tatoué. C'est comme une danse à deux qui se fait et je cherche l'harmonie qui en découlera.» «C'est ce que tu penses ?» Elle me regardait avec curiosité et son ton était dénué de jugement, pourtant je ne pus m'empêcher de bafouiller : «Je... Euh... Oui.» Hatsuyo se mit à rire. «Je ne crois pas qu'il y ait de mauvaise réponse Haru. Il y a autant de réponses qu'il y a de tatoueurs dans ce monde. Je voulais juste connaître ta vision des choses.» Ne sachant pas quoi répondre, je goûtais le thé. Je souris en reconnaissant la camomille. Eizen cherchait sûrement à me détendre un peu. «J'ai bien vu que je t'avais choqué ce matin. J'en suis désolée. Cependant, je veux que ce soit clair pour mes élèves. Sans engagement sérieux de ta part, sans preuve que tu le désire vraiment, je ne peux rien t'enseigner. Dans mon Art Divin, il n'y a pas droit à l'erreur.» Voyant que je blêmissais, elle passa une main réconfortante sur mon bras. «Enfin de toute façon, tu ne feras que des tatouages temporaires au début, il est hors de question que tu touches aux encres que tu vois devant moi avant plusieurs années.» «Mais alors... Vous acceptez ?» «Non.» «Je ne comprends pas.» «Je ne peux pas te donner ma réponse maintenant. Enfin si. Aujourd'hui, je te dis non. Mais demain, quand tu m'auras prouvé que tu t'es amélioré, alors oui. Peut-être. J'attends un minimum de mes élèves, tu peux demander à Eizen, je l'ai poussée dans ses retranchements et j'ai longtemps taquiné les limites de sa motivation.» J'entendais un sourire dans sa voix alors qu'elle se remémorait des souvenirs. Elle reprit sur un ton plus sérieux. «Haru. C'est de ton Art Divin dont il s'agit. Pas d'un passe-temps que tu vas pratiquer quand tu t'ennuies. Je sais que tu le sais mais c'est ce qui va faire partie de ta vie, ce qui va peut-être influencer ta personnalité et tes relations. Beaucoup de choses découleront de ton choix. Je me suis renseignée sur toi. Tu as déjà un Art Divin, que tu as pris il y a quelques années. La Harpe est un magnifique instrument, ne veux tu pas d'abord consacrer quelques années sur l'étude de cet Art ?» Sous sa question, j'en devinais une autre. Je choisis mes mots avec soin, les détachant soigneusement dans ma tête avant de les énoncer calmement. «Ce n'est pas par lassitude de la Harpe ou par intérêt temporaire pour les tatouages que je vous ai approchée. La musique fait partie de moi depuis mon plus jeune âge, bien avant que je ne sache marcher, et c'est tout naturellement que j'ai fait de la pratique d'un instrument mon Art Divin. Toutefois, le votre m'est apparu comme une évidence ces derniers temps et je veux diversifier mes compétences. J'ai toujours aimé dessiner bien que ma qualité de crayon soit encore trop pauvre à vos yeux. Je peux travailler deux fois plus dur, deux fois plus longtemps, plus s'il le faut.» Il était rare que je vocalise ainsi mes ambitions. Je sentais mes lèvres brûler, comme rougissantes d'avoir dévoilé mes pensées intimes. Sous mon apparence calme et tranquille comme un lac par une chaude journée d'été bouillonnait des envies plus fortes que moi. Elles me poussaient à me lever chaque matin, à accueillir chaque journée avec le sourire et à m'atteler à mes leçons journalières avec une assiduité aussi forte que celle de mes sœurs Hanatsu. Pour reprendre une contenance, je bus à nouveau et Hatsuyo sourit avec douceur. Je m'interrogeais soudain sur cette femme. Outre sa renommée et sa prestance, je ne savais rien d'elle, quel Aisuru avait partagé le destin de cette Orine ? Je réservais mes interrogations pour un autre jour, si elle m'autorisait à la revoir. «Je comprends.» Dit-elle simplement. Et je sus, au plus profond de moi, qu'elle acceptait mes explications. J'en fus soulagé et je ressentis à cet instant un énorme poids se détacher de mes épaules comme si une pygargue s'envolait et je me sentis léger comme une plume. Je ne repartais avec aucune promesse. Elle n'avait pas accepté d'être ma guide et enseignante ; et pourtant, le goût de l'échec ne venait pas altérer mes papilles. Je savais qu'elle me considérait, qu'elle me garderait dans un coin de sa tête et que lorsque nos chemins se croiseraient à nouveau, je serais digne de son enseignement. Il ne tenait qu'à moi de m'élever jusqu'à elle. Hatsuyo consacra le reste de la soirée à me donner des conseils que je notais scrupuleusement dans un carnet. Elle prit le temps de reprendre quelques dessins en ajoutant des commentaires pour améliorer telle ou telle chose. Elle termina en me donnant une série d'exercices à effectuer. Quand la Niseira me congédia, la Lune avait entamé son ascension dans la toile sombre depuis plusieurs heures et je ne pus empêcher le large sourire qui vint s'imprimer sur mes traits en rentrant chez moi.



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