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 [Q] - Je pars te retrouver

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Sam 11 Juil 2020, 17:40

[Q] - Je pars te retrouver Ixn3
Je pars te retrouver
[Aylivæ]


RP précédent : Nuit d'insomnie
Intrigue/Objectif : En apprenant que sa mère vit ses derniers instants, Aylivæ décide de quitter Boraür pour retourner au domicile familial. Il est temps de faire ses adieux. En aura-t-elle la force ? Pardonnera-t-elle à sa famille ? Ou lui tournera-t-elle définitivement le dos après ce dernier acte ? Des mots seront prononcés et Aylivæ pourrait bien prendre une décision qui ébranlera son destin.



Les flocons de neige virevoltaient doucement, captifs des multiples brises fraîches. Je me tenais immobile sous la pluie gelée. Mes yeux étaient rivés au ciel. Il se désagrégeait en de minuscules et magnifiques particules.  Les nuages, eux, étaient imposants et donnaient au firmament immaculé une impression de lourdeur. Plusieurs fois, je pensais qu’il allait chuter et m’engloutir sans que je n’émette le moindre son... De toute façon, je ne voulais plus parler. Le silence m’obsédait, à présent. Ce dernier était calme, insensible au temps qui passe… Au temps qui manque. Mes pupilles se baissaient et j’admirais sans un bruit la vallée argentée. La neige était partout. Elle figeait la nature dans un sommeil éternel. Jamais je ne l’avais trouvé aussi morbide et inanimée. Tout était blanc. Blanc comme la peau d’un macchabée...

Je fermais les yeux, luttant contre une envie de laisser une larme couler sur ma joue. Elle aussi était pâle. Sans trop d’efforts, ma mélancolie ne parvint pas à franchir la barrière de mes paupières. Une bourrasque de vent s’éleva soudainement. Je laissais mes cheveux me gifler le visage, sans aucune objection. Un flocon parvint à toucher le coin d’un de mes yeux. La chaleur de ma peau le fit fondre instantanément et l’eau gelée traça un sillon le long de ma joue. Un faible sourire fendit mes lèvres. Le vent continuait de souffler, rompant le calme morbide de la vallée. D’autres flocons rencontraient ma peau, m’arrachant des frissons. J’ouvrais mes bras, accueillant le mistral soudain. Il balayait mes sentiments mornes et me donnait un second souffle, comme une empreinte de liberté.

Un tissu se posa alors sur mes épaules. Il était lourd. J’ouvrais mes paupières et me retournais. Karsath avait toujours les mains sur l’épaisse couverture qui me couvrait désormais. « J’avais peur que vous n’attrapiez froid. » Je souriais doucement, me contentant brièvement de poser une main sur sa joue sans dire un mot. « Nous devrions rentrer maintenant. Les bagages sont prêts. Il nous faut partir si nous ne voulons pas arriver… trop tard. » Mon sourire se crispait avant de disparaître. Je pensais aussitôt à ma mère, l’imaginant agoniser dans son lit, livrant son dernier soupir. D’une certaine manière, il était déjà trop tard. Je ne savais même pas ce qui me poussait à lui faire mes adieux…

Nous ne nous étions pas aimés comme une mère et sa fille auraient dû. Notre relation s’était terminée, il y a une éternité. Avait-elle d’ailleurs déjà débuté ? Le sentiment amer, que cette pensée me laissait, me faisait en douter. Pourtant je ne pouvais me résoudre à l’abandonner sans un dernier au revoir. Et puis, j’avais tant à lui dire. Je voulais qu’elle sache à quel point son animosité envers moi m’avait blessée. Je voulais lui faire comprendre que… Non… C’était moi qui voulais comprendre. Je voulais des explications. J’en avais besoin et je ne voulais pas la laisser partir sans les avoir obtenues.

C’était tout du moins l’excuse que je me trouvais pour revenir dans cette demeure cruelle où j’avais grandi. « Oui. Tu as raison. » finissais-je par répondre après un léger silence. Je m’enveloppais dans la couverture qui me protégeait du froid de Boraür. Seule ma tête émergeait du tissu à présent. « Rentrons. » Ma voix était faible. Elle me paraissait étrange, presque éteinte. J’étais épuisée, torturée… attristée. Le bras de Karsath enroula ma taille et il me poussa vers le traîneau censé nous ramener au château.  

Le trajet fut silencieux. Je laissais Karsath tenir les rênes sans dire un mot. Le paysage blanc passait devant mes yeux. Il défilait rapidement, me laissant un sentiment de malaise. Tout allait trop vite. Pourquoi le temps avait cette course effrénée ? Pourquoi ce n'était que lorsqu'il nous manquait que nous nous rendions compte de sa préciosité ? Je voulais simplement qu’il s’arrête. Je voulais simplement que tout s’arrête. Ma mère allait mourir d’un jour à l’autre et… et je ne pouvais rien faire ? Père, dans sa lettre, avait précisé que le médecin était catégorique sur son état ; la maladie allait emporter ma figure maternelle et la magie n’y pouvait rien. Aucun miracle ne pouvait changer la situation. Tout était déjà prévu… Tout était déjà injuste. Maéria n’avait pas été une très bonne mère mais… mais c’était elle qui m’avait mise au monde ; elle qui m’avait fait devenir celle que j'étais à présent… Elle était unique et j’allais la perdre. Je n’avais jamais vraiment réalisé à quel point elle était importante pour moi. Toute cette situation était si… irréelle. Je ne comprenais toujours pas pourquoi il n’y avait rien à faire pour la sauver. Je ne réalisais pas vraiment. Comment pouvais-je imaginer un monde sans ma mère ? Ma famille avait beau ne pas avoir toujours été la meilleure avec moi, elle me restait indispensable. Son emprise était forte et je ne pouvais m’imaginer vivre dans un monde où elle ne serait pas. Elle faisait partie du tableau... C'était une partie intégrante de moi.

Me sortant de ma torpeur, les rennes s’arrêtèrent devant le château où mon appartement se situait. Karsath m’offrit sa main, pour m’aider à descendre. Je l’acceptais et m’accrochai ensuite à son bras. « Je vais charger les bagages dans le traîneau pendant que vous saluerez le petit monstre. » Il m’arracha un sourire. « Je ferais un bisou à Sael de ta part, ne t’inquiète pas. » essayai-je de dire avec un brun de taquinerie. Si Karsath n’avait pas une expression de neutralité constante, j’aurais juré avoir vu un petit rictus sur son visage. « Vous pourriez revoir avec sa nouvelle nounou quelques détails. » répondit-il rapidement pour changer de sujet. « Nous partirons dès que tout sera chargé. Nous ne pouvons pas perdre plus de temps. » « Bien. »

945 Mots | Post I

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Jeu 06 Aoû 2020, 23:58

[Q] - Je pars te retrouver Iiw7
Je pars te retrouver
[Aylivæ]


Assise dans la calèche censée me conduire directement au manoir familial, je regardais le paysage défiler rapidement par la fenêtre. Je connaissais Synæde, la cité bulle où j'avais grandi, comme ma poche. Pourtant, revoir ces lieux me procurait un sentiment étrange. Tout était à la fois si familier et si étranger… J’avais quitté ma famille depuis plusieurs lunes déjà et… et je ne savais pas vraiment qu'en penser… C’était comme si j’avais laissé une vie dans laquelle je me sentais à l’étroit pendant un temps avant de finalement y retourner. Je me sentais revenir dans cette cage dorée avec pour seul espoir qu’elle ne referme pas ses barreaux derrière moi… Et pourtant… Je retrouvais en même temps un certain sentiment de… sécurité ? C’était illusoire puisque je plongeais dans la gueule de la Pieuvre mais… C’était ici et comme cela que j’avais grandi. La cage était confortable et, les tortionnaires étaient les seuls contacts que j’avais connus… Je serrais mes poings sur mes cuisses, baissant mon regard sur eux. Mes jointures devenaient blanches. Karsath, qui était assis en face de moi, posa sa main sur la mienne. Je levais les yeux vers lui. Il semblait serein. « Nous arriverons d’une seconde à l’autre. Soyez forte, Aylivæ. » J’opinais discrètement de la tête. Je devais maîtriser mes peurs d’enfant. Je n’étais plus une petite fille. Il fallait que je fasse face.

***

« Aerchise. » La servante qui m’accueillait dans le hall d’entrée s’inclina avant de s’empresser de s’occuper de mon sac à main. Je ne reconnaissais pas son visage. Sans doute était-elle nouvelle. Père aimait le sang neuf et se plaisait à remplacer le personnel pour une raison X ou Y. Vous ne lui aviez pas servi son thé à température ambiante ? Eh bien vous étiez viré. Cependant, ceux qui restaient pouvaient se vanter d’être au service de la famille depuis longtemps.

« Ma fille… » m'interpella soudainement une voix masculine. Ma nuque se hérissait. Je tournais les yeux vers la source de mon malaise soudain. « Père… » Mes lèvres se crispaient. Mon paternel, d’un mouvement de la main, congédia la servante. C’était étrange de le revoir là, toujours aussi droit avec son faible rictus. « Ainsi l’enfant prodigue rentre à la maison ? » Sa voix était sarcastique. Je luttais contre une envie soudaine de baisser les yeux face à l’homme qui m’avait dominée toute mon enfance. Les habitudes étaient difficiles à perdre mais je refusais de m’abaisser face à lui. « Je ne resterais pas. » Ma voix tremblait-elle ou n’était-ce qu’une impression ? Je redressais mon menton, plantant mon regard bleuté dans celui de mon géniteur. Dans un geste étudié, il plaça ses mains dans les poches de son costume sur-mesure. « C’est ce que nous verrons. » Ses yeux se déplaçaient sur Karsath, qui se tenait derrière moi et nous observait, priant sans doute secrètement que nous nous réconcilions. Père plissa les yeux avant que ceux-ci ne reviennent sur moi. « Ta tante… » « Où est Mère ? » l’interrompais-je rapidement. Je remarquai une légère contraction dans sa mâchoire. « Comment oses-tu me couper la parole ? » Je tentais de sourire avec désinvolture. C’était plus difficile que je ne l’aurais cru mais je ne devais plus me laisser marcher sur les pieds. « Et vous… Comment osez-vous me reprendre de la sorte ? Vous avez beau être mon père ; vous n’êtes guère plus qu’un homme. Vous ne seriez rien si vous ne portiez pas le nom des Song. Tante Yolanæ ne vous l’a-t-elle point déjà démontré ? Vous n’êtes rien d’autre qu’un de ses vulgaires pions. Ne vous y détrompez pas : sans vous et ce nom je peux toujours exister. Vous, ce n’est pas le cas. » Mon ton était plus bas mais plus véhément que je ne l’aurais cru. Mes mains étaient moites et, de crainte qu’elles ne se mettent à trembler, je croisais mes bras sous ma poitrine. « Ne me contrariez pas, Père. » finis-je par conclure sèchement. Une lueur brilla dans ses yeux – sans doute de la rage. Son rictus avait disparu. Instantanément, il me faisait peur. La punition n’avait jamais été loin quand j’osais sortir du droit chemin. Il s’avança vers moi. Une petite voix me criait que j’étais allée trop loin.  À chacun de ses pas, j’avais la sensation que la peur s’intensifiait et qu’elle écrasait mes poumons. J’étouffais silencieusement. Mon regard resta cependant planté sur lui. Il le défiait. J’avais, moi aussi, perdu mon sourire. L’ambiance était pesante. J’entendais Karsath faire un pas pour se rapprocher de moi. Je ne voulais pas laisser paraître que j’étais brusquement terrifiée. C’était terminé ; je n’étais plus la petite fille qui avait été muselée toute son enfance. Je devais grandir. Je ne fléchirais pas. Je ne voulais pas…

Père s’arrêta à quelques centimètres de moi. Je devais lever la tête pour le regarder désormais. Il avait toujours été plus grand. Nous nous regardions en silence. L’atmosphère était tendue. Ses iris malveillants étaient plantés dans mon regard. Je me sentais minuscule, soudainement insignifiante. La peur me nouait les entrailles. Je tentais d’y résister. Père finit par m’adresser un sourire plein de cruauté. Je devins livide, totalement paralysée. Sa main se posa sur ma mâchoire. Sa poigne était douloureuse. Il me tourna la tête légèrement sur le côté pour se pencher à mon oreille. Je plaçais machinalement mes propres mains sur son bras, cherchant à me libérer de son emprise. Je n’étais pas aussi forte que lui. « Tu restes encore si facilement manipulable. » susurra-t-il à mon oreille. « Il est facile de rentrer dans ta tête pour y distiller ce que l’on veut. L’effroi, par exemple. » J’entendais Karsath dire quelque chose à mes côtés mais n’en saisit pas les paroles. J’étais pétrifiée, contrôlée par la peur, une émotion que mon père avait créée en usant de sa magie. Je me sentais impuissante, sur le point de revenir sur mes mots, de m’excuser pour mon insubordination… J’allais fléchir d’une seconde à l’autre. Comme avant… Je ne voulais pas.

« Tychen. Laisse là. » La voix de Yolanæ… Père accentua la pression qu’il exerçait sur ma mâchoire. « Souviens-t’en, ma fille. » conclut-il, toujours en murmurant cruellement. Il me lâcha brusquement ensuite. La peur, elle aussi, s’éloigna rapidement. Il abandonnait son emprise magique sur mes émotions. « Je m’occupe d’elle. Tu peux disposer. » fit la voix sensuelle de ma tante. Je plaçais doucement ma main sur ma mâchoire endolorie et la massais. Père, lui, riva ses yeux sur sa sœur avant de me dépasser et de franchir la porte d’entrée, toujours située derrière moi. Il disparut derrière le battant, me laissant seule avec la Pieuvre Noire. « Je vois que tu as réussi l’exploit de lui faire perdre son sang-froid. Il ne doit pas avoir l’habitude que sa chère fille se rebelle. » Elle insista sur le dernier mot d’un air moqueur. Je ne m’en vexais guère, trop occupée à rassembler mes esprits. Je sentais ses yeux perçants m’étudier. « Où se trouve Mère ? » finis-je par demander après quelques secondes. Yolanæ souriait, comme si je venais de dire une chose hilarante. « Suis-moi, Ayae. » Elle fit quelques pas en direction de l’escalier menant à l’étage mais s’arrêta avant d'emprunter la première marche. « Karsath, occupe-toi des affaires de ta maîtresse veux-tu. » Mon Mur s’approcha de moi, l’air de ne pas vouloir obéir à d’autres ordres que les miens. Cependant, je l’arrêtais. « Fais ce qu’elle dit. Je te rejoindrais plus tard. » Doucement, je m’avançais vers la Pieuvre Noire, prête à la suivre.

1233 Mots | Post II

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Mer 12 Aoû 2020, 16:27

[Q] - Je pars te retrouver 86wl
Je pars te retrouver
[Aylivæ]


« Dire qu’il aura fallu un décès dans la famille pour que tu reviennes... » « Ma Mère n’est pas morte. » « Pas encore. » Yolanæ montait l’escalier qui menait à l’étage des chambres. Ses talons auraient dû claquer sur le marbre blanc mais le long tapis turquoise qui était placé au milieu des marches étouffait chacun de ses pas. Comme elle me précédait dans la montée, elle pivota légèrement sa tête de profil pour me voir. « Maéria n’est plus seulement malade. Elle est mourante. » « On ne peut vraiment rien faire, alors ? » Elle ria, amère. « Te voilà devenue sentimentale, Ayæ ? Je te rappelle que tu es partie sans un regard en arrière, la dernière fois. » « Vous m’aviez poussée à bout. » disais-je durement. Ma tante sourit avant de tourner la tête pour regarder de nouveau droit devant elle. « Je ne te pousserais jamais assez à bout. Je ne veux que le meilleur pour toi et cette famille. Tu le devrais aussi. » Mon regard s’accrocha un instant à son dos avant de se tourner vers le contrebas. Quelques domestiques s’affairaient, imperturbables dans leur journée de travail.

« Tu m’as vraiment déçue, ma nièce. » dit-elle soudain. Je restais silencieuse, essayant de ne pas être affectée par sa remarque. Cependant, celle-ci me toucha légèrement, malgré mes efforts. J’avais beau détester Yolanæ, ses mots comptaient pour moi. Ils avaient toujours compté. Seulement, aujourd’hui, je ne leur obéissais plus aveuglement comme avant. « As-tu vraiment rompu tes fiançailles avec Jason Caël Deslyce ? Il était l’un des Princes des Mers et des Océans. As-tu réellement si peu d’ambition pour refuser un mariage royal ? » Je la regardais de nouveau. « Cet homme allait apporter le déshonneur sur mon nom, et donc sur celui de la famille. N’avez-vous donc pas entendu qu’il continuait à enchaîner les conquêtes alors même que nous étions fiancés ? » Elle soupira mais, étrangement, ne contredit pas mon argument. Celui-ci était d’ailleurs plus une excuse que la véritable raison de cette séparation. Elle n’en était pas moins valable. Les tritons se devaient d'être fidèles à leur femme. Point.

Enfin, nous arrivions au palier supérieur. Yolanæ s’arrêta puis me fit face. « Je tiens à te prévenir : Maéria n’a jamais été aussi faible. Une partie d’elle-même est déjà au côté d’Aylidis. Tu n’arriveras peut-être pas à lui parler. Elle n’est plus consciente de son environnement. » Mes lèvres se pinçaient. J’avais déjà la désagréable sensation d’être arrivée trop tard. Yolanæ sourit méchamment devant mon air anxieux. « Si tu ne trouves pas le courage de voir son état de tes propres yeux, je comprendrais. » Je la regardais, furieuse, et la dépassait. « Allons-y. » Elle ricana sensuellement et reprit la tête de la marche, me conduisant devant la chambre parentale. « Elle est ici. » Au temps pour moi, j’aurais pensé que Père se serait réjoui d’envoyer sa femme mourante dans une autre chambre, loin de lui. Je lançais un regard à Yolanæ. Celle-ci m’invita à rentrer d’un mouvement de tête. « Illaræ est avec elle. » m’informa-t-elle alors que je posais ma main sur la poignée. J’opinais de la tête pour lui faire comprendre que j’en prenais note. Illaræ Lorsia était le médecin de la famille depuis… une éternité sûrement. C’était elle qui m’avait mise au monde. J’entrais tandis qu’une légère appréhension me nouait le ventre.

La pièce était plongée dans l’obscurité. Pourtant, les rideaux ne réussissaient pas à occulter complètement la lumière du jour et il était toujours possible de voir en détail chaque meuble. Je refermais délicatement la porte derrière moi pour ne pas faire de bruit. Pendant ce temps, la silhouette qui s’activait près de la table de chevet, s’arrêta pour me regarder. Lorsque je me retournais enfin vers elle, je fus accueillie par un sourire. Je ne le lui rendis pas et, après avoir pris une grande inspiration, je m’approchai du grand lit de la pièce.

Ce que je vis ensuite me procura un drôle de sentiment. Était-ce de la tristesse, de l’incrédulité ou autre chose ? Je n’aurais vraiment su le dire tant l’émotion était confuse. Ce qui était certain, en revanche, c’est que même si on m’avait expliqué son état, voir cela de ses propres yeux était… difficile. Je posais ma main sur le dais du lit tandis que mes mires observaient la silhouette étendue en son milieu. Elle avait les yeux clos et son corps était horriblement décharné. Sa peau, elle, était aussi blanche que la neige et ses lèvres semblaient avoir perdu toutes couleurs. Si sa respiration ne soulevait pas son ventre, j’aurais pensé faire face à un cadavre.

Une main se posa sur mon épaule et je papillonnais des yeux, me rendant compte que j’étais immobile depuis plusieurs secondes déjà. Je déglutis et contourna le lit pour m’installer sur la chaise que l’on avait déplacée près du chevet de la malade. C’est là qu’un sentiment d’impuissance m’assiégea. Je retins une déglutition tandis qu’une sorte de panique me prenait. Que devais-je faire ? Comment pouvais-je l’aider ? Souffrait-elle ? « Vous pouvez lui prendre la main, si vous le souhaitez. » m’interpella la médecin, mettant un frein à ma soudaine angoisse. J’opinais de la tête sans dire un mot. Doucement, et aussi prudemment que possible, je glissai ma main dans celle de ma mère endormie. Sa peau était brûlante. Je remarquai d’ailleurs des perles de sueur sur son front. Illaræ, la médecin, passa un gant humide sur la peau de la malade, après avoir plongé ce dernier dans un sceau de glaçons. J’affermis ma poigne sur sa main. C’était terriblement étrange d’être à ce point touchée par son état alors que nous nous tirions encore dans les nageoires avant sa maladie. Elle ne m’avait jamais vraiment aimée et, sans aucun scrupule, je le lui avais rendu. Mais regrettais-je ces années d’amertume maintenant que la Fin semblait inévitable ? Je n’en étais pas certaine. Mère m’avait tant blessée…

« Depuis combien de temps est-elle ainsi ? » demandais-je en murmurant après un temps. « Son état s'est détérioré rapidement, en début de semaine. » répondit la médecin plus haut, consciente que le sommeil de sa patiente était comateux. « Nous entend-elle ? » Illaræ soupira doucement. « Je ne pense pas, Væ. » Une nouvelle fois, je pinçais mes lèvres. Arrivais-je trop tard ? N’allais-je jamais pouvoir lui dire au revoir ? « Je suis désolée. » Je levais mes yeux de la mourante pour regarder Illaræ. Ses longs cheveux bruns tombaient sur chacune de ses épaules et masquait légèrement son décolleté des plus plongeants. Son visage ne trahissait aucunement son âge plus qu’important et était digne de la beauté meurtrière des Dævinra. Pourtant, il semblait plus creusé et des cernes décoraient le dessous de ses yeux verts. « Il n’y a vraiment rien à faire ? Elle ne se réveillera pas ? » La Sirène secoua la tête, le visage désolé. « J’ai fait tout ce que j’ai pu… Usé de toute la magie que je connaissais… Son esprit semble déjà aux côtés d’Aylidis. Je ne sais pas si elle se réveillera avant de… » Elle marqua une pause. « Parfois, l’état de santé des mourants s’améliore lors de leur dernier instant. » reprit-elle. « Je vois. » Je me tus pour digérer la nouvelle. « Combien de temps lui reste-t-il ? » « Difficile à dire. Des heures ? Des jours ? Son état est assez inconstant. Mais… Je crains qu’elle ne passe pas la semaine. » Je regardais de nouveau ma mère. Mon pouce caressait le dos de sa main inerte. « Allez-vous reposer, Illaræ. Je vais m’occuper d’elle. » disais-je soudainement. Les épaules de la médecin se détendirent dès qu’elle entendit la proposition de repos. « Comme vous le voudrez, Væ. » Elle fit le tour du lit pour déposer à mes côtés le sceau de glaçons et le morceau de tissu puis, après une révérence, prit congés.

Dès que la pièce fut baignée dans le silence, je laissais retomber ma tête contre nos mains enlacées. « Je suis désolée, Mère. Si seulement j’étais arrivée plus tôt, alors… » Je fermais mes yeux, laissant le silence me tenir compagnie. Je me sentais vide. Je n’avais pas envie de lui faire mes adieux. J’essayais de me convaincre que c’était uniquement parce que je trouvais cela stupide de parler à une personne inconsciente mais la vérité était autre. Espérais-je qu’en refusant de lui dire au revoir, j’allais repousser la sentence funeste ? Là était la stupidité. Au moins, je ne pleurais pas.

1383 Mots | Post III

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Dim 31 Jan 2021, 21:41

[Q] - Je pars te retrouver Mf6p
Je pars te retrouver
[Aylivæ]


Le chant des baleines survolait la cité bulle, éveillant doucement les Næphina qui y habitaient. Mes yeux papillonnaient tandis que je quittais mon sommeil sans rêve. Pendant une minuscule seconde, je me demandais où j’étais, légèrement désorientée. Mon corps était endolori, me rappelant que je m’étais endormie sur la chaise près du lit de ma mère. En gémissant légèrement, je passai une main sur ma nuque pour masser le torticolis qui l’avait envahie. Mes cheveux ébènes étaient dans un état déplorable, comme après chaque réveil quand je ne prenais pas le temps de les tresser avant de me coucher. « Oh. J’espère que je ne vous ai pas réveillée. Le voyage d’hier a dû être particulièrement épuisant… » Je tournais vivement mes yeux vers la voix étrangère, cachant ma surprise sous un visage mal réveillé, légèrement désorienté et aigri. Pendant quelques secondes, le visage de la jeune fille qui s’attelait à nettoyer la chambre obscure me laissait une impression familière sans que je ne la reconnaisse vraiment. Puis, le souvenir me revenait en tête. « Vous êtes la servante d’hier. » Alors qu’elle était en train de changer les fleurs d’un vase, elle s’arrêtait pour me sourire. « Je suis celle qui vous a accueilli à votre retour, oui. Je n’aurais pas pensé que vous vous en souviendrez. » Je plissai mes yeux, observant un peu plus ses traits. Ils étaient assez juvéniles, laissant penser que la femme n’avait qu’une quinzaine d’années. Cependant, je savais qu’elle devait être plus vieille. Les Song n’engageaient assurément pas des enfants. Ses yeux bleus, en forme parfaite d’amandes, me regardaient la scruter sans discrétion. « Souhaitez-vous que je prenne congé ? Je ne voulais pas vous déranger... » Elle se gratta impulsivement la joue, signifiant malgré elle son malaise. « Non. » Mon regard pivota vers ma mère toujours endormie. « Ne vous inquiétez pas. Continuez votre travail. » « Très bien, Aerchise Song. » Je l’entendis reprendre son activité.

Doucement, je posais ma main sur le front de ma mère. Il était brûlant. Je soupirai et commençais à me lever pour aller chercher un nouveau sceau de glaçons, me doutant que ceux de la vieille devaient avoir fondu durant la nuit. Cependant, à peine levai-je la tête que la servante était à mes côtés, une bassine remplit de glace dans les bras. « Oh. » disais-je, surprise. « Je suis allée la chercher ce matin avant de venir. » expliqua-t-elle. « Laissez-moi vous la poser ici. » Elle se penchait pour déposer la bassine sur la table de chevet à ma gauche. « C’est vraiment honorable de votre part de prendre soin de votre mère comme cela. » Je fronçais mes sourcils. Aussitôt, elle sursautait. « Enfin, je ne devrais pas ma mêler des affaires qui ne me regardent pas. Pardonnez-moi Aerchise. » Je soupirais. « Non, non. Ce n’est pas ça. C’est juste que... » Je me laissais retomber dans ma chaise avec lassitude. « Laissez tomber. » Je n’avais pas envie de m’étendre sur le fait que me sentir honorable était la dernière chose que je pouvais ressentir. Actuellement, j’étais emplie de regrets, de remords et de culpabilité. J’avais la sensation terrible que j’avais quitté ma famille… ma mère… au moment où j’aurais dû le plus rester. Pour la soutenir. Pour l’aider à affronter la maladie… Je me sentais affreuse ce matin. Etais-je une horrible personne ? « Vous voulez parler ? » commença très prudemment la servante. « On m’a souvent dit que j’étais douée pour écouter les autres. Si cela peut vous aider… Je suis là. » Je secouais négativement la tête. Je n’étais pas une personne qui confiait facilement ses états d’âme. « Comment vous appelez-vous ? » demandais-je pour changer de sujet de discussion. « Livaya Mondo. Je viens d’entrer au service de vos parents. » Je me forçais à sourire. Doucement, je réunissais mes cheveux mal rangés sur mon épaule droite. « Souhaitez-vous que je vous aide à vous coiffer ? » Encore une fois, je répondis par la négative d’un signe de tête. Je n’avais pas vraiment envie de faire attention à mon apparence, là tout de suite. Je plongeais doucement le morceau de tissu qui accompagnait la bassine dans la glace. Délicatement, j’essuyais ensuite la sueur qui perlait sur le front de ma mère inconsciente.

« C’est votre premier emploi ? » demandais-je pour que le silence si pesant ne revienne pas valser avec ma raison. Elle secoua la tête et expliqua : « J’ai travaillé pour le Bæron Yaheerön avant cela. C’est lui qui m’a recommandé pour ce poste. C’est un honneur de servir une aussi grande famille que la vôtre. » Un sourire amer m’échappa. « J’espère que vous ne déchanterez pas trop vite. » Pendant une seconde, la domestique qui avait repris son rangement cessa de s’activer. Je sentais son regard presque trop intrusif sur moi. Aussi, je levais les yeux vers elle et Livaya détourna son regard. Je replongeais le tissu dans l’eau glacée. « Vous n’aimez pas votre famille ? » finit par lâcher la domestique après un silence. La question me hérissait le poil tandis que je reposais le gant sur la peau fine de ma mère. « Enfin… Pas que ce ne soient mes affaires mais... » « En effet, ceci ne vous regarde en rien. Veuillez rester à votre place si vous souhaitez continuer à travailler ici. » la coupais-je avec une sévérité glaciale. Je la regardais et croisa son regard livide, visiblement craintif. « ...Vae ? » nous surpris alors une voix faible et tremblante. J’écarquillais mes yeux tandis que je regardais ma mère essayer d’ouvrir les siens. « Mère ? » demandais-je d’une voix un peu trop aigüe, sous la surprise.

« Vae ? » répéta une nouvelle fois la sirène alitée. Instinctivement, je plaçais ma main sur la sienne. Je ne la serrais pas ; elle était tellement maigre qu’elle ressemblait à un squelette fragile. « Je suis là. » murmurais-je doucement. La sirène luttait pour ouvrir ses paupières. « Ne vous fatiguez pas, Mère. » Cette dernière émit un petit gémissement et finit par arriver à poser les yeux sur moi. « Vae ? Où est Ayna ? » Je retirais ma main précipitamment, comme si le contact de sa peau m’avait soudainement brûlée. « Ayna... » murmurais-je d’une voix légèrement âpre. Ayna était le prénom de ma défunte sœur. Soudainement, la jalousie qui avait toujours niché dans mon coeur vis-à-vis de l’amour que portait ma mère à son égard irradia. Elle avait osé prononcer son nom sur son lit de mort, alors que j’étais là. Oui… J’étais là et je souffrais. Elle ne le voyait sûrement pas. « Elle ne pouvait pas venir, Mère. » « Oh... » Dans ses iris, une étincelle de lucidité s’alluma. Cependant, une quinte de toux sèche balaya son corps maigre. La servante dont j’avais oublié la présence se précipita pour offrir à ma mère un verre d’eau. Je regardais le spectacle, impuissante. « Vae... » dit-elle une nouvelle fois. L’eau qu’elle avait bu ne semblait pas avoir hydraté sa gorge et sa voix était encore croassante. « Tu es là... » Cette simple constatation chamboula mon cœur. « Oui… Je suis là. » Mère esquissa un faible sourire. Il n’avait plus aucune lumière et semblait déjà appartenir à la mort. « Je suis heureuse. » Je posais de nouveau ma main sur la sienne. Une sinistre tristesse se diffusa dans mon coeur. « La fièvre vous fait délirer. » Sans doute ne pensait-elle pas ce qu’elle disait ou me prenait-elle pour une autre. « Aylivae… J’étais si inquiète... » Sa voix se brisa tandis que ma gorge se serra. « Tu étais partie… Je ne pensais plus te revoir… » Mon emprise sur sa main frêle s’affermit. « Je ne peux pas vous croire, Mère. Vous ne m’avez jamais aimé. Mon départ a dû vous soulager. » J’essayais d’avoir un ton neutre mais l’amertume et la tristesse transparaissait. Aussi, je lâchais sa main pour reprendre le tissu imbibé d’eau et le plonger dans la bassine. Dans un soudain silence, je l’essorais. « Ne dis pas cela. » Elle toussa sèchement. « Shhhh. Ne dites rien, cela vous fatigue. » Disais-je doucement pour lui intimer de se calmer. Sa respiration semblait plus difficile qu’à son réveil. Je lui posais délicatement le tissu sur le front puis sur les tempes. « Je regrette. » Ma mâchoire se contracta légèrement. Une question aussi simple qu’une pique voulait sortir de mes lèvres. J’hésitai à la laisser s’échapper mais n’allais-je pas me sentir terriblement affreuse après cela ? Pouvais-je réellement m’acharner sur ma mère mourante ? Je me mordais la lèvre inférieure. « Dis-le. » finis par prononcer ma mère, voyant visiblement le combat qui se livrait dans mon esprit.

Je fronçais mes sourcils alors qu’un air triste prenait possession de mon visage. « Pourquoi Mère ? » Par cette question, je voulais des explications et des excuses sincères. « Pourquoi, Mère ? Pourquoi n’aviez-vous pu pas m’aimer comme vous avez adoré Lysmaël, Eurydice et Ayna ? Pourquoi m’aviez-vous toujours traitée différemment d’eux ? Pourquoi avaient-ils droit à vos embrassades alors que je n’avais que des sermons, des obligations ? Pourquoi me détestez-vous ? Pourquoi… » « Lili… » me coupa-t-elle soudain en prononçant un surnom que je n’avais pas entendu depuis longtemps. Elle essaya de lever sa main vers mon visage mais le peu de force qu’elle avait le lui interdisait. Elle détourna un instant ses mires, comme absorbée dans un autre monde. Son regard se voilait et, pendant un instant, je pensais la perdre. Cependant, ses yeux revinrent vers moi. « Ma fille… Je voulais t’aimer. Mais je ne le pouvais pas. » Je baissais les yeux alors que ces mots étaient aussi durs qu’incompréhensible. N’étais-je donc pas digne d’être aimée. Sa main réussit alors à se poser sur la mienne. « Ecoute moi. J’ai une histoire à te raconter. » Je croisais son regard. Il était soudain perçant et ne voulait pas se décrocher de mes mires, comme si toute sa vie se jouait soudain sur cet instant précis. Elle tournait ensuite la tête vers la silhouette qui était toujours avec nous. « Vous. » Je relevais les yeux vers la servante que j’avais totalement occulté entre temps. Cette dernière semblait ne pas avoir perdu une goutte de notre échange. « Veuillez disposer. » disait ma mère, essayant d’avoir une voix forte sans y parvenir. Cependant, Livaya – si j’avais bien retenu son nom – ne chercha pas à contredire l’ordre et fila à travers la porte de la chambre.

« Lili… Te souviens-tu de… » Je l’écoutais alors qu’elle me racontait une histoire de notre passé, avant que tout ne se complique.


1698 Mots | Post IV
La suite après une demi année O.O'
Bon ça trainait dans mon PC y a longtemps. La suite très vite !

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Lun 01 Fév 2021, 19:15

[Q] - Je pars te retrouver J59y
Je pars te retrouver
[Aylivæ]


« Tu étais si petite à l’époque…. Âgée seulement de quelques années. Cinq ou six, peut-être. Le monde qui t’entourait t’émerveillait à chaque instant ; je me souviens encore de ses histoires sans queue ni tête que tu venais me raconter, de tous ces rêves qui embrumaient ta tête. Tu étais encore si heureuse… Pleine d’énergie à revendre… Tu étais aussi si… innocente et tu ne savais pas dire non ; tu voulais toujours nous faire plaisir en te montrant serviable et tu ne piquais jamais de colère – contrairement à tes grands frères. Et tous les matins, tu déposais sur le bureau de ton père un nouveau coquillage dans l’espoir qu’il lève la tête de ses dossiers… Il ne le faisait jamais mais tu continuais, encore et encore… Parfois, cela me faisait mal au cœur pour toi mais tu avais ce courage inébranlable de ne jamais abandonner. Oui, tu étais comme cela, à cette époque ; un sourire toujours accroché aux lèvres, sans cesse collée à tes frères pour pouvoir te battre et jouer avec eux.

C’est d’ailleurs ainsi que commence l’histoire que je voudrais te compter, Aylivæ. Elle s’est déroulée lors d’un de ces matins où le soleil irradie les flots de toute sa puissance. Tes rires et ceux de ta sœur et de tes frères résonnaient dans les couloirs de ce manoir, aujourd’hui bien morne. Vos pas aussi faisaient écho dans toute bâtisse ; vous faisiez la course, cherchant à être le ou la meilleure. C’était ce que vous préfériez.

Ce matin, Yolanae s’entretenait avec ton père sur un sujet dont j’ignore encore tout. Comme j’avais peur qu’elle ne vienne vous persécuter pour vous faire taire, puisque vous la dérangiez sans nul doute, je suis venue à votre rencontre. À peine avais-je atteint le grand hall que je vous ai vu toi et Ayna ; tu tenais la main de ta petite sœur, âgée de seulement trois années. Même si, en faisant cela tu avais laissé les jumeaux prendre de l’avance sur toi, tu ne voulais pas laisser Ayna trop en arrière. Tu prenais soin d’elle autant que tes frères prenaient soin de toi. Cependant, alors que vous dévaliez les escaliers en marbre, Ayna a raté une marche. Elle est tombée en avant, et au lieu de la lâcher, tu t’es laissé emporter dans sa chute. Tu as enfermé tes petits bras autour d’elle, essayant de la protéger du mieux possible. J’ai eu si peur quand je vous ai vu frapper encore et encore les marches jusqu’à atteindre le rez-de-chaussée, totalement inertes. Je n’aurais jamais cru ressentir une telle frayeur un jour…

Je vous ai rejoint aussi vite que mes jambes me le permettaient – Eurydice et Lysmaël étaient déjà à vos côtés.  Leur silence me retournait l’estomac de terreur. Mais, ce fut alors que je t’ai vu ouvrir les bras pour laisser Ayna s’extirper de ton emprise. Elle n’avait rien, pas même une égratignure grâce à toi. Puis je t’ai entendu pleurer comme jamais tu ne l’avais fait. Quand tu as relevé la tête, j’ai compris pourquoi. Ton front était couvert d’un sang épais, l’une de tes lèvres était fendue et ton arcade sourcilière était ouverte… Ce souvenir me tourmente encore... Heureusement - ou malheureusement -  tu avais déjà ce fantastique pouvoir : celui de guérir tes blessures. Cependant, comme tu le sais Aylivæ, ce pouvoir te coutait aussi beaucoup. À chaque cellule de ton corps rétablie, une immense douleur te terrassait. Et tu ne pouvais rien y faire. Tu étais bien trop jeune pour contrôler la magie qui sommeillait en toi. C’était un pouvoir instinctif qui protégeait son hôte peu importe la souffrance qu’il devait lui faire endurer. Alors… Alors pendant que tu hurlais, je te tenais contre moi, je te berçais et te chantais une mélodie. Tu as fini par te calmer et par t’endormir dans mes bras. … Ce fut sans doute le dernier acte d’affection que je t’ai témoignée. Et sans doute, ne crois-tu pas ce que je viens de te raconter. Tu étais si jeune, comment pourrais-tu t’en souvenir… Mais qu’importe, je te dois une explication pour tout ce qu'il s'est passé ensuite, Aylivæ.

Alors que je te portais jusqu’à ta chambre, j’ai croisé Yolanæ qui avait été interpellée par tout ce vacarme. Tu la connais, comme je la connais ; pour elle, l’amour est une faiblesse. Ce jour-là, en te voyant dans mes bras, ce fut la goutte de trop. Elle t’arracha à moi tout en me sermonnant. Elle m’interdisait de te choyer, de t’aimer. Elle ne voulait plus que je t’approche ou même que je daigne t’accorder le moindre regard. Yolanæ voulait te façonner à son image pour que ton cœur soit aussi imperméable à l’amour que le sien. Tu étais déjà son héritière à l’époque après tout… Alors oui, j’aurais dû lutter comme toute bonne mère aurait dû le faire. Mais… Je ne le suis pas. Je ne l’ai jamais été.

Yolanæ avait un moyen de pression sur moi et j’ai préféré mon ambition et ma réputation à tes magnifiques yeux bleus. Et puis, je ne savais pas comment lutter. Yolanæ était la matriarche et ton père prenait toujours son parti. Je ne voulais juste pas être seule. J’avais en avait si peur que j’ai renoncé à toi aussi facilement que cela. Et je n’ai pas cessé de le regretter à chaque instant. Je nous voyais tous les jours te briser encore et encore. Je voyais ta jalousie s’attiser alors que j’accordais toute mon attention à tes frères et à ta sœur. Nous faisions de toi une enfant solitaire en te plongeant dans les livres et les leçons. Nous pourrissions ta conception de l’amour et de l’attachement. Nous t'avons laissé grandir, des épines dans le coeur.

Et cela, simplement parce que je n’ai pas su tenir tête à Yolanæ … Et même si aujourd'hui il est trop tard... Je suis désolée. Ma douce Væ... Ys läa yul maldan*.  »

991 Mots | Post V
*expression en valærian signifiant "Je t'aime"

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Jeu 04 Fév 2021, 10:58

[Q] - Je pars te retrouver Fvnx
Je pars te retrouver
[Aylivæ]


Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis que Mère m’avait raconté le souvenir d’un ancien temps. Si j’avais peiné à croire le début de son histoire – beaucoup trop merveilleuse à mon goût – la fin m’avait finalement persuadée de sa véracité. Elle m’avait aussi griffée le cœur tant par sa cruauté que par sa facilité. Aux excuses que ma mère avait fini par prononcer, j’avais gardé le silence. Mais je n’en pensais pas moins. Je les refusais tout simplement. Elle aurait dû se battre pour moi tout comme je l’aurais fait pour Samuel. … Enfin, je voulais le croire. Mais aurais-je réellement lutté si la conséquence avait été de perdre toute crédibilité et réputation, de perdre ce nom qui me collait à la peau et de perdre la place qui m’était acquise dans la société ondine ? Je repensais à l’épreuve angélique de la dernière coupe des nations. N’y avais-je pas combattu mon propre fils pour la sauvegarde de mon peuple ? N’avais-je pas arraché la vie à cette chimère qui le représentait ? Le souvenir me déchirait encore le cœur. Ce jour-là avait été abominable et été resté gravé dans ma mémoire par son immense tristesse. Une tristesse que ma mère n’avait jamais semblé éprouver. Elle regrettait, certes. Mais le regret et le chagrin étaient deux choses différentes. Non, je me serais battue pour mon fils. J’aurais renoncé à tout pour lui. Je ne pouvais pas accepter ses excuses.

Pourtant, si son histoire avait dans un premier temps ravivé d’anciennes blessures, aujourd’hui mon cœur me semblait plus léger. J’avais eu des explications. Je connaissais enfin le « pourquoi ». Je savais à présent que toute cette tendresse qui m’avait fait défaut n’était pas ma faute. Je savais qu’un jour j’avais été digne d’être aimée et chérie. Je devais maintenant prendre conscience que je l’étais encore. Oui, ce n’était pas ma faute…

« À quoi penses-tu ? » La voix de ma mère coupa le cours de mes pensées. Ce fut si brutal que je clignai plusieurs fois des yeux afin de revenir à la réalité. Je sentais sa main s’affermir dans la mienne. Mon regard se posait sur elle. Ses traits étaient tirés et son teint blafard. « À rien de spécial, ne vous inquiétez pas. Avez-vous bien dormi ? » Quand j’étais arrivée dans sa chambre, elle était encore en compagnie d’Harabella. Comme tous les jours à présent, je m’étais approchée pour simplement lui tenir la main. Parfois, elle se réveillait et parfois elle comatait tout le reste de la journée. Son état ne s’était pas amélioré depuis la dernière fois et ses jours étaient toujours comptés. La fin se rapprochait inexorablement. Elle m’effrayait plus que tout. Aussi, je serrais un peu plus fort la main maternelle dans la mienne. « J’ai rêvé de ma mère ; ta grand-mère. Elle me chantait une chanson. » Comme pour illustrer ses paroles, elle se mit à fredonner une mélodie. Les notes étaient étranges, parfois dissonantes. Pourtant, je lui offris un sourire tendre. Ma mère perdait jour après jour un peu de sa lucidité. Parfois, elle en oubliait presque mon prénom. Même si je n’avais pas accepté ses excuses, ses mots m’avaient touchée. Ma mère n’était pas le monstre que je pensais ; elle était juste faible et sous l’emprise de Yolanae. Aujourd’hui la haine et la rancune avaient été remplacées par la compréhension et la pitié.

Une quinte de toux finit par conclure la désagréable mélodie. Instinctivement, je donnais à ma mère le mouchoir en soie blanche qui reposait sur sa table de chevet. Le son rauque et gras qui résonnait à chaque reprise me donnait l’impression qu’elle crachait ses poumons. Le sang que je voyais tacher le tissu pouvait aussi me le faire penser. Cependant, Illaræ m’avait affirmé que ses crachats sanguinolents n’étaient pas plus inquiétants que son état général. Rien de très rassurant donc. « Aylivæ ? » Sa voix était sifflante et pénible à entendre. Ses yeux fous, eux, fouillaient la pièce en cherchant ma silhouette. Elle paniquait. Une fois de plus. Je posais une main sur sa joue brulante ; elle devait délirer. « Je suis là, Mère. Je suis là. Ne vous inquiétez pas. Je suis près de vous. » Je me répétais jusqu’à ce que sa respiration se calme. Elle s’apaisait doucement. « Aylivæ, je me sens partir. » J’éloignais ma main de son visage alors que ma mâchoire se crispait. « Ne dîtes pas ça. Vous n’oseriez pas me laisser seule avec Père et Yolanæ. Restez. » Ma voix était tremblante, submergée par une émotion que je n’aimais pas. « Je ne peux pas. Le temps me manque. Le temps nous manque. » Elle planta ses yeux dans les miens. Pour la première fois depuis sans doute longtemps, j’y vis une lueur maternelle. Je me rappelais alors ses mots : « Ys läa yul maldan » … Je les avais nié et rejeté autant que ses excuses. Ils commençaient à présent à percer la carapace de mon cœur. « Je… » Je me levais d’une traite de ma chaise tout en cherchant à éviter son regard. Je ne voulais pas qu’elle voit mes yeux soudain humides. Je n’aimais pas cet élan de fragilité. « Je repasserais demain, Mère. Reposez-vous bien. » Avant de me tourner vers la porte, un étrange sentiment me retournait l’estomac. J’étais soudainement envahie par un mauvais pressentiment. Je le tus. Je ne voulais pas y penser. Je voulais l’oublier. Je voulais le fuir. Et je le fis en empruntant la porte de la chambre. La servante de la dernière fois attendait derrière celle-là mon départ pour pouvoir s’occuper de ma mère mourante. Je la saluais d’un signe de la tête avant de partir vers la bibliothèque pour finir ma journée dans un autre monde que celui-ci ; un monde imaginaire où tout n’était pas aussi funeste. La Mort, je ne savais pas l’affronter.




« Aerchise Song ? » Je papillonnais des yeux tout en émergeant dans sommeil sans rêve. Pendant un instant, l’endroit où je me trouvais me troublait. Cependant, je me souviens bien vite que j’avais lu jusqu’à tard et que je m’étais sans nul doute assoupi dans l’un des canapés de la bibliothèque. Face à moi, la servante Livaya me regardait avec un air mi-sérieux mi-apeuré, surement parce qu’elle venait de me réveiller. Je me redressais, tout en me massant la nuque. Un regard vers les grandes fenêtres de la salle m’informait qu’il faisait encore nuit. « Tout va bien ? » demandai-je inquiète. Je ne voulais pas entendre de mauvaises nouvelles. « Oui, parfaitement. » Je plissais les yeux. « Alors pourquoi me réveiller ? » La servante eut un air gêné. « Votre Mur m’a envoyé vous chercher. Il s’inquiète que vous ne dormiez pas dans votre lit. Il craint que vous soyez fatiguée demain. » « Oh. Où est-il ? » « Avec votre mère. » Je me relevais tout en me demandant ce qu’il faisait avec elle en cette heure tardive. Mon cerveau somnolant ne cherchait pas longtemps à comprendre. « Très bien. Merci encore Livaya. Et allez-vous coucher aussi. Je vous vois du matin au soir. À croire que vous ne dormez jamais. » Elle sourit et s’inclina avant de disparaitre vers ses appartements en prenant l’escalier de service. Je fis de même en empruntant un chemin plus noble.




/!\ Cette partie fait référence à la perte d'un être cher et au suicide. Je préfère prévenir plutôt que guérir ; si vous êtes sensible aux sujets, peut-être faudrait-il vous abstenir de la lire. /!\

Une lumière matinale traversait ma chambre. Assise devant ma coiffeuse, je glissais mes doigts le long de mes pommettes. J’avais une mine affreuse et pour cause : j’avais passé une nuit affreuse et emplie de cauchemars aussi vifs que terribles. Je m’étais réveillée en hurlant dans la pénombre. Pour une fois, Karsath n’avait pas été là pour me rassurer dans la pénombre. Depuis, je me questionnais sans cesse et sans cesse sur son absence. J’avais fini par tourner en rond dans ma chambre, comme un animal pris dans un piège. Cependant, le bruit de pas des domestiques dans le couloir m’avait apaisé au matin et j’avais commencé à me préparer pour rendre visite à ma mère, une fois encore.

Alors que je m’apprêtais à appliquer ma crème de jour, j’entendis toquer à ma porte. Je me levais et me dirigeai vers elle. Karsath m’attendait derrière elle, une lettre à la main. « Du courrier de si bon matin ? » Je tentais de lui offrir un sourire malgré mon air fatigué. Je me heurtais à un mur – tout du moins à un visage inexpressif. Karsath me tendit la petite enveloppe. Je tiquai quand j’aperçus le cachet familial. « Maéria Song m’a fait écrire cette lettre pour vous, Aylivæ. Elle n’a malheureusement pas passé la nuit. » Pendant un instant, je n’arrivais pas à saisir ce qu’il venait de me dire. Pensant même à une blague, je gardais mon faible sourire sur les lèvres. Pourtant, le visage neutre de Karsath étiola cette idée pendant qu’une affreuse douleur germait dans mon cœur. Une boule soudaine et atroce me bloquait la gorge. La réalité était si abominable qu’elle me semblait irréelle. Je refermais la porte au nez de Karsath. Je voulais me retrouver seule face à mon malheur. J’étais seule.

J’essayai de mettre ma main sur ma bouche pour étouffer les pleurs qui me menaçaient.  Mes lèvres, elles, répétaient encore et encore le même mot : « non » C’était un cauchemar. Je dormais. J’allais me réveiller. Je ne voulais pas y croire. Entre mes sanglots incontrôlés, Karsath glissa la lettre sous la porte. La regarder m’était trop difficile. Je refusais de lui adresser un regard. « Va-t’en Karsath. » m’écriai-je soudain. « VA-T’EN ! » Mon ton était plongé entre la véhémence et la tristesse. « Tu aurais dû venir me chercher. Tu aurais dû me prévenir. » J’essuyais mon nez qui commençait à couler. J’avais la sensation que l’on avait troué mon ventre, que l’on avait percé mon cœur. Je ne comprenais pas pourquoi je me m’étais dans cet état. J’étais stupide. Je ne voulais pas pleurer cette personne que j’avais autant détestée. Je me souviens encore de l’anniversaire de la Khaeleesi, j’avais été si odieuse avec elle. À travers mes larmes, je voyais mon reflet dans la coiffeuse. Cette vision me bouleversait. Je ne méritais pas de pleurer. J’avais été affreuse. Je ne méritais rien de tout cela, ni ce luxe, ni cette opulence, rien.

Pris d’un accès de colère intense, je me dirigeais droit vers le meuble qui m’avait enragée. Là, je balayais les produits de beauté qui y reposaient. Un flacon de parfum explosa à mes pieds sur le sol, embrumant l’air d’un parfum de lys. J’envoyais ensuite le premier objet qui me vint dans la main sur le miroir, le fracassant en éclat. Mon image était à présent fissurée et difforme. Je hurlai. Et je hurlai. La peine qui habitait mon cœur explosait en rage. Je continuais de mettre à feu et à sang la décoration de ma chambre, déchirant les robes qui osaient s’imposer à ma vue, écartelant les livres de bas étages qui trônaient par ici par-là, écrasant les vases contre les murs, jonchant mon sol de débris et de squelettes de mobiliers innocents. Je finis par me jeter sur la lettre qui reposait encore par terre. Elle me défiait de la déchirer. Je m’apprêtais à le faire, les yeux furibonds, les cheveux dans tous les sens et la peau écarlate. Cependant, j’en étais incapable. Je m’étalai au sol, me recroquevillant sur la lettre, la protégeant de tout mon corps. Mes cris avaient cessé, seuls les pleurs continuaient.

Ils durèrent une éternité. Ils durèrent jusqu’à ce que mes yeux ne puissent plus perdre de l’eau, jusqu’à ce que ma gorge soit aussi irritée que du papier de verre, jusqu’à ce que la fatigue emplisse mon corps d’un vide douloureux. Je fermais mes yeux, repensant à ma mère, à ses mots. Au final, elle m’avait dit qu’elle m’aimait... Je ne lui avais rien dit en retour. Rien. Je ne pourrais plus rien lui dire à présent. Pas même un au revoir. Elle était partie. Elle m’avait laissée. Un monde sans sa mère me semblait tout à coup bien fade, voire impossible.

Je restais là, apathique sur le sol. Mes yeux dérivèrent à travers la pièce. Tout était dévasté. Comme hypnotisé, mon regard s’arrêta vers un morceau de vase brisé à mes côtés. Ma main se referma sur l’éclat de porcelaine. Je lâchais la lettre de mon autre main pour caresser la bordure tranchante du morceau. Une question funeste s’imposa alors à moi. Mon esprit était soudainement vide de sentiment, vide de chaos. C’était comme si cette idée qui germait, comme si ce morceau fatal m’apportait enfin la paix dont j’avais toujours rêvé.

Doucement, je plaquai l’objet contre l’un de mes poignets. Je l’y fis glisser tout en appuyant fermement sur ma peau. Sur son chemin, une trainée rouge se dessinait. La douleur irradiait mon avant-bras. Elle était cependant libératrice. Grâce à elle, la souffrance qui résidait dans mon cœur perdait un peu de son emprise. Je continuais. Mon pouvoir de régénération hurlait dans ma tête. Il devenait fou, essayant de briser la cage mentale dans laquelle je l’avais enfermé. Je ne voulais pas me soigner. Je ne voulais pas aller mieux. Seulement que tout s’arrête.

Après avoir entaillé mon deuxième avant-bras, du poignet jusqu’au coude, je regardais le sang rouge qui surgissait des entailles. Le spectacle avait quelque chose d’effrayant et, pendant un instant, je n’étais plus très sûre de ce que je faisais. Alors que la funeste fatigue me gagnait, je commençais à douter et à paniquer. Avais-je pris la bonne décision ? Était-il trop tard pour retourner en arrière ? Je commençais à regretter. Mon cœur s’agitait, accélérant le débit sanguin qui coulait hors de mon corps. Oui. Il était trop tard maintenant. Je voulais simplement dormir. Je voulais retrouver ceux que j'avais perdus.

2000 mots et des brouettes | Post VI

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Sam 06 Fév 2021, 10:38

[Q] - Je pars te retrouver 5hib
Je pars te retrouver
[Aylivæ]


Tout était noir autour de moi. C’était étrange. Je tendais ma main en avant, essayant de toucher l’immatérialité des ténèbres qui m’entouraient, sans y arriver. Je n’avais pas peur. Dans cette noirceur, une douce chaleur m’enveloppait. J’étais sereine. Pour la première fois depuis longtemps, je savais que je rêvais. « Aylivae... » Sans le voir, je savais que Karsath était là. Je me retournais vers lui. La colère que j’avais exprimée à son égard n’était plus. La mort de ma mère n’était pas de son fait. « A-t-elle souffert ? » demandai-je doucement. Il secoua la tête, me répondant par la négative. « Elle s’en est allée paisiblement, dans son sommeil. J’ai veillé à ce que vous soyez là, avec elle, dans ses rêves. » Un doux sourire illumina mes traits tandis qu’une perle d’eau s’échappait de mes yeux. « Merci... »

Il s’approcha, fendant la noirceur qui nous encerclait. « Je suis désolé de ne pas être resté avec vous. » Il évoquait le moment où il m’avait remis la lettre, m’apprenant ainsi le décès de ma mère. Je posais ma main sur sa joue, caressant tendrement sa peau de mon pouce. « Tu ne pouvais pas. Je t’ai ordonné de partir. » « Je n’aurais pas dû vous écouter. » Je laissais mon front reposer sur le sien. « Je ne t’en ai pas laissé le choix... » Il soupira et je fermai mes yeux.

Après quelques secondes de silence, j’osais demander. « Suis-je en train de mourir ? » Je sentais ses bras se refermer autour moi. Il n’avait pas pour habitude d’être aussi démonstratif. Il devait être si inquiet. « Plus maintenant. Nous vous avons retrouvé à temps. J’ai failli vous laisser mourir maîtresse. J’aurais dû savoir. » Je me redressais, séparant nos deux visages, pour le regarder. « Ne t’inquiète pas Karsath. C’est moi qui ai été faible. Pas toi. » Ses bras glissèrent de mon dos à mes épaules. « Vous êtes plus forte que vous ne le pensez. » Je souriais tendrement et m’écartai de son étreinte.

« Depuis combien de temps suis-je endormie ? » « Deux jours. Illaræ vous a donné une concoction de sommeil pour que votre corps puisse guérir plus rapidement. Votre magie ne semble pas vous avoir soigné, comme à l’accoutumée. Il s’agirait d’un blocage mental. » dit-il comme s’il énonçait un problème de mathématiques. « La cité de Synæde a aussi rendu ses hommages à Maéria Song. Ses funérailles ont eu lieu hier. Son corps a désormais rejoint les bras d’Aylidis. » Un élan de regret s’empara de mon cœur. À cause de mon geste, j’avais manqué le jour de son inhumation. « Comment a réagi le reste de ma famille ? » « Les différentes générations de votre famille étaient présentes et - » « Je veux dire… comment ont-ils réagi après mon acte ? » Il m’examina rapidement du regard. « Vous annoncez que cela leur a fait plaisir serait un mensonge. Au contraire, ils se sont montrés plutôt inquiets vous concernant. Tychen prend régulièrement de vos nouvelles au cours de la journée. Quant à Yolanæ… Elle quitte rarement votre chambre et vous observe en silence. » Effrayant. « Est-elle là actuellement ? » L’imaginer s’introduire dans mes pensées pour nous écouter me faisait froid dans le dos. « Non, elle déjeune avec votre père actuellement. » « Bien. »

Je laissais le silence s’installer entre nous pendant un court instant. Je réfléchissais à mon sommeil et à mon réveil. Je redoutais celui-ci, quand toutes mes émotions négatives reviendront m’ensevelir, quand je devrais faire face au regard des autres… quand je devrais affronter la réalité. « C’est étrange que tu puisses de nouveau influer sur mes rêves… Cela faisait une éternité que tu n’y étais pas arrivé. » « Harabella semble en avoir eu assez de vous torturer. » Je soupirais de soulagement. « Tant mieux. C’était en train de m’achever. » La cruauté de la déesse m’avait affaiblie mentalement et physiquement. Sans celle-ci, je me demandais si j’aurais tout de même tenté de m’ôter la vie.

« Je dois aussi vous faire savoir que Yolanæ a invité Mœa Otahi à vous rendre visite. » finit par dire Karsath après un court moment. Je penchais ma tête légèrement sur le côté. « Mon ancienne gouvernante ? » Il hochait la tête. « Oui. Elle a accepté de revenir. Mœa devrait être ici sous trois jours. » Un sentiment étrange me prenait, comme un mélange de joie et de honte. Même si Mœa avait été difficile avec moi et mes leçons, elle était la seule gouvernante – car celles-ci s’étaient enchaînées pendant mon enfance – avec qui j’avais pu tisser un vrai lien de confiance. Elle m’avait appris à penser par moi-même et avait toujours su tenir tête à ma famille quand elle trouvait celle-ci abusive. Mon père avait fini par la remplacer pour ses tares. Cependant, son retour me mettait face à la stupidité de mon geste. Je n’avais jamais voulu l’inquiéter…

« Aylivae… Je dois à présent vous quitter. Ma magie ne peut plus tenir ce rêve. Elle s’épuise trop rapidement et vos barrières mentales sont trop fortes... Je suis désolé. » « Ce n’est pas grave. Reposes-toi bien. » « Vous aussi. » Karsath déposa un baiser fugace sur mon front. Si ce geste me surprit, je n’eus pas le temps de le montrer. Le rêve s’était arrêté et je replongeai dans les méandres de l’oubli.

857 Mots | Post VII

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Sam 06 Fév 2021, 11:05

[Q] - Je pars te retrouver 6n91
Je pars te retrouver
[Aylivæ]


Sans le savoir, les jours avaient fini par se succéder. Mon corps était toujours ensommeillé. Pourtant, peu à peu, j’entendais un brouhaha incompréhensible m’entourer. « … réveillée ? » « … faire effet bientôt... » « … stupidité. » « Quand… vous taire ? » Aussi, je sentais une certaine force me broyer la main. Je gémissais. Les voix se turent. La lutte pour reprendre conscience était difficile et ma tête était lourde et embrumée. « Vae ? » J’essayais d’ouvrir les yeux mais la luminosité était trop désagréable. La pression sur ma main s’accentua. « Vae, c’est Momo. » Mœa… Je lui avais donné ce surnom stupide quand j’étais plus jeune. « Momo ? » Ma voix, normalement claire, était un peu plus rauque. Yolanæ l’entendit. « Vous. Apportez-lui un verre d’eau. » « Très bien ma dame. » dit une servante. Je pensais reconnaître la voix de Livaya. « Comment vous sentez-vous, Aylivae ? » me questionna Illaræ. Je tentais une nouvelle fois d’ouvrir les yeux. Cette fois-ci, en les plissant, j’arrivais à distinguer les silhouettes dans ma chambre – il y en avait beaucoup. « Comme si une vague m’avait projetée sur des récifs. » « Hum. À qui la faute ? » dit ironiquement Yolanæ, un sourire amer aux lèvres. « Pour une fois, ta tante n’a pas tort. » « Pour une fois ? Ne me fais pas regretter de t’avoir invitée Momo. » Son ton était acerbe. « Je suis certaine que tu regrettes déjà, Yoyo. » Si la lumière ne me dérangeait pas autant, j’aurais juré voir Mœa sourire. Yolanæ devait se contenir d’exploser. La servante finit par approcher timidement un verre à mes lèvres. L’eau était un peu désagréable pour ma gorge asséchée. Comme je grimaçai, la servante finit par le comprendre et se recula après avoir posé le verre sur de ma table à chevet.

La médecin prit sa place et posa ses mains sur l’un de mes avant-bras. Elle souleva précautionneusement les longs bandages qui le recouvrait. « Tes plaies ne seront bientôt plus qu’un mauvais souvenir. Mes potions ont accéléré ta guérison, ainsi que mes onguents. Cependant, j’ai aussi dû suturer ; tu auras des cicatrices. » énonça Illaræ à mon attention. Son ton était doux, presque trop. C’était légèrement insultant. À croire qu’une voix trop forte allait finir par me briser… La seule qui pouvait me faire du mal désormais c’était moi-même. « Un jour, je t’enverrais étudier les sorts de guérison Illaræ. Tout ceci aurait été plus rapide. » La doctoresse soupira. « Peut-être. Mais je préfère la médecine plus naturelle. Les sorts de guérison sont plus barbares que l’on pourrait le croire. De véritables traumatismes pour le corps. » « Mais qui ne laissent pas de marques aussi… rudimentaires. » Un certain dégoût était présent dans la voix de ma tante. « Je les cacherais avec ma magie. » finis-je par dire. « Hum. C’est ce que je voulais entendre. »

Les pas de ma tante se rapprochaient de mon lit. Finalement, le matelas se souleva légèrement quand elle s’assit à mes côtés, à l’opposé de Mœa. Je me sentais soudain oppressée. Trop de femmes m’entouraient et je ne pouvais rien faire contre. Yolanæ imita Mœa et prit ma main de libre alors que Illaræ refaisait mes bandages. « Aylivæ… » Sa voix était tendue. « J’espère que le sommeil t’a porté conseil. Ce que tu as fait été stupide. » Elle affermit sa prise, me faisant volontairement mal à la main. « Je t’aurais tuée une deuxième fois si tu étais morte. Ne refais plus jamais ça. » Yolanæ relâcha subitement ma main rougie. Elle soupira et, de plus en plus habituée à la luminosité, je la vis se masser les tempes. « Si tu n’es plus une enfant, j’ai la sensation que tu n’as pas grandie. Quand choisirais-tu enfin ce qui est compliqué au lieu de t’installer dans la facilité ? Tu es une Song. Maitrises-toi. Sois forte. Place toujours la réputation de ta famille avant ton confort. » Les autres femmes de la pièce la laissaient parler sans interruption. Il y avait une certaine trace de vérité dans ses propos. « Pense à ce que tu laisseras à ceux qui te suivront. Ils peuvent tout avoir ! J’ai tout essayé pour toi. J’ai toujours voulu te rendre plus forte, plus indépendante… Et tu m’as toujours déçue. »

Je la regardais, ne sachant pas quoi ressentir. Devais-je la haïr comme je l’avais toujours fait ? Ou devais-je avouer qu’elle n’avait pas réellement tort ? Ma main glissa légèrement vers elle, cherchant un contact. Elle comprit et y plaça sa propre main. Sa peau était plus chaude que je ne le pensais. « Je suis peut-être la vilaine de ton conte de Fæ mais tu devras réaliser un jour où l’autre que tu te trompes sur mon compte. Pour te prouver ma bonne foi, j’ai appelé Mœa. Je sais que tu es attaché à cette… » Elle ne finit pas sa phrase, essayant de jouer sur une fausse politesse. « Elle restera le temps que tu voudras. » Je glissais mon regard vers cette dernière. « Aussi, sache que ton absence a été remarqué aux funérailles de Maéria. Les scandales sont déjà en train de voguer entre les flots. On raconte que la famille Song court à sa perte puisque l’héritière n’ose même pas assister à la remise du corps de sa mère à l’Océan. On nous pense fragiles, attaquables, désunis. J’ai donc décidé d’inviter quelques membres influents de la société dans mon propre manoir afin de leur donner d’autres ragots à se mettre sous la dent. Cependant, prépares-toi à être conviée à l’un des évènements organisés par Klyo, mon mari. Nous devons montrer que nous sommes soudés. »

Après avoir dit cela, elle se leva d’une traite puis marcha vers la servante qui n’avait pas quitté la pièce. « Tu devrais aussi remercier cette jeune femme. C’est elle qui t’a trouvé agonisante dans ta chambre. J’ai donc décidé d’en faire ta femme de chambre. Elle te surveillera, bien entendu, et veillera à ton confort. » Même si j’avais envie de rouspéter, je ne m’en sentais pas légitime. « Nous allons d’ailleurs vous laisser ensemble. Mesdames ? Suivez-moi. » Yolanæ claqua des mains avec un air suffisant. Mœa levait les yeux au ciel mais elle s’en alla avec elle.

J’étais à présent seule avec Livaya. « Belle promotion, pour quelqu’un qui vient juste d’arriver. » La servante rougit. « Merci. » « Vos parents doivent être fiers. » « Très. » dit-elle en s’approchant. Elle fouillait dans son tablier. « J’ai trouvé cela près de vous… » Une enveloppe tâchée de sang sortit de sa poche. C’était la lettre d’adieu de ma mère. Une boule se formait dans ma gorge. Je détournais le regard. C’était trop difficile. Pourtant, les mots de ma tante me revenaient en mémoire. Choisissais-je toujours la facilité ? Après un long silence, je finis par dire : « Lisez-la-moi. » La servante hocha la tête puis partit à la recherche d’une chaise pour s’installer à mon chevet. Quand ce fut fait, elle sortit la lettre de son enveloppe et la déplia.

« Ma chère fille,

Si tu lis ces mots, c’est que je suis désormais avec Aylidis. J’ai cessé de souffrir. La maladie m’a enfin quittée. J’en suis heureuse mais j’avais tant de choses à te dire. Nous avons trop perdu de temps dans toute cette rancœur. J’ai trop perdu de temps.

Je voudrais m’excuser pour toutes ses choses que je t’ai faites. Je t’ai abandonnée, je t’ai détestée et, j’avoue avec regret, que je t’ai haïe tellement fort à la mort d’Ayna et des jumeaux. Je n’avais pas compris pourquoi Ezechyel m’avait retiré tous mes enfants adorés pour ne me laisser que toi : la fille que je n’avais pas le droit d’aimer, la fille qui possédait des secrets qui la dépassaient. Aujourd’hui, j’ai finalement compris. Je ne les méritais pas. La Mort nous a donc séparés. Mais, à présent, elle nous rassemble. Nous avons pu nous retrouver, Aylivæ. Et, à l’heure où tu liras mes mots, j’aurais rejoint tes frères et ta sœur.

Aylivæ, tu vas me manquer. Mais ne sois pas triste. Pense aux vagues dans l’océan : nous pouvons les observer, mesurer leur hauteur, voir le soleil réfléchir en elles... Et puis, elles se brisent sur la rive et disparaissent… Mais l’eau est toujours là. Les vagues sont juste une forme que prend l’eau. Væ mud ryuk, hai’ræ zolya*. Nous serons ensemble à tes côtés, ma chérie. Dans les vagues nous seront avec toi. Toujours.

Je suis si fatiguée, ma fille. Et pourtant, je dois encore rester un peu. Je dois te prévenir. Ne fais pas confiance à Yolanæ. Ne fais pas confiance à ton père. Ils te cachent tellement de choses… Sois forte mon enfant.

Je t’aimerais toujours,

Ta mère. »

Une larme coula sur ma joue. Cependant, une douce chaleur m’enveloppait. Imaginer mes proches autour de moi me réconfortait. Une force nouvelle s’insufflait en moi. Je savais que j’allais bientôt me rétablir. Il le fallait. J’étais déterminée. Les jours sombres étaient passés.

Fin

1400 Mots | Post VIII
*Væ mud ryuk, hai’ræ zolya = La vague se brise, l’eau reste. (expression ondine : voir ici)
Aussi, le texte sur la vague, je l'ai chouré au monologue de Chidi dans The Good Place. [ici]
Je trouvais ça trop beau ce qu'il disait O.O

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[Q] - Je pars te retrouver

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