Au coeur d'une fleur

Noir… Sombre… Terne… Rosée hésitait sur le terme adéquat pour définir ce qui l’entourait. Le ciel bleu avait disparu d’un seul coup, sans prévenir, sans même un signe annonciateur de sa future, et longue, absence. Elle ne dirait pas que cela faisait une éternité, mais tout de même. Il lui semblait que le ciel azuré tardait à revenir. La petit fae soupira une énième fois en se redressant pour toucher la surface sombre qui était proche, un brin trop proche peut-être ? Le ciel paraissait mou sous la paume de ses mains et légèrement chatouiller sous la pression de ses doigts. Enfermée ? L’hypothèse commençait à faire son petit chemin dans la tête de l’ingénue ailée, mais elle ne se souvenait plus à quel moment exactement cela aurait pu se produire.

Dans ses souvenirs, elle virevoltait à travers un champ de fleurs en prenant le temps de respirer ci et là le parfum délicat des plantes aux pétales chatoyants. Vraiment, sa situation était étrange. Elle semblait être dans un endroit clos et étroit, mais d’un confort étonnant. D’ailleurs, au lieu de sombrer dans l’inquiétude et la panique, elle s’était laissée allée à un petit somme bien réparateur. Peu importe où elle était, on y dormait vraiment très bien. L’endroit était moelleux, chaud et douillet. La rouquine aurait bien continué de jouer à la belle au bois dormant, mais ses ailes réclamaient un peu d’envolée sauvage. Or, il lui était difficile de battre des ailes actuellement. Il lui fallait retrouver le ciel ou du moins, comprendre où elle était exactement.

De ses petites mains féeriques, elle tâta à plusieurs endroits, cherchant une ouverture ou une faille. Elle finit par déceler une fine fissure interminable, comme si elle faisait tout le tour de sa mystérieuse prison. Peut-être qu’en tapotant légèrement elle pourrait faire bouger les choses. Ou en poussant. D’abord avec les mains. Ensuite le dos. Puis les pieds. Elle essaya différente position, parfois saugrenue, pour trouver un point d d’appui qui lui permettrait d’avoir assez de force pour percer sa prison et avoir une vue sur le ciel.

« Flûte » émit-elle en croisant les bras et en laissant ses fesses tomber mollement sur le sol. Décidément, elle manquait de ressource. Elle décida de s’allonger à nouveau et de sombre dans un bref sommeil. Peut-être qu’il serait source d’inspiration pour l’aider à trouver une sortie. A défaut, il lui permettrait de récupérer des forces, ce qui ne serait déjà pas mal.

410 mots

Au coeur d'une fleur

Cette fois, Rosée du Matin fut réveillé en sursaut par une agitation qui ne venait pas d’elle. Tout s’était mis à trembler autour d’elle et la petite fée désespérait de trouver un équilibre stable. Elle voltigea d’un coin à un autre, se cognant sur les parois molles qui l’entouraient. Cela lui permettait d’amortir ses chutes, mais la tête commençait vaguement à lui tourner et rien ne semblait indiquer que les secoues souhaitaient s’estomper. Elle se serait cru un instant enfermé dans le creux d’une main d’enfant. D’ailleurs, il lui semblait entrer des voix. Celles-ci étaient étouffées et peu distincte, mais à l’extérieur, cela discutait. La petite fée en était certaine !

« Oh eh ? Quelqu’un m’entend ? » S’interrogea-t-elle. Si elle parlait assez fort, peut-être l’entendrait-on ?

Elle réitéra sa demande… En vain. Elle usa de différent ton, mais les voix restaient lointaines et indifférentes à ses appels. Rosée se serait bien assise pour patienter une fois de plus, malheureusement, elle était toujours malmenée dans tous les sens.

« Mais pourquoi ça secoue comme ça ! »

A croire qu’elle était à l’intérieur d’une poire et que quelqu’un s’amusait à secouer le poirier avec frénésie. Elle ne s’était tout de même pas endormie dans un fruit ? Elle était certes gourmande, mais elle s’en souviendrait. Puis, de mémoire, c’était dans un champ qu’elle se promenait, non dans un verger. Se pourrait-il qu’elle se soit endormie au cœur d’une fleur ?

« C’est ça ! S’exclama-t-elle avant d’être propulsé une nouvelle fois sur une membrane douce. Je me suis endormie sur une fleur ! »

Rosée du Matin se souvenait à présent. Elle était fatiguée et la fleur d’une agréable douceur. Elle s’était allongée entre les pétales avant de perdre le ciel de vu. La fleur avait probablement dû se refermer sur elle et depuis, la rouquine y était prisonnière. Cependant, pourquoi la fleur si passible vacillait dans tous les sens à présent ?

« Oh ! Vous l’avez cueillie ! Vous avez cueillie ma fleur ! Ce n’est pas bien » tempêta la fée sans parvenir à se faire plus entendre. Elle espérait que l’acte venait d’un enfant qui comptait l’offrir à sa mère… ou un prince charmant qui souhaitait conquérir sa dulcinée. Ce serait tellement romantique.  
Imaginative, Rosée se laissa son esprit créer différent scénario qui pourrait excuser l’acte cruel d’arracher une fleur. Privée de ses racines, la plante finirait pas se faner. La fée pourrait s’en extirper facilement. Il lui fallait travailler sa sortie.  

417 mots

Au coeur d'une fleur

Une danse ? Une chanson ? Rosée hésitait. Les deux peut-être ? Elle s’imaginait déjà sortant de la fleur qui décorait le bouquet d’une mariée. Une chanson était tout indiquée. Si c’était une fleur pour remercier ou se faire pardonner, un discours serait le bienvenu. Un enfant ? Il lui conterait une histoire imaginaire. Il y avait tant de possibilité que la petite fée était remplie d’excitation. Elle n’avait plus qu’une envie. Sortie de sa fleur et découvrir le monde.

La fleur cueillie avait dû être déposé sur le sol ou dans un vase, car elle ne bougeait plus. Les voix autour d’elle avait également fini par s’éteindre, faisant une fois encore vagabonder l’esprit de la rouquine. Elle espérait juste que la fleur ne servirait pas simplement de décoration pour l’intérieur d’une maison. C’était une utilisation si banale… Les fleurs avaient besoin de s’épanouir dans des actes bien définis. Quand on arrachait une fleur de sa terre, il fallait au moins rendre sa vie éphémère épanouissante. L’échanger contre une larme, un sourire, un bisou.

Rosée tapota les parois de la fleur pour essayer de se faufiler à travers les pétales toujours fermées. Elle n’eut guère plus de résultat que la dernière fois. C’était exaspérant. Elle soupira. Si elle commençait à s’ennuyait dans sa prison floral, son estomac commençait lui aussi à s’impatienter ! Elle dégusterait bien un peu de miel... si les abeilles le lui permettraient. Un peu de sucré lui rendrait certainement l’énergie qui lui manquait. Elle ferma les yeux pour laisser son imagination préparer de délicieuses sucreries. Son esprit était si efficace que la petite fée pouvait même en percevoir les odeurs. Même son estomac s’y laissa prendre en réclamant d’avantage. Ce parfum délicat qui lui chatouillait les narines… Un mélange de préparation cuisiné sur un feu doux avec minutie et la délicatesse d’une grand-mère. Des cookies ? Cela lui convenait tout aussi bien que le miel.

« Il y a vraiment une odeur de cuisine ! » s’étonna soudainement la petite fée en ouvrant les yeux. Certes, elle avait une imagination débordant, mais tout de même. Elle respira à plusieurs reprises. Pas de doute. Quelqu’un cuisinait ! Avec un peu de chance, elle était dans la cuisine d’une grand-mère qui préparait un goûter sucre pour ses petits-enfants.

« Je peux avoir à manger ? Je veux une part, ça sent si bon ! »  Elle tapota une nouvelle fois sur la fleur qui dégaina s’ouvrir. Surprise, elle roula sur le bois rugueux d’une vieille table et se cogna contre un bocal. Elle se frotta la tête et chassa les étoiles qui lui masquaient la vue. Un crapaud la dévisagea, l’air pantois.

444 mots

Au coeur d'une fleur

Toujours dévisagée par le crapaud, la petit fée se pencha vers lui et agita la main devant son regard ahuri. N’avait-il encore jamais vu de fée sortie d’une fleur fanée ? Elle s’approcha un petit peu de la créature et planta l’un de ses petits doigt sur sa peau pustuleuse pour l’inciter à réagir. Elle le poussa une fois. Deux fois. Pas de réaction. Il avait l’air tétanisé.

« Vous… vous, allez bien monsieur le crapaud ? demanda-t-elle perplexe. Vous avez l’air… légèrement… inerte… » finit-elle par ajouter pour ne pas l’offenser en utilisant le mot mort, qui lui semblait malheureusement plus indiqué. Elle leva la tête et observa son environnement.

« Je ne suis pas dans une cuisine de grand-mère…  murmura-t-elle. Et ça ne doit pas être des cookies qui cuisent.»

Cela sentait bon, très bon même, mais les ingrédients qu’elle voyait à proximité du chaudron bouillonnant n’était pas ceux pour une recette de pâtisserie. Après le crapaud apathique, elle avait peu distingué des cafards, six pattes en l’air, des plumes noirs et un corbeau perché sur une branche à l’air menaçant. La fée ne parvenait pas à savoir s’il était empaillé ou vivant. Dans le doute, elle avança sur la pointe des pieds en se faufilant entre les insectes et petits reptiles. Aucun ne semblait vivant, mais figé dans une expression étrange et peu naturelle. L’être qui cuisinait en ce lieu devait être bien singulier, mais étonnamment, Rosée n’avait pas du tout envie de faire sa connaissance. Elle repéra une fenêtre entrouverte, ultime sortie vers le ciel bleu azuré. Une brèche vers un endroit sécurisant. La petite fée s’apprêta à battre des ailes lorsqu’elle vit une ombre se pencher sur elle. Rosée ne fut pas assez rapide pour échapper à deux gros doigts qui l’attrapèrent par le bout des ailes.

« Lâchez-moi, ordonna-t-elle immédiatement, appréciant moyennement ce système de capture. Ses ailes étaient fragiles, mais elle n’avait pas envie de grandir. Avec des centimètres en plus, elle ne saurait guère passer à travers la fenêtre et c’était là sa seule alternative de fuite.
— Ne te débat pas, cela abimerait tes ailes… Je n’ai pas encore de fée dans ma collection
— Collection ? Glup ! » Emit la petite fée lorsque l’individu la fit tourner vers un mur où se trouvaient de nombreux papillons aux ailes multicolores. Figés eux aussi dans leur derniers battements aériens, de loin, ils donnaient l’impression de voir une toile d’artiste peinte avec de vives couleurs. De plus près, c’était un brin angoissant. Rosée n’avait pas envie de rester figé pour l’éternité.  

Dans un élan de survie, elle attrapa l’épine de rose qu’elle gardait toujours sous ses jupons floraux et piqua l’homme. Heureusement, il avait la peau peu fine. L’épine s’enfonça rapidement et surpris par la douleur son ravisseur lâcha son emprise. Rosée ne s’attarda pas et fila à vive allure vers la fenêtre. Elle n’avait aucune idée d’où elle allait, mais sa seule motivation pour l’instant était de mettre le plus de distances en elle et ce sombre individu.

506 mots