« Attention, maintenant que tu as commencé à lire ceci tu dois le lire jusqu’à la fin, pour ton propre bien !!

Je suis Sarah la Sirène. J’étais comme toi avant, simple élève de Basphel… mais plus maintenant. Celui que je croyais être mon petit copain m’a abandonnée, et je me suis jetée de la plus haute tour de l’école par chagrin. Depuis, je hante ces murs et ma fureur est immense… et tu ne veux pas la déclencher. Si tu recopies cette lettre trois fois et que tu l’envoies à trois élèves différents, je t’épargnerais. Si tu le fais cinq fois, je ferais en sorte de te porter chance et la personne que tu aimes se confiera à toi…

Mais si tu ne recopies pas la lettre… si tu crois sincèrement que tout ceci n’est pas important, alors je me vengerais… crois-moi, tu ne veux pas me défier, car j’ai déjà jeté plusieurs élèves de la plus haute tour de l’école pour une telle offense. Les autres ne remarqueront même pas ta disparition car je les ferais t’oublier, comme moi ils m’ont oubliée. Alors fais les bons choix… autrement… je serai… derrière… toi.

- Sarah la Sirène »

Otoris déglutit, en lisant ce parchemin. C’était un velin assez propre, comme ceux que l’on pouvait emprunter gratuitement à la bibliothèque en justifiant sa demande. Cela ne voulait dire qu’une chose : ce fantôme était si cruel qu’il était prêt à voler les fournitures de l’école. C’était donc un véritable spectre. Le magicien n’avait jamais eu entendu parler de ce genre de créatures, mais il se doutait qu’il faudrait éviter de la provoquer. Aussi, elle disait pouvoir aider ceux qui recopaient la lettre cinq fois, ce qui était somme toute sympathique venant d’un revenant vengeur et assassin. Alors, il prit sa plus belle plume pour retracer chaque mot à l’identique.

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Otobis venait d’arriver : il sortait souvent promener le rat. Le mage bleu trouvait cela étrange : il ne savait pas que les rongeurs avaient besoin d’être promenés, et trouvait parfois Monsieur Tatouille dans la chambre alors que son clone était censé prendre l’air avec lui. Une autre personne aurait vu clair dans le jeu du clone, qui utilisait le rat comme alibi gratuit, mais Otoris n’était pas une autre personne. Il avait foi en son double, et ne pensait pas que ce dernier ferait des bêtises en son absence. Et, justement, celui-ci regardait par l’épaule de l’élu d’Hel’Dra. « Qu’est-ce que tu fais ? » – « Je dompte Sarah la Sirène. Lis ça ! » Il lui tendit l’une de ses copies.

« Par Sympan, elle utilise beaucoup de points de suspension. » – « Oui, tu as vu ça ? C’est trop effrayant, ça doit pas être bon signe tous ces points. » Otobis acquiesça lentement, en relisant le mot. Il n’était pas sûr de comprendre comment une telle créature pourrait augmenter sa chance et faire en sorte que la personne qu’il aime confesse son amour pour lui. D’une part, parce qu’il n’était pas sûr d’aimer qui que ce soit de cette manière, mais aussi parce qu’il vivait encore sous une identité secrète. Cela étant, la présence de points de suspension donnait un aspect sinistre à la lettre qui la rendait assez convaincante. Il décida alors de la recopier six fois, pour dépasser le nombre d’Otoris. Il méritait plus la fortune que l’Original.

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Une demi-heure était passée, et les deux jeunes adolescents avaient à peine accompli leurs objectifs respectifs. « Il ne faut faire que cinq copies, gros bêta ! Ha ha, c’est pas grave. » – « Ne t’en fais pas, c’est une copie de plus par politesse. » Il ne savait pas comment expliquer au mage bleu qu’il comptait battre son score. « Hmm… tu n’as pas tort. Je vais peut-être en faire une de plus aussi, alors. » – « Je compte en faire sept. » – « J’en ferais sept aussi, du coup ! » – « J’ai dit sept ? Je voulais dire huit. Je vais faire huit copies. » – « Ah c’est très bien huit, c’est le chiffre de l’infini dans l’autre sens ! » – « C’est vrai Oto, mais tout bien réfléchi je vais peut-être en faire treize. Tu peux en faire huit, c’est très bien aussi. » – « Non, par solidarité j’en ferais treize aussi alors ! » – « Non, vraiment, tu n’en as pas besoin. » – « Si si, j’insiste ! Tu ne devrais pas avoir à t’infliger ça. » Otobis réalisait maintenant qu’il faudrait mentir sur son nombre pour que l’Original lui lâche la grappe. C’était dommage de ne pas prouver sa supériorité directement à la source, mais ce serait un sacrifice nécessaire. Il voulait montrer à Sarah la Sirène qu’il était plus investi dans la cause que celui dont il avait l’apparence.

Environ trente duplicatas de cette lettre furent distribués dans les dortoirs de Basphel.

784 mots.