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 [Q] - Les marionnettistes

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Kaahl Paiberym
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◈ YinYanisé(e) le : 25/06/2015
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Kaahl Paiberym
Jeu 10 Sep 2020, 14:46



Les marionnettistes

Rps liés : Rêver sans laisser ton rêve être ton maître
Intrigue : Après la Coupe des Nations des Génies, Elias décide de créer une nouvelle section de l'armée. Il fait convoquer Cyrius Windsor, directeur du conservatoire d'Amestris afin de prendre en charge le projet. En parallèle, il le charge également d'organiser une compétition de musique sur Lagherta et d'y inviter des musiciens de toutes les races.


« Vous m’avez fait demander, Grand Chaos ? » « Oui. »

Je n’arrivais pas à m’enlever cette image de la tête. Ce rêve qui n’en était pas réellement un, au cœur de la Coupe des Nations des Génies. Cet homme pour lequel j’avais façonné la guerre, une guerre de musique et de sang. Plusieurs éléments me hantaient. Le premier était le climat déplorable de mes terres, à l’exception de Lagherta. Le deuxième était le peu de beauté autour de moi. Les Sorciers ne manquaient pas de raffinement mais nous n’étions pas réputés pour être de grands artistes. J’avais envie de quelque chose de plus… poétique et inattendu. « J’aimerais que vous travailliez à la création d’une nouvelle section de l’armée. » La scène qui m’obsédait depuis des jours était celle de ces hommes, accompagnés de violons, avançant vers leurs adversaires en jouant, avant que les instruments ne se transformassent en armes. Aucun sourire ne trônait sur mon visage. J’étais pourtant en train d’imaginer avec délice ce que mon projet pourrait donner dans la réalité. Je ne contrôlais moi-même pas la musique. C’était un art complexe qui m’échappait, pour le moment. Pourtant, en faisant des recherches à la suite de ce songe, j’avais compris à quel point ce don pourrait s’avérer utile. Il ne s’agissait pas seulement de faire résonner une mélodie de nulle part. Il s’agissait de contrôle. Nous étions des Mages Noirs. Les armes étaient utiles face aux Humains mais le plus gros de notre art était magique. Je ne comptais, de toute façon, envahir personne pour le moment. Il y avait bien d’autres façons de procéder à la soumission des autres peuples que celle consistant à les affronter directement sur un champ de bataille. « Je vous écoute. » dit-il, après un léger silence. Il ne comprenait pas en quoi il pouvait me satisfaire. Son domaine n’était pas le combat. Il dirigeait le conservatoire d’Amestris et, ce, malgré son jeune âge. C’était un musicien talentueux et un grand gestionnaire et pédagogue. Trente années de perfection sonore.

« Vous contrôlez la musique d’après ce que je sais. » « Oui. » Bien sûr qu’il la contrôlait. Les représentations qu’il donnait en solitaire étaient particulièrement risquées, à tel point qu’il faisait signer une décharge aux spectateurs, tout en leur conseillant d’être à jour au niveau testamentaire. Il soulevait les corps, faisait de ceux qui l’écoutaient ses pantins, dans un ballet sanglant au sein duquel peu survivaient. Son talent valait la peine de mourir. D’après les murmures, c’était comme être touché par la grâce divine, avant la fin. Il paraissait innocent mais sa musique était assassine. « Je veux que vous montiez une section de l’armée composée de musiciens qui contrôleront aussi la musique, en plus de savoir se battre. Je désire que, par le son de leurs instruments, ils provoquent la perte des armées adverses sans avoir à bouger ou presque. » Un fin sourire se dessina sur ses lèvres. « Je ne vous savais pas intéressé par la musique. » « Je suis intéressé par tout ce qui pourrait servir mes desseins efficacement. » « Et quels sont-ils ? » Ce fut à mon tour de sourire. Je ne répondis pourtant pas, ce qui ne sembla pas le gêner. Il n’avait jamais pensé que je pusse lui répondre. « Vous aurez des fonds et vous serez libre quant au choix des hommes et des femmes que vous recruterez. Tant que les résultats sont présents, je ne trouverai rien à y redire. » Il y eut un silence, avant qu’il n’ouvrît la bouche de nouveau. « Et si je vous choisis, vous ? » Ça sonnait étrangement équivoque. « Je suis le Roi, c’est moi qui choisis les autres. » dis-je, sur le même ton. Sa manière d’être était décalée, sans doute corolaire de son talent. Il n’avait pas peur de moi parce qu’il n’avait pas peur de la mort. Peut-être avait-il fait un pacte avec les Ætheri pour être aussi assuré ? Avec le Diable ?

Après quelques secondes, j’eus une idée. « J’ai besoin de vous pour autre chose. » « Dîtes-moi. » « Pour fêter mon couronnement, j’aimerais réunir des musiciens de toutes les races sur Lagherta. Ce serait une compétition amicale, sans réel vainqueur. Organisez-la pour moi et invitez tout le monde mais, plus spécifiquement, les musiciens des autres peuples que vous jugez talentueux. » « Vous avez des noms en tête ? » « Bien sûr. Nous verrons si nous sommes en accord. » « Bien. » Il sourit. « Néanmoins, je ne plaisantais pas, tout à l’heure. J’aimerais vous inclure dans votre projet. » Je soutins son regard. Dedans, il y avait quelque chose d’étrangement hypnotisant. J’avais l’impression d’entendre les instruments qu’il jouait habituellement résonner depuis ses yeux. Il y cachait des secrets. Un désir foudroyant naquit en moi. Je souhaitai jouer avec lui. Mon expression resta de marbre. « Si je venais à contrôler la musique, nul ne sait quel dégât pourrait en résulter. » « Le Chaos en serait ravi. Moi aussi. » Je souris enfin. « Je suis un piètre musicien. Je me vois dans l’obligation de décliner. »

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Jeu 10 Sep 2020, 16:57



Les marionnettistes



Avant de commencer à aborder les tâches confiées par l’Empereur Noir, j’avais décidé de lui faire éprouver mon art. Il n’était jamais venu à l’un de mes spectacles. Ce serait chose faite d’ici quelques minutes, à la levée du rideau. J’espérais qu’il serait là. Il apprécierait. Je ne doutais pas du fait qu’il survécût à cette épreuve. Il avait dit être un piètre musicien mais je ne le croyais pas. Il jouait deux instruments. Ses doigts appelaient le piano et il avait une gestuelle particulière qui me faisait déduire qu’il jouait également du violon. N’importe quel autre musicien serait passé à côté mais je n’étais pas n’importe qui. La musique me parlait et ses murmures chuchotaient à mon oreille que l’Empereur Noir et moi-même avions beaucoup en commun. La mélodie nous conférait des frissons, nous emportait et nous poussait à la création. Un air qui n’éveillait qu’une vague émotion chez les autres créait des torrents sensationnels au creux même de notre âme. Nos esprits tremblaient face à la beauté de la symphonie. Elias Salvatore avait menti. Pourquoi ? Je ne l’aurais dit à personne s’il m’avait avoué jouer d’un quelconque instrument. Cette non-vérité me hantait depuis notre rencontre. J’étais certain qu’il l’avait senti, lui aussi, ce lien entre nous. Il y avait quelque chose qui dépassait tout ce que j’avais expérimenté jusqu’ici. Je voulais jouer en sa compagnie. Néanmoins, faire sortir l’Ultimage de son refus était une entreprise aussi risquée que complexe. Je le voulais pour moi et moi seul, l’enfermer avec moi dans un théâtre macabre où nous aurions pu tuer tous ces êtres qui ne méritaient pas d’écouter notre art. Car il s’agissait de ça : je les éliminais, mes spectateurs, à cause de leur faute de goût, de leurs oreilles imparfaites, de leur manque de sensibilité. Ils croyaient déceler les merveilles de mon jeu mais ils n’avaient aucune idée de leur étendue. C’était comme jouer pour des sourds : insupportable. Pourtant, lui, Elias, j'en étais sûr, savait écouter. Notre lien, aussi fou qu’il pût paraître, et j’en étais convaincu, était plus fort que le reste. Il venait tout juste de naître mais résonnait déjà dans mon esprit comme la plus prometteuse des aventures.

Lorsque le rideau se leva afin de me dévoiler enfin, j’étais seul sur la scène. Aucun instrument ne m’entourait, du moins, pour l'instant. Mes yeux brillèrent et l’équivalent d’un orchestre apparut. Je jouais tout, grâce à la puissance de ma magie. Mon regard chercha le sien. Je le trouvai sans peine. Je le ressentais. Mon monde était fait d’émotions, de sensations. Je désirais danser avec son esprit, le toucher profondément, autant que l’inverse était vrai. Je ne l’avais pas entendu jouer mais la mélodie que sa personne dégageait était faite d’une brillante complexité. Il était un requiem à lui seul, une symphonie menant à la mort, faite pour célébrer cette dernière. Il m’avait envoûté et j’avais composé ma dernière œuvre en quelques jours, rien que pour lui. Il serait à moi. Je répondrais à la perfection à ses attentes, si bien qu’il ne pourrait plus se passer de moi. Il m’offrirait ses secrets, sa vie, son corps, son âme. Nos idées et pensées ne feraient plus qu’une. Rien ni personne ne pourrait se placer entre nous parce que les autres n’auraient jamais la possibilité de le comprendre aussi bien que moi. Si j’éveillais la musique en lui pour de bon, nous deviendrions, ensemble, les marionnettistes d’un monde fade que nous rendrons plus coloré, des couleurs du sang, des larmes et des cris. Regarde bien, mon amour, le Chaos que je vais provoquer pour toi.

Les lumières qui m’éclairaient rendaient mon visage terrifiant. Mes yeux brillaient d’une étrange lueur, celle de la folie créatrice. Un étrange instrument finit par apparaître devant moi. Il semblait irréel, construit dans une technologie avancée. Le son qui en sortit créa une dysharmonie dans l’ensemble, sans que celle-ci ne fût dérangeante. Les spectateurs ressentirent mon pouvoir jusque dans leurs entrailles. Je n’avais plus qu’à souhaiter pour faire se mouvoir leurs corps devant mes yeux. Prends ce couteau et tue-le. Oui, vas-y, égorge-la. Fais honneur à l’Ultimage des Ténèbres. Je souris, pris dans les délices du mal. Laisse-toi gangréner et meurs. Crie, hurle à t’en déchirer les tympans. Disparais dans la souffrance.

Alors que le sang maculait le sol, mon regard rejoignit pour la deuxième fois celui du Roi. Son esprit résistait au mien, ce qui me fit rire sur la scène de leurs cauchemars, à tous. Il plierait, parce que notre lien serait bien plus fort que ses réticences. Je le rendais curieux, d’autant plus à présent. Je pourrais servir ses desseins, parce que j’en avais la puissance et l’envie. J’essayai de faire danser sa silhouette, comme celle des autres, sans y parvenir. Je voulais le toucher, au sens propre comme au figuré. Il se leva, les bras le long du corps. Il ne bougea pas plus mais le sourire satisfait sur ses lèvres en disait long. Pour moi, c’était le début d’une très longue coopération, sur bien des plans. Il serait à moi et, ensemble, nous honorerions Ethelba comme jamais elle ne l’avait été par le passé.

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Kaahl Paiberym
Ven 11 Sep 2020, 14:23



Les marionnettistes



« C’est tout ? » demandai-je, en relevant les yeux vers lui. Cyrius sourit. L’intérieur de ses iris était toujours aussi perturbant, un mélange parfait entre le génie et la folie. « Les bons musiciens sont rares et les personnes capables de contrôler la musique d’autant plus. Nous ne sommes pas aussi talentueux que les Sirènes ou les Orines dans le domaine. À moins que vous n’en souhaitiez dans votre armée ? » Je ne répondis pas. Il se doutait que la réponse était négative. Il ne semblait pas raciste mais tout ce qu’il était dépassait toute rationalité. Il vivait dans son propre monde et, par le plus grand des hasards, celui-ci m’avait été ouvert. Je le sentais. Il y avait quelque chose entre lui et moi, qui dépassait de loin le simple désir. C’était bien plus fort, étouffant presque. « Vous allez bien ? » finit-il par me questionner. « Lux in Tenebris. » dis-je simplement, avec un naturel qui faillit créer la surprise sur mon visage. Heureusement, mon contrôle était quasi-parfait. Son regard me sondait. Je le soutins quelques secondes avant de me plonger de nouveau dans les dossiers. « J’imagine qu’une section de l’armée composée de vingt personnes est toujours un bon début. » conclus-je, avant de signer le document principal pour y figurer mon accord.

« Vous invitez souvent vos collaborateurs dans vos appartements ? » finit-il par me demander. Nous étions tous les deux dans l’un de mes salons, dans le palais. « Non. » répondis-je, sans préciser davantage. « Vous auriez pu passer par un subalterne pour régler cette question, n’est-ce pas ? » Il y avait quelque chose d’extatique en lui. Il jubilait presque de sa position. Pourtant, il était aussi dérangé par le flot de ses propres émotions. Ça se voyait aux mouvements frénétiques de ses doigts. « Je voulais connaître vos choix. » « Pourquoi est-ce que ça vous tient tellement à cœur, vous qui n’êtes pas musicien ? Comment avez-vous eu l’idée ? » Il était comme un enfant, sans aucun filtre. Il posait les questions comme elles lui venaient. J’aurais pu être n’importe qui qu’il aurait agi de la même façon. Son talent était noyé dans le spectre d’une personnalité aux multiples troubles. Pourtant, son jeu me hantait. « L’instrument présent lors de la représentation, quel est-il ? » Il se mit à rire. Je n’avais, encore une fois, pas répondu à ses questions mais il semblait ne jamais s’en formaliser. « Un instrument que j’ai inventé. » Il plaça son index sur ses lèvres un court instant, pris dans une réflexion soudaine. « J’ai toujours détesté la dysharmonie et les répétitions dans la musique, celles qui viennent créer la frustration. Pourtant, ce sentiment de malaise a quelque chose d’envoûtant. Je voulais un instrument capable de venir casser l’harmonie sans briser l’ensemble de la mélodie. Je désirais créer une douce douleur, qui rendrait addict. » C’était équivoque. Mes yeux parcoururent les parties visibles de son corps. Aucune trace de sévices. S’il était masochiste, il effaçait parfaitement les conséquences de sa pratique. Je songeai que sa souffrance n'était pas physique. Sans doute était-elle psychologique. « C’est plutôt réussi. Le son m’a surpris mais il se mariait à la perfection avec le reste. Le rythme du mouvement des corps magnifiait l’ensemble. » Ces spectateurs, qu’il tuait, faisaient office d’instruments, également. Je l’avais deviné facilement, au cœur de ses prunelles.

« Pèèèère ! » Un mauvais pressentiment naquit dans ma poitrine à l’arrivée de Réta dans le salon. Ma grand-mère avait une croissance rapide et elle courait partout avec désinvolture. Il y eut un léger bruit, un son cassant, et son corps tomba inerte sur le sol. Mon regard rencontra celui de Cyrius. Le trouble que j’y lus fut tellement profond qu’il m’ébranla un instant. Il y avait, à l’intérieur de lui, une jalousie et une possessivité que je n’avais jamais ressenti à un si haut degré. Il ne culpabilisait pas mais la peur de me perdre prit le pas sur le reste. J’inspirai et posai mes deux mains sur la table. Je croisai les doigts. « Vous et moi devons mettre en place des règles claires, à commencer par l’interdiction de tuer les membres de la famille royale. Sinon, je devrai vous faire exécuter. » « Oui. » dit-il, le souffle court. Il ne comprenait pas mon absence de colère. Il ne le pouvait pas. Quelques secondes plus tard, un énorme phénix rougeoyant sortit du corps sans vie de Réta. Il s’éleva légèrement dans les airs avant de fondre de nouveau sur elle. Un nourrisson en pleine santé apparut dans les cendres de son passage. Je laissai l’enfant par terre pour admirer les flammes du phénix briller dans les iris de Cyrius. À l’intérieur de son esprit, une symphonie était en train de se créer.

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Kaahl Paiberym
Ven 11 Sep 2020, 14:39



Les marionnettistes



« J’ai entendu dire que l’Empereur Noir passe beaucoup de temps avec Cyrius Windsor. » « Peut-être préparent-ils une célébration ? » « Il devrait y avoir un concours de musique sur Lagherta, oui. » « Mais quand même. Il passe vraiment beaucoup de temps avec lui… » Ses interlocutrices regardèrent la jeune femme. L’une d’elle fronça les sourcils. « Je ne sais pas ce que tu cherches à sous-entendre mais, je serais toi, je ne le prononcerais pas à voix haute. » La conversation fut déviée sur un autre sujet. L'Ultimage des Ténèbres avait tué l'Oracle du Chaos après tout.

Je me mis à courir. J’étais bien trop excité pour réussir à le cacher. Les émotions se précipitaient dans mes veines et portaient mon corps au-delà de mes pensées. Lui, se contentait de marcher, sans poser la moindre question. J’aurais aimé qu’il se montrât curieux. Pourtant, le lien qui nous unissait me suffisait amplement. Ma musique ne voulait plus lâcher la sienne. C’était une alchimie particulière, que j’aurais pu reconnaître entre un milliard. Il m’était particulier. Je haïssais ceux qui l’entouraient tous les jours, surtout ceux qu’il chérissait un peu. Penser que l’Empereur Noir pût ressentir des sentiments positifs pour des êtres pouvait être difficile mais je savais que c’était le cas. Je jalousais ces personnes. Elles ne le méritaient pas. Lui savait écouter et apprécier. J’étais heureux d’avoir éliminer cette gamine à la voix insupportable. J’étais encore plus heureux qu’il ne m’en eût pas tenu rigueur. Je comprenais pourtant que les choses s’étaient déroulées ainsi grâce à la faculté de résurrection du cadavre. Depuis, je réfléchissais. Je pensais qu’une symphonie de plusieurs jours, où les morts reviendraient à la vie avant de périr de nouveau et de renaître, serait un spectacle magnifique. Il me faudrait chercher des spectateurs capables de se relever. Je ris. J’avais déjà tout en tête. Les idées tournaient en boucle et, plus elles le faisaient, plus il devenait urgent que j’accomplisse mon dessein. Mais avant…

« Tada ! » m’exclamai-je, d’une voix à l’intonation parfaite. Il n’y avait rien de nasillard dans mon timbre. Il était chaud, plein. Mes yeux se plongèrent dans les siens. Je l’avais fait marcher quelques temps au cœur de Nementa Corum. Nous étions bien plus monstrueux que la plupart des créatures qui y vivaient. Sur une colline, j’avais téléporté un piano que j’avais fait construire spécialement pour lui. Je sentis la barrière de ses mensonges se tendre. Il avait envie de le toucher, de faire courir ses doigts dessus, de le caresser, mais il resta immobile, silencieux. « Je me suis dit que vous auriez envie d’essayer de jouer d’un instrument au moins une fois dans votre vie. Il est à vous. Vous pouvez en faire ce que vous voulez. » Elias rebutait la plupart des Sorciers. Son physique était plus âgé que celui de la plupart des Empereurs Noirs du passé. Les rumeurs à son sujet étaient horribles. Les faits venaient d’ailleurs les corroborer. Il se plaisait à être antipathique. Pourtant, la musique ne mentait pas et ce que je sentais faire vibrer les cordes de sa vie avait un visage différent. Le mal y demeurait, impitoyable, stratégique et patient, mais il y avait bien d’autres nuances.

Il s’avança et s’assit sur le côté droit du banc. Il posa ses doigts dessus et appuya sur une note gauchement. Le son qui en résulta attaqua mes tympans. Au lieu de grimacer, je souris. Il l'avait fait exprès. « Je peux vous montrer. » dis-je, en m’asseyant à gauche. C’était la première fois que nos corps se frôlaient. L’alchimie n’en devint que plus forte. Ma musique avait envie de se mêler à la sienne. Ensemble, nous pourrions embraser le monde. Il me résistait, pourtant. « Allez-y. » dit-il. Je souris encore et commençai à jouer une mélodie à un niveau de rapidité qui dépassait l’entendement. Si, au début, la perfection incarna la musique, je finis par disséminer des faussetés, sans le regarder. Je ressentis son agacement, comme lorsque j’avais corné l’un des parchemins placés devant moi lors de la signature des dossiers. Il était maniaque. Il le cachait mais ça produisait un trouble dans sa mélodie interne. J’intensifiai les erreurs, jusqu’à ce qu’il attrapât ma main avec la sienne pour la bloquer, vivement. « Je ne suis pas musicien. Cela ne veut pas dire que je ne remarque pas les impuretés. » Je frissonnai. « Pardonnez-moi. Je désirais simplement vérifier votre niveau auditif. C’est dommage que vous ne pratiquiez pas parce que ce que j’ai joué de faux n’est perçu que par environ un pourcent de la population. Parmi ces gens, l’on retrouve les musiciens qui ont commencé très tôt et les personnes qui ont un esprit brillant et vif, capable de découper chaque note individuellement sur une partition complexe. Ma vitesse de jeu est trop rapide et les notes trop nombreuses pour que n’importe qui remarque des erreurs qui se comptent en fractions de secondes de décalage, surtout sans connaître le morceau au préalable. » Je souris. Sa poigne s’était desserrée. J’en profitai pour ôter ma main délicatement, en caressant ses doigts au passage. Ses ongles étaient parfaitement coupés, son hygiène irréprochable. Je rêvais du moment où il m’avouerait être pianiste. « Vous devriez garder vos distances. » me conseilla-t-il. « Bien sûr. » dis-je.

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Kaahl Paiberym
Ven 11 Sep 2020, 16:05



Les marionnettistes


« Comment ça, il a refusé ? » « C’est ce que dit la lettre Comte Windsor. » Je n’aimais pas les refus, surtout lorsque tous avaient accepté à l’exception de ce Magicien. Ma mélodie interne s’en retrouva perturbée. J’aurais pu m’en rouler par terre et hurler jusqu’à ce que la frustration ne passe. « Non non non ! » criai-je, en me levant. « Je vais aller le chercher. Tout doit être parfait ! S’il figurait sur la liste des préférences de l’Empereur Noir et qu’il ne vient pas, il pensera que je ne l’ai pas invité. » Pris d’un élan de panique, ma chaise en tomba par terre. Rien ne devait se mettre entre l’Ultimage et moi, jamais. Il n’était pas là et j’avais l’impression de ne plus être complet. Je voulais le voir ! J’avais préparé un programme particulièrement détaillé pour l’armée, avec la liste des cours, des lieux, des vêtements, des instruments et tout un tas de détails inutiles aux yeux des autres mais que lui saurait apprécier. Son absence était comme un vide, un silence bien trop long qui aurait pu faire penser à l’auditoire que la mélodie était terminée. Elle ne l’était pas. « Lodicia Marivaux a accepté et elle est musicienne de métier ! Je ne vais pas laisser un Baron gâcher mes projets ! » Mon interlocuteur était en train d’étouffer sur le côté. En m’en rendant compte, je relâchai la pression sur sa gorge. Ma magie avait tendance à éliminer mon entourage sans réellement me demander mon avis. « Excusez-moi. » dis-je, pour qu’il me pardonnât mon acte mais également pour lui signifier mon départ. S’il fallait que je traînasse le cadavre de Kaahl Paiberym jusqu’à Lagherta et que je contrôlasse son corps pour le faire jouer quand même, j’allais m’y employer.

Il faisait un temps de chien. La pluie s’abattait sur mon chapeau haut de forme. J’étais néanmoins enfin arrivé au château du Baron Paiberym. L’orage grondait dans le ciel et la nuit avait fait place au jour depuis quelques minutes déjà, les dernières lueurs s’effaçant sur les reliefs du Duché de Darin. J’avançai jusqu'à la porte et frappai. Le battant s’ouvrit sur une jeune fille aux cheveux bleus qui me regarda, intriguée. Son cœur rata un battement. Elle se mit à rougir et à bafouiller. Elle était sans le moindre intérêt. « Bonsoir, je suis ici pour rencontrer le Baron Kaahl Paiberym. » « Euh c’est que… Il est… Enfin, il est dans sa chambre pour jouer et euh… Il vous attendait ? Parce qu’il n’aime pas vraiment les visites surprises… Enfin… Oh mais ne restez pas dehors… Je… vous apporte une serviette ? » « Oui, faites ça. » Je la regardai disparaître dans un couloir. Deux secondes plus tard, les premières notes résonnèrent à travers les murs. Un long frisson parcourut ma peau. Je bougeai et m’engageai dans l’escalier, afin de me rendre à l’étage, d’où provenait la mélodie. J’avançai sans un bruit jusqu’à l’embrasure de la pièce d’où sortait le son. Mes doigts effleurèrent le bois. C’était triste et beau à la fois, lent. Mon cœur se serra. J’imaginai deux enfants perdus sous une pluie torrentielle, au milieu des cadavres qu’aurait engendrés une guerre. Les familles détruites, les espoirs éteints et cette solitude omniprésente, malgré la présence de l’autre. C’était aussi le prix à payer d’un talent exacerbé, d’une différence. Je l’avais ressentie toute ma vie, l’isolation. Personne ne voyait ce que je voyais, n’entendais ce que j’entendais. Les sens de ceux qui m’entouraient n’étaient pas aussi réceptifs, leurs attentes pas aussi profondes. Sur le seuil de la chambre du Baron Paiberym, je me perdis dans mon imagination, bien plus développée que celle de la plupart de mes semblables. Je m'égarai dans ma mélancolie. Les images filèrent, nombreuses et, finalement, l’évidence se dévoila. Ce qui était caché se révéla. Les mensonges disparurent. J’appuyai sur la poignée et laissai la porte s’ouvrir. Il était de dos, vêtu d’une chemise parfaitement ajustée. Je m’approchai et refermai la porte sur la fille aux cheveux bleus avant qu’elle n’ait eu le temps de l’atteindre. Je ne voulais surtout pas qu’il cessât de jouer. Je ne voulais pas qu’elle nous dérangeât. Je m’assis sur la banquette et fixai son profil un instant. Ses yeux étaient perdus sur les touches. Un sourire étrange apparut sur son visage, sans qu’il ne cherchât à me regarder. Il n’y avait rien de plus à dire. Il jouait sur le piano que j’avais offert à l’Ultimage et n’importe qui de sensé se serait insurgé de voir ainsi un inconnu chez lui. Aucune question ne me vint tant l’air me captivait.

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Ven 11 Sep 2020, 17:57



Les marionnettistes


« Cendre ? » « Oui ? » La Magicienne se tenait juste derrière la porte. Elle était curieuse vis-à-vis de Cyrius. J’oubliais parfois l’effet que mes connaissances pouvaient avoir sur mon entourage immédiat. « Le Comte Cyrius Windsor va dormir ici ce soir. J’aimerais que tu restes dans ta chambre s’il te plaît. » « Oui, d’accord. » Je n’avais pas besoin de magie pour que la jeune fille m’obéît. Il valait mieux ne pas l’exposer. Le musicien était instable et sa magie néfaste. Lux in Tenebris, en moi, désirait se raccrocher à lui. Nous avions trop en commun pour qu’elle l’ignorât. « C’est un ami à vous ? » me demanda-t-elle, en essayant de l’apercevoir. Il avait pris ma place au piano et jouait une mélodie qui changeait sans cesse de rythme et d’atmosphère. Tantôt triste, tantôt joyeuse, elle visitait parfois la sensualité et côtoyait d’autres fois une rudesse quasi-militaire. « Absolument pas. C’est un Sorcier. J’ai refusé une invitation qu’il m’a envoyée récemment et il est venu s’enquérir de la raison de mon refus. » « Il est beau. » laissa-t-elle échapper. Je penchai légèrement la tête sur le côté, surpris, avant de me mettre à rire. « Les génies ont souvent une aura envoûtante, tout comme les psychopathes. » Il ne l’était pas, psychopathe. Il ressentait bien trop pour ça. « Je préférerais que tu t’en tiennes éloignée. » Je voyais bien qu’il l’avait totalement chamboulée. S’il avait le pouvoir de créer chez moi un désir, quel qu’en fût la nature d’ailleurs, il avait celui de faire d’elle sa marionnette sans aucune difficulté. Néanmoins, je le connaissais suffisamment maintenant. Cendre n’avait aucun talent. Elle pouvait être touchée par la musique mais pas autant que lui. Elle faisait partie de ses spectateurs, ceux qui le décevaient à ne pas percevoir l’étendue des variations et des teintes en provenance de sa musique. En refusant son invitation, je savais qu’il viendrait. Je n’avais pas songé qu’il pût le faire si rapidement. Je m’y attendais pourtant, d’où mon manque de surprise. Je ne pourrais pas me débarrasser de lui, plus maintenant. Il ne se lasserait jamais de moi. Je n’avais pas envie qu’il se lassât.

Je croisai les jambes après avoir pris mon verre de whisky. Lui m’imita, installé dans le fauteuil qui faisait face au mien. Dans ses yeux, sa magie dansait. « Vous jouez de la musique depuis longtemps, Baron Paiberym ? » me demanda-t-il, avec l’expression et le ton d’un enfant qui jouait à faire comme si. « Depuis l’enfance. C’est ma tante, une Sorcière comme vous, qui m’a appris. Mes frères étaient très peu intéressés. » « Je vois. Et vous n’avez jamais eu envie d’en faire votre profession ? » « J’ai dû faire des choix lorsque j’étais adolescent. » dis-je. « Disons que l’occasion ne s’est jamais présentée. » À quinze ans, j’avais commencé à jouer les Magiciens afin de m’intégrer chez les ennemis de mon peuple. Sans doute aurais-je pu lier les deux à bien y réfléchir. Je m’étais simplement montré doué dans l’enseignement et avais suivi ce chemin parce qu’il avait été celui qui me permettrait de maîtriser au mieux la Magie Bleue et la Magie de la Lumière. J’avais dû faire beaucoup d’efforts pour y parvenir. Pratiquer chaque jour tout en apprenant aux étudiants avait renforcé mes connaissances en la matière, en plus d’étouffer légèrement la Magie du Sang et celle des Ténèbres. La tendance s’était renversée de nouveau avec mon couronnement, ce qui me posait quelques difficultés actuellement, sans parler de l’étendue de mes capacités. Rester stable n’était facile en rien et je me rendais régulièrement sur les îles que j’avais achetées pour permettre au tout de se répandre sans aucune entrave.

Cyrius sourit puis trempa ses lèvres dans l’alcool avant de remonter son regard vers moi. J’avais l’impression agaçante mais rassurante à la fois qu’il arrivait à me sonder. C’était de plus en plus rare. Je restai de marbre. « J’aimerais que vous veniez sur Lagherta, que nous puissions jouer quelque chose ensemble… Magicien contre Sorcier. » Le sourire que je lui envoyai fut éclatant. Je me mis à rire, mon verre contre ma lèvre inférieure. Il sourit à son tour, amusé par autant de comédie. « Lumière contre ténèbres. » murmurai-je, avant de boire. « Vous à l’harmonie et moi à la dysharmonie. Nous pourrions nous affronter, à qui réussira à faire sombrer l’autre. » Ce ne serait certainement pas nous qui sombrerions. Il y eut un silence. « Je suppose que c’est comme pour la famille royale. » avança-t-il hors contexte. « Oui. » répondis-je. Je savais parfaitement à quoi il faisait référence. Interdiction formelle de tuer mon entourage, ici ou ailleurs. « Je ne sais pas si j’y arriverai. » avoua-t-il comme on avouerait son amour. Il y avait plus que cela entre nous. Il n’y avait aucun filtre. C’était limpide et les mensonges et les non-dits semblaient devoir s’incliner devant le lien particulier qui nous unissait. Il était aussi génial que fou. Je me demandais ce que j’étais dans l’équation. Il y avait cet univers de sentiments et de sensations qui nous étreignait grâce à la musique. Nos créations et envies musicales semblaient s’imbriquer parfaitement. Il me paraissait tellement évident que nous n’avions besoin d’aucune partition pour composer la symphonie de notre union chaotique. J’avais l’impression que sa mélodie pouvait ébranler jusqu’à mon âme elle-même. J'aimais ça.

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Lun 14 Sep 2020, 16:53



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Mes yeux détaillèrent les formes de son dos. Il était penché sur le lit, à mettre en place les draps sans user de magie. Ses doigts parcouraient les tissus avec précision. Le fait qu’il fût maniaque ressortait bien plus qu’à Amestris. Il ne le cachait pas ici. À le fixer, je me fis la réflexion que ce corps devait être le véritable. Il lui allait bien mieux que celui d’Elias. Je souris. « Baron Paiberym ? » « Oui ? » répondit-il, en se retournant après avoir vérifié le pli de la taie d’oreiller. « Vous considérez-vous comme un bon musicien ? » Il resta silencieux deux secondes. « Je pense que jouer de la musique est l’une des choses que je fais le mieux ou, du moins, que je préfère faire. » Il se retourna pour amener la couverture par-dessus les draps. « Les émotions que je ressens en jouant ont le mérite d’être véritables. En plus de ça, jouer m’apaise. Parfois c’est comme vitale. » « Lorsque vous êtes malheureux ou en colère ? » Il ne répondit pas. « J’aime la forme de votre mâchoire. » affirmai-je, en changeant de sujet. Il rit doucement, sans me remercier, avant de se redresser pour de bon. « Le lit est prêt, Comte Windsor. » dit-il. « Pour répondre à votre véritable question, oui, je fais partie de ma propre liste. Je ne crois pas que cela soit prétentieux puisque vous-même m’avez invité. » « Et vous avez refusé. » « Je savais que vous viendriez réclamer mon acceptation. » « Comment ? » Je savais comment. Je désirais simplement qu’il l’avouât. « Les Sorciers, contrairement aux Magiciens, acceptent très difficilement de se voir refuser quelque chose. » Il ne se confiait pas. Je me mis à rire. « C’est sans doute ça, rien d’autre. » « Sans doute. » Je sentais mes émotions étreindre ma poitrine. Je me fichais qu’il fût vieux ou moche, jeune ou beau. Il m’attirait pour la mélodie qui résonnait au fond de lui. Les nuances étaient des chefs-d’œuvre. Il y avait bien plus qu’un entrelacement de bien et de mal, de chaos et d’ordre. C’était quelque chose de particulier et, irrémédiablement, il y avait en lui une forme de tristesse à l’intensité presque mortelle. « Bonne nuit Comte Windsor. » « Bonne nuit Baron Paiberym. » Mes yeux suivirent le chemin de sa silhouette jusqu’à la porte. Il l’ouvrit et disparut derrière. Un sourire amusé se forma sur mon visage, avant de disparaître totalement lorsqu’une pensée se fraya un chemin jusqu’à mon esprit. Deux identités, au minimum. Kaahl était connu et, si j’en croyais les rumeurs, il était en couple. Si je le voulais pour moi, il faudrait le détourner de ses fantaisies, le tout sans tuer personne ou, du moins, pas directement.

Je fixais le plafond. Il y avait autre chose en Cyrius qui m’attirait, au-delà de son talent. Je ne m’en étais pas rendu compte tout de suite mais, petit à petit, en y réfléchissant, j’avais fini par comprendre de quoi il s’agissait : son sang. Jamais il n’avait eu une quelconque relation sexuelle. Je me doutais de la raison. S’il fonctionnait réellement comme je l’imaginais, il n’aurait jamais pu l’entreprendre avec une personne quelconque à ses yeux. Tout était une question d’alchimie musicale pour lui. Son amour et son désir allaient au-delà du simple plaisir que pouvaient procurer les caresses et les baisers. Je souhaitais planter mes canines dans sa gorge mais je ne pouvais m’y résoudre. Je craignais de briser le fragile équilibre de notre relation. « À quoi est-ce que vous pensez ? » Mes yeux s’étaient agrandis davantage. Je tournai la tête vers lui. Comment avait-il fait ? Sans que je ne sentisse ni sa magie ni sa présence ? Il sourit. « La chambre d’amis ne vous plaisait pas ? » questionnai-je. Il rit, la tête sur l’oreiller. « Je ne suis pas votre ami. » « Qu’êtes-vous alors ? » Il rit de nouveau. La situation semblait lui plaire. Sa folie se lisait dans la lueur d’espièglerie de son regard. « Je crois que nommer les choses n’est pas vraiment une nécessité. Les expliquer leur fait même parfois perdre de leur intensité. Les mots sont du poison. Mais dîtes-moi quand même à quoi vous pensiez avant que je n’arrive. » Je ne pouvais pas lui donner tort.

Je changeai de position pour me tourner sur le côté. Ma main se referma autour de sa gorge et mes doigts caressèrent sa peau. Je souris. « Je pensais que je désirais me nourrir de votre sang mais que ce ne serait pas sage de le faire. » « Vous pouvez. Une partie de moi se trouverait en vous ainsi. Il n’y a rien qui pourrait me faire plus plaisir, à l’exception de l’union de notre art. » Je sentis qu’il était sincère. En réalité, il n’y avait pas que ça. J’étais à peu près certain que si je lui avais avoué désirer le dévorer vivant pour ne plus faire qu’un avec lui, il aurait accepté. « Pas maintenant. » soufflai-je difficilement, au plus grand damne du Vampire en moi. Il fallait que je contrôlasse mes pulsions. « Vous devriez retourner dans la… » Il venait d’attraper l’une de mes mains. Ses yeux fixaient mes doigts avec un attrait si intense qu’il en était malsain. Il les porta à ses lèvres et en embrassa un, puis un deuxième, avant de me lâcher. Je m’approchai et murmurai à son oreille. « Je veux que vous deveniez le Merlfide. Réfléchissez-y dans la chambre d’amis. »

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Lun 14 Sep 2020, 21:06



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« Bienvenue à Lagherta ! » Je m’avançai au centre de la zone. Les festivités avaient lieu au cœur de la cité de Var, à l’ouest de l’île. Les recherches avançaient lentement. La faune et la flore possédaient des propriétés qu’il était rare d’observer ailleurs. Quant aux nuages, ils demeuraient un véritable mystère. Je me raclai la gorge. Je n’aimais pas parler en public. Je préférais les petits comités. J’entendais les racontars au creux de la foule. « C’est Cyrius Windsor. Il paraît qu’il a été nommé Chancelier des Ténèbres récemment… » « Il a une drôle de posture… Pourquoi est-ce qu’il bouge ses doigts ainsi ? » « C’est le directeur du conservatoire d’Amestris. » « Il tue les gens lors de ses spectacles, c’est horrible… » « J’ai de la famille chez les Sorciers. Il paraît qu’il passe plus de temps avec l’Empereur Noir que l’Elzagan lui-même. » « Deux esprits aussi fous, ça ne m’étonne pas. Ils se sont bien trouvés. » « Il est beau. » « Ses yeux sont magnifiques… On dirait qu’il y a de la magie à l’intérieur, tu ne trouves pas ? » « Je me demande bien ce qu'ils peuvent manigancer ensemble... » « C'est peut-être son bâtard. »

J’amenai mes mains à mon visage et le frottai doucement. J’étais vêtu d’un costume bleu roi aux broderies dorées. « Euh… Est-ce que… » J’amenai mon index sur mes lèvres, mon pied droit tapotant nerveusement sur le sol. « Chut ! » dis-je soudain. Il y eut un courant dans l’air, quelque chose de diffus. Le silence s’installa totalement. Un chien aboya mais le son ne retentit pas. Je souris. Parfait. « Je disais… Qu’est-ce que je disais ? Ah oui ! Oui ! Vous êtes beaucoup et je dois vous présenter les épreuves. Je préférerais ne pas le faire mais l’Ultimage des Ténèbres me l’a demandé et j’aime beaucoup le Grand Chaos. Disons que je n’ai pas envie de me retrouver sur le gibet de potence. » Je ris, soudain hilare, en serrant mes propres doigts autour de ma gorge pour mimer l’acte, la langue sortie. Je repris mon sérieux. « Je préférerais… » Je m’interrompis. J’avais égaré le fil, mes pensées partant déjà se perdre dans les souvenirs des yeux dorés du concerné. J’étais en train de lui composer plusieurs morceaux. Notre lien les méritait amplement. J’étais comme un adolescent fou d’amour, même si ce n’était pas réellement de l’amour adolescent, justement. C’était dangereux et malsain, complet et prégnant, entier et puissant. J’avais envie de disparaître en lui, de ne faire qu’un. Mon index et mon majeur tapotèrent mes lèvres. Je relevai soudain le regard. « Oui donc… Si vous n’avez pas signé les documents à l’entrée de Lagherta, comme quoi vous ne devez pas vous en prendre à l’environnement sous peine de finir écartelés en place publique, il faudra le faire. Elias Salvatore tient à cet endroit. » Je devais dire quelque chose d’important, mais quoi ? Parler devant tous ces gens me mettait mal à l’aise. Je n’étais pas fait pour parler. J’étais fait pour jouer de la musique, m’exprimer à travers ma magie et mes instruments. « Si je sais ! » m’exclamai-je soudainement. « Il n’est pas là, le Roi. » Je souris. « C’est bête la vie… Il a été retenu pour une affaire de… Comment a-t-il dit déjà ? Je ne sais plus mais ce n’est pas très ragoutant. Je ne préfère pas vous faire vomir mais ça n’a rien à voir avec des enfants… C’est sur… Non, vraiment, je ne sais plus. » Je ris. « La royauté vous savez, ce n’est pas facile tous les jours. C’est comme la maladie, finalement » Comparaison somme toute particulière.

Après quelques secondes qui durent paraître une éternité à mon auditoire silencieux, je bougeai les bras. J’avais l’air d’un épouvantail aux membres mous. En dehors de mon domaine de compétence, j’étais très mauvais. La foule me donnait des tics et des tocs. Parfois, mon œil gauche tressautait. « Vous euh… Vous allez pouvoir jouer les uns à la suite des autres puis il y aura des sortes de duels. » Je ris. J’avais imaginé ça et j’en étais fier. « S’il y a des Humains vous ferez de la musique de façon classique. Pour les autres, l’objectif sera de… Vous voyez, c’est comme la peinture mais avec de la musique et de la magie. » Ce n’était pas clair. « Le but c’est de montrer votre univers. » Je m’humectai les lèvres. « Sans tuer l’autre. Sauf si l’autre est d’accord. Le consentement c’est important ! » Je me mis à rire nerveusement. J’avais envie de tous les assassiner. Il n’y avait pas que les musiciens de génie. Il y avait également des apprentis. J’allais passer des jours particulièrement éprouvants. J’avais peur aussi. J’allais jouer en compagnie de Kaahl et j’étais aussi impatient qu’effrayé à cette idée. Je voulais que ce fût parfait, une apothéose mais aussi un commencement. Je voulais que notre duo défrayât la chronique, que chaque journal parlât de ce moment, où un Magicien et un Sorcier avaient joué ensemble une mélodie parfaite.

Comme j’avais de nouveau perdu le fil, mon corps s’étant immobilisé comme un automate ayant besoin d’être remonté, un air perplexe se dessina sur le visage de certains spectateurs. Je sursautai. « C’est tout. Tss. Tss. » dis-je, en faisant un geste de la main droite, pour leur faire signe de retourner vaquer à leurs occupations. Le son revint.

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Kaahl Paiberym
Mar 15 Sep 2020, 22:58



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« Lagherta est réellement un bel endroit, Duc Windsor. » Mes yeux étaient ancrés dans ceux du gamin qui se tenait devant le Baron Paiberym. Celui-ci aussi me fixait. Sa musique intérieure était trop pure pour qu’elle ne me fît pas tiquer. Pourtant, Kaahl en était le père, contrairement aux autres. J’en étais convaincu. Je relevai le regard. « Oui, n’est-ce pas ? L’Empereur Noir désire transformer tous les territoires de notre peuple afin qu’ils ressemblent à celui-ci. » « Intéressant. Et comment compte-t-il s’y prendre ? » Je souris. Ce jeu de dupe m’amusait grandement, même si j’éprouvais un malaise grandissant à l’observer exister au milieu de ses enfants adoptifs. Je n’aimais pas le lien qu’il se plaisait à conserver avec eux. Pourquoi ? Je pouvais le comprendre mais pas l’accepter. Pourtant, ses identités rendaient sa personne unique. Je souhaitais simplement être le plus important dans sa vie. Était-ce trop demandé ? N’était-ce pas ce qu’il désirait, lui-aussi ? « C’est un secret qu’il n’a malheureusement pas voulu m’avouer. Contrairement à ce que racontent les rumeurs, il ne se livre pas vraiment à moi. Peut-être une future collaboration avec les Ygdraë ou les Faes. » « Je vois. Vous ouvrez vos frontières. C’est assez rare pour le noter et s’en réjouir, même s’il serait mieux avisé de rendre la Terre Blanche aux Anges comme gage de bonne foi, si vous voulez mon avis. » Je ris. « Peut-être que cela viendra. Une chose à la fois. Les traditions sont longues à changer. » « C’est vrai. » J’entendis ma propre inspiration retentir dans ma tête. Ce garçon m’interrogeait. « C’est votre fils ? » finis-je par demander. Nous étions en public, il n’était pas question de poser les questions directement, même si mon impatience à savoir pouvait se ressentir aisément. « Oui, tout comme les autres. » « Je ne vous savais pas… » « Je les ai adoptés. » dit-il. « Pourtant celui-ci vous ressemble vraiment. » insistai-je. Il sourit. « On ne me l’a jamais dit auparavant mais tant mieux. » « Oui. » Non. « C’est vrai que les autres enfants ne risquent pas d’être trop curieux à l'école, ce qui ne sera pas le cas vis-à-vis de ces trois Humains. Comment s’appellent-t-ils ? » « Sjar, Asîlah et Hélène. » dit-il, en me désignant les bambins. Ils étaient plus jeunes, avec des ailes.

Le soir, il me rejoignit dans la maison que j’occupais. Je délaissai mon instrument et me précipitai vers la porte. Lorsque je le vis apparaître, je l’attirai à l’intérieur et refermai. Je m’appuyai contre le battant. « C’est votre fils, n’est-ce pas ? Vous l’aimez plus que les autres. » « Je n’aime aucun de mes enfants plus que les autres. » dit-il. « C’est ce que vous croyez mais il y a un lien entre vous et lui que les autres n’auront jamais. » Que je n’aurais probablement jamais. La marée de mes émotions grondait en moi depuis que nous nous étions quittés l’après-midi et ni le spectacle mêlant musique et végétation qu’avait offert une Ygdraë, ni la pratique de mes instruments n’avaient réussi à l’apaiser. J’étais comme fou. J’avais besoin qu’il me rassurât, chose qu’il ne semblait pas disposé à faire. « Je reviens. » finis-je par articuler, la gorge sèche. Être moi était problématique. Une simple phrase, une simple impression, pouvait me faire chavirer pour de bon. La même chose était valable dans l’autre sens. Limiter les interactions à de simples connaissances m’aidait à ne pas sombrer. Mais lui… Lui…

Je finis dans la salle de bain, devant le lavabo. Mon reflet apparut dans la glace. Je n’osai pas affronter mon double et, comme s’il avait raison de me juger avec dégoût, je me souvins que j’avais oublié de parler de la présence souhaitée à Lagherta des Magiciens qui le voudraient lors de mon discours introductif. Il devait me haïr. Je ne le méritais pas et pourtant, il devait être à moi. C’était ainsi. « Je… » Pris d’une pulsion de mort, je cherchai mon rasoir, remontai mes manches et m’entaillai les veines à grands coups assassins. Le sang gicla autour de moi. J’avais sans doute l’air d’un ahuri, les yeux écarquillés, perdu dans mes pensées et ma peine. Je voulais de son temps. Je voulais son attention. Je ne demandais rien d’autre. Je voulais que les émotions que je ressentais à son égard fussent réciproques. J’attrapai mes cheveux entre mes doigts. Je ne comprenais pas mon geste, ni même mes motivations. C’était trop puissant pour que je supportasse l’idée qu’il pût me tourner le dos, d’une manière ou d’une autre, avec cet enfant, cette Ange ou n’importe qui qui ne le mériterait pas. Personne ne le méritait, à part moi. Pourtant, mon sang coulait et je le laisserais couler jusqu’à ce qu’il arrivât et me sauvât. S’il le faisait, alors les Ætheri étaient de notre côté. S’il ne le faisait pas, ça voudrait dire que tout ceci, le lien, cette boule à l’intérieur de ma poitrine, tout, n’existait pas.

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Mer 16 Sep 2020, 10:25



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J’inspirai, une envie soudaine et puissante m'étreignant. L’odeur du sang était facilement reconnaissable et le Vampire que je pouvais devenir, et qui restait en moi contre ma volonté, s’agitait à chaque fois qu’elle faisait son apparition. Je plissai les yeux. Entre le désir de boire le liquide de vie, ma raison était en train de se frayer un chemin. Rien ne justifiait cette présence. Si Cyrius avait tué quelqu’un avant que je n’arrivasse, je l’aurais senti plus tôt. De façon rapide, les images et les sons de nos derniers moments passés ensemble me parvinrent : son regard sur Lucius, son insistance, ses mimiques. Mon expiration retentit jusque dans mon esprit. Je fus pris d’une pulsion soudaine, de vie, à son égard.

La porte de la salle de bain s’ouvrit à la volée, sous la pression de ma main. Si je n’avais aucune idée, au préalable, d’où il était parti, mon instinct de chasseur m'avait guidé jusqu’à son corps. Il s’écroula au moment même où j’entrai, emportant avec lui une coupelle en porcelaine qui contenait un savon et un bol rempli de cotons. Ma silhouette le suivit sur le parquet rapidement. Son sang se répandait çà et là. La Couronne de la Nuit ne se trouvait pas sur ma tête mais, pourtant, une hésitation fugace me traversa : celle de porter l’un de ses poignets jusqu’à ma bouche pour en sucer l’hémoglobine. Mes paumes se positionnèrent sur ses blessures fermement et je laissai Umbra in Lucem opérer afin de refermer les plaies. Ça ne lui rendrait pas ce qu’il avait perdu mais le plus urgent restait de faire cesser le flux. La lueur au fond de ses yeux ne me lâchait plus. Un sourire étrange éclaira son visage. J’étais contrarié, à cause de ce qu’il venait de faire et à cause de la peur qui faisait actuellement trembler mon être. C’était rare qu’elle fût aussi intense concernant les agissements d’autrui. Mes angoisses naissaient le plus souvent à l’intérieur de mon esprit, à cause de moi, à cause de mes propres actes. J’avais peur de mon pouvoir, pas qu’un abruti de Sorcier fût tellement attaché à moi qu’il fût capable de s’ôter bêtement la vie, en se coupant les veines qui plus est. N’importe qui aurait sans doute cru à une tentative ratée d’utiliser la magie des runes mais, moi, je savais.

Les battements de mon cœur produisaient un rythme puissant et rapide. Il rit, comme s’il l’entendait. Il l’entendait, comme j’entendais la mélodie du sien. Mon cerveau, en analysant froidement la situation, me murmura de ne pas lui donner ce qu’il voulait. Il me fallait être ferme, lui interdire de recommencer. En théorie, j’aurais dû l’aider, le conduire vers des professionnels de santé qui auraient su comment agir. J’aurais dû me protéger moi-même, afin d’écarter le cercle vicieux qui ne manquerait pas de menacer notre relation. En théorie, oui. En pratique, je m’écartai du bon chemin. Les Ténèbres ne m’habitaient pas pour rien. Je voulais juste rester près de lui, avec lui et lui promettre de ne plus rien lui cacher à l’avenir. Rien ne justifiait mes mensonges. Plus je restais en sa présence et plus je comprenais les rouages de son monde. Petit à petit, la même flamme de magie s’emparait de mon regard. Je désirais connaître son univers et le partager avec lui, toucher sa perfection musicale et saisir la teneur exacte de ce qui nous liait. Il était très différent d’Adam ou bien de Laëth, malgré ce que le rejet et l’abandon avaient engendré de fragile chez la dernière. Je ne l’aimais pas de la même manière, tout en étant bien incapable de définir exactement mes sentiments à son égard. Je songeai qu’en abaissant la totalité des barrières que j’avais construites au fur et à mesure de mon existence, lui et moi pourrions ne faire qu’un, tout en restant distincts.

Quelques minutes plus tard, nous étions tous les deux assis l’un à côté de l’autre, dans son salon. Finalement, j’avais alerté un médecin. Un procédé magique nous liait. Mon sang coulait lentement depuis mes veines jusqu’aux siennes. Il me fixait. « Je ne sais pas comment l'expliquer. » dit-il. Je lui souris. « Ce n’est pas la peine. » « La bonne nouvelle c’est que votre réputation va en sortir renforcée. » « Un Magicien qui sauve un Chancelier des Ténèbres, de l’encre va couler, c’est certain. » « Un musicien qui en sauve un autre. » rectifia-t-il. Comme un enfant, il préférait vivre selon la version qui l'arrangeait. « C’était intelligent de justifier votre présence chez moi par notre besoin de répéter pour demain. Vous avez été subtile. » « J’étais chez vous pour une autre raison ? » demandai-je, joueur.

Lorsque la transfusion fut terminée, le médecin revint afin de ranger son matériel. Il nous souhaita une excellente soirée et s’éclipsa. La présence de Cyrius le mettait mal à l’aise. Je semblais être le seul à l’apprécier véritablement en dehors de ses spectacles et de ses fonctions. Je ne savais rien de lui. Cette constatation me percuta soudainement, comme si je venais de me prendre une porte-vitrée dans le nez J’avais été le Kamtiel longtemps. J’étais Roi, à présent. J’aurais dû savoir et, pourtant, en cherchant dans mes souvenirs, je ne me remémorai aucune trace d’un quelconque rapport concernant sa vie privée. « J’aimerais que vous restiez dormir. » La magie dansait dans ses iris. « Si ça venait à se savoir, nous dirions que vous étiez trop fatigué pour repartir. » J’eus envie de rester. J’acquiesçai.

Mes yeux contemplaient Cyrius. L’une de mes mains était liée à l’une des siennes. Il dormait profondément, ses cheveux blonds en bataille entre son oreiller et mon bras. Il était tourné vers moi, accroché à moi, et sa respiration venait percuter le tissu de mon haut. Il fredonnait dans son sommeil et ses phalanges bougeaient dans un rythme que l'absence de conscience rendait chaotique et non perceptible. Il n'y avait pas que sa vie que j'avais envie de partager, ses rêves aussi. Le Chaos qui l'habitait était beau. Je voulais m'y laisser glisser et m'y perdre.

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Mer 16 Sep 2020, 12:58



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« J’ai entendu dire qu’il aurait essayé de se suicider. » « Ça aurait été terrible. Ça a beau être un Sorcier, sa musique est unique. » « C’est le Baron Kaahl Paiberym qui l’a sauvé, à ce qu’il paraît. » « Oui. Je les ai vus ensemble plusieurs fois, les jours précédents. » « Je crois qu’ils doivent s’affronter. Attendez, je vais jeter un œil aux duels prévus aujourd’hui. » « Ma sœur se fait des idées sur eux. Elle est vraiment infernale. » « Il y a beaucoup d’idées sur Cyrius. Cyrius et Kaahl, Cyrius et l’Empereur Noir, Cyrius et Val’Aimé. » « C’est n’importe quoi. L’homosexualité n’est pas tolérée chez les Mages Noirs. En plus de ça… Cyrius et Elias Salvatore ? Ce serait… » « Dégoûtant. » « Il est trop jeune pour le Roi. De toute façon, ce ne sont que des racontars. Cyrius Windsor a de bonnes raisons d’être au contact de ces hommes. » « Oui et le Baron Paiberym va sans doute se marier avec Laëth Belegad. » « Ce serait tellement bien. » « Ah ça y est ! Je l’ai ! Ce sera ce soir, au coucher du soleil. » « Il faudra y aller. Je me demande ce que ça donnera. » « S’ils peuvent jouer. Le Baron a dû lui transférer une partie de son sang. » « Une chance qu’ils aient été compatibles. » « Oui, c’est vrai. Nous irons voir et si jamais ça a été annulé, on ira manger un morceau à Var et nous renseigner sur les dernières recherches concernant la faune et la flore de Lagherta. »

Je m’avançai lentement sur le miroir d’eau qui avait été installé au sol. Cette représentation serait remplie d’illusions, je n’en doutais pas. Nous n’avions préparé que le début à l’avance, l’entrée. Les musiciens pouvaient se rencontrer préalablement à chaque duel, afin de discuter de leurs limites respectives et des instruments qu’ils joueront. Le reste devait être de l’improvisation, un mélange de musique et de magie. Je souris, me remémorant la matinée. Je m’étais réveillé avant Cyrius et l’envie tenace de boire son sang était apparue. J’étais monté sur lui et m’étais emparé de ses poignets afin de les maintenir sur le matelas. Il s’était réveillé juste à temps pour me voir plonger vers son cou. J’y avais enfoncé mes dents et j’avais bu, sans même commencer le règne du Vampire. Il avait fait pareil et, depuis, nous avions chacun la trace de cette folie ancrée dans la chair. Il n’avait rien dit. Moi non plus.

Alors que je marchais sur le faible niveau d’eau, deux ailes immaculées dans le dos, mon reflet, lui, ne renvoyait pas mon image. Il s’agissait de Cyrius, habillé de la même façon. Seules ses ailes étaient différentes : noires. L’eau finit par se geler et un craquement sonore et désagréable retentit aux oreilles des spectateurs, conséquence de la brisure de la glace. Le coucher de soleil disparut un court instant, comme le reste, en se fondant dans les ténèbres les plus complètes. Lorsque tous retrouvèrent la vue, Cyrius et moi-même étions suspendus au-dessus du miroir d’eau, face à face, les pieds posés sur des rondins de bois. Il tenait un alto dans les mains. Je tenais le violon qui m’avait été offert par l’enfant. Nous nous positionnâmes dans un mouvement symétrique. Mes yeux rencontrèrent les siens. La même lueur se trouvait dans nos deux regards. Il semblait que de la musique en sortait, des sons diffus, au creux du doré de nos iris. Lorsque les archets furent poussés sur les cordes, la magie se déploya, celle de mon instrument mais pas seulement. L’eau réagit autour de nous, répondant au passage invisible de ce que notre imagination pouvait bien produire. Les plumes de nos ailes tombèrent sur l’eau, illusion relayée par la télékinésie pour créer les effets escomptés. La musique de Cyrius était conquérante. La mienne incarna la douceur jusqu’à l’apparition de cadavres, qui se relevèrent des flots cristallins. Là, mes mouvements prirent un tournant bien plus rapide et intense, le tournant de la résistance. Des chevaux lumineux apparurent, montés par des cavaliers aux ailes immaculés. Mon archet me servit d’arme de tête. Je le pointai vers l’armée de morts-vivants afin de motiver mes troupes. Cyrius me copia, sans que jamais la musique ne cessa de retentir. Plus que cela, d’autres instruments apparurent autour de nous, sur la surface de l’eau et dans les airs. Des percussions vinrent conférer un rythme grave et profond au tout. Le piano, lui, resta muet. Les combattants s’entre-déchirèrent dans des mouvements fluides, semblables à une danse. Le Bien jouait avec le Mal et le Mal lui répondait avec élégance. La mort que l’un et l’autre se donnaient revêtait la beauté des scènes qui ne pouvaient exister en vrai. L’art avait cela de particulier qu’il ne s’embêtait jamais de la vérité. Seules les limites de l’imagination le restreignaient. Cyrius naviguait dans son propre univers et ses portes m’étaient grandes ouvertes. Mon esprit rationnel s’y réfugia afin de se dégager de ses chaînes et de retrouver sa totale liberté. Je représentais la Lumière. Il était l’Ombre.

L’instrument de son invention apparut. Ses notes résonnèrent et créèrent un ravin d’incertitude et de malaise. La justesse de la dysharmonie me saisit. Le paradoxe naquit sous son contrôle, le miracle d’aimer quelque chose qui paraissait contre-nature, ne pas devoir exister. Les flammes de la destruction supprimèrent nos armées respectives. Les cendres de leur existence passée se dissipèrent dans l’eau. Les rondins avaient brûlé, nous déposant sur le miroir. Nous avançâmes l’un vers l’autre mais, au lieu de nous rejoindre, nous nous croisâmes. Un instant, sa silhouette cacha la mienne, tout comme la mienne cacha la sienne, selon le point de vue. Un sourire fait de ténèbres apparut sur mes lèvres. Lui, semblait bien plus lumineux. Nous avions échangé nos rôles. La musique se fit bien plus sombre de mon côté, alors que la volonté de contribuer au Chaos s’immisçait progressivement dans l’esprit des spectateurs. Cyrius réduisit la distance qui nous séparait. Nous étions libres de tout instrument. Il m’attrapa à la gorge, fermement. Des ailes lumineuses réapparurent dans son dos juste avant que les pulsions destructrices de la foule ne cessassent.

Il y eut un silence, quatre temps de vide sonore. Dans nos yeux, l’amour apparut. Mon visage se pencha vers le sien sans que jamais nos lèvres ne se touchassent. L’une de ses ailes lumineuses se noircit alors qu’apparurent, entre mes omoplates, les mêmes membranes disparates. Les percussions reprirent, unissant le bruit des cœurs des spectateurs en un même rythme, commun à tous. Le suspens, l’attente, le délice créé par leurs sens et leurs volontés, alors que nous nous dirigions vers le piano, jusqu’ici délaissé. Nous nous assîmes et commençâmes à jouer, avec une coordination si parfaite qu’il nous aurait fallu des jours d’entraînement pour arriver à un tel résultat. C’était naturel et, ce sentiment, jamais je ne l’avais ressenti avec quelqu’un d’autre. Je pris réellement conscience que Cyrius me suivrait jusqu’au bout du monde, dans la réalité ou non, dans la vie ou dans la mort. Sur le clavier, nos auriculaires se frôlèrent dans une caresse discrète. La douceur du morceau fit disparaître le reste et seule l’eau continua à se mouvoir dans des spirales et des formes fragiles et éphémères. Lorsque nous finîmes, la nuit était tombée et seules des fragments de Magie Bleue nous éclairaient.

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Mer 16 Sep 2020, 16:59



Les marionnettistes


« Cyrius Windsor est vraiment devenu l’ombre de l’Empereur Noir… » « Je me demande s’il rentre chez lui parfois. » « Bien sûr, et le Grand Chaos est rarement à Amestris. » « Oui mais quand il y est, le Chancelier Merlfide n’est pas loin. » « J’ai entendu dire qu’ils étaient en train de créer une nouvelle section à l’armée. En plus, comme le Merlfide doit officier lors de nombreuses cérémonies, c’est obligatoire qu’il en parle avec le Roi. » « Je pense qu’ils s’entendent simplement bien, même s’ils n’ont rien en commun. Ça fait plusieurs fois que Cyrius Windsor s’exprime à la place d’Elias Salvatore. » « Étant donné ce qu’il se passe lorsque l’Ultimage des Ténèbres prend la parole, il vaut peut-être mieux qu’il prenne des intermédiaires. » Mes interventions étaient rarement suivies d’une bonne nouvelle. Les rares fois où j’avais discouru, des nobles s’étaient faits écorchés, entre autres événements traumatisants. J’avais monté l’illusion d’un homme aux nombreux mystères et cela faisait des décennies qu’Elias voyageait sans que nul n’en sût plus. Il me fallait de quoi couvrir mes arrières. Je ne serais pas le Roi de l’apparat. Je serais le monstre tapi dans les ténèbres, celui que personne ne voulait voir apparaître, celui qui était porteur de drames et de souffrance.

À Caelum, des discours similaires prenaient place. « Je ne sais pas ce que le Baron Paiberym trouve au Comte Windsor. » « C’est pourtant évident. Je n’y étais pas mais il parait que leur duel à Lagherta s’est terminé en union. Ils étaient tellement coordonnés que Lodicia Marivaux en a pleuré. » « Mais c’est un Sorcier… » « Ce ne serait pas le premier Magicien à devenir ami avec un Sorcier. C’est sûr qu’ils ne doivent pas être en accord sur tout mais la musique les réunit. » « Je ne sais pas. » soupira la jeune femme. « Ils se sont rendus tous les deux à Cael il y a quelques jours et ils avaient l’air de s’entendre à la perfection. » « Tu les as vus ? » « Non mais on me l’a raconté. » « Les gens parlent beaucoup dans le vide. Peut-être que c’est autre chose. » « Comme quoi ? » « Peut-être qu’ils travaillent sur une union culturelle entre les Sorciers et les Magiciens ? » « Le Merlfide serait allé voir l’Eliassen directement dans ce cas. » « Peut-être que… Peut-être que le Baron Paiberym va devenir l’Eliassen ? » « Ne dis pas n’importe quoi. Il vient juste de rejoindre l’armée ! » « Ce n’est peut-être pas incompatible. » « Non ! Il faut qu’il devienne le bras droit de l’Ultimage ! » « Arrête de fantasmer sur ce couple. C’est vraiment déplacé… » « Moi, au moins, je ne fantasme pas sur Cyrius et Kaahl. » « Je ne… Ils sont juste séduisants et... » « Vous êtes bêtes. » Les trois fautives se mirent à rire après un petit silence surpris. « Et tu penses à quoi toi ? » « Je pense que Judicaël Halloy a chargé Kaahl Paiberym d’enquêter sur ce qu’il en est au niveau de la Terre Blanche. Cyrius et lui ont un point commun qu’il peut exploiter pour poser des questions discrètement. » « Tu devrais vraiment écrire un livre. Ton imagination est débordante. » « Au moins, moi, ce ne serait pas un livre pour filles niaises avec des histoires à l’eau de rose mais un livre politique, avec des rebondissements. » « C’est chiant les livres politiques. Il y a déjà la réalité pour nous rappeler qu’elle existe. »

« Tada ! » Un sourire en coin apparut sur mes lèvres lorsque Cyrius fit cette déclaration. Il aimait annoncer ses surprises de la sorte. Après avoir ouvert la porte de sa nouvelle demeure, il s’était donc exclamé, avec une lueur joueuse dans le regard. J’entrai, une longue cape trainant derrière ma silhouette rachitique. Elias avait un corps maigre qui me satisfaisait d’une certaine manière. J’avançai. Un tapis rouge était posé sur le sol. Le reste de la pièce baignait dans un liquide de la même teinte, à quelques notes près. Des cadavres avaient été dispersés dans la salle, dans des positions particulières qui rappelaient celle des musiciens d’un orchestre. Mon regard croisa le sien. Il était habillé de blanc mais ses vêtements étaient tâchés, ce qui indiquait que son massacre était récent. Ses iris me renvoyèrent une mélodie diffuse qui fit écho à celle qui se joua dans les miennes. Nous partagions à présent cette magie, une magie difficile à faire taire. Dans mon esprit, les choses avaient changé. La musique me hantait. Il me hantait.

Un petit cri étouffé attira mon attention. Au centre de son salon, une colonne maintenait immobile une jeune femme. J’avais senti sa présence dès le moment où j’étais entré. Elle faisait partie de la surprise. La mise en scène était belle. Je m’humectai les lèvres et fis apparaître la Couronne de la Nuit entre mes doigts. Je la posai sur ma tête. Mon regard se fit plus perçant. Je m’avançai vers elle, mes mouvements accompagnés de la musique que joua Cyrius sans avoir à bouger. Il n’avait aucun instrument dans les mains. Il me suivit, silencieux, jusqu’à la captive, une jeune femme vierge et appartenant à un peuple bénéfique. Je souris, avant de me pencher sur son cou. Le Sorcier se mit à rire discrètement. Ses doigts caressèrent mon dos un instant avant qu’il ne les glissât sur elle. « Tu devrais te sentir honorée. » lui murmura-t-il, avant de me rejoindre dans son cou. Il la mordit à son tour. Il y avait pris du plaisir la première fois. Depuis, il nourrissait une obsession malsaine pour le sang, ce qui s’illustrait également dans ses spectacles. La musique s’intensifia lorsque j’ôtai le bâillon de notre victime. Nous voulions l’entendre crier pour magnifier la symphonie.

979 mots
Fin
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