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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Dim 26 Juil 2020, 12:12



Objectif : Récupérer la Couronne des Rêves dupliquée.
Rp précédent : Le Grande Fessetival de la Charité

Un monde en cendres, un monde en ruines. Toucher sa joue et embrasser ses lèvres. Cesser d’exister. Me perdre dans le néant. Faire cesser la douleur.

« Intéressant. » J’ouvris les yeux. J’étais dans le Monde des Rêves. Devant moi, un homme singulier se trouvait. Blond, il fumait en me fixant d’un air narquois. « Vous en voulez ? » me proposa-t-il, en désignant sa cigarette. « Non merci. » « Tendu, même en rêve. » « Ce n’est pas uniquement mon rêve. » J’avais raison. Je ne maîtrisais pas autant que d’habitude, ce qui signifiait qu’il avait un contrôle sur le monde onirique plus important que celui que j’exerçais en temps normal. En baissant les yeux sur mon corps, je me rendis compte que j’étais quelque peu différent de d’habitude. J’étais sombre, de ténèbres qui allaient bien plus loin qu’une simple noirceur de peau. C’était comme si la lumière refusait de m’habiter, par peur de cesser d’exister. Pourtant, à quelques endroits de mon anatomie, un doré lumineux ressortait. Mon cœur en était recouvert. « Ce sont vos blessures. » Il y avait des artères de doré, des veines et des vaisseaux beaucoup plus petits, presque invisibles. « Il y en a beaucoup. » précisa-t-il. « Vous en avez même une sur le nez, qui date de votre enfance, lorsque vous êtes passé sous la glace à cause de ce chat mais, surtout, de vos frères. » « L’amour fraternel n’a jamais bercé ma vie. » « Et vous espérez que ce sera différent avec Devaraj. » compléta-t-il, sans que cela ne me dérangeât. Il maîtrisait le rêve, il maîtrisait mes ressentis, ce que je trouvais normal ou non. Ma lucidité n’était pas totale. « Peut-être. Depuis que j’ai ses souvenirs en tête, ma vie a doublé de complexité. Je sais que ça n’ira pas mieux avec le temps. » Je me tus un instant.

« Je crois être assez vieux pour réaliser que toutes les expériences qui ont accompagné mon existence ont laissé des traces indélébiles. À vrai dire, je ne sais pas ce qui m’effraie le plus : m’effondrer sous la pression ou ne plus rien ressentir. » Mon regard fuit vers l’horizon, avant de se reporter sur lui. « Je sens la folie m’envahir. Je ne contrôle plus les ténèbres, pas comme je le voudrais. Pourtant, je désire réellement devenir Empereur Blanc. Ce n’est pas négociable. J’ai besoin que la Magie de création soit plus puissante que la Magie de destruction mais je ne peux pas prendre de risques. » Le rêve me servait bien souvent à réfléchir. « Me changer en Ange ou en Réprouvé ou même en Déchu… Toutes ces choses ne sont pas compatibles avec l’existence que je mène actuellement. L’Ange cherche à duper le mal en moi. Le Vampire n’est pas discipliné, en plus d’être maléfique. Le Réprouvé est bien trop turbulent. Le Déchu… » Je ris, légèrement désenchanté par ce que la Bague faisait de moi : une personne bordélique, instable, violente et autodestructrice. J’avais conscience que ce n’était pas pour rien. Le Déchu évacuait mes frustrations. « J’ai besoin de pouvoir jouer la comédie, sans être soumis à Lux in Tenebris, le temps pour Umbra in Lucem de devenir plus puissante. » analysai-je, ce qui fit sourire mon interlocuteur. C’était pour cette raison qu’il était là. « Je vous ai entendu, la dernière fois. » « Quand ? » demandai-je. Il aurait pu me le faire savoir directement. « Lorsque vous avez demandé si vous pouviez devenir un Génie de temps en temps. » Il ne me laissa pas répliquer. « Je peux vous offrir une solution. Elle ne mettra pas fin à vos maux et elle ne sera pas parfaite, mais votre pouvoir de création sera bien plus important que celui que vous avez actuellement, tout en effaçant Lux in Tenebris et la Valse Destructrice. » Je le fixai, sentant qu’il était aussi fourbe que je l’étais moi-même. Peut-être qu’entre individus faits de souffrances, nous nous comprenions ? Peut-être que son offre n’était pas tant guidée par un quelconque opportunisme ? Avais-je le choix, de toute façon, moi qui étais actuellement plongé au cœur d’un Monde qui ne m’appartenait pas vraiment ? Voulais-je avoir le choix ? Je l’avais déjà de façon totale en dehors du rêve. Pourtant, malgré mon statut de Roi, je savais que j’avais, comme tout le monde, des limites, des peurs et des faiblesses. Les chats, mes enfants, Adam, Laëth, les Ætheri, le poids de mes responsabilités… et, surtout, moi-même.

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Kaahl Paiberym
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Kaahl Paiberym
Lun 27 Juil 2020, 11:49



« Je vous ai entendu jouer plus d’une fois. Nous pourrions le faire ensemble. » me dit-il, comme le silence commençait à s’éterniser. Mon souffle caressa mes lèvres en douceur. Ma main se leva. Je fis apparaître un piano à queue. Il créa un violoncelle. Je pensai un instant à celui que j’avais offert à Laëth et mon cœur se gonfla d’un sentiment de mélancolie, comme si je l’avais déjà perdue à jamais. J’étais certain que ce jour arriverait, tout comme celui où Adam cesserait de placer sa vie entre mes mains. Je finirais seul, trop occupé, trop dangereux, à gouverner un château de cartes qu’une brise pourrait faire s’effondrer d’un seul coup. Je n’étais pas heureux, ou rarement. Je n’étais peut-être pas fait pour l’être. Pourtant, entre mes nuits blanches et les tourments de mon âme, lorsque je sortais de la noirceur, les rayons du soleil n’en étaient que plus chaleureux. Ma pensée trouva un écho, lorsque des nuages grisâtres qui recouvraient jusqu’ici le ciel du rêve, la clarté me parvint. Mon corps était, pourtant, toujours sombre. Seules mes blessures brillaient de mille feux, mises en lumière. Je m’installai au piano et attendis que mon interlocuteur fût prêt pour commencer à jouer. Nous pouvions discuter d’un même temps. « Il s’agit d’un artefact, que vous m’offrez, n’est-ce pas ? » « Oui. Un artefact qui est une réplique imparfaite de la Couronne des Rêves. » « Imparfaite ? » « Je ne sais pas en quoi elle l’est. Personne ne l’a jamais portée. Quelqu’un l’a abandonnée dans l’un des rêves de ce monde. » Je souris, en regardant mes doigts s’enfoncer dans l’ivoire des touches. « Si vous m’en parlez, je suppose qu’il n’est pas accessible si facilement. » « Non. Une épreuve y est liée. Il faudra visiter cinq autres songes avant que les portes de celui-ci en particulier ne vous soient ouvertes. »

Comme je l’avais fait avec ma future épouse, je transformai l’endroit, pour en faire un lieu agréable. Le Génie, s’il en était un, me laissa faire. Je le créai pour moi cette fois, parce que j’en avais envie. Malgré la noirceur de mon cœur, j’aimais la beauté, la lumière, le bien-être. En tant que Sorcier, j’étais habitué à ressentir le contraire enserrer mes tripes. Pourtant, à vivre proche des Magiciens, j’avais pu développer des envies différentes, un besoin de clarté, une plus grande ouverture d’esprit et, sans doute, une tolérance plus importante que la plupart de mes semblables. Pourtant, ma magie avait une influence sur mon comportement que je ne pouvais ignorer. Je ne pouvais pas décider d’être bon, tout simplement. Mes actions pouvaient l’être de temps en temps mais mon esprit était bien trop opportuniste. J’aimais tromper, abuser et détruire. Mon cœur n’était pas insensible à la souffrance. Le tourment des autres, parfois, me tourmentait aussi. Tout dépendait. « La vérité c’est que vous ne savez pas du tout ce que vous êtes, au fond. » résonna soudain la voix de l’entité. Ce n’était pas la première fois que j’entendais pareil discours. Mes propres réflexions se reflétaient dans cette phrase. « C’est vrai. Parfois, j’ai l’impression de ne pas exister, d’être comme un rêve que l’on aurait décidé de reproduire un court instant dans la réalité. C’est comme si, demain, sans préavis, je pourrais m’évanouir dans le néant. » Je me tus. « Les choses se sont renforcées avec les souvenirs de Devaraj, les connaissances que j’ai acquises et mes changements de race fréquents. Le Destin, les Esprits, les Chamans, le Cycle, les Rehlas, les Ætheri… C’est comme si mon monde de matérialité ne me suffisait plus mais, d’un même temps, j’ai conscience qu’en savoir davantage me pousserait dans des contrées mortifères. L’ignorance n’est pas si mal. C’est douloureux de prendre conscience que mes propres choix ne m’appartiennent pas. C’est douloureux parce qu’il n’y a pas d’échappatoires. Je pourrais me laisser mourir par esprit de contradiction mais je sais parfaitement que cela aussi, aurait été écrit à l’avance. Il ne me reste rien. Je ne suis qu’un pantin du Destin et il n’y a rien que je ne puisse faire contre lui. Je ne peux qu’oublier. » Ma voix était douce, basse. Elle n’était en rien le reflet de la lourdeur de mes paroles, de la profondeur de mon mal-être. « Lorsque je tenais Laëth dans mes bras, je n’ai pu m’empêcher de penser qu’il n’y avait aucune gloire à l’avoir séduite. Au-dessus de ma tête, quelqu’un l’a simplement livrée en pâture pour une raison que je n’explique pas, quelqu’un a décidé qu’elle souffrirait. Pourquoi ? » demandai-je. « Est-ce que les Dieux s’amusent à inventer des histoires ? Est-ce qu’ils l’ont placée sur ma route pour une raison, parce qu’elle doit en arriver à me tuer ? Parce qu’elle doit me faire changer ? Parce que je dois la déchoir ? Ou est-ce simplement une volonté aléatoire, pour que les hommes et les femmes qui n’ont pas atteint leur degré d’omniscience se posent des questions à s’en damner ? » Il ne répondit pas. Sans doute n’avait-il pas les réponses. Peut-être n’était-il qu’un reflet de mon imagination, un autre moi plus calme.

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Kaahl Paiberym
Lun 27 Juil 2020, 13:30



Les souvenirs oubliés ne sont pas toujours insignifiants. L’esprit se protège en déformant la réalité, en gommant les traces, les marques.

Le corps de ma mère en était couvert. Assise sur la table, la bretelle de sa robe tombait sur son épaule. Malgré les ecchymoses, elle était belle. Ses cheveux l’étaient, bruns, ondulés, relâchés. C’était un style qui ne convenait que très peu à la mode des Sorciers mais, au sein de la demeure, elle pouvait bien s’habiller comme elle le souhaitait. Elle en était encore la maîtresse. Pour combien de temps ? Elle semblait infiniment triste, parce que son mari était un monstre de cruauté et qu’il la frappait depuis qu’une once de bonté s’était installée dans son cœur, depuis qu’elle lui préférait ses enfants. Je ne voyais son visage qu’à moitié mais je sentais sa mélancolie. Je la fixais avec les yeux de l’admiration et de la tendresse, ce même regard que je lui lançais jadis, lorsque je n’étais pas encore adulte, ni même adolescent. Je ne pouvais pas regarder ma propre mère à la façon dont un homme regarde une femme. Elle était comme sacrée, entourée d’un halo lumineux, empli de douceur. Pourtant, je savais qu’elle était très loin de faire l’unanimité dans la fratrie, aujourd’hui. Lagherta passait pour une traîtresse, parce qu’elle était devenue une Magicienne, elle qui était pourtant la femme d’un Chancelier des Ténèbres. Zachary était mort des années plus tard, tué dans la guerre opposant les Sorciers et les Ondins. Ma mère, elle, avait disparu bien avant. Savoir que j’observais son rêve, actuellement, me conférait un sentiment difficile à décrire ou ne serait-ce qu’à comprendre. C’était comme si le temps n’avait eu aucun effet sur elle, comme si je pouvais lui prendre la main et lui murmurer quelques mots. Qu’aurais-je pu lui dire ? « C’est moi, maman, Kaahl. Je suis désolé de ne pas avoir pu te protéger lorsque tu avais besoin d’aide, je suis désolé d’avoir été la cause de ta perte. » J’aurais aimé la prendre dans mes bras, pour qu’elle pût sentir ma solidité. « Regarde, je suis fort, maintenant. Tu n’as plus rien à craindre pour moi. Tu n’es pas obligée de rester avec lui pour me protéger. Tu n’es plus obligée de maquiller ta peine, de cacher tes tourments. Tu peux fuir cette maison terne que tu détestes. »

Fuir, c’était justement ce à quoi elle était en train de réfléchir, les yeux posés sur des roses banches. Elle ne voulait pas le faire seule, elle désirait nous emmener avec elle. Ce rêve, qui était celui d’une trépassée, reflétait les tentatives de la réalité. Mes souvenirs fleurissaient de nouveau dans mon esprit, toutes ces fois où elle était entrée vêtue d’un manteau dans ma chambre et où, après un silence, après de légers frémissements de son menton, elle avait finalement renoncé. Une fois, elle m’avait pris par la main, afin de « faire une promenade ». Elle était pressée, instable, et j’avais oublié mon jouet. Elle avait eu beau me dire que ce n’était pas grave, que je le retrouverais en rentrant, sa fébrilité m’avait tellement bouleversé que je n’avais rien voulu entendre. Je m’étais campé sur ma position, à vouloir ce morceau de tissu sans véritable importance. Qu’était un jouet face à la liberté ? Seulement, enfant, je n’avais jamais compris la situation. Elle essayait de se sauver, de me sauver, de nous sauver. Les choses auraient-elles été différentes si elle avait réussi ? Aurais-je été bon ?

« Maman, qu’est-ce que tu fais ? » Elle leva les yeux vers moi, sans me voir. C’était un enfant qu’elle observait à ma place, celui-là même qui venait de traverser mon corps invisible et impalpable. Elle sourit et, dans un geste tendre, ébouriffa la tignasse qui se trouvait au sommet de ma tête. « J’ai cueilli des fleurs et je viens de les mettre dans un vase, pour égayer un peu la maison. » « Je peux les sentir ? » « Oui, bien sûr. » dit-elle, en attrapant l’objet afin de l’amener au niveau de mon nez. « Waa ! Ça sent trop bon ! » « J’en mettrais dans ta chambre si tu veux. » « Huuumm… Non merci. » « Ah ? » « Je n’aime pas trop. » « Mais tu viens de dire que ça sentait bon. » « Oui mais je trouve ça trop triste de les couper et de les enfermer dans un vase. C’est comme une prison. » Elle me regarda un instant et se mit à rire. « Dis-moi, Kaahl, tu ne serais pas un Ygdraë déguisé en Sorcier par hasard ? » « Un Ygdraë ? Berk non ! » « Allez file, mon petit Ygdraë ! » Devant ma mine encore plus dégoûtée, son rire retentit de nouveau. Une fois que je fus parti, son sourire se fana progressivement et ses yeux se gorgèrent de larmes. Elle allait bientôt se réveiller, pour demeurer, pourtant, dans un cauchemar.

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Kaahl Paiberym
Lun 27 Juil 2020, 15:29



« Si vyr io ni, gowno ! » Ne me suis pas, déchet ! Les mots claquèrent. « Io Arzak ni sil ! » Je ne t’aime pas ! Encore plus durement. « Sil esqar ni do lahney ! » Tu ne mérites pas de vivre ! La femme tourna les talons, laissant l’enfant sur place, estomaquée quelques secondes. La douleur qui fendit son cœur se répandit dans le mien à une vitesse effrayante. Pourtant, la fillette n’était pas du genre à abandonner si facilement. Elle serra ses petits poings, prit une mine décidée et s’élança à la suite de sa mère, en l’appelant pour qu’elle se retournât, en lui disant qu’elle l’aimait, elle, qu’elle serait prête à faire tout ce qu’elle voudrait pour qu’elle pût de nouveau la suivre. Mais rien n’y fit. Les choses empirèrent lorsque sa génitrice se retourna. La lame de sa hache passa à quelques millimètres de l’oreille de sa fille. Une mèche de cheveux tomba sur le sol, doucement. Sans se préoccuper plus de l’enfant, elle se remit à marcher, à grands pas, dans l’unique objectif de la semer. Elle retrouverait sa route toute seule, même si elle aurait préféré qu'elle disparût et malgré la position de ce petit chemin de terre, perdu entre plusieurs champs. La saison des récoltes venait d’être entamée. La gamine était trop petite par rapport à la hauteur du maïs et des tournesols. Ils étaient son seul horizon, maintenant que la silhouette d’Asha venait de disparaître. Abandonnée par sa figure maternelle, elle cessa de nouveau de bouger, sa vision troublée. Le paysage n’était plus qu’un tableau déformé par le picotement de ses yeux. Il n’y avait plus rien d’autre qu’elle. Qu’avait-elle fait ? Tout allait bien et, d’un coup, le glaive de l’injustice et du rejet l’avait transpercée de toutes parts. Je suivis le trajet de ses doigts jusqu’à ses yeux qu’ils essuyèrent tant bien que mal. Le flot de larmes ne voulait pas cesser. Vaincue, l’enfant passa ses propres bras autour d’elle, comme si elle cherchait en ce geste un quelconque réconfort. Se recroqueviller sur soi-même, dans l’espoir qu’ainsi, en prenant le moins de place possible, personne ne viendrait la heurter, la bousculer, la briser. Se recroqueviller ainsi, dans l’espoir qu’un zeste de chaleur resterait au fond de son cœur. Devant les joues rougies de Laëth, je désirai ardemment pouvoir agir sur le songe.

Je me détachai de ma posture de spectateur, afin de devenir acteur. J’étais légèrement différent. Pas tant que ça. Mes yeux, nouvellement bleus, se posèrent sur l’enfant. Mon accoutrement contrastait totalement avec ceux qu’il était possible de trouver sur les terres de Lumnaar’Yuvon. J’étais plus jeune. La fin de mon adolescence s’engageait doucement. Elle, elle n’était qu’une enfant. J’aurais pu en devenir un, la prendre par la main et embrasser ses lèvres dans un baiser qui aurait semblé mignon d’un point de vue extérieur. Pourtant, mon esprit n’était pas celui d’un innocent. Les choses auraient été déplacées, même en rêve.

Doucement, je m’avançai, un large manteau sur les épaules, tenu en place par un cordon en or. Mes bras ne se trouvaient pas dans les manches de ce dernier. Il était juste posé sur moi, telle une cape. Elle ne me remarqua pas tout de suite. Je m’agenouillai devant elle et posai ma main doucement sur son épaule. Ses yeux verts me fixèrent avec un mélange de surprise et de méfiance. Je souris, en me disant qu’elle pourrait être tentée de me frapper. Elle n’avait pas tant changé. L’enfant avait précédé et façonné l’adulte. On ne changeait jamais vraiment, on ne faisait que se développer, en faisant de son mieux, avec ce que la vie nous donnait. Devant ses larmes, j’aurais pu lui confier la mienne. Je ressentais sa peine et, plus que tout, je voulais la partager avec elle, l’aider à la supporter, l’alléger. « Ne t’inquiète pas. » lui dis-je. « Je sais que tu as mal mais sache que tu es aimée. » « Non… Elle ne m’aime pas. » « Si. Le chaos embrase juste son cœur et sa bouche a formulé des choses qu’elle regrette sans doute déjà. Et puis, tu as Priam. Ton frère t’aime et il t’aimera toujours. » Elle resta silencieuse. La méfiance n’avait pas disparu de ses prunelles. « T’es qui d’abord ? » finit-elle par demander, soudainement revêche. « Quelqu’un qui t’aime aussi. Sache que, même quand tu ne me verras pas, je serai toujours là pour toi, caché dans tes rêves. Tu ne seras jamais complètement seule et, si tu le crois, tu n'auras qu'à penser à moi pour savoir que ce n'est pas le cas. » Je lui souris. « Peut-être même que je reviendrai, lorsque tu seras trop triste, lorsque la vie sera trop dure à supporter et que tu ne voudras plus que dormir pour oublier. Je te rejoindrai pour te montrer des trésors inimaginables ou simplement pour te tenir compagnie, comme aujourd'hui. J'essaierai de sécher tes larmes et de chasser tes cauchemars. » Parce que j'étais déjà un cauchemar dans la réalité. Parce que je l'aimais. « Mouais… T’es bizarre. Tu parles bizarrement. » « C’est vrai. Je suis quelqu’un de bizarre. » admis-je. Je fis apparaître une rose blanche entre mes doigts. « Tiens, prends-la. Elle ne devrait pas se faner. Garde-la précieusement. Si tu veux me voir, tu n’auras qu’à le demander. Je viendrai, sous une forme ou une autre. »

Les promesses d’ébène emprisonnent les cœurs. Elles naissent du désir de celui qui les réalise. Elles ancrent et enferment. Elles transcendent parfois même le temps.

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Kaahl Paiberym
Lun 27 Juil 2020, 22:24



Il était assis en bout de table. Plusieurs femmes et plusieurs hommes l’entouraient, plongés dans le silence, soumis. La lune, dans le ciel, semblait avoir avalé la clarté, tel un trou noir. Ses contours irradiaient pourtant d’une lumière blanche envoûtante : la dernière source d’espoir avant les ténèbres les plus absolues. Le calme avant la tempête. Un gong retentit au loin. Il s’essuya les lèvres avec une mine satisfaite que j’espérai n’avoir jamais endossée. « C’est l’heure. » Son petit plaisir journalier, au beau milieu du repas. La terrasse, au deuxième étage d’un palais construit en pierres de jais, donnait sur une cité en ruines. De ma position, je pouvais le constater. Des restes de brasiers éclairaient les constructions détruites. Tous étaient esclaves parce qu’il en avait décidé ainsi. Il était un bourreau, le fils de l’Oracle du Chaos, celui qui avait brisé le Bien à jamais au creux de ses doigts, d’un geste sec et précis, après une stratégie finement menée. Ârès n’avait pourtant rien de subtil. Je connaissais mieux que quiconque son esprit malade. Il était fou d’une haine sans limite. Il avait soif d’un Mal qui me faisait frémir moi-même. Son Destin brisé ne cessait de le hanter, dans ses rêves. Autour de la table, tous frissonnèrent au premier cri. Chaque soir, alors que la douceur de la nuit lui conférait un bien-être certain, il faisait torturer ses esclaves durant de longues minutes. La symphonie qui en découlait l’inspirait pour ses propres compositions. Notre ressemblance me frappa d’autant plus. Nos amours étaient semblables. À ma différence, il aimait d’une façon pleinement malsaine. Il ne s’encombrait pas d’empathie, de remords ou de regrets. Mes yeux se posèrent sur une silhouette que je ne connaissais que trop bien, celle de Laëth. Elle était là, habillée telle une Sorcière, le visage tuméfié, les yeux éteints.

Je vis dans les yeux de mon double qu’il avait senti ma présence bien avant mon apparition. Quelque chose d’imperceptible venait de traverser son regard. Il n’était plus le seul maître de ce lieu. C’était problématique. Aussi, lorsque j’apparus sur la table et renversai un saladier d’un léger coup du pied, il ne bougea pas. Un sourire en coin apparut sur mes lèvres. Mon regard était chargé d’un sarcasme qui se ressentit également dans mon ton. « Je dérange, peut-être ? » Je vis sa cage thoracique se soulever dans un mouvement de lassitude, reflétant son ennui. Il savait, parce qu’il y avait un lien particulier entre nous. Je l’avais déjà ressenti plus tôt et étais convaincu qu’il aurait pu s’intensifier avec le temps, s’il avait accepté de marcher à mes côtés. Ma silhouette n’était pourtant pas celle qui me caractérisait habituellement. J’étais plus fin, presque androgyne. Mes yeux verts fixaient les siens, dorés. L’air se raréfia. La Lune Noire se modifia, jusqu’à se séparer en deux cercles bien distincts. Je souris, tout en levant doucement mon pouce et mon index de façon à prendre en étau les contours de l’astre. Un bruit aigu retentit. Nous changeâmes de plan. Quelques secondes plus tard, la sphère qui prenait auparavant place dans la voûte se trouvait dans ma main, une boule de puissance pure. Le visage d’Ârès se remplit d’une expression de rage intense lorsqu’il constata qu’il n’arrivait pas à faire de même. « Tu n’es plus l’Élu. » lui assénai-je durement, un sourire cruel sur les lèvres. « Soumets-toi. » ajoutai-je. « Soumets-toi ou je te tuerai. » Il y eut un silence, avant que des milliers de silhouettes nous étant en tout point semblables n’apparussent derrière lui. Le visage en partie voilé, toutes rirent d’un même temps. « Tu n’es pas le seul à savoir jouer avec le Monde des Rêves. » « Tes masques ne cachent aucun miracle. » lui murmurai-je, sans qu’il ne pût m’entendre. Ma silhouette s’éleva, vive, jusqu’au firmament. Là, mon bras prit de l’élan, envoyant sur mon double sa si chère Lune Noire. Le cratère qu’elle forma à la surface du monde entier fut gigantesque, l’impact détruisant tout sur son passage. Il n’y avait plus rien. Que le néant. Pourtant, derrière moi, je sentis une main ferme saisir la mienne. Je me retournai, à temps pour parer son coup. Nos corps se rejetèrent mutuellement, dans un mélange de force et de magie. « J’ai une théorie. » me dit-il. Je n’eus pas le plaisir de lui demander laquelle. Il me la révéla rapidement. « Je suppose que lorsque je t’aurai tué, mon Destin me reviendra. » Je ne nous fis pas l’offense de lui indiquer que jamais il n’y parviendrait. Je n’étais pas dénué de failles. Il pouvait frapper ceux que j’aimais. Il connaissait mes faiblesses, comme je pensais avoir en ma possession les siennes. Il s’approcha et me chuchota quelques mots avant que son rêve ne se terminât par sa mort, exécutée de ma main. « Ne passe pas trop de temps dans le Monde des Rêves, tu pourrais très bien ne jamais te réveiller. » Il se décomposa en pétales noirs.

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Mar 28 Juil 2020, 11:26



Il y a des cauchemars enfouis au plus profond de notre cœur, des cauchemars que l’on aimerait oublier. Celui que j’observais à présent était l’un de ceux-là. Je le reconnus rapidement. J’en connaissais le début, le milieu et la fin. Il s’agissait de l’un de mes propres songes. Il datait d’une époque où je n’avais pas encore conscience de mes pouvoirs sur l’onirisme. Je m’étais réveillé en sursaut, près d’Adam. Mon cœur s’était alors affolé et j’étais resté étendu quelques instants entre les draps, incapable de me rendormir. Ce mauvais rêve, je l’avais enfoui. Il ne figurait pourtant pas parmi les pires scénarios possibles. Il n’ébranlait pas l’essence même de ma couverture. Il était simplement question de sentiments. Depuis ce jour-là, j’avais eu peur de l’inéluctable, de ce qu'il arriverait, d’une façon ou d’une autre.

Spectateur, mon regard admirait le sien, cette lueur si particulière et, pourtant, étrange, inhabituelle. Il n’était pas de ceux à se prendre la tête sur des problèmes insignifiants comme je le faisais, par perfectionnisme, par crainte. Il vivait d’une façon presque détachée parfois, comme si les ennuis devaient forcément courber l’échine devant lui. Cela se voyait à sa façon de marcher dans la foule. Il ne s’encombrait pas d’un calcul savant pour éviter au mieux les passants inattentifs. Il avançait, un air pensif voire un peu naïf sur le visage, et le monde s’adaptait. Il ignorait presque sa force, comme s’il n’était qu’un homme lambda, à se tripoter les cheveux d’un air enfantin. Il était bien plus que ça et ma peur n’avait jamais cessé d’exister à partir du moment où j’avais compris qu’il savait. Mes lèvres lui avaient dévoilé des secrets que nul autre ne connaissait, du moins, je le croyais. Cette expérience au cœur du Monde des Rêves me prouverait le contraire. Ma peur n’était pas tant pour moi. Elle existait à cause de lui, parce que j’avais pris conscience qu’il avait tendance à croire aller bien alors que ce n'était pas le cas. Sa gestion du stress et de l’angoisse se matérialisait d’une façon détournée. Étouffer sa liberté signifiait le perdre. Je m’étais dit plus d’une fois que les choses auraient été bien plus simples ainsi mais j’avais besoin de lui. Ce n’était pas une envie, ce n’était pas un désir, c’était une nécessité. Je m’étais inséré dans son existence sans le vouloir et j’avais fait de lui mes fondations, ma base. S’il partait, je n’aurais plus qu’à attendre le moment de mon effondrement.

Alors qu’il fixait un point, j’effaçai cette représentation de mon être que j’avais crée dans le rêve, inconsciemment, afin de prendre sa place discrètement. Il soupira, avant de se retourner. Nous étions au bord du Lac Bleu et le soleil commençait à entreprendre sa chute. « Je dois te parler… » « Non, c’est bon. Ne dis rien. » murmurai-je, en m’approchant. « Je sais que j’ai détruit ta vie, même si je n’ai pas été le premier artisan de cette destruction. » Mon véritable père l’avait été, en lui confiant le secret de mon identité pour une obscure raison. « Je n’ai pas envie que tu partes mais je sais que tu ne peux pas rester. » Ma main remonta sur son torse. « Je sais que tu m’aimes et que c’est cet amour qui te ronge, toutes ces choses que tu dois supporter en silence, jour après jour. » Je lui souris. « Je sais que tu es fort mais ça ne suffit plus. C’est ça que tu allais dire, n’est-ce pas ? Parce que tu ne souhaites pas les morts que je cause mais que sauver ces vies reviendrait à me trahir. » Je fermai les yeux lorsque je vis ses lèvres s’approcher. Je savais que ce n’était qu’un rêve et, pourtant, ce que je m’apprêtais à faire ébranla ma propre force. Peut-être devrais-je y recourir dans la réalité, un jour ou l’autre, lorsque le poids des secrets l’écraserait à l'en étouffer. Je n’en avais pas envie. Ce serait douloureux et, dans un sens, égoïste. En lui rendant sa liberté, je musèlerai sa capacité à choisir. Si ses lèvres m’enivrèrent d’un désir triste, je ne laissai pas mes sentiments s’autoproclamer vainqueurs contre ma raison. Je traçai un pentacle sur sa peau, afin qu’il m’oubliât en grande partie, afin qu’il ne conservât que les souvenirs de moi liés à Basphel et des impressions diffuses.

« Comme je le disais, Professeur Pendragon, nous pourrions travailler ensemble sur ce projet. » dis-je, en m’asseyant au bord de l’eau. J’appuyai mes mains sur l’herbe, me contentant de fixer l’horizon. Le trouble passa dans ses yeux. « Pardon, je pensais à autre chose. » « Vous êtes aussi dissipé que ce que j’ai entendu dire. » fis-je remarqué, alors qu’il s’asseyait à son tour. Il me fixa et prit une position identique. Nos index se touchaient presque. « Croyez-vous au Destin ? » demandai-je alors. « Pas franchement. » « Pourquoi ? » « Ça voudrait dire que la vie n’est qu’un rêve artificiel. » Elle l’était.

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Mar 28 Juil 2020, 14:12



Je fixai la main d’Oriane descendre le long du corps d’Adam, ma propre silhouette drapée dans un épais manteau de fourrure. J’avais observé, silencieux et invisible, le procédé. Je le connaissais, pour l’avoir moi-même partagé en compagnie de Devaraj. Ce n’était pas un songe comme les autres. Le Lärtneesh emportait des conséquences sur la réalité. Cette femme avait beau être douée pour changer d’apparence, je la reconnaissais à chaque fois que nous nous croisions. Il me suffisait de lire son identité, d’en prendre possession, comme j’avais envie de le faire avec son corps d’une façon plus basse et instinctive. Mes yeux se posèrent sur le sous-vêtement en dentelle et sur ces doigts insolents qui disparaissaient dans le pantalon d’Adam pour le saisir. Elle était sa petite fille, ce qui rendait la scène scandaleuse. Leurs désirs se mélangeaient au rythme de leurs corps, et de ces derniers naissait un plaisir entêtant, des gémissements et des souffles. Même en la faisant surveiller, je n’avais pu prendre connaissance de ce Lärtneesh. Ce qui se produisait en rêve n’était pas soumis à ma juridiction ou, plutôt, ne l’était pas encore. Pourtant, je comprenais sans peine la nécessité de surveiller les songes. Ils n’étaient pas toujours anodins, loin de là. À ce moment précis, je compris que je n’étais pas cantonné à cinq rêves, que je pouvais en observer bien d’autres. Il y avait comme un besoin en moi, un besoin de m’emparer de ces souvenirs inconscients, pour combler mes lacunes. La réalité était forcément liée aux chimères des songes. J’allais chercher, quitte à me perdre dans l’immensité, quitte à ne jamais revenir. Mes lèvres glissèrent jusqu’à l’oreille d’Oriane et, sans que la lumière ne reflétât mon corps, je lui murmurai quelques mots. « Vous et moi allons devoir discuter. » Mon index glissa le long de sa colonne vertébrale et je laissai le songe filer, pour se perdre dans les milliards d’autres.

Le Monde des Rêves ressemblait à une immense bibliothèque. Le temps y était absent. Je le voyais d’une façon nouvelle. Il possédait une saveur inédite. Ce qui s’y trouvait et y était vécu engendraient des réactions. Je me remémorai sans mal le comportement de Laëth face à Adam, plus tôt, et me plongeai dans le cauchemar que nous avions vécu à trois. Mes doigts s’y étaient faits violeurs. Je l’avais guidée jusqu’au Déchu, je la lui avais offerte, comme si elle m’appartenait. Et alors que j’observais son déroulé pour la troisième fois, quelque chose de subtil dans le regard de l’Ange m’apparut. Il y avait une surprise, teintée d’une recherche, dans ses yeux. Ce n’était pas la première fois qu’elle le voyait. Je plissai les miens. Il y avait eu d’autres rêves, des rêves dont Laëth se rappelait dans celui-ci. Je ne souriais pas.

La vérité parfois, se trouve dans un murmure. D’autres fois, elle prend place dans un regard. Tout ceci n’était qu’une divine comédie, finalement. Assis dans l’un des fauteuils du salon d’un chalet quelconque, j’écoutais Adam et Laëth se présenter l’un à l’autre. Je souris de fatigue. Bien entendu, il ne s’agissait pas simplement d’une bûche. L’ambiance était chaleureuse. Le feu crépitait dans la cheminée et le tapis qui se trouvait devant annonçait déjà bien plus qu’un simple cours de cuisine. Immobile, je laissais le temps passer, écoutais les conversations, admirait le bateau de Santa Claus et observais les regards qu’ils se lançaient parfois, à la dérobée. Le songe commença à tressauter, à se couper, à mettre en scène ce que j’interprétai comme des désirs et besoins inconscients. Adam la désirait, il ne me l’avait jamais caché, mais elle… Je déglutis, ayant un vague aperçu de ce qu’être insignifiant voulait dire. Ici, entre les murs protecteurs de la maison, ils n’avaient besoin de personne d’autre pour exister. J’aurais pu intervenir, pour les en empêcher, mais d’autres réflexions m’avaient assailli depuis le début de mon périple : à quel point les modifications que j’avais effectuées dans les rêves du passé auraient des répercussions sur la réalité ? Mes murmures et ma caresse à l’attention d’Oriane ? Mon apparition dans le songe de Laëth ? Mon intervention dans la lucidité d’Ârès ? Avais-je seulement le droit ? N’étais-je pas en train d’enfreindre les lois d’un monde duquel je ne connaissais que très peu de choses ? Je présageais déjà le chaos. Alors, étrangement, même si je mourais d’envie de formuler exactement la même réplique que j’avais asséné à mon double, je n’en fis rien, subissant les râles et les gémissements de plaisir avec un stoïcisme physique parfait. Une certitude naquit des ombres dansant sur leurs corps : le Destin voulait les lier. Ce n’était pas un simple lien du rêve. C’était quelque chose d’autre, qui ne me plairait pas mais contre lequel je ne pourrais pas lutter sans tuer l’un ou l’autre. Et quand bien même ? Qu’était-ce que la mort, si ce n’était un répit en attendant de vivre de nouveau les scènes auxquelles on avait désiré échapper ? Si les Ætheri voulaient les unir, alors ils le seraient. Je ne pensais plus que me battre emporterait une quelconque conséquence. Je désirais toujours disparaître.

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Mar 28 Juil 2020, 16:47



Je poussai une porte dorée, conscient qu’il s’agissait là du rêve dont le Djinn m’avait parlé, le dernier. Un chemin fait de nuages serpentait au milieu d’un univers qui reposait en contre-bas. Plus loin, un escalier menait jusqu’à un autel. Sur ce dernier, devait reposer la Couronne des Rêves. J’aurais certainement pu m’y déplacer en une fraction de seconde mais, au lieu de cela, je me mis en route, mes pas effectués avec une tranquillité particulière, pour quelqu’un qui désirait s’emparer d’un trésor. Mes yeux coururent sur le paysage qui se trouvait sous mes pieds. De haut, il ressemblait à Cael. L’architecture était rosée, agréable à regarder. Alors que j’avançais, je pris conscience que mon corps flottait. Je n’avais aucune matérialité, autre que celle que je m’imposais. C’était semblable à ce périple, dans le Désert, lorsque Devaraj m’avait transformé en Esprit. Pourtant, la douleur persistait. Les maux de l’âme étaient plus terribles que ceux du corps, parfois.

« Je sais que vous êtes là. » murmurai-je. J’avais perçu la fumée de la cigarette qu’il consommait avant sa propre présence. Il me dépassa, pour marcher à mes côtés. « Vous en voulez une ? » demanda-t-il. Il sourit. « Je me demande pourquoi est-ce que je gaspille ma salive à vous poser la question. » « Non. Donnez m’en une. » dis-je, en tendant mes doigts vers lui. J'avais une idée, un désir, une nécessité, soudain. Il me confia l’objet, que je portai à mes lèvres.

Les volutes qui sortirent de mes poumons se déplacèrent en arabesques, avant de se transformer pour remplir le décor afin de lui créer une sorte de deuxième étage. Des rochers se formèrent, autour desquels commença à serpenter un cours d’eau. Des fougères dorées et rouges habillèrent le tout, avant que des roses immaculées magnifient l’ensemble. La nuit tomba progressivement et des lucioles se mirent à danser avec des Faes pour éclairer le paysage. De la neige lumineuse débuta un long périple depuis un ciel qui n’avait d’autres frontières que l’infini. Je souris. Lui, resta silencieux. Une lueur dans mes yeux éclaira mon regard. Je me retournai, tout en continuant de marcher, afin de le regarder. Il avait un air insolent et semblait bien plus apaisé que je ne l’étais alors. Ma silhouette muta pour redevenir celle qui avait marqué le commencement de ce périple. Ma peau s’assombrit et le doré de mes blessures réapparut. D’un geste de ma volonté, je les brisai afin que la couleur s’en allât peindre le décor. J’étais le Roi de ce Rêve. Il était mien. Il n’y avait rien d’autre que mes désirs. Libéré de mes tourments, je me mis à rire. J’avais conscience que ce moment ne serait qu’un fragment infime de mon existence mais je ne désirais pas y songer. J’avais conscience que ma peine reviendrait, mais je ne souhaitais pas l’accueillir en avance. Je voulais profiter, gravir ces escaliers et m’emparer de l’objet qui m’était destiné. Je voulais créer un monde qui nul être ne viendrait jamais ébranler, un monde où il n’y aurait que de la pureté et de l’harmonie. Je me mis à courir, comme un enfant curieux à l’imagination débordante, porté par une Extase nouvelle. J’avais l’étrange impression d’être un papillon n’ayant que quelques heures d’existence devant lui. Je désirais les vivre pleinement, transcender l’espace et le temps, aller au-delà de mes propres sens. La Magie Bleue se mêla à ma lucidité et je fis ce que j’étais incapable de faire dans la réalité, je dépassai ma propre expérience de la Création, jusqu’à gravir l’escalier pour trouver le néant. Aucun écrin, aucun autel, aucun support. Aucune Couronne, juste moi surplombant l’éternité d’un monde chimérique, un rêve interdit.

Le Djinn apparut devant moi. Il admira l’œuvre tout en inspirant le tabac de son invention, en profitant de la mélodie de ma création. Ses sens se trouvaient dans un état de ravissement qui faisait écho au mien. C’était normal. Il tourna son regard vers moi et s’arma d’un sourire en coin. « C’est pas mal mais tu peux mieux faire. » Au diable les distances. « Je peux mieux faire. » rectifia-t-il, comme un aveu détourné. « J’espère que tu as profité car, la prochaine fois, la Couronne des Rêves Interdits sera bien moins clémente. » Il disparut après un clin d’œil, me laissant seul avec mon constat. J’inspirai et fermai les yeux. Je levai les bras autour de moi, en croix, et me laissai tomber dans le cœur de ma création, après avoir murmuré « Je mets fin à mon règne. ». La Couronne était cachée au-dessus de ma tête depuis longtemps, endormie. Je jouais une divine comédie, dissimulé sous un masque des miracles, sur la scène de mes rêves interdits. Mes promesses n’étaient que de subtils mensonges ne réfléchissant que l’ébène de mon cœur et mes souvenirs oubliés n’étaient que des cauchemars enfouis au creux du rêve artificiel de ma vie. Je créais un lien, le lien entre les rêves, le lien du rêve. Je n’étais ni le plus beau des songes, ni le plus horrible des cauchemars. J’étais simplement le pire des rêves, celui qui apportait assez de douceur et d’espoir pour que l’on souhaitât s’y perdre à jamais, dans une longue et merveilleuse agonie.

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Fin
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