Jämiel ne rentrait pas de suite chez lui. Il fit un détour par l'un des jardins et s'y posa pour y dessiner un croquis d'une des nombreuses fleurs manquante à son herbier. Bien qu'elle poussât annuellement, elle n'était en fleur que pendant un temps trop court pour en apprécier pleinement la beauté de ses pétales. Aussi profita-t-il de ce cours laps de temps qu'il avait réussi à saisir pour se permettre de l'emprunter, à long terme, à son milieu en plus de graver son image au fusain sur l'épais papier à dessin. Assis dans l'herbe, l'Alfar y traça les derniers traits de la plante avant de se relever pour récupérer l'herbacée en symbiose avec l'arbre sur lequel elle poussait. Alors qu'il passât la lame d'un couteau le long des racines solidement accrochées au branchage, un bruit le détourna de sa tâche. Le pas d'un cheval qui approchait. Le Sarethi porta son attention sur ce dernier, stoppant ainsi net son mouvement. Sa robe était blanche comme neige - un flocon était d'ailleurs visible sur l'un de ses flancs - et une paire d'aile ornait ses flancs. Jämiel rangea le couteau pour s'approcher de l'animal. Ce n'était pas la première fois qu'il le voyait traîner dans l'un des parcs de Mornhîngardh. « Tu viens de Boraür toi aussi ? » fit-il en caressant la tête de l'équidé. « Tu as bien plus une tête à trouver tes racines de cette île que de notre forêt. ». L'immaculée de sa robe dénotait avec la nature qui l'environnait. Une voix l'arrachait à ses réflexions. « Nell ! ». Jämiel se tourna en direction de l'appel pour y voir une Alfar, plus jeune encore, courir en sa direction. « Nell ? » répéta-t-il en se tournant à nouveau vers le cheval. « Et ben, faut pas t'aimer pour t'appeler cloche. » ajouta-t-il d'un air narquois, ce à quoi l'animal répondit par un bruyant soufflement des nasaux, comme s'il eut compris ce que le Sarethi lui eut dit. « Nell ! » répéta l'Alfar en s'arrêtant à proximité de l'Arcesi et de ce qu'il semblerait être sa propriété. « Oh ! Jämiel ! Merci de l'avoir récupéré. » fit la blonde d'un air presque étonné. « Je n'ai rien fait, il est apparu et a commencé à brouter ce qui l'entourait. » rétorqua Jämiel, d'un même air tandis qu'il la dévisageait. Il ne s'étonnait plus qu'on le reconnaisse au détour d'une conversation. Néanmoins, cette fois-ci, elle ne semblait pas seulement le reconnaître mais bien le connaître. Ce qui n'était pas son cas, du moins, lui n'arrivait même pas à seulement la reconnaître. Ce qui était gênant dans tout les sens du terme. Ce qu'elle semblât remarquer également. « Hum, oui, j'aurai dû me douter que le salut n'aurait pas été réciproque. » fit-elle alors à son tour d'un air gêné en se remettant une mèche derrière l'oreille. « Je suis Ināra. Déléis. La petite sœur de Lorccán. Ce cheval lui appartient en fait même si on s'en occupe un peu tout les deux. » continua-t-elle avec un léger haussement d'épaule. « Ah, oui. ». Il sentait légèrement moins coupable. Il avait une grosse idée de qui était qui et qui faisait quoi chez les Déléis grâce à sa mère et à Noírín. Mais pour ce qu'il s'agissait des visages, c'était une autre histoire. Ils pouvaient être de sa famille, ils n'en demeuraient pas moins trop nombreux pour qu'il s'attarde sur chacun en sachant qu'il n'en verrai peut-être que la moitié dans toute sa vie. Néanmoins, certains sortaient du lot. Parce qu'ils avaient quitté le Premier Plateau, parce que leur sang était souillé ou qu'ils étaient semblables aux Ygdraës. Lorccán faisait parti de ces derniers. « Où il l'a eu ? J'ai un Cerfeuil qui lui ressemble un peu. » - « C'était bizarre. » commença-t-elle, presque surprise que son cousin vienne s'intéresser à un détail si futile de leur famille. « On a cru qu'il s'était perdu mais Lorccán a trouvé un droit de propriété dans ses affaires. » - « Un don ? » interrogea Jämiel en arquant un sourcil. Ce n'était pas commun entre les murs de la Majestueuse. Ce à quoi Ināra répondit tout de même par l'affirmative d'un signe de tête. « On l'imagine, surtout qu'il était déjà baptisé. Nyellë. Mais Lorccán n'aimait pas. » - « Je le comprends. » Celui qui a l'idée d'envoyer un animal immaculé avec un nom en Hyriël au cœur de Drosera a juste un très mauvais humour. « Tu es en second cycle d'études, n'est-ce pas ? » demanda la Sarethi à son aîné. « En effet, j'en suis à la moitié de mon cycle. » - « Je me demandais si c'était difficile. Lorccán aussi est à sa deuxième année de son deuxième cycle mais il n'en parle jamais. ». Jämiel haussa des épaules. « Considère que ça l'est. Au moins tout te paraîtra bien plus simple comme ça. ». Elle ne saisit pas de suite ces mots. Il s'en moquait un peu. Il avait seulement en tête que, d'ici une année, il serait en compétition avec un membre Déléis au moins pour une place à l'Académie.