L'Éclat de la Médaille

Un temps relativement chaud régnait en maître sur les Terres du Lac Bleu, quelques nuages cotonneux s'amusaient toutefois à sauver les participants en dissimulant le Soleil de temps à autre. Inévitablement, devant le nombre de personnes présentes, la cérémonie de remise de faveurs nobiliaires se déroulait en extérieur. Mancinia tenait Idril dans ses bras, rouspétant de ne pouvoir toucher les cheveux de sa mère, rehausser en un chignon. Monika l'accompagnait, tenant Ihsan, qui somnolait dans ses bras. Ils devenaient de plus en plus lourds, mine de rien. Si la Camériste avait quelques soucis à s'endurcir en les portant, l'Humaine n'en éprouvait aucune gêne, seul un vague sentiment d'être punie parsemait son être, même si ce n'était pas lisible sur son visage. Être ainsi éloigné des célébrations n'avait rien de plaisant, mais il n'y avait pas vraiment le choix. Son Ma'Ahid était visiblement trop conséquent et avec la présence accrue d'Humains, ce phénomène n'en était qu'amplifié. Mieux valait alors que les êtres les plus sensibles ne dégobillent sur la Souveraine, surtout quand celle-ci avait réalisé un déplacement depuis la Capitale et attirait les regards de tous ceux présents avec une aisance édifiante. La Reine Scylla Taiji se tenait sur une estrade surélevée, construite pour cette occasion dans un matériau magnifique et résistant, décoré richement tout en gardant une certaine sobriété. Des marches conduisaient dans sa direction, recouverte d'un tapis rouge qui serpentait un long chemin sur la terre aplatie.

Son déplacement avait été exceptionnel, mais il serait ainsi bien plus pratique que de contraindre toutes ces Familles de braver les dangers désertiques, surtout qu'Utopia n'était plus vraiment adaptée à ce genre de visites ou de célébrations. Et puis, secrètement, cela lui permettait de venir s'entretenir avec son homologue sur quelques questions pressantes. Mancinia ne parvenait pas à décrocher ses yeux. Elle ne savait pas si c'était de l'envie ou seulement de l'admiration, sans doute les deux. C'était délicat de dissimuler ses ambitions, même en appréciant les régents actuels, plus ou moins, quelque chose lui criait que l'état de sa race n'était qu'une erreur. Pourtant, on sentait bien que la régente de Qaixopia était à sa place, bien plus que leur précédent souverain dont les positions avaient grandement fragilisé les Humains. En demandant aux Enfants de Sympan de prendre parti des Aetheri, en ignorant l'appel des Anges durant leur guerre ... des tas de choses que maintenant, elle voyait comme de la stagnation et un repli sur soi. Grâce à Scylla, même si l'Imprévisible estimait qu'ils s'étaient disloqués comme des idiots, des alliances s'étaient renforcées, les Humains avaient évolués sur d'autres points. On ne pouvait pas lui reprocher de mauvaises décisions, après tout, elle-même avait été absente une décennie durant ... Son regard se posait sur sa couronne, elle était saisissante de beauté. Une véritable oeuvre d'art. Cette femme était véritablement majestueuse.

Vêtue d'un lehenga royal, qui ne laissait aucuns morceaux de chair visible, ainsi qu'un chādar-orna reposant sur son épaule et coulant le long de son corps, telle une cape. Son vêtement était rouge, décoré d'or et clairsemé de pierres précieuses venant habiller l'ensemble. Elle portait une épée de cérémonie, reposant dans son fourreau, au flanc. C'était l'illustration même des traditions guerrières. Elle était secondée par Calitie Varey et de quelques Mahestan de Qaixopia et d'Haute-Terre. Officiellement, Scylla Taiji était l'unique Reine des Humains. Officieusement, ils étaient cinq et la disparition du souverain de Muharkel n'y changeait rien. Mancinia ne doutait pas que certains étaient au courant, mais mieux valait entretenir l'illusion pour les plus ignares. Malgré la foule amassée, un certain silence régnait sur les environs. Respectueux, on ressentait le bon côté des choses dans celui-ci, notamment avec l'anoblissement de nombreuses Familles. Normalement, la cérémonie se voulait annuelle, en dehors de quelques volontés exceptionnelles. Plusieurs mois auparavant, ces personnes avaient adoptées des Enfants des Cieux, en remerciements, il avait été décidé de leur remettre un titre. Si des Humains avaient également des fils et des filles de Väaramar, il bénéficiait déjà d'aides du Gouvernement et de la Noblesse. Concernant ces étrangers, plusieurs critères avaient été pris en compte, notamment, leur propre implication au sein de leur race d'origine, les faits d'armes, leur volonté de prendre soin des enfants ...

On leur remettrait la médaille correspondante au rang qui leur serait attribué. Mancinia avait un sourire en coin. Certaines d'entre elles étaient de ses créations et elle en retirait une certaine fierté. Elle avait énormément travaillé avec ses collègues pour finir dans les temps. L'hymne des Humains résonnait dans les environs, suivi de celui des Anges, puis des Magiciens. Lorsque le silence fût revenu, le premier individu fût appelé par son nom de famille, puis un couple, puis une femme seule ... Un défilé, long, de personnes débutait. Certaines étaient anxieuses, d'autres relativement à l'aise. Des célibataires, des couples, avec un ou plusieurs adoptés. Il y avait un peu de tout. On débutait toujours par les moins gradés, avant de grimper progressivement dans les titres. Seuls des Albuner et des Imor naîtraient, mais la procédure restait la même. Un couple d'Anges remontait l'allé, avant que l'homme et son épouse ne posent un genou au sol, les mains unies devant eux et le visage baissé vers le tapis. Les femmes avaient adaptées leurs tenues pour ne pas être incommodées, ou elles étaient invitées à demeurer en révérence.

— Époux Sullivan, poursuivit la Reine, comme de coutume. Vous avez eu la générosité de prendre dans vos bras, d'aimer et de chérir des Enfants des Cieux, cadeau inestimable de l'Aether Väaramar aux Humains. En gage de notre gratitude, je vous discerne le titre d'Imor devant témoins pour votre dévouement.

Dégainant l'arme de son fourreau, elle tendit dans les airs cette dernière avec la pointe relevée vers les cieux. On disait que c'était pour obtenir l'approbation des Aetheri et que leur refus se manifesterait, le cas échéant. Elle l'abaissait ensuite sur l'épaule droite, puis l'épaule gauche de chacun des deux époux, avant de la remettre dans son fourreau.

— Par la Volonté des Humains et sous le Regard Béni de Väaramar, vous êtes nommés Imor Sullivan. Puissiez-vous oeuvrer dans le bien de nos deux races et demeurer dévoués à cette cause.
— Nous jurons nous en monter digne, votre Altesse.
— Relevez-vous.

Sous l'ordre émis, les deux époux se redressèrent. La Reine se retournait ensuite pour prendre une médaille de croix d'ansée émaillée, pommetée et bordé d'or reposant sur son coussin violet.

— Recevez la Médaille du Mérite attestant de votre engagement.

Elle s'avançait ensuite pour épingler celle-ci au vêtement des époux, avant de se retirer, laissant les deux nouveaux nobles s'incliner à nouveau devant la Souveraine et de retourner dans les rangs. Contrairement à sa cérémonie d'anoblissement en territoire Magicien où l'Ultimage lui avait remis le marquisat de Nylmord selon les volontés de l'ancien Archimage, les Humains ne donnaient aucune richesse, ni aucune terre. Si l'on voulait quelque chose, on trouvait un moyen de l'obtenir. Ce n'était vraiment qu'un signe d'amitié. Et bien que ces titres ne soient pas transmissibles, la reconnaissance valait son pesant sur les territoires de la race. D'un autre côté, Mancinia avait mal. Il y avait tellement de Familles à anoblir que sa Reine en avait eu et en aurait encore pour des heures. Quelqu'un reprit alors, tandis que les époux descendaient des marches ;

— Les Imor Sullivan !

Et tous reprirent en synchronisation avec des applaudissements. L'homme baissa son regard vers sa liste et poursuivit. Mancinia voyait le mal de rester stoïque sur quelques personnes aux alentours, elle sourit en voyant l'homme progresser, amusée. Ses Jumeaux s'étaient endormis.

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