-26%
Le deal à ne pas rater :
Bosch BBS8214 Aspirateur Balai Multifonction sans fil Unlimited ...
249.99 € 339.99 €
Voir le deal

Partagez
 

 [Q] Comment ne pas garder les pieds sur terre | Solo

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité

avatar
Mar 23 Juin 2020, 09:45

e4oj.jpg


Intrigue : Fragilisée par les années qu’elle a passées alitées, Calanthe n’est plus en mesure d’utiliser ses ailes. Elle demande alors l’aide de Serena et Joliel. Pour gagner en force, elle va travailler avec sa demie-sœur dans les champs du Coeur Vert, et suivra à cette occasion un entraînement au vol.

Une main sur le cœur, la jeune femme écoutait les palpitations de son organe vital. L'appréhension lui nouait l'estomac. Il ne fallait pas grand-chose pour éveiller son inquiétude, et une foule de questions se pressait sous son crâne. Pourquoi diable avait-elle demandé de l’aide ? À présent, elle ne pouvait plus reculer. Aucune excuse ne convaincrait ses bourreaux de la laisser en paix, et, à terme, elle leur en serait sans doute reconnaissante. Pour l’heure, elle ressentait l’envie de s’enfouir sous ses draps et de fermer à clef la porte de sa chambre. Tout courage évanoui, elle tressaillit lorsque sa demie-sœur ouvrit la porte. Un sourire au visage, elle s’approcha et lui prit les mains. En matière de magie, Serena ne brillait pas particulièrement. Cependant, elle savait étonnamment bien s’y prendre avec la téléportation, et la réussite de son entreprise ne faisait aucun doute. Ses voyages entre la maison et le Coeur Vert se déroulaient toujours de la même manière ; sans le secours du pouvoir, elle aurait été bien incapable d’assumer son travail aux champs et ses obligations familiales. Sereine, elle entrelaça ses doigts avec ceux de la blonde. Elle était heureuse de la voir reprendre des couleurs, et l’idée de partager son quotidien en sa compagnie l’enchantait.  « Prête ? » Cette dernière hocha doucement la tête. Une incertitude d’un autre genre alourdissait son cœur. Que se passerait-il si elle ne réussissait pas à gagner en force ? Sans le secours de ses professeurs improvisés, elle savait qu'elle en serait incapable. Les paupières closes, elle eut pendant un instant la sensation de flotter. C'était à la fois étrange et agréable.

Lorsque le vent caressa sa chair, la Déchue trouva le cran d’ouvrir les yeux. Un paysage idyllique s’étendait sous son regard. Émerveillée par l’émeraude des cultures, elle découvrit ça et là des touches de rouge et de jaune. L’herbe, les céréales et les fruits formaient une triade succulente. Des filaments iridescents charriaient la fertilité aux quatre coins du Coeur Vert. Derrière elle, l’ombre d’un verger étalait ses délices sur la plaine. Serena s’approcha d’une cabane rustique qui se dressait à proximité. « Tu auras besoin de ça. Il va falloir qu’on se dépêche, si on veut être libres cet après-midi. Joliel devrait bientôt arriver. » La main tendue, elle se saisit de l’outil que lui tendait l’agricultrice. Perplexe, Calanthe examina l’engin, sans comprendre son usage. Constitué d’un manche de bois qui avait visiblement bien servi, il se terminait par un morceau de métal taillé d’une curieuse façon. Du bout des doigts, elle effleura les pics argentés. De la terre y subsistait ; elle en déduisit logiquement qu’il fallait planter ce côté-là dans l’humus. Fière de sa trouvaille, elle s’attela immédiatement à la tâche. Enfoncer le râteau dans l’herbe se révéla plus difficile qu’elle ne l’aurait cru, et il lui fallut appuyer de tout son poids pour parvenir à perforer la surface. Serena éclata de rire. « Je sais que tu es enthousiaste, mais tu ferais mieux de réserver tes efforts pour les champs. Suis-moi. » Honteuse, elle délaissa son ouvrage à peine commencé et sillonna derrière sa demie-sœur, en attendant d’autres instructions. Elle ne voulait pas lui attirer des ennuis en faisant n’importe quoi.

Passer la journée à flâner entre les cultures lui aurait plu davantage que le labeur auquel elle allait s'atteler. S'améliorer requérait cependant des efforts, et si la faiblesse de son corps ne représentait pas une motivation suffisante, Joliel avait su trouver les mots. Je suis certain que tu trouveras la force nécessaire, Calanthe. J’ai toujours eu envie de le faire dans les airs. Ce que sa lettre ne mentionnait pas, en revanche, c'est qu'il ne comptait pas concrétiser son désir avec elle. Il avait des projets que l'intellect limité de l'envieuse ne permettait pas d'envisager, et sa frustration l’amusait. Loin de se douter des véritables intentions de son confident, la jeune femme se servait de sa déclaration comme d’un levier. Les encouragements de Serena influaient également sur sa volonté de réussir. Accompagnée de son outil, elle s’engagea dans le champ. Quelque peu surprise de son état délabré, elle écouta attentivement ses explications à propos d’une pratique agricole qu’elle appelait jachère. Des ouvriers s’affairaient non loin, vérifiant les fruits dont le verger paraissait regorger. Rapidement, Serena lui montra la parcelle à déchiffrer. L’ouvrage ne lui paraissait pas hors de portée, à condition de ne pas se lasser. Joyeuse d’en constater la simplicité, elle suivit les sillons couverts d’un duvet végétal. « Au cas où le râteau ne suffise pas, tu dois arracher ça à mains nues. » Sans se décourager, elle retroussa ses manches. Grossièrement vêtue, elle ne craignait pas de se salir. Des touffes en guise d’adversaire, la blonde abattit maladroitement son radeau.

Contractés par son travail, les muscles de ses bras diffusaient une chaleur presque douloureuse. Le râteau fermement empoigné, elle extirpait les mauvaises herbes des entrailles du sol. En observant Serena, elle corrigea sa position, supposant que celle-ci devait être la meilleure. Incapable d’aller au même rythme que la brune, cela lui permit néanmoins de gagner un certain confort. Remuer l’humus déterrait une quantité surprenante de racines, et, entre les brins d’herbe, elle discernait des insectes indignés grouiller hors de leur cachette. Quelques gouttes de sueur vinrent perler sur son front. Aussi ardentes que celles d’un amant, les dents mordaient inlassablement la terre. Bien que la répétition fût de mise, elle ne rendait pas le mouvement plus facile à exécuter. Au contraire. Une quinzaine de minutes s’écoulèrent avant que la Déchue ne s’écroule au sol : elle n’avait jamais eu à travailler de la sorte. Quel plaisir pouvait-on bien trouver dans la raideur qui s’emparait déjà de son corps ? « Si c’est trop dur pour toi, tu peux planter les graines là où le terrain est propre. Il faut espacer les trous de quelques centimètres. » Secouant la tête, la jeune femme refusa d’abandonner. Malgré la pénibilité de la tâche, le monde débordait de situations plus désagréables, et elle devait se renforcer. Dans le cas contraire, elle ne donnait pas cher de sa peau ; elle n’était plus protégée par la douceur de l’enfance. « Non. Donne-moi juste cinq minutes. » Essoufflée, elle finit cependant par se relever. Il fallait au moins qu’elle réussisse à terminer un sillon.

Sans se laisser décourager par la lenteur de sa progression, la jeune femme reprit son ouvrage. Sa détermination ne faillirait pas ; son corps, en revanche, finirait fatalement par la laisser tomber. Elle ne voulait pas y penser. Un air de musique sur les lèvres, elle sifflotait gaiement. La douceur du climat confortait sa bonne humeur. Un détail cependant l’intriguait. « Dis… Pourquoi est-ce que vous avez laissé le champ dans un tel état ? » Il n’était pas agréable de devoir s’acharner sur le champ pour en déloger les plantes indésirables. Coincé par l’une d’entre elles particulièrement revêche, Calanthe dut secouer son râteau dans tous les sens, et manqua perdre l’équilibre. « Pour que la terre puisse se reposer. D’une certaine façon, les cultures grignotent ses ressources, et elles sont bien meilleures lorsqu’on la laisse tranquille un certain temps. Sinon, elle finit par s’épuiser, et on ne récolte plus rien. » Pensive, elle songea que n’importe quel idiot ne pouvait pas faire le travail de sa demie-soeur. Contre toute attente, celui-ci demandait un minimum de connaissances. « En fait, tu n’as pas juste à attendre que les céréales poussent. » Le réaliser donnait une nouvelle dimension à la passion de Serena. Elle-même ne s’était jamais demandé comment les aliments arrivaient dans son assiette, et la complexité du procédé l’étonnait. « Non. Ce n’est pas si simple. Il faut les chérir tous les jours. » Consciente de son ignorance, elle ne chercha pas à en apprendre davantage ; elle approchait de la limite de la parcelle. Quelques centimètres plus loin, le râteau buta contre un adversaire imprévu.

Incarnation de la fourberie, une plante se logeait entre des cailloux. Vicieuse, elle avait à première vue l’air d’une mauvaise herbe semblable à toutes les autres. D’un vert tendre, sa chair s’épanouissait sous les rayons du soleil, et par cette caresse vivifiante, Sa Majesté se déployait sur les rochers, faisant pâlir leur teinte déjà grisâtre. Une goutte de rosée attendait paresseusement contre la tige, dans l’attente du signal qui l’autoriserait à pénétrer sa personne sacrée. Sitôt qu’elle l’aperçut, Calanthe conçut de l’amertume à son encontre ; elle avait envie de la piétiner. Méfiante, elle se débarrassa de son râteau, et commença par emmener les pierres plus loin. Au lieu de s’agenouiller pour disposer d’appuis solides, elle se baissa et saisit l’indésirable à pleines mains. La sensation imaginaire que cette dernière couvrait sa surface de dents pour lui faire regretter son geste lui procura un frisson de dégoût. Concentrée, elle plissa les yeux pour ne garder que l’image de son opposante. Retorse, elle refusa d’abord de se laisser arracher. Grandir auprès de voisins minéraux lui avait manifestement permis d’en absorber les propriétés. À plusieurs reprises, la blonde usa de toute l’énergie dont elle disposait pour la déloger de son trône humifère. En vain. Outrancière, l’herbacée lui résistait avec orgueil. Qu’elle puisse éprouver de telles difficultés face à une si petite chose lui donnait envie de crier. En dernier recours, elle secoua rageusement l’insolente et tomba à la renverse. Une racine monstrueuse entre les doigts, elle contempla, satisfaite, sa réussite. Hors de son carcan terreux, sa vitalité se ternissait à vue d’oeil. La jeune femme la balança effrontément au loin.

Une fois l’opération achevée, Serena lui apprit à semer, mettant à rude épreuve ses capacités intellectuelles. Après quelques ratés, elle assimila cependant le procédé, et elle trouva la tâche bien plus plaisante que la précédente. Il fallait creuser dans la terre nouvellement exposée, déposer la graine, et la couvrir soigneusement. L’agricultrice lui expliqua que le temps, le soleil et l’eau se chargeaient amoureusement du reste. Le repos ainsi accordé lui fit un bien fou, et bien que les premières courbatures se fissent sentir, elle se dirigea avec enthousiasme vers le verger. Déjà bien avancée, l’après-midi les vit prendre une pause pour se délecter d’un repas frugal. Peu habituée aux travaux manuels et à la quantité de sueur qu’ils impliquaient, Calanthe espérait sincèrement qu’elle aurait bientôt l’occasion de se laver. À son grand désarroi, sa demie-sœur lui indiqua qu’il fallait encore récolter des fruits et les transporter jusqu’à la cabane en contrebas. Négligemment posée contre un tronc, une échelle lui faisait de l’œil. Incertaine de sa position, elle la fit bouger pour s’assurer de sa solidité. Malgré la hauteur, l’herbe lui fournirait un tapis moelleux en cas de chute. Rassurée, elle se hissa maladroitement jusqu’aux fruits. Un parfum sucré envahit son horizon. Réjouie par les effluves, elle tâcha d’oublier la raideur de ses muscles. En douceur, elle détacha les pommes, les lançant vers le panier que tenait la brune. Alors qu’elle descendait de son perchoir pour s’attaquer à une seconde tournée, la silhouette de Joliel surgit d’entre les arbres. Il était en retard.

1 827 mots
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité

avatar
Jeu 09 Juil 2020, 10:32

e4oj.jpg

Le temps paraissait ne plus avoir d’emprise sur le trio. Les jours suivants, ils les consacrèrent à des travaux similaires dans les champs, et, bien que Joliel, en bon citadin, pestât à l’idée de se salir les mains, il se montra étonnamment joyeux. Lorsque le soleil déclinait, il lui arrivait fréquemment de disparaître, dévoré par l’envie de fourrer son nez entre les cuisses d’un paysan. Ses envolées nocturnes suffisaient à le retenir dans les environs, et tandis que les jeunes femmes dormaient à la belle étoile, sous la fraîcheur de la lune, il savourait une chaleur d’un autre genre. Ensemble, ils abattaient un travail conséquent, et entre les semis et les récoltes, leur quotidien était bercé par leurs chamailleries. La sensation de retomber en enfance leur faisait souhaiter que de tels moments s’éternisent. Le premier matin, la blonde avait été incapable de se lever, les muscles endoloris par ses efforts de la veille, et elle avait encouragé ses amis de loin. Le phénomène s’était répété, mais de jour en jour, elle supportait mieux la raideur qui l’engourdissait. Bien qu’elle manquât cruellement d’adresse pour manier les outils, un miracle voulut qu’elle ne souffre d’aucune blessure, et, malgré le temps indiscutablement long qu’elle mettait à travailler, elle ne se plaignait pas. Le fatalisme qui la caractérisait semblait s’être envolé sitôt que l’insouciance avait pointé à l’horizon, et le labeur la rendait somme toute plus heureuse qu’elle ne l’aurait cru. C'était une bénédiction.

Lorsque Serena et Joliel lui promirent qu’elle volerait le lendemain, son sommeil se troubla. Pour s’élever dans les airs, il fallait disposer d’atouts qui lui faisaient cruellement défaut. Solliciter son corps avec une intensité prolongée ne manquerait pas de la faire gagner en force, et si elle doutait de pouvoir batifoler gaiement avec les nuages, elle pensait au moins parvenir à décoller du sol de quelques centimètres. En revanche, elle possédait l’agilité d’une pierre, et, malgré ses facultés limitées, elle pressentait que cela constituerait le nœud du problème. L’inquiétude au ventre, elle avait en conséquence passé une nuit déplorable, et elle se réveilla avec les traits tirés. La fatigue distillait des touches noires sous ses yeux, et l’étreinte du soleil ne réussit pas à chasser les picotements de ses prunelles. La journée ne s’annonçait pas sous les meilleurs auspices. Malgré les plaisanteries habituelles de son confident, la jeune femme demeura incapable de se détendre. Crispée par l’appréhension, elle profita du bout des lèvres de leur petit-déjeuner. Il lui semblait que, d’ici quelques minutes, elle aurait la certitude de son incompétence, et qu’elle ne s’en relèverait jamais. La perspective d’un échec la terrifiait ; elle ne l’avait jamais toléré. À peine remise de sa convalescence, comment pourrait-elle survivre à une pareille catastrophe ? Le moral dans les chaussettes, elle suivit ses professeurs improvisés jusqu’à l’arrière du verger. Les arbres chargés de fruits empêcheraient peut-être le ridicule de mettre un terme à son existence. Elle voulait rentrer se cacher sous les draps.

Parvenus au lieu de l’entraînement, Serena installa leurs quelques affaires. Interpellé par le visage défait de son élève, Joliel s’approcha d’elle et lui prit les mains. « Tu es prête ? » Quelque chose nouait la gorge de cette dernière. « Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée. » Il lui semblait que le chemin à parcourir pour devenir une jeune femme accomplie s’étendait devant elle, à l’instant, et ses yeux ne pouvaient en distinguer la fin. Y parviendrait-elle seulement un jour ? Le travail à fournir la décourageait. « Ne sois pas ridicule. Tu m’as fait venir jusque-là, tu ne t’en tireras pas sans réussir. » La contrariété dans la voix du brun céda la place à l’amusement. Qu’elle fournisse des efforts dignes de ce nom lui donnait un charme particulier ; il détestait qu’elle lui rappelle le fatalisme qui l’animait. « C’est vrai que monsieur est trop délicat pour le bas peuple des champs. » Appuyée contre un tronc, Serena le jaugeait. Soulagée que la conversation se détourne d’elle, la blonde ressentit une pointe de jalousie face aux piques qu’ils s’envoyaient. « Je vois que tu m’en veux encore. Si ce n’est que ça, on peut régler la question derrière ce buisson. Maintenant. » Prête à lui lancer une réplique cinglante, la Gourmande marqua une pause.  « Nous ne sommes pas là pour ça. » Ce n’était pas l’heure de régler leurs comptes. Déçu qu’elle ne morde pas à l’hameçon, il reporta son attention sur la raison de sa venue. Ils avaient suffisamment tardé.

Calanthe s’essaya à une première tentative. Déployer ses ailes représentait déjà pour elle toute une aventure. Les yeux fermés, elle fit appel au filon de magie, aussi volumineux qu’un ruisseau en été, qui courait en elle. Une touffe de plumes apparut dans son dos, et disparut instantanément. « Je n’y arriverais jamais. » Dépitée, elle manqua abandonner. Ce fut le regard attendri de Joliel qui la poussa à continuer. Son troisième essai fut couronné de succès. Le soleil jetait des touches d’argent sur ses ailes. D’une profondeur obscure, leur taille démesurée rendait sa silhouette frêle presque ridicule ; elle ressemblait à une enfant empêtrée dans des rideaux sombres. Désarçonnée par le poids de leur présence, elle manqua tomber à genoux. Lui offrant un soutien salvateur, Joliel lui évita de s’effondrer lamentablement. Reconnaissante, elle se redressa en douceur. Sans les semaines qu’elle venait de passer dans les champs, jamais elle n’aurait pu se tenir debout, et malgré la force que ces dernières lui avaient permis d’acquérir, elle n’était pas sûre de pouvoir marcher. Se sentirait-elle plus légère, dans les airs ? Sa gaucherie ne risquait-elle pas de lui jouer des tours ? Ses muscles la lâcheraient-elles au moment propice ? Qu’est-ce que cela faisait, de traverser un nuage ? Le vent serait-il son allié, ou un adversaire farouche qu’il lui faudrait apprivoiser ? Une foule de questions tempêtait sous son crâne. De vagues réminiscences de vols avec Serena et ses parents lui revenaient, mais le souvenir de la brise contre ses plumes avait disparu. Elle avait oublié l’essentiel.

Avant que la Déchue n’ait l’occasion de vérifier sa théorie sur la marche, sa demie sœur fit apparaître ses ailes à son tour. Plus modestes, les siennes paraissaient dépourvues de reflets, et sensiblement plus faciles à manier. « Regarde. Je vais te montrer. » Sans difficulté, la brune s’éleva dans les airs. En harmonie avec des courants invisibles, ses membres battaient lentement. La voir ainsi lui conférait une allure presque majestueuse. Envieuse de l’impression qu’elle lui faisait, Calanthe serra les dents. Réussir n’était pas une option. « Il faut contracter les muscles de tes épaules. Pas trop vite, ni trop fort, sinon tu risques de perdre l’équilibre. » Attentive à ses explications, elle les suivit du mieux qu’elle pût. Comment s’y prendre pour les mouvoir sans bouger les bras ? Perplexe, elle moulina d’abord dans le vide. Sa posture corrigée par Joliel, elle s’efforça de se concentrer. En prenant une inspiration, elle imagina de minuscules créatures s’agiter en chœur dans les tissus de ses épaules. Une sensation diffuse les parcourut, et elle répéta l’opération pendant de longues minutes. Cependant, malgré la chaleur qui les prenait, le mouvement refusait de naître. Serena lui proposa de rejeter le buste en arrière, puis en avant, afin d’avoir une idée de ce à quoi ressemblait la contraction. Prenant à la lettre sa recommandation, elle répéta l’opération à plusieurs reprises. Cet étrange manège la fit davantage ressembler à une poule qu’à une créature gracieuse. Par chance, le ridicule ne causait que le rire intérieur de Joliel.

Malgré la bonne volonté de la brune, il lui semblait qu’elle ne s’y prenait pas de la bonne façon. Parler en long, en large et en travers du vol ne remplaçait pas l’expérience. Rien ne valait les sensations du corps. Une idée en tête, il fit apparaître les appendices caractéristiques de leur peuple. « Il te faut peut-être une autre méthode. » Délaissant sa pitoyable tentative, elle s’approcha de lui. Les phalanges de Calanthe caressèrent la naissance de ses ailes. « Fais attention. C’est sensible. » La complicité qui les unissait ne faisait aucun doute. Avec délicatesse, elle parcourut l’ossature de son confident. Sentir le squelette creux sous ses doigts lui offrait un regain d’énergie. Il lui semblait qu’une légère excroissance s’échappait de la chair pour les faire tenir sur le dos ; elle ignorait qu’il ne s’agissait que du renflement de son omoplate. « Je crois que si tu la portes, elle sentira mieux les mouvements. » Sitôt la proposition de Serena entendue, elle grimpa sur lui. Quand bien même elle le faisait pour comprendre, la perspective de voler en sa compagnie la réjouissait. « Accroche-toi. » Lorsque le jeune homme s’envola, elle renforça son étreinte. Le paysage défilait sous eux à toute vitesse ; elle n’en percevait que des pointes de couleur. Le vert et le doré se succédaient en lignes éclatantes. Le vent jouait avec ses cheveux, et le contact des plumes contre sa peau la chatouillait. Une impression de liberté montait en elle. Elle aurait aisément pu rester des heures, accrochée ainsi. Joyeuse, elle murmura à l’oreille de Joliel. « Ce n’est pas vraiment comme ça que je t’imaginais m’emmener au septième ciel. » Ponctué de plaisanteries grivoises, leur vol prit fin quelques instants plus tard.

Les battements de son coeur résonnaient à ses oreilles. Faire confiance à ses capacités restant impossible, elle puisa sa motivation dans l’instant de bonheur qu’elle venait de vivre. La blonde ferma les yeux et oublia le monde. En elle traînait le fantôme de l’Envie, et elle le sentait ramper du fond de son ventre. Il ne fallait pas qu’elle laisse sa présence monstrueuse la dévorer. Par chance, rien en ce jour ne suscitait son intérêt, et la simplicité de son quotidien le faisait taire. Croyant avoir compris le mécanisme qui déclenchait le mouvement, elle tenta de le reproduire. Pendant quelques minutes, il ne se passa rien. Refusant de se laisser abattre, elle persista. Saluée par une exclamation de Serena, elle se sentit décoller. « Calanthe ! Ça y est ! Tu voles ! » À quelques centimètres du sol, elle flottait sans prétention. Elle regrettait de ne pouvoir se voir ainsi. « Joliel ! Regarde ! J’y arrive ! » Surexcitée par son succès, elle perdit sa concentration et chuta lamentablement. Les muscles endoloris, elle se redressa tant bien que mal. « Je n’appellerais pas ça une performance, mais tu as réussi. Il va falloir renforcer ce corps. » Malgré un bilan mitigé, elle ne parvenait pas à effacer le sourire sur ses lèvres. « Tu mérites bien une petite récompense. J’ai amené du gâteau. » En réalité, il l’avait récupéré en pleine nuit, aux portes d’Avalon, et était revenu avant l’aube. Serena eut un rire nerveux. « Oui, à ce propos... » Joliel tourna la tête vers son sac éventré. De sa surprise, il ne restait que des miettes.

1 812 mots
Revenir en haut Aller en bas
 

[Q] Comment ne pas garder les pieds sur terre | Solo

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» ... Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets | Solo
» [XXXII | RP dirigé] Une nouvelle terre [Solo]
» Rencontre les pieds dans l'eau [Pv Mariane]
» [Q] - Lorsque la Tour échoua à garder sa Reine
» [Q] - Pieds et poings liés
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le pouvoir du Yin et du Yang :: Zone RP - Océan :: Continent Naturel - Ouest :: Côtes de Maübee-