Avant de se frapper, de s'accabler et de se mutiler

Musique

« Épouse-moi. » Elle détourna les yeux, agacée. Ces derniers jours avaient été compliqués. Elle s’était retrouvée de nouveau dans son corps, à côté de la gamine brune. Anya n’avait que onze ans et elle n’avait pas eu la force de l’abandonner à son sort. Elle aurait pu mais elle avait décidé de s’occuper d’elle et, finalement, avait trouvé refuge chez son grand-père, Conrad Caïn Taiji, Archimage Yavinor de son état. Elle lui avait fait promettre de ne rien dire pour le moment. L’homme avait été surpris. La jeune femme était née Magicienne. Elle possédait quelques propriétés sur le territoire et, plus que cela, elle était sa descendante. Adam – le père d’Edelwyn – était mort aux dernières nouvelles. Cependant, il avait appris que chez les Taiji, il fallait souvent tuer les individus plusieurs fois. L’Éternité du Phoenix était un don répandu. Elle n’avait pas encore explicité sa situation à son grand-père mais celui-ci avait été ravi en découvrant Anya. Il lui avait demandé si celle-ci était sa fille. Elle n’avait pas répondu et passait son temps dans le parc attenant au château du Duc.

Jun avait fini par se montrer, éloignant Conrad qui avait préféré les laisser seuls. Il avait pris Anya avec lui. Edelwyn s’était assise près de la table de jardin. Jun avait posé les genoux à terre et placé sa tête sur ses cuisses, sur ses mains. Un long silence s’installa, qui fut finalement ponctué par le soupir de l’homme. Il se redressa un peu pour la regarder. « Ne m’en veux pas pour quelque chose que tu m’as toi-même fait subir et n’essaye pas de me faire croire que cette situation t’arrangeait. Tu as été cruelle. J’ai subi ton caprice autant que toi et, maintenant qu’il est terminé, j’aimerais que nous arrêtions de nous défier l’un et l’autre. Nous avons passé l’âge, Edelwyn. » Elle finit par le regarder. Elle le toisait. « Tu es un Dieu, Ezechyel. Tu peux très bien te passer de moi. Je sais que tu as embrassé cette Sirène au Bal des Douze Cycles Lunaires alors arrête de jouer les amants éconduits. Tu as d’autres hobbies en dehors de moi. Je ne t’épouserai pas, même pour tout l’or du monde. Tu es déjà marié, qui plus est. » Elle fit une pause avant de reprendre. « Ce corps est faible. » Il se releva totalement et se déplaça pour s’asseoir à son tour sur une chaise, à côté d’elle. Il appuya son coude sur la table et vint caler sa joue dans sa paume. Il la regarda. « Je vais prendre ton discours comme des remerciements. » fit-il, avant d’esquisser un sourire narquois. Il prit une voix moqueuse et légèrement plus aigüe. « Oh Ezechyel, tu es réellement formidable de m’avoir libérée de la tête d’une enfant de onze ans et permis de retrouver un corps normalement constitué, certes un peu plus faible que celui que j’avais avant, mais fonctionnel et réellement ressemblant. » Il s’interrompit un court instant puis reprit sa voix habituelle, sans se départir de son air moqueur. « Mais de rien, Edelwyn. Je savais que nous pourrions avoir une discussion entre adultes et ça me fait réellement plaisir. » « Arrête. » « Non, toi, arrête. Tu sais très bien que les arguments que tu m’as avancés sont nuls et non avenus. Tu accepterais pour n’importe qui d’autre, par pur opportunisme. » Elle le fixa. « Si tu veux tellement m’épouser, tu n’as qu’à utiliser tes pouvoirs divins pour m’y forcer. Autrement, c’est un non. » « C’est un non, alors. » conclut-il en laissant son dos rencontrer le dossier de la chaise.

« Tu te souviens… » « Chut. » fit-elle, en se levant. Elle écarta ses cuisses pour y poser son genou. Là, elle plaça une main sur sa joue. « Comment as-tu pu me laisser me marier à notre fils ? » demanda-t-elle, sévèrement. Il la fixa durement à son tour mais finit par se radoucir. « Nous parlerons de ça plus tard. D’ici quelques secondes, un Magicien va arriver pour t’annoncer que tu as été choisie pour participer à la Coupe des Nations des Sorciers. Nous verrons, après celle-ci, lequel de nous deux est à blâmer. Je ne suis pas ton père, Edelwyn. Tes actes t’appartiennent. Moi, tout ce que je veux, c’est que nous nous marions tous les deux, même si ce mariage n’a de valeur que pour nous. Je veux juste faire partie de ta vie, partager un peu de temps avec toi et t’aider. » Il passa ses doigts dans ses cheveux. « Je pourrais… t’enlever pour rigoler et, pendant que l’un de tes nombreux maris te chercherait, nous nous amuserions ensemble. » Il captura brièvement ses lèvres avec un naturel déconcertant. « Et je veux faire un petit frère ou une petite sœur à Devaraj, aussi insupportable que lui. » ajouta-t-il dans un rire, avant de l'embrasser de nouveau comme s'il se fichait éperdument de l'agacement qu'il provoquait chez la jeune femme. Il y eut un raclement de gorge gêné. L’émissaire venait d’arriver, guidé par un artefact qui lui avait permis de trouver celle qui avait été désignée par les Dieux. Il reconnut sans aucun mal Jun Taiji. Elle, en revanche, elle lui était inconnue. Son nom, pourtant, était célèbre.