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Sam 16 Mai 2020, 22:36



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Partenaire: Solo
Intrigue/objectif: Circe arrive à sortir de son habitacle pour la première fois et tente d’obtenir de l’information sur ce qu’il s’est passé durant son exil de sept années. Elle exerce son pouvoir de Divine Comédie lorsqu’elle réalise que de se promener à découvert dans les rues de Drosera pourrait mener à la découverte de son nom – et donc à sa perte.



Une couleuvre se faufile entre les doigts écartés de Circe. Les écailles sont vertes, cette fois-ci. Allongée sur le dos, elle tilte légèrement le menton pour observer le mouvement du reptile. La tête se faufile entre l’auriculaire et l’annuaire, caresse sa paume, puis se redresse pour passer entre l’annuaire et le majeur. Un slalom qui se poursuit jusqu’à ce que le serpent s’enroule autour de son pouce. Les écailles reflètent brièvement la lumière des chandelles allumées un peu partout. Circe le regarde faire son chemin. Le visage fermé. Les yeux dépourvus d’émotion, semblables à ceux d’une morte. La couleuvre appuie sa tête sur l’ongle de la Génie. Son œil jaunâtre fixe le regard morne de l’autre.

Elle n’a plus de corps. Seulement une enveloppe. Un amas de chair qui n’est pas fait de chair. Que de la matière, sans nom et sans utilité, une chose à peine dense venant limiter ses mouvements. Un réceptacle servant à contenir sa conscience. Aucune sensation ne parvient à traverser la barrière de l’immatérialité composant son être. Les écailles du serpent ne lui sont ni chaudes, ni froides; la langue qu’il darde sporadiquement n’est ni humide, ni sèche; les mouvements de son corps ne provoquent ni chatouillement, ni frisson. C’est le manque de toute chose qui demeure la seule réalité avec laquelle Circe peut interagir. L’absence lui est tolérable car intangible.

Sept années lui ont suffi pour s’être presque entièrement résignée à la chose. D’en venir à la conclusion que les sensations externes sont le fléau des autres. Le néant dans lequel viennent se perdre ses sensations demeure une bénédiction lorsque comparée à l’amalgame de nouvelles perceptions internes qui ont accompagné sa nouvelle réalité. Au début, de l’intérieur, des nerfs qui brûlent, qui s’effritent, qui se déchirent, qui se brisent. Une douleur psychique sans pareil. Un soi qui se réarrange, une essence qui s’effondre sur elle-même pour qu’une autre en émerge. Ne pas avoir conservé son sens du toucher lui avait évité d’ajouter la douleur physique à celle de nature psychologique ayant accompagné sa transformation. Avoir laissé son corps et ses besoins derrière lui a permis de se concentrer sur des choses plus importantes. De s’élever au-delà des préoccupations qui affligeaient sa conscience, autrefois. La douleur lui a donné l’opportunité de voir plus clair.
L’œil jaune du serpent la fixe toujours. Elle se demande si elle sentirait le reptile se défaire sur sa peau, si elle refermait le poing et l’écrasait. Lentement, ses doigts viennent se replier autour du corps de la couleuvre verte. Enserrent les écailles. Se compressent pendant de nombreuses secondes. Les sourcils de Circe se froncent sous l’effort. Doucement, elle réouvre son poing. Sur la paume, il n’y a plus aucune trace du serpent.

Circe redresse la tête vers sa coiffeuse. Deux couleuvres la narguent à présent de sur le meuble. Elle lève les yeux au ciel. « Je vous aurais bien un jour. »

Elle se relève de l’amas de coussins tachés de vin d’où elle se prélassait alors. Franchit les quelques pas qui la séparent de sa coiffeuse et s’y assoit. Elle tend la main vers un des reptiles, qui vient s’enrouler autour de son avant-bras. Les serpents sont la seule chose vivante, à part elle, qui gracient son habitacle. La compagnie était parfois la bienvenue. Elle contrôle tout, dans ce monde qui est sien, sauf les serpents. Ils apparaissent et disparaissent de leur propre chef. Elle arrive à conjurer tout ce qu’il lui chante, entre les quatre murs qui avaient été, autrefois, sa loge au théâtre. Il ne lui suffit que de penser à un objet pour qu’il apparaisse entre ses mains. Les serpents, quant à eux, lui sont intouchables – impossible de les conjurer ou de les bannir. Comme une défaillance dans le système. Ça lui déplaît. C’était comme si l’essence même de sa prison la narguait. Lui donnait la preuve de son manque de contrôle au quotidien. Une manifestation supplémentaire de son impuissance.

Elle avait tenté de quitter les lieux à plusieurs reprises, durant son emprisonnement. Surtout au début. En premier, elle avait tenté de se concentrer à emmener son essence ailleurs. Fermer les yeux et penser à être autre part. N’importe où sauf dans l’oppressant intérieur où elle était confinée. Elle avait passé de nombreuses journées, assise en tailleurs sur ses coussins, à méditer et à tenter de partir. Lorsque son échec lui était devenu évident, elle avait élu de détruire les murs de sa loge. Coups de poing, griffures, coups de pieds. Lancer des meubles, arracher la peinture. Conjurer des armes, des outils, des objets lourds et les balancer contre le plafond. L’habitacle avait tenu bon. Les murs étaient une cage qui lui refusaient la sortie. Circe demeurait la prisonnière d’un coffret pour lequel elle n’avait pas la clef.

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Sam 16 Mai 2020, 22:38



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La couleuvre s’enroule autour de son coude. Elle caresse sa tête du bout de l’index. « Mais oui, prends tes aises. » Elle roule sa nuque lentement alors que son regard va se perdre vers le miroir à main qui traîne sur sa coiffeuse. Ses doigts l’enserrent et elle le retourne vers elle, de manière à pouvoir admirer son reflet. Le miroir lourd, taillé dans le bronze, le manche enserré d’un serpent sculpté à même le métal. La surface était fêlée et il y manquait un éclat de verre. D’un geste bref, elle balaie un mèche de son visage pour pouvoir mieux discerner ses traits. Les mêmes yeux émeraudes qui l’avaient fixé hier la regardent encore aujourd’hui. Circe était figée dans le temps, sans aucune possibilité d’évolution ou de changement. Elle passe la main dans ses épais cheveux sombres. La couleuvre a du mal à suivre son mouvement. « C’est ton problème. » Derrière elle, le même décor qu’à l’habitude. La bibliothèque remplie de vieux livres entassés les uns sur les autres; le paravent en bois de cerisier sur lequel des costumes de scène traînent; la montagne de coussins qui s’empilent sur un tapis taché de vin. Des fleurs, un peu partout, mortes et vivantes. Des chandelles au mur, des chandelles sur le plancher, leur cire se répandant sur le sol. La sensation d’étouffement ressentie dans la loge n’avait jamais faibli. Son seul répit avait été sa brève excursion à la Porte des Songes. Convoquée par les siens dans un domaine où le Rêve avait été la seule limitation. Elle avait pu marcher entre les rêveurs, saisissant leurs désirs du bout des doigts. Les sculpter de manière à exaucer leurs vœux. Elle avait senti sa puissance grandir, se façonner de manière à accommoder la présence du Lien du Rêve qui s’était formé entre elle et son Maître. Les nœuds qui jusqu’alors avaient resserré sa conscience s’étaient déliés, le barrage levé pour que la Magie Bleue se déverse tout autour d’elle. Un courant qui avait monté afin de noyer des rêveurs sous le poids de leurs propres chimères. Le souhait qu’elle avait exaucé avait été moindre; la sensation n’en avait pas été moins enivrante.

Elle imagine à nouveau ses doigts frôler à peine la toison du rêve. Elle se voit tendre la main pour la pincer, alors que la matière onirique s’étend autour d’elle comme un ciel à la portée infinie. Presque imperceptiblement, son image dans le miroir change. Comme lorsque l’on jette un caillou à la surface d’une eau calme, des rides apparaissent sur le froid éclat du miroir. Un bref froncement de sourcils. Le serpent enroulé autour de son bras ouvre la gueule et siffle. Elle tend son index vers le miroir. Ne rencontre aucune résistance alors que son doigt s’y enfonce. Les yeux s’écarquillent. Sa main a entièrement disparu à travers la surface du miroir. Son cœur se met à battre la chamade. Rapidement, frénétiquement, elle se relève, faisant basculer sur le sol la chaise sur laquelle elle était assise. Les serpents sur sa coiffeuse crachent toujours en sa direction. Il y en a six, désormais. Trois autres grimpent sur ses chevilles. Elle pose le miroir sur le sol. Elle n’hésite pas. Elle plonge.

L’absence de sensations est encore plus palpable lorsqu’elle est extirpée de sa loge. Elle sait qu’il y a une brise, car elle la voit venir secouer les branches d’un arbre, à sa gauche. Elle sait qu’il pleut, car elle voit les gouttes de pluie se briser sur le pavé. Une odeur de parfum, oui, mais lointaine, moins intense que dans son habitacle. La sensation de confinement, de murs qui se rétractent sur elle, des barreaux de cage qui rentrent dans sa peau – disparue. Sur elle, plus de serpents. Un long soupir tremblotant monte de sa gorge. Elle prend sa tête entre ses mains et s’y réfugie un instant. Autour d’elle, elle entend les pas de quelques passants qui progressent sur la rue. Le volume d’une conversation qui croît puis diminue alors qu’ils s’éloignent. Le rire d’un enfant. Elle a envie de rire, elle aussi.

Circe reconnaît Drosera qui s’étale autour d’elle. Le Premier Plateau, celui qu’elle n’avait que très rarement visité dans son ancienne vie. De l’eau impure qui tache ses rivières après avoir abreuvé les cinq autres plateaux le précédant. Les gens y sont quelconques, marchent vers leurs résidences parfois en traînant les pieds, parfois en traînant leurs mômes. Personne ne porte attention à la femme aux cheveux noirs, immobile sous l’averse. Tant mieux.


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Sam 16 Mai 2020, 22:47



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Une lueur attire le regard de Circe vers le sol. Un éclat de verre, à ses pieds. Des gouttelettes ruissellent sur sa surface. La Génie s’accroupit, admire son reflet. Y distingue ses lèvres qui s’étirent à peine en un sourire satisfait. Elle effleure la surface de l’éclat de miroir du bout des doigts. Pas tout de suite. Elle ne se sent pas encore assez faible pour retourner dans son habitacle. Elle attrape le morceau de miroir lentement, ressent comme une brève décharge électrique à l’intérieur de son être lorsqu’elle y pose les doigts. Le glisse dans son corset. Une brève fascination pour le phénomène – impossible pour elle de manier quoi que ce soit d’autre que son habitacle. Il est à la fois réel et irréel, matériel et onirique. Le pont entre son monde à elle et le monde tangible, le monde qu’elle avait dû laisser aux autres.

La nuit est tombée sur le Premier Plateau. Il y a bel et bien quelques passants qui marchent çà et là le long de la rue, bien qu’elle soit vastement déserte. La plupart ont l’air de presser le pas pour se mettre à l’abri de la pluie. Le courant de gens semble fluctuer pour la plupart vers la partie nord de la rue. Circe se redresse. Un couple partageant un parapluie passe à côté d’elle et la dépasse rapidement, sans lui porter attention. Elle leur emboîte le pas, mesurant ses enjambées pour garder une bonne distance. Le ourlet bleu sombre de la jeune femme est taché de boue alors qu’il glisse sur le pavé humide. Les pointes de ses cheveux ivoires se gorgent d’eau et dégouttent à filets minces sur son dos. Son compagnon enserre sa taille de son bras droit, les manches de sa chemise retroussées jusqu’aux coudes. Ils se parlent à voix basse. La jeune femme éclate de rire, exposant un sourire auquel une canine manque. Circe tend l’oreille. « Tu n’es pas croyable. » L’homme sourit à son tour. « Mais j’ai raison, non? » « Je refuse de commenter. » « Pourquoi? Tu as peur que ton ami Sorcier ait vent de ce qu’on dit? » « Ce n’est pas mon ami. Plutôt mourir. »

C’est au tour de l’homme de pouffer de rire. Ses paroles sont étouffées par la fin de son éclat. Circe s’avance davantage pour mieux saisir. « …à l’apothicaire. » « C’est un Sorcier. Rien de surprenant. » « Tu devrais être moins gentille avec lui. Qu’il comprenne mieux sa place. De toute façon, qu’est-ce qu’un sorcier peut bien faire à Drosera? » « C’est ce que je me suis demandé. Ils n’organisent pas la Coupe des Nations, de toute façon? Il n’a rien de mieux à faire que de venir empester notre Cité? » Les deux compagnons rient d’une seule voix. Une moue suffisante, de la part de Circe. Les résidents de Mornhîngardh, au bas de la hiérarchie, n’avaient qu’aux étrangers à qui s’attaquer. Il était bien, par contre, d’apprendre que les mœurs à Drosera n’avaient pas changé durant son absence. « Une Coupe des Nations organisée par des Sorciers. » L’homme crache sur le sol. « Une vraie blague. » Il réajuste son gilet. « Ils le font pour célébrer, à ce qu’il paraît. » « Célébrer quoi? » « Tu sais. La prise de Terre Blanche. J’ai entendu des rumeurs folles sur ce qui… » La voix redevient trop basse pour que Circe puisse entendre. Elle se rapproche davantage. Les Sorciers ont pris Terre Blanche? Presque impossible à croire. « Ils sont bons pour quelque chose, au moins. » Circe laisse s’échapper un ricanement. Les deux Alfars se retournent abruptement vers elle. La scrutent de haut en bas. « On peut vous aider? »

Circe se fige. N’avait pas pensé s’être avancée si près du couple. Leurs yeux se plissent alors que le silence s’éternise. La peur s’empare de la Génie. Elle ouvre la bouche pour parler. Arrive à articuler un mot. «Désolée. » La femme se redresse, toute trace de son hilarité précédente disparue. Un air hautain prend possession de son visage. Un air que Circe reconnaît bien, l’ayant vu sur ses propres traits alors qu’elle s’adressait à des Alfars ne naissance moins noble qu’elle-même. Cette Mornhîngardh pense lui être supérieure. Et elle est obligée de jouer le jeu. Ses dents se resserrent. « J’admirais votre robe. » L’homme repasse un bras protecteur autour de la taille de sa compagne. L’intime de se retourner d’un mouvement. « Moins que rien. » La jeune femme lui jette un dernier regard alors qu’ils s’éloignent. Elle chuchote quelque chose à l’oreille de son compagnon.

Le son de leurs pas s’affaiblit tranquillement alors que le couple emprunte une ruelle et disparaît à la vue de Circe.

Elle tremble presque sous le coup de l’adrénaline. Elle n’avait pas réalisé que son apparence était encore sienne. Son visage d’antan; sa peau d’Alfar. Elle était à découvert, en pleine capitale – l’épicentre du peuple auquel elle avait déjà appartenu. Elle pouvait déjà voir sa liberté lui glisser d’entre les doigts, si le moindre passant prononçait son nom réel. La colère monte en elle. Sans parler, elle se maudit pour sa propre sottise. Emprunte une ruelle à son tour pour se soustraire du regard des autres.

Elle ne peut détourner sa pensée du tatouage s’enroulant sous sa poitrine.


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Sam 16 Mai 2020, 22:52



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Elle l’avait trouvé penché au-dessus d’une cloison de fleurs dans un des jardins communautaires du Plateau. Une autre facette de la vie du Premier Plateau dont Circe se moquait, autrefois. Un Alfar sans jardin qui s’active pour cultiver une plante qui ne lui appartient pas entièrement. L’idée est presque risible. L’homme possédait une peau noire, les membres dissimulés sous une cape sombre, gardant son corps à l’abri de la pluie. Avec agilité, il creuse la terre humide pour y transplanter une racine quelconque. La peau de ses mains a l’air endommagée, parsemée de zones sèches et de petites entailles. Circe imagine la terre sous ses ongles s’imbiber d’eau de pluie et se transformer en boue. Il essuie une goutte ruisselant sur le bord de son front avec le plat de la main. Une trace sombre et humide s’y étale alors qu’il poursuit sa besogne. Ses cheveux foncés sont lissés vers l’arrière et attachés en une queue de cheval basse. Quelques mèches s’y échappent et se collent sur sa nuque. Accroupi, concentré à son travail, il ne remarque pas la Génie qui lui tourne autour depuis un bon moment déjà. Ayant appris sa leçon, Circe garde ses distances. Observe les mouvements de l’Alfar de loin.

Il finit sa première transplantation. Manie la nouvelle plante avec délicatesse alors qu’il la met de côté afin de creuser un nouveau trou, tout près de celui qu’il vient d’achever.

Circe s’adosse à un arbre et copie les gestes avec ses mains, dans le vide. Imagine la peau sèche, entre le pouce et l’index. Pense à la sensation de la pluie qui ruisselle sur les phalanges. L’homme se met à chantonner, calmement. Sa voix est grave, son débit lent. Circe sent la même mélodie venir prendre racine au fond de sa gorge, déposée là par sa Magie Bleue. À voix basse, elle entonne le même air. C’est la voix de l’homme qui émerge d’entre ses lèvres.

L’Alfar cesse de bouger.
Circe se plaque au dos de l’arbre et retient sa respiration.

Elle compte les secondes. N’ose pas se pencher pour regarder avant qu’une minute ne se soit écoulée. S’appuie contre le tronc d’arbre et avance la tête pour voir si l’homme se tient toujours immobile.

Il est à genoux, le dos légèrement courbé, une main négligemment posée sur la cuisse. Ses talons s’enfoncent vers le haut de sa jambe. Des lunettes rondes que Circe n’avait pas aperçues avant sont posées sur le bout de son nez. Les mêmes lunettes apparaissent sur le visage de la Génie. Il entrouvre son veston et tire une flasque d’une d’un pochette intérieure. Circe mime le même mouvement. Sa robe se métamorphose en un veston gris pâle, trempé par la pluie. Il s’essuie la bouche du revers de la main, puis se remet à chantonner.

Circe tire de sa cachette l’éclat de verre qu’elle avait dissimulé et s’observe dans la surface embuée. Les joues creuses, la peau brune, de larges sourcils. Des lunettes perchées sur le bout d’un nez en trompette. Des cheveux courts, humides, dégoulinant le long de son cou. « Bonjour, toi. » Une voix empruntée à un autre. Elle sent ses forces se saper presque tout d’un coup alors qu’elle s’efforce de maintenir sa concentration sur son déguisement. Malgré tout, un sentiment de calme se dissipe en elle. Un mélange du sien et de celui de l’Alfar. La personnalité de l’homme lui est à peine perceptible. C’était comme si d’autres sentiments venaient enjamber les siens et se déposer tout doucement par-dessus. Elle n’arrive pas encore à subordonner ses propres émotions dans leur entièreté afin de parfaire le déguisement. Pour l’instant, que des traits minimes, des instincts qui ne sont pas siens et qui viennent se suggèrer à elle tranquillement. Elle le sait calme. Elle le devine à son aise sous la pluie. Ça lui va. Elle s’éloigne.

Elle marche d’un pas tranquille dans les rues du Premier Plateau. Les rares Alfars qu’elle croise ne font pas attention à elle. De son côté, elle les observe. Leurs manières, leurs démarches, leurs dispositions. Tente de remplir sa mémoire de nouveaux visages, de nouveaux masques à revêtir. Elle se sait faiblir, devine le voile glisser de sur ses traits progressivement. Elle sent le visage de l’autre sauter, faillir, les coutures du déguisement se défaire. Elle se sent apparaître, en dessous. Elle tapote son habitacle distraitement.

Une lanterne qui brûle toujours, en dehors d’une taverne. À travers la vitre mouillée, elle voit un intérieur illuminé sobrement, une serveuse qui se promène de table en table. Le genre d’établissement où elle n’aurait jamais mis les pieds, sept ans auparavant.

Elle pousse la porte. S’asseoit. Commande, avec la voix de l’autre, un verre.

Lorsque la serveuse revient, il n’y a qu’un éclat de miroir sur le banc.

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