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 [Q] - Le chant qui perce les âmes

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Sam 28 Déc 2019, 15:56

Objectif : Pour égayer une soirée ou pour réconforter des cœurs meurtris, vous avez décider de prendre les choses en main afin d’étirer de grands sourires sur le visage de vos camarades. Vous vouliez sortir de vos pensées moroses? Amenez les autres à se joindre à votre chant, à votre gigue, pour pouvoir embrassez, tous ensemble, le bonheur d’un instant : croyez-moi, de cette chanson, tout le monde s’en sortira heureux. Même si vous chantez comme un pied, l’important, c’est l’intention après tout!



Lothar était accoudé au bastingage, sa gamelle dans la main. Il n’était pas seul. À côté de lui, plusieurs personnes étaient assises autour d’un tonneau retourné. Ils étaient en train de manger et de discuter. Une partie de dés était en cours mais sans grande motivation. C’était simplement pour passer le temps et combler les vides lorsque les conversations se tarissaient. Beaucoup ne parlaient pas, se contentant d’écouter. Ils étaient globalement fatigués, peu habitués à être loin de la terre et, forcément, ceux qu’ils avaient laissé aux Jardins leur manquaient. Il y avait toujours le risque de tomber sur quelques Sirènes et les appréhensions quant à ce qu’ils allaient trouver en arrivant, quand bien même les explorations avaient été murement préparées. Nawen était en train de discuter avec un Ange du nom d’Emiel au sujet de Kahel. La jeune femme était bien plus mesurée que l’homme sur la question, plus calme. « Je ne comprends pas comment l’Apakan a pu laisser la gestion des Jardins à Kahel, vraiment ! » « Je comprends ton point de vue mais… Eh bien, nous n’en savons pas plus. » Nawen était globalement du même avis qu’Emiel. Tous les deux n’appréciaient pas le retour de l’ancien Roi mais pour des raisons différentes. « Ce qui m’inquiètes c’est… » C’était difficile de discuter de ce sujet. Beaucoup d’Anges avaient vécu la même chose. « … son état psychologique. Il n’a pas vraiment eu le temps d’être pris en charge et je pense que tout Ange qui a vécu chez les Démons doit être suivi. » Lothar écoutait. Il n’y avait pas que ceux-là. « Comme nous tous, en réalité. Même si nous n’en avons pas forcément conscience, le génocide a été un traumatisme, au-delà de la perte et du deuil que nous avons dû faire. Il y a des choses qui peuvent se déclencher des décennies après. Je ne sais pas ce qu’a vécu Kahel mais s’il était retenu par l’Asmodée comme la rumeur le dit, il se peut qu’il ait subi trop de maltraitances pour être encore en état de régner. » « C’est surtout qu’un Roi qui a laissé le génocide arriver en ne protégeant pas notre peuple n’a pas sa place sur le trône. » Certains acquiescèrent. Nawen n’était pas foncièrement d’accord. Elle soupira. « C’est malheureusement trop important pour être de la faute d’un seul homme. » « Je ne pense pas. Le rôle du Souverain est de protéger son peuple. C’est lui qui donne les ordres, lui qui décide si oui ou non il faut renforcer l’armée, si oui ou non il faut élever un mur protecteur pour sauvegarder le territoire. Oui les Démons ont profité de la victoire de Sympan mais le résultat aurait pu être le même à un autre moment. Nous n’étions pas préparés. » Nawen resta silencieuse, ce qui plongea le groupe dans une sorte de gêne étrange. Les dés furent lancés et, quelques secondes après, la jeune femme prit de nouveau la parole. « Le passé est le passé. Les véritables responsables restent les Démons. On ne peut pas en vouloir à un peuple d’essayer de vivre dans la paix, même s’il a été négligeant sur ses moyens de défense. On ne peut pas incriminer la victime et peut-être que ce n’est pas la bonne méthode que de nous torturer sur ce qui est arrivé. L’avenir est devant nous maintenant. Il ne faut pas oublier ce qu’il s’est produit mais, à mon sens, il ne faut pas s’y noyer non plus, sinon nous allons disparaître. » Elle sourit d’un air désolé. « Notre peuple évolue tous les jours. C’est le cas avec les enfants de Réprouvés. Nous avons été punis mais je suis convaincue que les choses vont s’améliorer. Le plus important maintenant est d’avoir une terre qui nous appartienne et c’est justement ce pourquoi nous sommes ici. » « C’est vrai. Nous ne devons pas nous laisser abattre, même si la présence de Kahel à la tête de la race est vraiment un coup dur pour moi. » Ça l’était pour beaucoup. « Je suis d’accord aussi. Peut-être qu’ils auront bientôt des nouvelles de l’Apakan sur le continent. » « S’il ne s’est pas fait tuer. » Certains acquiescèrent. « Il y a cette possibilité mais je n’y crois pas trop. Il n’aurait pas désigné Kahel si… » « Peut-être que Kahel a menti. » Ça se pouvait.


Lothar était toujours silencieux, une boule au fond de l’estomac. Il ne se sentait pas de discuter de politique. Il n’était pas très au courant – ou ne voulait pas l’être. L’Homme de la Forêt était, certes, sorti de ses bois mais il restait un peu éloigné des hautes sphères. Il ne se sentait pas assez intelligent pour pouvoir en discuter pleinement. Il n’avait pas les arguments. Il avait simplement des ressentis que son instinct lui dictait, mais rien de très explicable. Lui non plus n’était pas pour la gestion de Kahel Heylik mais sans doute était-ce simplement dû aux pertes qui avaient eu lieu sous son règne ; à ses propres pertes, en fait. Est-ce que les choses auraient pu être différentes si le peuple avait été dirigé par un autre Souverain ? Il ne le croyait pas. Peut-être que si. En réalité, il ne savait pas quoi croire ni qui croire. Lorsqu’il se trouvait confronter à un débat, il n’arrivait pas à prendre position. Il se rendait compte qu’il était facilement manipulable en fonction des arguments déployés par chacun. Il avait son propre point de vue mais il pouvait aussi donner raison à quelqu’un qui ne partageait pas le sien. Il soupira et s’apprêta à aller se coucher, lorsqu’il sentit quelque chose le heurter. Il paniqua quelques secondes. Il regarda autour de lui. Il n’y avait rien, juste cette étreinte qui venait d’entourer sa taille et… ce sentiment étrange de bien-être qui fit disparaître ses craintes. Il restait tout de même perplexe. Il entendit son prénom. Il ne connaissait pas cette voix. C’en était de plus en plus troublant qu’il ressente et entende des choses venues de nulle part, tout en éprouvant une forme de complétude. Était-il en train d’avoir une hallucination ? Était-il en train de vivre des effets secondaires, de ceux dont Nawen parlait plus tôt, qui arrivaient parfois des décennies après un drame ? Il envisagea de parler de ce qu’il ressentait aux autres mais il n’avait pas envie de les inquiéter pour rien. Et comment pouvait-il expliquer ça, au juste ? Il entendit un « Tais-toi » puis une suite qui le rendit livide. Il y avait quelqu’un, contre lui, qui le traitait d’idiot tout en lui avouant un manque. Une fraction de seconde il pensa à sa femme et à ses enfants mais ils furent écartés. Il ne voulait pas y penser. Il ne voulait pas croire que les morts puissent communiquer ainsi avec lui. Pourquoi maintenant ? Il n’y avait aucune raison. « Melissandre… » murmura-t-il alors. Il ne pouvait en être certain mais ce qu’il ressentait… c’était… de l’amour. Il n’y avait aucun corps sur lequel resserrer son étreinte et il ne comprenait pas. Si c’était bien elle, comment pouvait-elle faire ça, sans la moindre magie ? Était-ce grâce au lien ? Il était complètement dépassé par la situation et lorsqu’elle cessa, il en fut retourné, comme si on venait de lui arracher quelque chose avant même qu’il n’ait pu en profiter.

« Vous allez bien, Lothar ? » demanda soudainement Nawen. Ils n’avaient pratiquement jamais parlé ensemble et elle préférait le vouvoyer pour le moment. « Je… Oui oui, ça va. J’étais perdu dans mes pensées. » Il ne pouvait pas avouer ce qu’il venait de se passer. Peut-être était-ce son imagination ? Peut-être n’était-ce rien ? Il n’avait pas envie de passer pour un fou ou de donner une fausse alerte. Il en parlerait sans doute si ça se reproduisait. Oui voilà. S’il ressentait ça à nouveau, il irait en discuter avec quelqu’un.

Après quelques temps, la conversation reprit. Il n’écouta pas plus. Sa main libre vint toucher sa propre taille, là où il avait senti l’étreinte. Ses yeux se levèrent vers le ciel étoilé. Il déglutit et essaya de réguler un peu sa respiration pour se calmer. Son Humaine lui manquait. Peu importe la distance, peu importe le reste, le lien ne cessait de se renforcer au fur et à mesure du temps. Il ne pouvait pas nier qu’il l’aimait. Ses sentiments lui posaient tellement de problèmes. Ce n’était pas simplement de l’amitié. Au début, oui, mais le lien les avait rapprochés doucement mais surement. Il savait qu’elle devait le détester de ne pas être présent. Il cherchait un moyen. Il voulait pouvoir lui faire face à nouveau mais elle était si jeune et… il avait l’impression d’être infidèle. Il ferma les yeux un moment. Il ne pouvait pas lutter contre ce lien. Il ne voulait pour rien au monde le briser mais… c’était si prenant, si inattendu. Il le savait pourtant. On ne laissait pas les Anges devenir Gardiens sans les prévenir. Seulement, avec l’enchaînement des derniers événements, avec le génocide, avec la mort de ses proches, avec son incapacité à faire face, tout ça le troublait plus qu’autre chose. Ça lui posait quelques soucis, comme si l’amour qu’il ressentait n’était pas vraiment vrai. Il l’était. Il aimait son Humaine mais… il avait tellement peur de la faire souffrir et de ne pas être à la hauteur. Il n’était pas certain de pouvoir accepter une personne dans sa vie et d’être capable de chérir cette personne comme il l’avait fait avec sa femme. Il se rappelait sans peine de ces instants où il se disait qu’il l’aimait plus que tout au monde. Parfois, il se réveillait avant elle le matin et il la regardait dormir, jusqu’à ce qu’elle se ouvre les yeux à son tour. D’autres fois, elle s’endormait sur son ouvrage. Il allait alors lui chercher une couverture pour qu’elle n’ait pas froid. Il se souvenait des moments difficiles, lorsqu’elle avait perdu leur premier enfant. Il se souvenait des moments heureux, lorsqu’il avait croisé le regard de son fils pour la première fois. Cette vie, ils l’avaient construites à deux, pierre après pierre. Ça n’avait pas toujours été facile mais ils s’aimaient et avaient surmonté tous les obstacles, un à un, jusqu’au génocide. Et cette gamine, son Humaine, il… ne savait pas. Il ne savait pas exactement ce qu’il en serait. Il l’aimait mais il n’était pas certain qu’elle… Enfin… De toute façon, il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. Il était celui qui n’allait pas la voir, celui qui la fuyait et la laissait toute seule. Il s’en voulait de ne pas répondre à ses obligations, d’être trop lâche pour la regarder en face et de se plonger dans un déni stupide. Il savait qu’il s’empêchait d’avancer. Il se cherchait des excuses, tout le temps. Et si ci ? Et si ça ? Il avait juste envie de la serrer dans ses bras en fait. Il s’en privait, seul. Il poussa un profond soupir. Il devait être fort et arrêter de se morfondre ainsi. Il devait agir.

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Mar 21 Jan 2020, 13:38



Alors que Lothar se demandait comment détendre l’atmosphère, une musique retentit soudain. L’attention du petit groupe se dirigea vers un Ygdraë. Nawen le reconnut. Il s’agissait d’Oreste. Il arrivait lentement, tout en jouant de la cornemuse. L’air était connu et entraînant. Lothar se désolidarisa de la rambarde sur laquelle il était appuyé et attendit le bon moment pour commencer à chanter. Il chantait comme une casserole. Ce n’était pas de la fausse modestie. Il n’avait jamais eu de cours et avait bien du mal à tenir le ton. Cependant, malgré ce fait, sa voix était curieusement contagieuse. Était-ce seulement sa voix ? Peut-être pas. Il faut dire que l’Ange y mettait tellement d’énergie que ça pouvait jouer. Une petite lueur amusée brilla dans les yeux de l’Elfe. Il aurait bien souri mais ses lèvres étaient actuellement dans l’impossibilité de bouger. Il regarda Nawen quelques secondes, comme s’il essayait de lui faire passer un message silencieux. La jeune femme tourna un peu la tête, ne comprenant pas ce qu’il voulait lui transmettre. Elle se demanda un instant si, avec des yeux aussi rieurs, il n’était pas encore en train de tenter de la titiller à propos de Ramiel et elle. Ça aurait été bas. Plus que bas, ça la déconcentrait vraiment. La voix de Lothar résonnait toujours. Comme l’Ange ne comprenait décidemment rien, Oreste s’avança vers elle et lui confia l’instrument. Il y eut un moment de flottement, sans musique, avant que l’Ygdraë se mette également à chanter pour accompagner le blond. La jeune femme fixa ce qu’elle tenait à présent dans les mains et, prise d’une inspiration quasi-divine, et au grand étonnement de ses comparses, reprit la chanson là où Oreste l’avait laissée. « Tu savais qu’elle jouait de la cornemuse, toi ? » demanda un Ange à un autre. Le concerné leva un peu ses mains en haussant les épaules, en signe négatif. Non, effectivement, personne n’en savait rien. Lothar sourit à l’Ygdraë et se rapprocha de lui pour le prendre par les épaules. Les deux, côte à côte, s’en donnaient à cœur joie, surjouant volontiers le temps de décoincer les autres membres du groupe. Lothar riait à moitié, provoquant quelques trémolos dans son chant. Oreste, lui, chantait juste. Même si c’était sans doute dû à quelques préjugés, personne ici n’en aurait jamais douté.

Durant une pause dans les paroles, Lothar se dirigea vers Vladémir pour essayer de l’entraîner avec lui. L’Ange, d’abord un peu récalcitrant, finit par se laisser convaincre. Puisqu’ils étaient déjà deux à chanter – et que Lothar chantait vraiment mal – il n’y avait rien à craindre. Quelque part, il admirait le blond d’être aussi désinhibé avec une telle voix. Le brun tapota sur l’épaule d’un de ses compagnons qui se leva à son tour pour les accompagner. Petit à petit, tous les individus présents sur le pont vinrent les rejoindre. Ils avaient tous besoin de décompresser un bon coup. On devait les entendre d’absolument partout sur le navire, dans les airs et à la surface de l’eau sur quelques centaines de mètres. Les Anges qui volaient afin de surveiller la mer et l’horizon se mirent également à chantonner, plus ou moins fort. L’un d’eux se mit à rire en voyant ses collègues se mettre en scène plus bas. Lothar était particulièrement motivé. Il passait d’une position debout à une position à genoux. Ses mains se levaient parfois. Puis, au bout d’un moment, il se mit à danser, rejoint dans sa folie par l’Ygdraë qui, contrairement à l’Ange, savait danser. « Nawen, peux-tu me faire passer l’instrument, s'il te plaît ? Je sais en jouer un peu. Si tu veux chanter et danser, je peux te remplacer. » proposa un Ange, encore un peu endormi, qui venait de rejoindre le groupe. La jeune femme hésita. Elle ne pensait pas que ce soit une bonne idée de se mettre en scène ainsi. « Ne t’inquiète pas, tu ne seras jamais pire que Lothar. » souffla l’homme en riant, se moquant gentiment. « C’est lui qui m’a réveillé. » ajouta-t-il. « Y a mieux comme réveil. » L’Ange blond, qui avait entendu la moquerie de son confrère, se dirigea vers lui et lui tapota l’épaule, chantant d’autant plus fort qu’il se rapprochait de son oreille, comme pour en rajouter une couche. Ils se mirent à rire, tous les deux, Nawen les rejoignant quelques secondes plus tard. Elle finit par se délaisser de la cornemuse pour aller rejoindre le groupe de chanteurs et de danseurs.

Oreste s’arrêta un instant et fit apparaître une bouteille de rhum, accompagné de petits verres. « Allez, un bon petit coup et ça ira mieux ! Sauf pour Vladémir ! » Il regarda le brun. « Hé oui, les rumeurs vont vite ! Interdit de boisson. » « C’est de bonne guerre. » répondit le concerné. Il avait eu des problèmes d’addiction à l’alcool après le Génocide. Heureusement, son esprit était alors bien trop faible et torturé pour que son comportement ne soit considéré comme de la Gourmandise. Ça aurait pu. Il avait été aidé par Gadeon notamment, le frère jumeau de l’Apakan. Aujourd’hui, il ne touchait plus une goutte d’alcool. Il se remit donc à chanter, absolument pas dérangé par la consommation de ses semblables. La boisson ne l’avait jamais attirée pour elle-même. Il s’y était plongé pour oublier les cris qui résonnaient dans sa tête. Ça ne lui avait rien apporté de bon. Les petits verres furent vidés. « Allez Nawen. Ça ne risque pas de vous déchoir si vous n’en buvez qu’un. » dit-il à la jeune femme qui avait passé son tour. « Je ne pense pas que… » « Détendez-vous un peu. Si nous mourrons durant ces explorations, au moins, vous vous serez amusée. » Elle soupira et prit le verre. « Cul sec ! » « Vous êtes vraiment étrange pour un Ygdraë. » « Je ne vous permets pas. » fit-il, faussement outragé. « Nous savons boire à Melohorë. » Elle sourit et but. Elle s’étouffa à moitié, ce qui provoqua l’hilarité de l’Elfe. « Allez, ça va aller ! Heureusement, Ramiel n’a pas vu ça. » Il la taquinait. Elle rougit, signe que ça marchait plutôt bien. Ça le contrariait un peu en réalité mais, comme avait dit Vladémir, c’était de bonne guerre.





Quelques heures après, il n’était plus que trois : Lothar, Nawen et Oreste. La plupart des Anges étaient allés se coucher. Lothar avait les joues un peu rouges. Il n’avait pas l’habitude de boire. Oreste était parfaitement frais. Nawen fixait le sol, un peu perdue dans ses pensées. « Allez, Nawen, une petite chanson calme avant d’aller se coucher. » « Je ne suis pas sûre que… » « Vous n’êtes jamais sûre de rien. Détendez-vous un peu, bon sang! » dit-il, mimant un agacement que tous savait faux grâce à la lueur vive et taquine de son regard. Il sourit. Lothar sourit aussi. « Allez-y Nawen. » Oreste fit apparaître dans sa main un petit objet sphérique. De la musique en sortit. Il savait qu’elle la connaissait. Lothar non. C’était particulier, aussi parce que la moitié de la chanson était en Cinere. Oreste lui tendit un petit verre. « Pour vous donner du courage. » « Vous êtes vraiment… » « Buvez et chantez ! Ça vous apaisera. » Elle le fit et entama la chanson, lente et envoûtante. C’était un chant spécial, d’invocation de certaines créatures invisibles aux yeux des Mortels sous leur forme ténébreuse. Elle ne pourrait pas les voir. Il essayait de comprendre comment elle fonctionnait, ce qui restait de ses souvenirs. Tout, visiblement. Elle n’avait pourtant pas accès à son identité. Sa voix semblait provenir d’un autre monde, accompagnée de l’artefact, surtout lorsque ses lèvres émirent du Cinere. Ça le fit frissonner. Il ferma les yeux un instant, imité par l’Ange. Il sourit lorsqu’il rouvrit les yeux, constatant la présence des créatures, flottant dans les cieux, curieusement calmes et obéissantes. Tout ce qui tournait autour d’elle l’intéressait. Il essayait de comprendre les motivations qui se cachaient derrière ses multiples formes sans y parvenir. C’était comme un jeu, sans parler qu’elle tenait ses ordres de son soi-disant frère qui n’existait pas le moins du monde. Ce n’était ni un Vivant, ni un Esprit et, pourtant, elle le voyait.




Plus tard, elle reposait tranquillement sur les genoux d’Oreste, la tête contre son épaule. Lothar était penché en avant, ses coudes reposant sur ses cuisses. Les deux hommes restèrent ainsi quelques minutes avant que l’Ange ne brise le silence. « Elle n’a pas l’air de bien tenir l’alcool. Deux petits verres et hop. » Il sourit, amusé. Lui non plus ne se sentait pas spécialement frais, pour la même quantité ingurgitée. « Elle ne tient pas, c’est vrai, mais je pense qu’elle était surtout fatiguée. » « En tout cas, elle a plus de voix que moi. Elle monte facilement dans les aigus. » Il ne pouvait pas lui dire que ce résultat était le fruit de plusieurs siècles de pratique. « Vous vous améliorerez avec le temps. » dit calmement l’Ygdraë, tout en maintenant fermement l’Ange contre lui. Lothar se demandait s’il était très convenable de laisser l’Elfe se charger ainsi de Nawen. Il n’osait pourtant rien dire de particulier. Il avait l’air bénéfique et absolument pas intéressé par la jeune femme. Peut-être aurait-il mieux valu l’amener à sa couche ? Il devait avoir mal à force de la tenir. Il ne semblait pas en souffrir, dans tous les cas. « Vous… » commença Oreste. « Je crois avoir entendu dire que vous protégiez une Humaine. Elle ne vous manque pas trop ? » L’Ange se redressa un peu. Son expression changea. « Je n’aime pas trop en parler. » « Vous devriez. Ça vous aiderait. Je ne suis pas un spécialiste de la question mais je pense que vous et moi avons beaucoup en commun. » « Ah ? Comment ça ? » « J’ai une enfant à charge. » « Votre fille ? » « Non, c’est plus compliqué que ça. Ce n’est pas ma fille. Heureusement. » Il l’avait dit en grimaçant un peu. « C’est un peu le même procédé que vous et votre Humaine. » « Melissandre n’est plus vraiment une enfant, plutôt une pré-adolescente… Enfin, je ne l’ai pas vu beaucoup et j’ai l’impression que je me mens sur son état… Les sentiments sont vraiment… » « Pas faciles à vivre. » « Oui. » « C’est vrai que c’est mieux lorsqu’un Ange protège un adulte. Ça donne moins l’impression d’entrer dans une relation déplacée. » Il sourit. Lothar fit de même, sachant que c’était exactement ça. Son amour pour son Humaine lui posait quelques défis moraux. Il savait que ça ne s’arrangerait pas avec le temps. Il avait entendu dire que certains Enfants de Sympan avaient arrêté de vieillir et, sincèrement, il espérait que ce ne serait pas le cas pour Meli. « Et vous, de quoi il s’agit exactement ? » « De Destin principalement. Je dois protéger une enfant, en sachant qu’elle deviendra ma femme, plus tard. Mais mon enfant est particulièrement turbulente et insaisissable. Avant de devenir ma femme, elle risque d’être celle d’un autre. » Et pas que d’un mais s’il commençait à avancer qu’il y en aurait probablement plusieurs, Lothar risquait de ne pas comprendre. « Ça a l’air compliqué. » « Assez. Heureusement que je suis un Ygdraë et que la violence ne fait pas partie de mon quotidien. » En fait, il avait envie de réduire en poussières les concernés avant même que quoi que ce soit ne se produise. À croire que l’Univers aimait le torturer à ce sujet. À vrai dire, c’était la seule chose qui n’allait pas dans son existence, la seule chose qui lui échappait, la seule chose qui le faisait vraiment trembler. « Si Melissandre se mettait avec quelqu’un d’autre… » Il s’interrompit, soudainement mal à l’aise. « Non mais… Elle est encore petite, je ne sais pas à quoi je pense. C’est infernal… J’aimerais tellement ne pas ressentir ça. » « Pourtant, votre amour est pur. » « Oui mais elle est trop jeune et ça me… C’est… » Il grimaça à son tour. Oreste le regarda un instant tout en réajustant la position de Nawen. « Il faudra vous armer de patience. Ces explorations sont une bonne chose pour vous changer les idées. Vous m’avez l’air de manquer de confiance en vous en ce qui concerne votre capacité à protéger votre Humaine. » « Vous êtes fin psychologue. » « Oh non, je ressens simplement la même chose parfois face à mon Fardeau. » « Fardeau ? » « C’est comme ça que je l’appelle quand elle me contrarie. Le Fardeau. »

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