Objectif : Écarté de l'armée pour des raisons de santé, Kaahl a décidé de monter un spectacle caritatif. Il rencontre Lodicia Marivaux, violoniste réputée, avec qui il va travailler jusqu'au grand jour. Les places sont payantes et l'argent est reversé à une petite association indépendante composé de Magiciens et d'Anges qui aide les sans-abris à travers le monde et qui travaille parfois avec l'Ordre d'Hébé.

« Je suis heureuse que vous ayez accepté de venir ici. » « Tout le plaisir est pour moi. » Je la gratifiai d’un sourire. « Je suis aussi contente que vous ayez pensé à moi pour le spectacle. » « Vous êtes réputée et je savais que contribuer à une bonne cause vous ravirait. » J’examinai les instruments. « Vous êtes dans la musique depuis l’enfance, avec la boutique que tient vos parents. C’est une chance. » « Oui. Petite, j’adorais venir ici et j’ai développé cette passion très tôt. » J’avais contacté la Comtesse Lodicia Marivaux dans le cadre d’un projet qui allait bientôt arriver à son terme. « Moi aussi. J’écoutais ma tante jouer du piano et j’ai rapidement décidé de m’y mettre. » « Ça s’entend lorsque vous jouez. Vous êtes connu parmi les artistes également, même si vous n’en avez pas fait votre métier. C’est dommage d’ailleurs. » Mes doigts touchèrent les cordes d’un violoncelle. « Je joue essentiellement pour le plaisir. » Elle posa son regard sur ma main. Je m’en rendis compte. « Pardon, je n’aurais pas dû toucher. » « Faites, ce n’est pas ça que j’admirais. » Je souris et continuai de caresser l’instrument. « C’est une bonne idée d’allier musique et magie. » « Oui mais ne vous méprenez pas, j’adore le son d’un piano sans artifices. J’ai d’ailleurs quelque chose à vous proposer. » « Oui ? » « J’aimerais beaucoup que nous fassions un duo, et que vous chantiez aussi. » Je ris. « Vous ne m’avez jamais entendu chanter, ça se voit. Pour le duo, j’accepte avec plaisir. Nous pourrions nous entraîner quand vous le souhaiterez. J’imagine que vous êtes celle de nous deux à avoir l’emploi du temps le plus chargé. » « C’est vrai alors ? Vous êtes interdit d’entraînement militaire jusqu’à ce que votre jambe aille mieux ? » « C’est ça. J’ai eu tendance à trop forcer ces derniers temps et… mon corps n’a pas suivi. » À force de faire du sport à outrance, j’avais aggravé ma situation. Contrôler mon ressenti, mes émotions, n’y changeait plus grand-chose et j’avais été écarté de l’armée pour l’instant. L’ordre avait été ferme et sans appel. Dire que je n’avais pas provoqué la situation aurait été un mensonge. Je l’avais fait à moitié exprès, à moitié parce que mon addiction à l’effort physique était véridique. Je voulais attaquer la Terre Blanche bientôt et je ne pouvais pas gérer sur les deux fronts : armée magicienne et attaque sorcière.

Lodicia me regarda de la tête aux pieds. Comme je la regardais aussi, elle rit. « Pardon. L’étiquette et moi n’avons jamais fait bon ménage. Je ne voulais pas vous donner une mauvaise impression. J’essayais juste d’évaluer vos mensurations pour le costume. J’ai une très bonne amie couturière et elle m’a dit qu’elle aimerait vous habiller. » Je ris à mon tour. « Je vous donnerai ça alors. » « Oui, merci. » Elle attendit un instant, puis revint à son idée initiale. « J’aimerais réellement que vous chantiez. Je peux vous exercer. Pour tout avouer, je connais très bien Dulcidée et elle m’a dit que vous aviez une jolie voix. » Je passai ma langue sur mes lèvres, embarrassé. « Comment est-ce qu’elle… ? » « Vous chantez pour vos enfants. » me confia-t-elle, avec un sourire espiègle. « Oh. » Je ris. « C’est vrai mais chanter des comptines est généralement à la portée de tout le monde. » Elle ne cessait pas de sourire. « Vous devriez essayer. Si vous chantez et jouez du piano en même temps, nul doute que votre Ange finira par être sous le charme. » « Hum… » Les rumeurs s’étaient arrêtées depuis quelques temps au sujet de Laëth et moi, du moins, les plus extravagantes et les moins crédibles. Depuis, il n’y avait plus que quelques bruits concernant mon amour pour l’Ange et mon impossibilité à la conquérir en raison de sa présence sur la Terre d’Iyora. « Dîtes-le moi si mes propos vous perturbent. Je suis trop directe parfois. Mes parents me l’ont toujours reproché, ça et ma façon de vouloir toujours obtenir ce que je veux, peu importe les conséquences. » Je tournai le regard vers elle. « Non. Vraiment, j’ai entendu pire que ça. Pour le reste, je trouve ça louable de faire tout pour obtenir ce que vous désirez. C’est ainsi que l’on avance même si la morale et l’éthique doivent, je pense, avoir leur place. » « Vous avez raison. » Il y avait quelque chose dans cette conversation d’assez particulier. « Vous joueriez ? » me demanda-t-elle. « Maintenant ? » « Oui. Si cela ne vous dérange pas, j’aimerais que nous passions l’après-midi ensemble. Je vous montrerai ce que j’ai prévu pour mon temps de spectacle, vous pourriez faire de même si vous le désirez et nous pourrions travailler sur notre duo et votre voix. Je n’ai que la boutique à gérer. Nous ferons des pauses si un client arrive. »      

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« Vous pourriez amplifier le son par magie ? » demandai-je. « Bien sûr. » Elle s’exécuta, ce qui emplit la salle de répétition d’une mélodie d’autant plus forte et prenante. « Puis-je essayer quelque chose sur vous, Lodicia ? » « Cela dépend. » répondit-elle en souriant. « Une forme d’hypnose sentimentale. » précisai-je, tout en continuant de jouer. « J’aimerais que cette soirée soit mémorable et que les invités en ressortent touchés, profondément. » « Je suis déjà touchée lorsque je vous écoute jouer. » Mes doigts se stoppèrent un instant. Je la regardai. « Votre jeu de violon me procure le même effet. » Je souris. « Seulement, nous sommes tous les deux amoureux de la musique et, quand bien même notre jeu aurait ce pouvoir, peut-être que le rendre d’autant plus prégnant serait une bonne chose. J’ai envie de… Je ne sais pas, quelque chose de captivant, de fascinant, qui ferait voyager leur esprit. » « Vous devriez commencer une carrière de poète. » plaisanta-t-elle. « Quelle idée d'avoir intégré l’armée. Je vous vois autant manier une épée qu’un Ange fréquenter une maison de passe. » « Vous seriez étonnée. » « Vous me montrerez, dans ce cas. » « Nous ferons des joutes lorsque ma jambe ira mieux. » Elle rit. Nous savions très bien que nous ne nous ferions jamais ça. « Et merci pour le violoncelle. » « Vous n’allez pas me remercier dix fois. Il vous plaisait, ça se voyait, et même si je sais qu’il n’est pas pour vous, je suis convaincue que la personne à qui vous l’offrirez saura en prendre soin. » « Je l’espère. À vrai dire je ne sais pas si ça lui fera plaisir. » « Si ça vient de vous… » Je souris. « Vous avez une trop grande estime de mon influence sur les gens. Cela dit, j’aime beaucoup les personnes qui jouent de la musique et j’aimerais vraiment en jouer avec elle, un jour. » « Votre Ange. » Je ne répondis pas mais mon sourire équivalait à une réponse positive. « Je vous achèterai un instrument pour de vrai lorsque nous aurons fini notre entraînement. » « Je serai ravie de vous conseiller. Reprenez, à présent. »

Nous avions loué l’une des salles de spectacle de Cael. Le monde y affluait. Toutes les places avaient été vendues. Pour des raisons techniques, les Humains ne pouvaient pas s’asseoir sur les fauteuils proches de la scène. Il s’agissait d’un spectacle qui, s’il devait être simplement symphonique à la base, était vite devenu symphonique et magique. Lodicia et moi avions préparé nos performances ensemble, vu et revu plusieurs points de détail. Elle s’était vite rendue compte de mon côté perfectionniste et en avait ri plus d’une fois. Tous les deux, nous avions eu une autre idée, afin de donner davantage d’impact au tout. « Bienvenue. » dis-je, à l’attention des invités. « Ce soir, nous sommes réunis pour un moment qui, je l’espère, restera marqué dans vos mémoires longtemps. Ce qui devait n’être qu’un spectacle instrumental a pris des proportions inattendues. Aussi, je m’excuse auprès des spectateurs Humains pour vous avoir légèrement éloignés de la scène ou surélevés. » Il y avait un balcon, plus haut, qui permettait d’avoir une superbe vue. Ce n’était pas le cas des places assises disposées plus en arrière. Néanmoins, étant donné que l’ouïe était le sens le plus utile, ce n’était pas si grave. « Nous tenions réellement à ouvrir cette soirée au plus grand nombre et nous vous remercions pour avoir acheté vos places. Comme précisé, l’argent sera reversé intégralement pour aider les sans-abris, dans des contrés où la Royauté est moins bienveillante qu’ici. Je vais d’ailleurs laisser la parole à la dirigeante de l’association en question, qui va vous parler des accomplissements de celle-ci, juste après. » Je souris en direction de la femme désignée. « La Comtesse Lodicia Marivaux et moi-même avons décidé de vous convier à un buffet qui se tiendra ici même, après le spectacle. D’autres artistes joueront pendant ce temps et vous pourrez également vous exercer en leur compagnie. Les novices pourront apprendre ou se perfectionner ainsi. Demain matin, il y aura un petit déjeuner pour ceux qui auront eu le courage de rester toute la nuit. » Je souris. Ça ne me dérangeait pas de ne pas dormir. Mes insomnies ne me laissaient, bien souvent, pas le choix de toute façon. « Je vous souhaite une bonne soirée. »

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Cadeau pour Laëth. Le Violoncelle : Il s'agit d'un instrument artisanal qui a la particularité d'être, en plus, magique. Il a la capacité de créer des illusions pour celui qui joue afin de le plonger dans un univers visuel qui illustrera son jeu et créera une palette de sentiments d'autant plus forte chez lui. Une fois l'instrument maîtrisé, ces sentiments se feront ressentir chez ceux qui écouteront également.

« Je suis désolé de vous avoir fait pleurer. » lui dis-je. « Non… Non, ne le soyez pas. J… Je ne pensais pas que votre magie serait si… » Elle rit, en essuyant son visage avec ses index. « J’aurais dû m’y attendre. Vous étiez professeur de magie il n’y a pas si longtemps… » « Non j’aurais dû être un peu plus délicat et vous prévenir. » Je l’avais englobée d’un mélange bien dosé d’hypnose et de contrôle émotionnel. J’étais entré en elle par le biais de ses pensées, je l’avais prise et je ne l’avais plus lâchée, jusqu’à appuyer sur la corde sensible. J’avais fait vibrer son être par l’intermédiaire de ma magie et l’expérience avait été aussi bouleversante pour elle que pour moi. C’était une intrusion indescriptible et, un instant, j’avais eu l’impression de la posséder entièrement, si bien qu’il m’aurait été facile de la briser comme une brindille. Elle avait fini par pleurer à l’écoute de mon jeu, son ouïe d’autant plus sensible, son cœur m’étant ouvert. J’avais violé son intimité de la plus belle des manières, jusqu’à lui inculquer la beauté, celle qui bouleverse et qui touche. « Je… » Je passai ma langue sur mes lèvres rapidement, embarrassé. « Faisons une pause. Parlons instrument. Vous devez toujours m’en vendre un, vous vous souvenez ? » « Oui. » se reprit-elle un peu. « Vous étiez tellement… » J’avais été au plus profond d’elle. Je la regardai différemment, à présent. C’était une expérience étrange. Son regard sur moi avait aussi changé. Ça me rappelait Adam, lorsqu’il prenait le contrôle de mes sens, les décuplait ou les anesthésiait. Il y avait quelque chose de fusionnel et d’effrayant à se laisser posséder ainsi. Je comprenais ce qu’elle ressentait, même s’il était certain qu’elle ne pensât pas un instant que je puisse chercher à la tuer ainsi. Ce n’était pas ce que j’avais fait. « Enfin… Peut-être faudrait-il doser légèrement moins pour nos spectateurs, sinon vous allez tous les faire pleurer. » Elle rit, toujours confuse, alors que nous descendions dans la boutique. « Quel genre d’instrument souhaitez-vous ? » Je la regardai sans répondre tout de suite. « Si ça peut vous consoler, je vous jouerai un air de violon. Je ne voulais pas vous le dire mais j’ai commencé à en pratiquer il n’y a pas longtemps. Mon jeu est déplorable. » Je souris. « Ça m’étonnerait. » dit-elle. « Si ce n’est pas le cas, je ferai semblant de mal jouer pour que vous puissiez vous moquer. Quant à cet instrument… Il sera destiné à une Comtesse qui, je pense, n’a pas de grandes notions en matière de musique. Seulement, s’évader lui ferait du bien. Sa vie n’est pas très drôle en ce moment. » « Une idée ? » « Je ne la connais pas beaucoup. J’aimerais bien qu’elle essaye disons… » Je réfléchis. J’avais envie de lui offrir quelque chose d’inattendu. « Une contrebasse. » « Une contrebasse ? Elle risque de faire une drôle de tête lorsqu’elle verra le paquet. » « Faisons ça alors, ça la sortira de son quotidien. »

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Morbius Trailer Music | Beethoven - Für Elise
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Le spectacle commença doucement, par Lodicia. La jeune femme était une musicienne réputée. Elle excellait en violon mais avait maîtrisé, au fil du temps, de nombreux instruments à corde et à vent. C’était sa passion. Je la contemplai en train de jouer, de la même façon que le public, à la différence près que je devais me concentrer sur ma magie, afin de la déployer dans la salle entière. Nous avions convenu de rehausser les émotions des spectateurs et de leur faire vivre une expérience inoubliable tant auditivement que visuellement. Bien sûr, la magie ne pouvait survivre à la présence des Humains mais nous avions préparé quelques petites mises en scène, comme un vol de corbeaux, des drapés, des ombres tournoyantes et des jeux de lumière qui se déplaceraient dans l’ensemble de la pièce. Nous voulions que les battements de leur cœur se calent avec le rythme des mélodies, au point qu’ils en aient le souffle coupé. Mes yeux parcoururent la foule et j’employai une hypnose douce. Je refis ce que j’avais fait avec la Comtesse, à une échelle peut-être moins intime. Je n’allais pas « prendre » ces individus. J’allais simplement caresser leur esprit et les amener à ressentir chaque note avec intensité, à entrevoir les illusions comme des ersatz de beauté. Je désirais qu’ils vibrent et frissonnent, qu’ils se donnent.

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Cadeau pour Aliénor. La Contrebasse : Il s'agit d'un instrument artisanal qui a la particularité d'être, en plus, magique. Lorsque sa capacité est activée, elle permet de téléporter les gens qui se trouvent présents à côté de celui qui joue ailleurs, sans qu'ils ne puissent revenir avant une période de temps variée, même par téléportation.

« Allez. » Je la regardai, peu convaincu. « Faites comme si j’étais l’un de vos enfants. » « Ce que vous dîtes est vraiment très étrange. » Elle rit. « Je vous impressionne, c’est pour ça que vous ne voulez pas chanter ? » « Ça doit être ça. Personne n’aime le ridicule. » « Chantez et je vous corrigerai. Vous savez comme moi que c’est en échouant qu’on apprend. » « C’est vrai. » Un petit sourire en coin apparut sur mes lèvres. « Arrêtez de faire ça. » « Pourquoi ? » « On dirait que vous réfléchissez à la meilleure manière de fuir… Non, encore mieux, à la meilleure manière de vous débarrasser de moi. » « Touché. J’étais en train de songer à vous enfermer dans ce placard juste avant de fuir avec votre violon. » « Vous ne savez pas en jouer, ce serait dommage. » « Vous n’arrêtez pas de me charrier. » « C’est dans mon caractère. Maintenant, chantez, sinon… » Elle laissa un léger suspens s’installer. « C’est moi qui chante ! » « Ah ! Je chanterai uniquement si vous le faites aussi, dans ce cas. » « C’est nouveau ça. » « C’est votre faute. » Je ris. « Je chanterai après vous mais j’accepte, parce que je ne renonce jamais à avoir ce que je veux ! » « Ça reste moralement acceptable j’imagine. » « C’est vous qui faites du chantage. » « Si proche de devenir un Sorcier. » plaisantai-je, avant de me concentrer. « Interdiction de vous moquer. » « Jamais. »

Quelques minutes plus tard, je l’avais perdue. Elle était morte de rire. Plus ma mine devenait boudeuse, et plus elle riait. « J’… J’ai tellement mal au ventre… et aux joues ! Par Suris ! » Mes doigts caressèrent mon front. « Mais… On ne… » Elle repartit dans plusieurs rires. Je finis par sourire aussi, observant sa poitrine se soulever en rythme. « Votre rire pourrait presque devenir une mélodie mais, je vous en prie, arrêtez, c’est très embarrassant. » « Je savais que… » Sa voix tressauta. « Je savais qu’il ne fallait pas que vous chantiez ça. » « Je vois, vous m’avez piégé. » « Oui, je le reconnais. » Elle essayait de s’arrêter de rire, ce qu’elle ne parvint à faire que cinq minutes plus tard, lorsque ses joues furent bien trop douloureuses pour qu'elle continuât. « Je voulais me venger pour le violon. » « Une vraie Sorcière. » « Mais rassurez-vous, je sais ce que vous pourriez chanter. Votre voix est douce. » « De mieux en mieux. » « Douce et profonde. Je pense que vous pourriez monter dans les aigus facilement et toucher les graves si vous vous entraînez un peu. Entre nous, pour bercer un enfant, c’est mieux d’avoir une voix douce. En plus, comme vous êtes sportif, vous avez déjà du souffle. » Elle était soudainement très sérieuse. J’aimais bien l’observer lorsqu’elle se concentrait. « Je suis sûre que vous ferez d’énormes progrès en peu de temps. Vous êtes de ce genre-là, le genre agaçant, à ne rien lâcher tant que ce n’est pas parfait. » Pour le coup, elle avait eu raison. À partir du moment où nous nous étions entendus sur une chanson, je n’avais plus arrêté de la chantonner. Elle avait bien choisi. La performance m’était aisée dans l’ensemble, hormis quelques points précis qu’un travail acharné me permit de combler rapidement. Le soir, en planifiant l’attaque de la Terre Blanche, je m’exerçais. En rêve, je le faisais aussi, répétant inlassablement les paroles jusqu’à arriver à cet état de maîtrise que je ressentais pour le patin à glace et le piano. C’était plaisant.

Après notre duo, ce fut le temps de ma double performance, au chant et au piano. La Comtesse m’encouragea avec un air espiègle. Je lui souris en coin, pour lui rappeler que la possibilité de l’enfermer dans un placard m’effleurait toujours l’esprit. En réalité, j’étais sûr de moi. Je m’étais entraîné et cela faisait une bonne centaine de fois que je la chantais sans difficulté. Je pris donc place et commençai mon œuvre. Ma magie engloba les spectateurs, soutenue par celle de Lodicia. Elle me transporta aussi, jusqu’à me faire frissonner. Ce que j’aimais dans la musique c’est qu’elle ne souciait pas du Bien ou du Mal. Elle était, simplement, et pouvait toucher tous ceux qui l’entendaient. Lorsque je jouais, j’oubliais le passé et le futur, je me concentrais sur le présent. Je n’étais plus le Prince des Sorciers et je n’étais plus le Nylmord en devenir. Il n’y avait que moi. Mes rôles tombaient et ce que je voyais, mon véritable moi, faisait trembler mon âme.

Le lendemain matin, je m’approchai de la Comtesse. « Ça a été un plaisir de jouer avec vous. » « Pareillement. Si jamais… Si jamais vous souhaitez refaire ce genre d’événements, je serais vraiment ravie d’y participer. » « Je penserai à vous. » « Et si vous avez besoin d’un instrument, n’hésitez pas à venir à la boutique. » Je lui souris. « Et si je veux simplement chanter en votre compagnie ? » « Ah non, mes oreilles ne s’en sont pas remises ! » dit-elle avant de rire. Je ris aussi. Elle allait ajouter quelque chose lorsque l’un des hommes qui nous aidait à tout remettre en ordre nous interrompit. « Vous avez entendu la nouvelle ? Il paraît que des créatures viennent de sortir du Lac Bleu ! » « Ah oui ? » fis-je. « Oui ! Ça vient juste de se produire… » Lodicia me regarda et se remit à rire. « La faute de votre voix, je n’en doute pas ! » Je ris. Ni elle ni moi ne savions à quel point les Kinshäla étaient capables de provoquer des dégâts matériels à ce moment-là.

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