Partenaire - Solo
Intrigue - Peu de temps après avoir eu un entretien avec le Nylmord, Mancinia retourne sur les terres du Duché d'Arkas. L'Humaine y retrouve ainsi son Mur, ainsi que sa mère après une décennie d'absence. Il est temps pour elle d'en apprendre un peu plus sur l'état de ses affaires et de la situation actuelle.

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Mancinia poussait un long soupir en voyant la demeure au loin. En était-elle encore la propriétaire légitime ? Elle l'ignorait. Elle interrogerait, éventuellement, celui ou celle qui y demeurait et ayant allumé le feu dans l'âtre de la cheminée. Elle voyait des volutes de fumée s'échapper du toit. À n'en point douté, elle n'était pas déserte. Il faut dire qu'en une décennie, de nombreuse choses pouvaient évoluée et certainement pas en faveur de celle absente au milieu de son ascension éclatante. Elle ne doutait pas qu'on puisse l'oublier, surtout une fois sortit du territoire Humain. Les Magiciens étaient respectueux, mais il y avait des limites, non ? Glissant comme une ombre malade au milieu de la route, l'Humaine était visible et ne cherchait pas spécialement à se dissimuler en ce début d'après-midi. Le Soleil avait disparu derrière une épaisse couche de nuages, donnant à cet endroit un aspect sinistre. L'absence de Kamiya lui pesait énormément, elle avait l'impression d'avoir été amputé d'un bras. Où était partit son fidèle ami ? Était-il mort depuis ? Cette pensée lui crevait le coeur et la chassait bien vite de son esprit. Peut-être était-il à Utopia, avec sa mère ? Peut-être était-il avec Neah, pour le surveiller ? Il y avait une dizaine de possibilités, moins terribles que la disparition de son plus fidèle compagnon, la jeune femme se rattachait à cette pensée positive. Ses certitudes avaient été balayées et il fallait qu'elle réapprenne bien des choses sur le monde. Sur son entourage. Sur ses capacités.

Devant la porte, la Matasif fût tentée de se raviser. Peut-être valait-il mieux poursuivre sa route vers les terres du Lac Bleu, elle aurait plus de chance chez les Anges que d'avoir des réponses, mais au final, cet endroit lui appartenait, ou lui avait appartenu, un représentant de la Chevalerie Magicienne ne la mettrait pas à la porte de manière vulgaire ou impolie. Elle ne perdait rien à obtenir cette réponse-là, alors, sans trop de convictions, elle toquait à la porte et quelqu'un vint lui ouvrir. Un instant, Mancinia fût troublée. Cette apparence immonde qui aurait certainement fait hurler quelqu'un de peu habituer, elle la connaissait. Il s'agissait d'un Mur. Cette apparence répugnante ne lui laissait pas le moindre doute quant à la noblesse de la personne au sein de ses murs. Pour autant, pourquoi un être de cette importance trahirait-il son secret aussi facilement ? Était-ce encore une personne qui découvrait le monde, ou bien... ? Peut-être que son Ma'Ahid était moins dévorante et de ce fait, on lui accordait peu d'importance. Toutes ces interrogations qui se bousculaient dans sa tête furent interrompues par un seul mot.

— Maîtresse.

Mancinia cligna des yeux plusieurs fois, réalisant que l'on s'adressait à sa personne. Elle-même avait réalisé un Pacte avec un Mur et elle connaissait les tenants et aboutissants de celui-ci. Est-ce que ce Mur était le sien ? Cela pouvait être fort probable.

— ...Ritsuka ?

L'Humaine était soufflée devant cette rencontre impromptue. Jamais elle n'aurait cru la revoir, du moins, pas en ces lieux et en ces circonstances. Cela l'avait ébranlée bien plus qu'elle ne l'aurait admise. Cela lui avait tellement coupé les jambes que ces dernières avaient du mal à la portée, mais sa surprise était plus grande que le reste. Ritsuka enlevait sa masse imposante de devant la porte et elle put revenir au sein de la demeure Arkeres comme propriétaire légitime.

— Je ne m'attendais pas à te voir en ces lieux, admit-elle. Tu es venue te réfugier ici pendant mon long sommeil ?
— Ce n'est pas exactement cela, Maîtresse. J'honore votre nom en administrant vos biens. Je veille aussi sur votre mère, comme le concluait notre contrat.

Le coeur de Mancinia venait de s'arrêter, de se serrer, de faire un bond énorme dans sa poitrine. Tout cela en même temps. Son souffle s'était coupé net quelques secondes, avant qu'elle ne reprenne une énorme inspiration, avant de demander d'une voix tremblante, n'osant y croire.

— Elle est... ?
— Ritsuka, qui est-ce ?

Une forme apparue dans l'embrassure de la porte. Un peu amaigrie, quelques années de plus, mais toujours aussi ravissante. Avec des marques de ses blessures passées, on ne pouvait se tromper sur personne qui se trouvait devant elle. Et vu leur ressemblance, de ce lien qui l'unissait à la Chevalière.

— Mère.
— ...Mancinia ?

Il y eu un instant où l'une et l'autre prenaient conscience que l'autre était là. Bien présente, même si Sylvia ne pouvait pas vraiment la voir compte tenu de ses yeux aveugles.

— Mancinia ! Ma fille, est-ce bien toi ?!
— Oui, souffla-t-elle. Oui, c'est moi.

L'Humaine s'était avancée dans sa direction, avant de tendre ses bras et de la serrer contre elle, terriblement émue au point de pleurer. Finalement, les Aetheri ne lui avaient pas tourné le dos tant que cela. Les retrouvailles s'étaient faites ici, par un heureux concours de circonstances. Les deux femmes mirent quelques minutes avant de se détacher l'une de l'autre. Mancinia n'osait imaginer le choc que cela devait être pour sa mère. Après avoir vu son mari partir, voir sa fille sombrer dans un profond sommeil durant dix ans. Quelle douleur cela avait dû être. Elles se séparèrent en reniflant, d'une certaine manière. Ritsuka, évidemment, ne disait rien. En observant les alentours, réchauffés par le feu ronflant dans l'âtre, Mancinia prit conscience que rien n'avait changée en une décennie. Mancinia s'installait sur une des chaises, ravie. Elles avaient beaucoup à se dire.

— Tu es restée ici tout ce temps ?
— Non, répondit sa mère. Je me suis moi-même endormie après cette vague étrange, mais mon éveil était il y a quelques années déjà. Nous n'avons pas tous dormi aussi longtemps.
— Ça va alors...
— Tu as toujours été une marmotte comparé aux autres !

Sa mère souriait et Mancinia eu un petit rire.

— Même si tu n'as jamais rechignée devant le travail.

Sylvia éprouvait une immense fierté envers son enfant. Ils l'avaient élevée, avant qu'elle ne connaisse la dure réalité de l'existence des Humains. Elle avait appris à aimer son peuple, à combattre les grands maux au péril de sa vie et elle s'en était souvent fait un sang d'encre. Mais elle était devenue une femme accomplie, à bien des égards. Son amour de la Joaillerie l'avait conduite à faire un métier prestigieux, sa force lui avait permis de devenir une guerrière reconnue et d'être remarquée, même au sein des autres races. Elle ne doutait pas que, malgré sa longue absence, Mancinia serait de nouveau capable de se mettre en avant et de récolter des mérites incroyables. Sans doute était-elle simplement une mère aimante, mais c'était aussi l'instinct, certains enfants avaient des destins éclatants, d'autres étaient simplement destiné à l'oubli. Elle chassait bien vite la pensée de cet enfant qui venait d'apparaître devant ses yeux. Seule Mancinia était sienne et elle le lui rendait bien. La jeune femme reprit la parole après quelques secondes de silence.

— Et...tu es retournée à Utopia ?
— Je suis partie parce que ton oncle y vit.
— ...Pardon ?

Avait-elle bien entendu ? Un membre de sa famille vivait désormais dans la cité Humaine ?

— Ton oncle, Sirius. Le frère de ton père. Il est venu vivre dans la Capitale pendant note absence. Il y jouit d'une grande réputation, lui aussi. À croire que c'est votre destin que de briller.
— Comment sais-tu si c'est lui ? Si c'est un usurpateur qui profite de mon nom, il est écrit qu'il paiera ce mensonge !
— C'est bien lui, Mancinia. N'en doute point. Je l'ai rencontrée.

Sa colère s'apaisait automatiquement. Elle savait avoir de la Famille, mais elle ne l'avait jamais rencontrée autrement que de connaître leurs noms. Il faut dire que la race vivait tellement de manière disparate dans son enfance que de nombreuses familles s'étaient éloignées, pour ne pas dire, c'était presque éteinte. Est-ce que sa mère s'interrogeait parfois de ce qu'il était advenu de la sienne ? Probablement, mais comment savoir ?

— Il n'a pas proposé de t'aider ? demanda-t-elle, amer.
— Je ne souhaite pas le côtoyer, le souvenir de ton père...

Elle prit une longue inspiration.

— C'est mon choix dans tous les cas, achevait-elle en scrutant sa fille. Et toi ?
— Je comptais partir voir Neah, avant de retourner à Utopia pour découvrir Qaixopia.

Sylvia observait sa fille, même sans la voir et avait un petit sourire aux lèvres. Elle savait reconnaître les signes des premiers émois amoureux. Si sa fille aimait quelque chose de plus que son peuple, à n'en point douter, c'était là une personne qu'elle aimait et le lien qui les unissait était puissant, elle le savait. Elle avait déjà vu des mariages entre Anges et Humains, des relations incroyables et loyales, même si fugace et plongeant souvent l'être magique dans une profonde tristesse quand son homologue mortelle disparaissait. Sans doute les plus belles années de leur vie. Elle espérait le même destin pour Mancinia. Elle avait eu le loisir de rencontrer Neah en quelques occasions sur le territoire Humain et ce garçon était poli et serviable. Il ferait sans doute un compagnon plus réfléchis devant l'impulsivité de sa Protégée. Un couple qui se hisserait vers le haut, à n'en point douter.

— Les Anges Gardiens..., sourit-elle. Vraiment des perles, hum ?
— Surtout le mien.

Cela lui arrachait un soupir, ainsi qu'un petit rire. Qu'allait-elle faire de sa fille ? Elle était toujours si aveugle quant à ses propres sentiments. Ou bien se donnait-elle un rôle, ayant bien conscience de ces derniers, mais n'osant les pas assumé ? Sylvia se redressait, suivant la courbe de la table avec sa main pour s'y tenir. Elle s'était habituée à ses lieux depuis plusieurs mois.

— Souhaites-tu quelque chose ?
— J'aimerais bien manger un morceau. Il y a... ?
— Je vais te préparer un repas.
— Non, mais...Je peux le faire.

Sa mère fronçait les sourcils. Elle ne le voyait pas, mais elle le savait.

— Non ? sourit Mancinia.
— Non. Repose-toi de ton voyage.

Mancinia eut un rire à son tour. Restant avec Ritsuka dans un silence qui se voulait appréciable, mais elle finit par se tourner vers elle, assez curieuse. Sa nature repoussante ne lui faisait plus peur depuis longtemps.

— Des nouvelles en mon absence ?
— Cela dépend, Maîtresse. J'ai essayé de maintenir vos activités économiques et vos liens possibles. J'ai joué le rôle de l'amie à qui vous aviez tout confié. Les Vosgien ont également poursuivit les choses.

L'Humaine réfléchit. Avait-elle encore la même richesse qu'autrefois ? Ce serait correct pour redémarrer dans cette nouvelle vie et envisager son avenir, même de manière différente. Les Vosgien avaient aussi également continué à croire en elle, en son absence. Elle allait sûrement devoir s'entretenir avec Parvaneh. Elle n'en avait pas eu l'opportunité, mais elle écrirait une lettre demain matin, lui envoyant par coursier de confiance.

— Maîtresse, il y a aussi ceci.

Ritsuka lui tendit une lettre, très longue, qu'elle lut relativement rapidement.

— Une parcelle de terre située sur la mer … ?
— Elle m'appartient sur ce morceau de papier, mais par extension...
— Elle est à moi.

Mancinia trouvait la chose intéressante, de quoi certainement envisager un énorme projet à venir.

— Tu as des idées pour ce territoire ?
— Je me réfère à vos choix.
— Vraiment aucune préférence ?
— Non.

L'Humaine devait admettre avoir encore du mal avec l'état de servitude de son Mur. Elle était là pour la servir et non pour discuter de ses choix et de ses idées. Cela la surprenait assez.

— J'y réfléchirais en temps et en heure, dit-elle en reposant le papier. Pour l'heure, dès demain matin, nous allons regarder de plus près l'état de mes affaires.

Sylvia revint avec un plateau, Ritsuka se mit à l'aider. Cela la fit sourire, alors que la fatigue tombait sur ses épaules. Mancinia avait simplement envie de vivre.

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