Lorsqu’on lui enleva le bandeau des yeux, Caleb était assis sur une chaise dans un endroit qu’il ne connaissait absolument pas. Son cœur battait la chamade. Il était seulement allé à la rentrée des associations et on l’avait kidnappé ! Peut-être même drogué ! Depuis combien de temps était-il ici ? Il n’en avait aucune idée … Toujours est-il qu’il avait faim ! Très faim même … Peut-être qu’il n’avait pas mangé depuis plusieurs jours !

Devant lui, tournaient plusieurs personnes cachées sous une cape noire à capuchon. Il n’était pas le seul assis au centre. Avec lui, trois autres étudiants s’éveillaient difficilement. Avaient-ils aussi été enlevés lors de l’évènement associatif ? Et qui donc étaient ces gens encapuchonnés ? Caleb avait peur. Qui pouvait donc s’amuser à kidnapper des étudiants sans raison ? Allait-il mourir ici ? Dans cette sorte de caveau souterrain ?

Caleb détailla la pièce afin d’y trouver une issue de secours par laquelle s’échapper. Il ne voyait que de la terre battue éclairée par quelques bougies parsemées ici et là. Les chandelles étaient trop mal disposées pour qu’il puisse distinguer une sortie … Cela le rendait mal à l’aise. Sentiment qui ne faisait que s’accroître lorsqu’un chant presque funéraire s’éleva de leurs geôliers. Caleb pensa que sa vie aurait été bien courte … il n’avait rien fait encore ! A part rencontrer sa mentor Pandore, il n’avait rien apporté au monde. Et encore, on ne pouvait pas dire que rencontrer Pandore avait réellement révolutionné le monde … peut-être son monde à lui, mais c’était tout. D’ailleurs, même en ce moment terrible, il avait l’impression d’entendre son prénom … « Pandoooooooore ! Pandoooooooore ! » Mais c’était plus qu’une impression, car les personnes cagoulées scandaient ce prénom d’une voix grave à l’unisson. « Pandoooooooore ! Pandoooooooore ! » Caleb redressa ses sourcils. Il tourna la tête de droite à gauche, pensant voir sa mentor s’extirper d’un coin sombre de la salle. Où était-elle donc cachée ? Il n’y avait qu’elle pour le kidnapper et l’attacher sur une chaise au fin fond de catacombes … « Pandoooooooore ! Pandoooooooore ! Nous scandons ton nom ! Que ta force et ta gloire puisse nous éclairer ! Pandoooooooore ! Pandoooooooore ! » Caleb resta interdit quelques instants. Et son embarras redoubla d’intensité lorsqu’il vit ses kidnappeurs retirer leur capuche et scandant de plus en plus vite le prénom de Pandore. Il put alors se rendre compte que chacune des personnes devant lui étaient affublées de cheveux blonds ébouriffés et d’une couronne plus ou moins bien faite. En effet, il en vit clairement plusieurs avec une perruque,  sinon comme expliquer cet adolescent à la peau noire avec de tels cheveux … et cette autre fille aux sourcils roux qui, il en était sûr, avait mis une pelote de laine jaune sur sa tête … Et ces couronnes ! Certaines donnait l’illusion d’être des vraies, alors que d’autres étaient façonnées avec du papier mâché ou du carton …

Caleb n’avait soudain plus peur … Toute cette histoire avait une explication logique : Pandore était derrière tout ça, évidemment ! « Pandoooooooore ! Pandoooooooore ! » entendait-il. « Que ta beauté et ta générosité veillent sur ces prétendants ! Offre-leur ton amour et ton intelligence ! » Caleb s’attendait à voir surgir Pandore d’une seconde à l’autre en criant quelque chose de compréhensible seulement pour elle-même. Mais les minutes défilèrent et les étudiants déguisés en Pandore continuaient leur ronde en scandant et demandant l’aide de Pandore … Finalement, Caleb en conclut qu’il y avait des fous partout et que Pandore était peut-être plus saine d’esprit qu’il n’y paraissait … A moins qu’elle soit à l’origine de toute cette mise scène, ce dont le déchu doutait fortement. Impossible que la déchue d’avarice mette aussi longtemps à se montrer pour faire le show comme elle savait si bien le faire … Non, pour Caleb, ces fous avaient choisi d’être ici et de faire cette cérémonie étrange … Cela voulait aussi dire qu’ils les avaient enlevés de leur plein gré et cela ne présageait rien de bon pour la suite. « Pandoooooooore ! Pandoooooooore ! Veuilles sur eux ! Qu’ils trouvent la voix ! Ta voix ! Oh Pandore ! Pandooooooore ! » finirent les cinglés en tenant en l’air l’ébauche d’une pierre violette. Puis, une fille pas plus âgée qu’un deuxième année, se détacha du groupe et s’approcha de Caleb, un énorme livre à la main. « Caleb Mackenzie ! Vous êtes présent ce soir pour vous affiliez à notre groupe d’adoration de la belle et magnifique Pandore ! Acceptez-vous cet honneur ? »  « Euh, non ! »  « Le sujet a dit OUI ! Veuillez le préparer pour la suite ! »  « Mais j’ai dit NON ! J’ai dit NON ! »  Alors que la fille continuait de faire l’appel avec les trois autres enlevés et leur demandait s’ils voulaient rejoindre leur secte, d’autres adolescents s’approchèrent de lui pour lui enlever ses liens. Il tenta de se débattre, en vain. Il lui faudrait sûrement d’autres cours de combat pour les plaquer contre les murs. Résigné, il se fit amener devant une porte. « Enora a vu dans le livre que ton totem était le chat … Tiens ! » lui dit le noir à perruque en faisant apparaître un chat noir borgne entre les mains. Caleb ne comprenait plus rien. Le chat dans les bras, on lui ouvrit la porte et le poussa dans une nouvelle pièce. A l’intérieur, il y vit un escalier en pierre qui montait à l’étage. Il posa le chat au sol et essaya de rouvrir la porte, mais celle-ci était scellée. Il n’avait d’autres solutions que de monter l’escalier. Alors, il le monta doucement. Le chat le suivait. En haut des escaliers, il se trouvait une autre porte. Caleb l’ouvrit sans mal. Il était alors dans un grand couloir. Accolés au mur étaient placés plusieurs armures et des chandeliers muraux. Caleb avait l’impression d’être dans un chanteau hanté. C’était très étrange. Et pourtant, alors que le déchu aurait dû éprouver de la peur, c’était la colère qui prenait le pas. Il l’a senti montait, enflammer son cœur et irradier dans ses membres. Son irritation ne faisait que croître lorsqu’il se disait que s’il n’avait pas eu Pandore en tant que mentor, jamais il ne se serait trouvé dans cette situation tout à fait absurde ! Cependant, il essaya quelque chose qu’il n’avait jamais tenté jusqu’alors : résister à cette colère. Pendant qu’il marchait dans ce long couloir, il essayait de refouler cette agressivité en s’imaginant dans le parc de Basphel en train de regarder les animaux qui s’y trouvaient. Les animaux avaient toujours su le détendre … peut-être parce que leurs pensées étaient moins complexes, plus pures … Et qu’il était rare que ces derniers fassent quelque chose en ayant une arrière-pensée malsaine. Quoiqu’il en soit, le déchu arrivait plutôt bien à s’échapper des griffes de son péché et le chat noir borgne sautillait derrière lui, s’attendant sûrement que Caleb trouve une voie de sortie.

Enfin, le couloir finit par faire une courbe et Caleb toujours centré sur sa colère n’y fit pas plus attention que cela … tout comme qu’il ne remarqua pas la réaction du chat noir borgne. Cela lui aurait sûrement donné moultes indications sur ce qui allait suivre. Tout d’abord, le chat s’arrêta du coup, puis courba son dos afin de se mettre d’autant plus haut sur ses pattes. Enfin, il hérissa son poils et cracha en direction de la courbe … Tout cela aurait donc pu aider Caleb a se rendre compte qu’il y avait un intrus dans cette fin de couloir. Ce qu’il ne fit pas, évidemment, trop concentré à calmer sa colère.

Alors, Caleb se retrouva rapidement nez-à-nez devant … une momie. Celle-ci était grande. Elle dépassait d’une bonne tête le déchu. Bizarrement, le déchu resta inerte devant elle. La surprise sûrement. Et au lieu de s’enfuir sur le champs – comme l’avait déjà fait le chat d’ailleurs – Caleb ne put s’empêcher de vomir sur les bandeaux de tissus souillés qui entouraient le corps de la momie. L’odeur qui émanait de cette dernière était tellement nauséabonde que l’estomac du déchu n’avait pas tenu le choc.

Passer le cap de cette rencontre, Caleb fit demi-tour le plus vite possible et laissa transparaître tout sa lâcheté et s’enfuyant à tire-d’aile et en criant à gorge déployée un énorme « Aaaaaaaaaaaaah ! ». La momie le poursuivait en claudiquant doucement, mais le déchu s’imaginait déjà mourir, les intestins à l’air libre et la momie se délectant de ses viscères.

Heureusement, le chat noir borgne, s’étant d’une certaine manière épris du déchu colérique, fit demi-tour et donna quelques coups de griffes à la momie qui ne s’attendait pas à autant de résistance. Caleb voyant le petit être se battre pour lui, ne put le laisser mourir seul. Alors, prenant son courage à deux mains, il fit également demi-tour en un cri enragé : « Aaaaaaaaaaah ! » La momie en sursauta si fort qu’une de ses bandes se détacha un peu de son corps à l’odeur infecte. Le chat borgne ayant remarqué ce détail s’empara alors du morceau de tissu et tira dessus de toutes ses forces. Caleb n’ayant, quant à lui, pas vu la manœuvre du chat, se prit les pieds dans la bande et s’étala de tout son long en emmenant la momie au sol. Le chat en profita alors pour donner quelques coups de griffes bien placés entre les deux yeux de la momie. Les bandes autour de son visage se retrouvèrent vite élimées et cassèrent. La momie poussa un « Aaaaah » de défaite. Voyant qu’elle avait perdu la partie, elle essaya de se relever, mais Caleb comprenant qu’il avait l’avantage lui donna un coup de pied sur l’avant-bras qu’il entendit craquer gravement. La momie, de nouveau s’exclama avec un « Aaaah » de douleur et chuta au sol. Pendant ce temps, Caleb s’était relevé et avait pris le chat dans les bras. Il s’apprêtait à retourner vers l’escalier lorsqu’il se rappela que la porte du bas avait été fermée. N’étant pas alors certain de la trouver ouverte à son retour, il préféra ne pas tenter le diable en y allant, ce qui aurait laisser une chance à la momie de le retrouver et de le manger – bien qu’il ne savait pas vraiment quel était le régime alimentaire d’une momie.

De sa main libre, il attrapa une des bougies d’un des chandeliers muraux et la lança sur la momie toujours au sol. Celle-ci s’enflamma presque aussitôt, répandant dans l’air une odeur pestilentielle qui faillit bien avoir de nouveau raison sur l’estomac de Caleb. La momie finit par se désintégrer dans un « Aaaah » agonisant. A cet instant seulement, Caleb étudia les options qui lui restaient : retourner en bas ou affronter le reste du couloir en ne sachant pas ce qu’il s’y cachait …

Quelques secondes suffirent pour qu’il résolve son dilemme et il se retrouva bien vite en bas de l’escalier à toquer doucement à la porte qui s’ouvra d’emblée. « Caleb ?!? »  s’écrira Enora, les larmes aux yeux. « Tu es en vie !!! Ces abrutis se sont trompés de porte !! Tu vas bien ? Et le chat ? Par Pandore ! Tu as définitivement réussi le test ! Bienvenue chez les ADP ! Les Adorateurs de Pandore ! »

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