Partenaire : Solo
Intrigue/Objectif : Léto s'exerce avec différents portraits pour améliorer ses talents d'illustratrice.


Sur sa tempe perla une singulière goutte, ses lèvres se pincèrent à mesure que son bric-à-brac tremblait, à chaque pas. La malle sur son dos semblait n'être qu'un sac à baluchon avec sa stature, mais elle contenait tout ce dont sa propriétaire avait besoin pour son prochain coup. Cette fois, Léto préféra s'engouffrer dans les terres inhospitalières de l'Île Maudite, afin de masquer ses traces le mieux possible. Pourtant, le but n'était pas non plus de se fritter avec les monstruosités tapis dans l'ombre ; au contraire, elle sauvegardait le plus possible ses forces, pour être prête. Prête à reprendre les pinceaux.

Perchée sur une corniche, un panorama à perte de vue sur le Lac Rouge, Souw posa les mains sur ses hanches et sourit. C'était un coin parfait, calme et assez reculé. Être trop près du village de la tribu Raya ne ferait que l'embêter, elle avait besoin de se lancer – tout d'abord – seule dans ses propres périples. Détachant la malle, elle tira sur les compartiments pour extraire une toile neuve et sa palette de pigments. La blonde avait passé toute la nuit à expérimenter quelques mélanges intéressants pour ses futures œuvres, de nouvelles nuances prêtes à l'emploi, sans avoir à se perdre dans la colorimétrie. Alors qu'elle se mit en position face au support vierge, un vent de nostalgie la traversa. Cela remontait à si longtemps… Ses doigts, innocents, plongeaient dans les récipients de peinture et frôlaient les murs de Mégido avec une attention toute particulière, à son niveau. Au tout début, ce travail, qui assurait sa survie à l'époque, était régie par le bon vouloir des commerces, des annonceurs divers et particuliers. Des mots, colorés pour la plupart, transmettaient la parole des Orishas et émerveillaient les petites mirettes. Pourtant, les arabesques la fascinaient de plus en plus. L'Arshalà possédait son lot de subtilités, mais il n'en restait pas moins qu'un alphabet, avec ses limites et ses règles. La Chamane, voyageuse dans le passé, commença à jouer avec ses cheveux, à les entortiller autour de son index. Elle n'arrivait pas à se souvenir pourquoi elle fit don de cette peinture à Devaraj autrefois, ou plutôt comment elle était parvenue à ce résultat plutôt convainquant bien que perfectible. Enfin, l'œuvre n'existait plus pour en témoigner, engloutie par les flammes de Shaana. Quelque part, Léto en voulait toujours au coupable, même en ayant conscience des raisons. Ah, cela devint si difficile de ne plus la contrarier depuis qu'elle… grandit ? Un excès de fierté devait lui monter au crâne, tant elle ne se laissait plus marcher sur les pieds, même avec les Grands.

Quoi qu'il en soit, ses doigts n'illustraient plus des lettres, mais des corps. Le poids des mots n'était plus suffisant pour elle. Peut-être qu'un jour, son art figurera dans des mémoires, sur des couvertures de livre, dans des couloirs d'un palace ? Rêveuse, elle se coucha à moitié jusqu'à la malle pour attraper de l'Ashï en gourde, son nectar d'artiste. Une gorgée plus tard et elle fut lancée. Le vide laissa place à un fond éthérique, des flux doux et abstraits envahirent la toile. Des teintes rosées discrètes dont les contours noircis firent deviner à l'œil attentif le début d'une silhouette féminine. Léto prit une grande inspiration – et une bonne dose de bière, aussi – avant de se lancer dans la clé de voûte de son travail. Lorsqu'on dépeignait le portrait de la plus belle des femmes de l'univers, on échouait systématiquement à lui rendre hommage. Mais la Chamane garda son sang-froid et caressa le corps de la Belle du bout des plumes. Ses longues mèches blondes chutèrent sur ses courbes nues, encadrant son enveloppe intouchable. Tout de même un chouïa intimidée, Léto préféra la dépeindre les paupières closes – pour ne pas avoir à s'attaquer à ses iris envoûtantes – afin de la présenter concentrée sur son œuvre : les fines phalanges de la Déesse se posèrent sur un instrument à vent, en bois, parsemé de fleurs. D'ailleurs, elle hésita un instant à en rajouter sur la peau de la Belle… Une couronne de fleurs ? Non, la beauté de la Déesse se suffisait à elle-même, ce serait un affront de vouloir l'embellir de manière artificielle. Par contre, elle ne rechigna pas à l'idée de faire flotter quelques pétales rouges et roses tout autour d'elle, comme si la Nature elle-même cherchait à la courtiser. Kennocha prit enfin vie sous ses yeux.

Confrontée à son œuvre, la Draugr ressentit un certain tournis. Son regard s'égara tout autour d'elle : combien de temps s'était écoulé ? Elle l'ignorait mais ne s'en fit pas pour autant. Les tissus qui couvraient ses zones érogènes la démangèrent, elle préféra s'en débarrasser sans sommation. Une peau d'ours débordait de la malle, mais la chaleur provoquée par l'intense exercice suffit à la prémunir du froid. Alors, l'artiste enchaîna sur la seconde toile, au nom de Velouria. Sa Beauté ne pourra pas, une fois encore, être fidèlement transmise, néanmoins Léto gardait confiance sur sa naturelle dextérité avec le pinceau. Pour la Tentation, un fin voile transparent recouvrait les contours de la muse, sans pour autant en masquer la moindre parcelle au spectateur. Sa tignasse flamboyante apportait de l'intensité au tout, soutenu par le verdoyant de ses iris. Là où Kennocha la mettait mal à l'aise, Velouria lui provoquait un sentiment proche de la peur.

Était-ce jour avec le feu que de vouloir rendre grâce à ces deux divinités ? Assurément. Malgré tout, Léto était ainsi : joueuse, volage avec le danger. Au suivant.

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Sa danse s'éternisa sous la brise mélodieuse, l'artiste semblait se perdre dans une transe guillerette à mesure que l'Ashï coulât dans ses veines, alors que ses hanches et ses bras se balançaient en rythme face à ses œuvres. Être touchée par la grâce de Kennocha ou de Velouria ne serait que trop présomptueux pour elle, mais Léto ne pouvait pas en être moins fière de son travail. Décidément, Raya ne devait absolument pas savoir. De toute manière, qui le saura ? Si ce n'étaient que quelques Esprits trop bavards ? Souw se contrefichait des retombées, ils ne seront forcément pas pires que la mise au feu pure et simple.

La Chamane s'arrêta face à sa dernière œuvre. Puisque le fameux nu d'Ezechyel était passé par la case crémation, il lui semblait approprié de faire succéder cette place à Devaraj. Baigné dans une eau jonchée de fleurs d'oranger, l'intimité du Roi était simplement suggérée sous les ondes à la surface. Une jambe sortait à moitié, replié contre lui, comme pour provoquer ou inviter le spectateur à le rejoindre. Drapé d'orange et de gris, ce vêtement était aussi discret sur ses épaules que le mobilier en arrière-plan, rempli d'étagères de potions et autres ingrédients alchimiques. Même si les événements paraissaient bien sombres depuis, Léto préféra redessiner les traits de son ami sous un meilleur jour, exactement comme elle l'avait connu la première fois ; lors de cette fameuse soirée où nudisme, peinture et saucisson rameutaient un monde bien singulier. Tout compte fait, ce portrait ne servira pas à combler un vide dans les couloirs du palais, ni même pour une chambre. Une idée germa dans son esprit…

Quoiqu'il en soit, s’attaquer aux mortels plutôt qu'aux dieux la galvanisa. À sa droite se déroulaient d'autres tableaux de sa patte. Une Sarina brutale, cherchant à démontrer sa puissance, au grand dam de sa nudité qui ne rimait aucunement avec fragilité ; on ressentait par sa hargne et la dynamique de ses muscles toute cette pression que la Déesse représentait et insufflait à ses sujets. Un Shaana plus humanisé, toujours aussi flamboyant par l'absence de tenue mais proche de sa forme connue via cette cage thoracique qui le cernait ; son bras dépassait de celle-ci et cherchait à tirer les fous vers lui pour qu'ils rejoignent cet enfer destructeur dont lui seul avait le secret. Également une Dothasi que Léto chercha à respecter en la couvrant tout de même de pierres précieuses sur des pans révélateur de sa peau, un long collier descendait le long de sa poitrine et terminait par des pétales d'amarante, une évocation de son sanctuaire secret. Avec de telles représentations, Souw savait qu'elle flirtait entre l'hommage et le blasphème. Mais quand on se plaisait dans ses talents, autant continuer de plonger, n'est-ce pas ? C'était un peu sa philosophie de vie.

Ses réserves colorées commençant à baisser, Léto dût se décider sur trois œuvres finales. Des nus plus personnels. Son index couvert de violet tapotait son menton, à mesure qu'elle tria les sujets possibles dans sa tête. Quelques personnes trônaient comme une évidence. Son sourire trahissait cette pensée : Après tout, pourquoi pas ? Alors l'illustratrice reproduisit avec le plus de justesse possible la complexité de cette robe à froufrous, et y engouffra l'Impératrice des Deux Rives, Erza. Bien sûr, Léto chercha à faire transparaître ses atouts guerriers, ainsi la fameuse tenue typée Magicienne subit moultes déchirures et traces sanguinolentes ; finalement, la robe ne couvrait pas tout le corps de la Réprouvée. Et la hache juste derrière sa nuque, bien sûr, le long de ses épaules, se cambrant en direction du spectateur comme pour le provoquer. Léto regrettait peut-être, au fond, de ne pas avoir participer à ce bal, mais les réceptions qu'elle connût lui laissèrent, en grande majorité, un goût bien amer. Si ce tableau-ci était sa fantaisie, comment pouvait-elle passer à côté de celle de Latone ? Cette dernière s'en offusquera forcément, mais Léto connaissait bien son point de vue sur la question. Ce n'était pas qu'une question de sexualité lorsqu'on abordait l'Hozro : ce qui l'attirait, c'était une explosion de passions. Pour la blonde, il n'y avait rien de plus facile : elle représenta d'un côté Latone sous sa forme originelle, sa nudité en partie couverte par le fond ombragé ; son front se heurtait à celui d'un autre, un brun aux mèches rebelles – nu aussi, cela va sans dire – qu'elle affrontât dans la taverne de Rupert. Les deux adversaires se souriaient mutuellement dans ce déchaînement où plus rien n'avait d'importance si ce n'était la victoire, leurs mains jointes et leurs doigts resserrés les plaçaient sur un piédestal commun. Oui, cela devrait bien coller à la bleue, à défaut de sexualiser cette bête qui ne s'y intéressait pas. Enfin, la dernière représentation… Miles, évidemment. Avec elle. Ses coups colorés firent apparaître petit à petit Léto sur la toile, son portrait accueillait dans ses bras son fiancé qui, de nature sauvage, lui mordait la jonction entre le cou et l'épaule. Si les mains de la guerrière semblaient vouloir s'enfoncer dans les omoplates de l'Orisha, le fait qu'elle se mordait les lèvres trahissait ce plaisir coupable qu'ils partageaient. Ce n'était qu'une scène de leur intimité parmi tant d'autres, néanmoins elle avait cette tendance à se démarquer dans l'esprit de la Chamane.

À présent, c'était là que le véritable spectacle commençait. Ces œuvres ne resteront pas éternellement chez elle et trouveront un heureux récepteur, la plupart du temps anonymes. Ce seront les feuilles volages de son arbre créateur.

1921 mots ~

Liste des propriétaires :
- Harabella, Æther des Rêves [Eméliana (Kaahl)]
- Velouria, Æther de la Beauté et des Tentations [Jadélynka (Chelae)]
- Sarina, Æther de la Force [Nicolae]
- Shaana, Æther du Feu [Nostradamus]
- Dothasi, Æther de la politique et des sciences [Mancinia]
- Devaraj dans un bain [Jun]
- Erza presqu'en robe du bal des douze Cycles Lunaires [Mélusine (Aria Syrkell)]
- Latone contre Jun dans une taverne à Ciel-Ouvert [Caleb]
- Miles x Léto [Oriane (Kjell)]