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 [Q] - Chez les Dramaturges

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Mar 10 Sep 2019, 22:04

[Q] - Chez les Dramaturges Vi8u
Chez les Dramaturges
[Diana]

Partenaire : Solo
Intrigue/Objectif : Sur la route qui les a mené à Sonaurai, village sur les Terres d’Émeraude, Diana a accepté d'intégrer la troupe de théâtre "Chrysalide". Plongée dans le monde de la dramaturgie, Viola va essayer de lui inculquer les rudiments du métier.


« Pourquoi… » La femme blonde s’effondra au sol. Ses cheveux glissaient sur ses épaules. Sa robe était raffinée et élégante. Un diadème trônait dans sa chevelure. « Pourquoi ?! » Elle relevait les yeux vers l’homme qui était devant elle. Ces derniers étaient voilés par l’humidité. Des larmes menaçaient de couler à tout moment mais l’expression de la jeune femme était féroce. Elle se sentait trahie et bafouée. Cet homme qui la regardait de haut n’avait que du dédain pour elle. Il portait des habits usés et troués. Il était un domestique. Elle était princière. Deux mondes s’opposaient. « Les contes de Fæs n’existent pas, Louison. Avez-vous réellement cru que je pouvais m’enticher de vous ? Vous êtes naïve. » La femme baissa la tête. Ses longs cheveux dorés formaient un mur. Son expression était invisible. « Je ne vous ai jamais aimé. » L’homme lui tourna brusquement le dos, faisant voltiger ses longs cheveux bruns, et s’empressa de quitter la pièce. Étrangement, dans les derniers instants, il tourna brièvement son visage vers la femme toujours effondrée au sol. Il reprit son chemin, la tête baissée. Cruelle destinée.


« Hum… » Je détournais mon regard de la scène. Viola partageait mon banc. Elle relisait le papier où était écrit tout ce qui avait eu lieu sur scène. Sur celle-ci, Sissi, qui jouait la princesse, s’était relevée. Baltazar était lui aussi revenu sur scène. Curieusement, même les tenues usées lui allaient à ravir. « Alors ? » Sissi posa sa main sur sa hanche et attendit que le verdict tombe. Tous les regards étaient tournés vers Viola, véritable metteuse en scène. Elle continuait à relire ses papiers en secouant la tête. Je me demandais ce qu’il lui traversait l’esprit. Personnellement, j’avais beaucoup apprécié cette scène. Sissi et Baltazar étaient de très bons acteurs. J’avais tant de choses à apprendre… Et je doutais de mes capacités. Je n’étais pas certaine d’y arriver. Pourquoi avais-je accepté de m’intégrer à la troupe ? Étais-je faite pour ça ? J’avais peur de ne pas être à la hauteur. J’avais peur d’être un véritable fiasco. Et puis… Ce mode de vie si nomade ne correspondait pas vraiment à la vision que je m’étais faite de mon avenir. Je devais être auprès de mon maître. Je devais le servir. Je… « Diana ? » Viola me regardait, rompant le silence. Me dérobant à mon trouble soudain, elle avait un petit sourire mystérieux sur le visage.

« J’aimerais connaître ton avis, si ça ne te dérange pas. » « Mon avis ? » Répétais-je incrédule. Viola se contenta de hocher la tête avant de tourner la tête vers Eude. « Et toi aussi. Je suis curieuse de savoir ce que tu as pensé de la scène. » Je baissais un instant les yeux avant de les relever vers la chef de la troupe. Inconsciemment, mon index s’entortilla autour d’une mèche brune. « Je ne pense pas que mon avis soit important. » Viola posa sa main sur la mienne pour stopper le mouvement involontaire de mon index. « Le théâtre commence par l’expression de soi. Pour devenir quelqu’un d’autre, il faut apprivoiser ses sentiments et les comprendre. Si tu ne mets jamais de mots sur ce que tu penses, sur qui tu es… Tu vas avoir les plus grandes difficultés à t’améliorer. » Elle pressa ma main avant de retirer la sienne et de se lever du banc. « N’aies jamais peur de t’exprimer si tu veux exister. N’aies jamais peur d’entendre ta voix si tu veux évoluer. L’expression est un art, Diana. L’expression n’est pas un talent. Nous naissons sans voix. Nous grandissons lorsque, enfin, nous trouvons les mots. Alors n’aies pas peur de parler. Le théâtre… » Elle leva les bras pour présenter l’enceinte qui nous avait accueillis pour une période limitée. Son regard était rivé vers le plafond. Elle souriait. « Le théâtre est un lieu saint pour s’exprimer car nul jugement existe. » Viola me regardait de nouveau, sans baisser les bras. Je souriais avec mon air fatigué. « Eh bien… » Je réfléchissais sur les mots que je voulais employer. Mes nuits agitées ralentissaient mon cerveau déjà lent. « Je pense que c’était très bien. » Viola baissa enfin les bras pour joindre ses deux mains dans son dos. « Pourquoi ? » « Eh bien… » répétais-je. Je ne trouvais pas les mots justes. Je ne savais pas comment décrire le sentiment qui m’avait assiégé pendant que j’avais regardé la scène. « Sissi et Baltazar sont de très bons comédiens et… » « Merci ! » s’exclama la blonde, toujours sur scène. Elle s’était assise en tailleur. Baltazar, lui, était toujours debout, les bras croisés, et attendait la remarque de Viola. « Et ? » « Et je me sentais avec eux. » « Eux ? » Je tiquais légèrement sur sa question. Mon air perplexe trahit mon incompréhension. « Qui ça « Eux » ? » Je fronçais quelque peu des sourcils, ne voyant pas où elle voulait en venir. « Avec Louison et Henri. » finissais-je par répondre. Viola hocha la tête avant de la tourner vers Eude. « Et toi ? Qu’en penses-tu ? » « J’ai adoré ! J’étais vraiment dedans aussi. C’était trop bien !! » Eude était surexcité. Il avait hâte d’apprendre et de jouer. Je le comprenais. Sans doute aurais-je été pareille si je n’étais pas aussi épuisée. Mes cauchemars avaient légèrement diminué depuis que nous nous étions éloignés du Voile Blanc. Je commençais à me reposer un peu plus. Ce n’était toujours pas la grande forme et encore quelques pensées noires et suicidaires me prenaient de temps en temps. Cependant, ces pensées étaient moins tentantes. Elles arrivaient dans mon esprit rapidement pour repartir aussitôt. Mon regard glissa vers Romain qui écrivait sur l’escabeau menant à la scène. Son chien dormait à ses pieds, sur le sol. Je lui avais promis de ne plus attenter à ma vie. Si ce serment avait été, au départ, difficile à respecter, c’était plus simple à présent. Je ne comprenais pas. Mon esprit était confus. Était-ce le froid du Voile qui avait fragilisé mon mental ? Ou bien ce dernier devenait-il de moins en moins sensible à mesure que nous nous approchions de l’Océan ? Mon maître… Chaque jour qui passait me rapprochait de lui. Ma destinée était de plus en plus précise. J’allais le retrouver très bientôt. J’allais lui appartenir à jamais.

« Vous étiez, donc, avec les personnages ? » Viola nous regardait tour à tour. Eude et moi-même étions des novices. Je sentais qu’elle voulait nous transmettre un message mais je ne comprenais pas. Aussi, je tournais ma tête vers Eude, cherchant un soutien. Je vis dans ses yeux un trouble identique au mien. Nous n’en menions pas large. « Et ces personnages, comment les décrieriez-vous ? » Viola souriait en tendant le bras vers Baltazar. « Commençons par le personnage d’Henri. » Eude se gratta légèrement le menton. « Eh bien… C’est un domestique. » Les épaules de Viola se soulevèrent dans un pouffement. « C’est une bonne remarque. Et que penses-tu de ce servant ? » « C’est un goujat. Il a longtemps profité de la compagnie de Louison pour la rejeter comme une moins que rien. C’est odieux ! Mais… » Eude hésita. « Mais ? » le poussa Viola. « Mais à la fin… quelque chose cloche. Il a l’air triste… » Le sourire de Viola s’agrandit et son regard se tourna vers moi. « C’est aussi ce que tu penses ? » Je hochais la tête. Je n’avais rien à dire de plus. Son bras tendu pivota pour désigner Sissi. « Diana, et toi, que ressens-tu pour Louison ? » Je me mordis la lèvre inférieure et rivai mes yeux bleus vers la blonde. Elle me souriait d’un air encourageant et franc. « Elle me fait de la peine. Elle vient de perdre son unique amour. Elle vient de perdre tout ce qui la rendait heureuse. L’avenir qu’elle s’était imaginé est tombé en miettes après seulement quelques mots. À sa place… » Je m’arrêtais. « À sa place ? » Viola était insistante. Où voulait-elle en venir ? « À sa place, j’aurais été brisée. » « Et, ce n’est pas le cas de Louison ? » Je fronçais légèrement les sourcils. « Louison était effondrée mais… mais le rejet de son amour… Je ne sais pas comment l’expliquer… » J’hésitais un moment sur mes mots sans réussir à trouver les bons. « Louison pleurait mais son visage racontait que ce n’était pas fini, qu’elle allait le lui faire regretter. » Viola hocha la tête et baissa son bras. « Très bien vous deux. Votre analyse au sujet des émotions reste à travailler mais vous avez vu l’essentiel. » Son sourire auparavant encourageant s’adoucit. « C’est bien. » répéta-t-elle d’une voix plus posée.

« Et nous ? » Baltazar attendait toujours les bras croisés. Son expression était fermée et ne laissait rien transparaître. C’était étrange de comparer son comportement avec celui qu’il avait sur scène. C’était un acteur de talent. Sous son masque d’impassibilité, il devait forcément être une boule d’émotions. Il jouait si bien ces dernières. Il ne pouvait en être autrement. « Et vous... » Viola se tourna vers la scène. D’un pas assuré, elle s’approcha de cette dernière pour s’y accouder. « C’est aussi à travailler. Baltazar, on ne distingue pas assez le trouble de ton personnage. N’oublie pas : Il est forcé de dire tout cela à sa princesse. Il aime Louison et, s’il doit cacher son jeu, ses mots le brisent tout autant. » Les yeux verts de Viola pivotèrent en direction de Sissi. « Louison… Je ne sais pas. J’ai un léger doute, Sissi » Sissi fit une légère moue. « Bah, qu’est qu’il a mon personnage ? » Viola se gratta la tête un instant. « Il est trop fort. » Sissi plissa les yeux. « Trop fort ? Tu me traites de grosse là ?! » Viola ria de bon cœur. Ses mains se tendirent vers l’avant en signe de paix. « Pas du tout ! » « Bah, alors explique un peu ! » Viola cessa de rire mais son éternel sourire demeura. « J’y viens. » « Et moi, j’attends. » Sissi fit semblant de bailler. On aurait pu croire que les deux femmes se chamaillaient mais, en réalité, elles s’adoraient. « Je pense que tu as un caractère trop marqué pour Louison. » Sissi plaça sa main sur son cœur, l’air outrée. Viola ria de nouveau et Sissi abandonna sa mascarade. « Yep. Louison, je la comprends pas vraiment. Et pourtant, Suris sait que je me suis entraînée ! Mais elle est beaucoup trop douce pour moi. » Viola hocha la tête en fermant les yeux. « C’est ce que je pensais. » « Et du coup ? » Viola posa son menton au creux de sa paume. Son coude était sur la scène. « Du coup… » Elle plissa les yeux avant de se tourner brusquement vers moi. « Diana ! » Le demi-tour fut si soudain que je sursautais et tomba maladroitement de l’autre côté du banc dans un glapissement. Tous se mirent à rire de ma maladresse. Même Dobby, le chien, aboya joyeusement. L’ombre de Viola se projeta sur mon corps endolori. Elle me tendait la main pour m’aider à me relever. « Tout va bien ? » Je plaçais doucement ma main dans la sienne. « Je crois. » « Tant mieux. Nous ne voudrions pas que notre princesse soit blessée avant le grand jour. » Mes yeux devinrent ronds comme des soucoupes. « Princesse ? Grand jour ? » m’exclamai-je, pas certaine d’avoir compris.


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Ven 01 Nov 2019, 15:48

[Q] - Chez les Dramaturges Vi8u
Chez les Dramaturges
[Diana]


« Ma gentille sœur… Je crains de vous avoir porté préjudiceeeeee ! » Je me tournais, le visage crispé vers le garçonnet au centre de la scène. Il s’agissait d’Eude jouant le rôle de Jack, le petit frère de Louison, la princesse. Ses habits étaient trop larges et inadaptés à son corps de jeune homme. C’était compréhensible : on nous avait tous deux placés prestement sur l’estrade avec une scène tout juste réécrite par les soins de Romain. Avant que je ne devienne Louison, Jack n’existait pas. Mais si je jouais, alors Eude devait aussi faire ses preuves. Il n’y avait pas de favoritisme dans le groupe. Je trouvais cela louable. Pourtant, je n’appréciais pas pour autant cette décision que je trouvais stupide. Nous étions tous deux des débutants et nos rôles nous dépassaient. Ils étaient bien trop… lumineux pour des novices. Nous aurions dû travailler dans les ténèbres, pas dans la lumière. Le rôle de figurant aurait été bien plus adapté à nos compétences. C’était un véritable désastre. Et si mon inexpérience causait un fiasco sans précédent ? Je ne voulais pas décevoir ceux qui avaient placé leur espoir en moi. Je ne voulais pas déplaire à un public qui allait me découvrir. Je ne voulais pas rejoindre mon maître avec une réputation de bien piètre artiste. Je ne voulais pas être une honte. J’étais déjà si étrange…

« OuiiiII, je le crains honteusemeeeent ! » Je battais des paupières. Cette réplique improvisée du jeune homme me ramenait à la réalité. Je devais dire quelque chose. Quel était mon texte déjà ? Je blêmis. « Je… » Mes yeux étaient fixés sur Eude. Je déglutis, ne voulant pas détourner le regard pour observer le reste de la troupe. « Je… » Je ne voulais pas voir leur déception. Viola, Romain… Je ne voulais pas voir la tristesse dans leurs yeux. « Qu’ai-je fait ? C’est cela que vous me demandez ? » Encore une fois, je battais des paupières. Cette phrase inventée était une main tendue. « Ou-Oui ! » finis-je par dire, mal assurée. « Quels dommages avaient vous donc causé, Eud- mon frèreuh ?! » Ma voix dérailla et partit dans des aigües terribles. Je rougissais. Eude, lui, essayait de retenir un sourire avec difficulté. « Je vous ai vu. » « Vous m’avez vuuuu ?! » Encore une fois, ma voix sonnait faux. S’en était trop pour Eude qui éclata de rire. Mes jambes, sous l’ample robe qui me servait de costume, tremblaient. Sur scène, j’étais un petit lapin apeuré.

« Bon… On va arrêter là pour le moment. » La voix de Viola sonna dans l’enceinte du théâtre. Je pivotais ma tête dans sa direction tout en fuyant son regard de mes yeux. J’étais si incompétente. Une catastrophe. Un désastre. Finalement, peut-être méritais-je les affreux cauchemars qui hantaient mes nuits… Viola allait sans doute s’assurer que je ne remette plus jamais les pieds sur scène. Elle avait surement raison. « Quel massacre ! » Sissi riait à gorge déployée. Elle se tenait l’abdomen. Celui-ci se contractait douloureusement sous chacun de ses éclats. Viola claqua sa langue contre son palais pour la faire taire. Sissi réussit simplement à diminuer le son produit par son rire. Son visage rougissait et ses yeux pleuraient sous l’émotion. Ce devait être suffisant pour Viola qui s’approcha de la scène. Prudemment, elle emprunta l’escabeau pour nous rejoindre. Elle plaça soigneusement ses boucles brunes de chaque côté de son visage. « Bon… » Ses yeux marron nous regardaient tour à tour. Si j’en aurais eu le pouvoir, sans doute me serais-je rapetissée au point de disparaître. Malheureusement pour moi, je restais une grande asperge qui devait affronter sa honte. « C’était mauvais. Très mauvais. » La réplique claqua dans l’air. C’est du moins l’impression que j’en eus. Pourtant, Viola n’avait pas parlé très fortement. Elle avait tout juste murmuré. Ses paroles n’avaient pas su atteindre le reste de nos compagnons. Fort heureusement car je ne savais pas si j’aurais pu me relever d’une autre remarque de la vigoureuse Sissi. Mes yeux se plantèrent dans le sol. J’avais si honte. « En vérité, je ne sais pas si ça pouvait être pire… Cependant, il faut voir le bon côté des choses : vous ne pouvez que vous améliorer à partir de maintenant ! » finit-elle plus fort. « Il va falloir du travail si vous voulez être à la hauteur pour notre représentation mais je sais que vous pouvez le faire. J’ai confiance. » Viola posa sa main sur mon épaule pour m’obliger à lever les yeux. Un sourire illuminait son visage. « Il ne faut pas tarder ! Mettons-nous au travail ! »

Elle tapa dans ses mains et s’écarta de quelques pas en arrière. « Bon… Commençons par ces exercices de bases, voulez-vous ? Vous, là-bas, rejoignez-nous ! » D’un signe de la main, elle invita le reste de la troupe à nous rejoindre. Bientôt, nous formions tous un cercle parfait. Elle écarta ses jambes d’un coup et se pencha pour poser ses mains sur le plancher. « Allons donc ! Qu’attendez-vous pour m’imiter ? Nous allons nous exercer à détendre vos corps, et, par la même occasion, vos esprits. » Sans s’en formaliser, le reste du groupe l’imita en parlant, comme si tout était normal. Je fus la seule personne à émettre quelques réserves. Cependant, les regards des autres, ainsi que leurs encouragements, eurent raison de mon malaise. Les jambes écartées sous ma robe de princesse, je plaçai moi-même mes mains sur le plancher et reprit les mouvements de Viola. Celle-ci faisait glisser ses mains le plus loin devant elle avant de les ramener pour les emmener le plus loin entre ses jambes écartées. C’était vraiment étrange mais je réalisais bien vite qu’il n’y avait que moi que cela choquait. Aussi, j’inspirai une goulée d’air avant de lâcher prise. Cela fit sourire Viola qui continua l’exercice. Au fur et à mesure, je me sentais de plus en plus détendue et l’exercice fut remplacé par un autre. Ainsi, nous travaillions à détendre notre corps, à lui accorder de l’espace en jouant à des jeux sur la scène. Sans vraiment m’en rendre compte, je me sentais de plus en plus en accord avec l’esprit du groupe. Nous étions là pour l’art mais aussi pour être ensemble et nous amuser. Nos exercices finirent sur un jeu d’articulation. A la fin de celui-ci, un rire éclatant nous prit.

« Haha, je crois que cela suffit. A présent, nous allons essayer de reprendre là où nous nous étions arrêtés, Eude et Diana. » Elle plaça son bras sur les épaules d’Eude et me regarda. « Ne vous inquiétez pas. Cette fois-ci, vous ne serez pas lâchés dans le grand bain. » Elle regardait ensuite Eude. « Tout à l’heure, je cherchais juste à voir ce que, instinctivement, vous saviez faire. » Elle souriait. « Alors, certes, je me suis rendu compte qu’il y allait avoir beaucoup de travail mais j’ai aussi pu voir certaines choses qui m’ont extrêmement plu. » Sa main se perdit dans la tignasse d’Eude pour l’ébouriffer. « Par exemple, toi, jeune homme, j’ai pu voir que tu savais improviser pour aider l’autre à retrouver son texte. Et, j’ai remarqué une chose à ne pas négliger sur scène : tu t’amuses réellement. » Elle hocha la tête en souriant. « Cependant, prends garde à ce que tes forces ne deviennent pas incontrôlables. J’en ai connu des individus qui, pensant que cela allait leur apporter gloire et fortune, usaient de leurs forces avec trop d’ardeur. Ils ont alors transformé leur talent en faiblesse et ont dénaturé plus d’un personnage. Oh ! Ce n’était pas ton cas, fort heureusement. Je te dis tout cela comme un conseil, et non comme un avertissement. Il faudra veiller à ce que tu ne troubles pas des compagnons de scène en improvisant ou que tu ne sembles pas t’amuser quand ton personnage vit une situation tragique. C’est tout. Mais ne t’inquiète pas : cela s’apprend. » Elle lui offrit un clin d’œil, auquel Eude sourit de toutes ses dents. Ensuite, Viola planta son regard clair sur moi. Je notai mentalement tous les conseils qu’elle avait prodigués à Eude avant de lui offrir toute mon attention.

« Pour toi, Diana, c’est plus compliqué. » Elle pencha la tête sur le côté pendant que je déglutissais. Étais-je réellement un véritable désastre sur scène ? « Tu as un véritable potentiel. Vraiment. Cependant, ce potentiel, tu n’en fais rien. » Je baissais les yeux. « Mais ce n’est pas parce que tu n’es pas douée, au contraire. Tu es simplement dévorée par la peur et l’appréhension. Quand tu es sur scène, tu n’arrives pas à prendre la peau de ton personnage. Quand tu récites ton texte, c’est des mots étrangers que tu dis. Tu n’arrives pas à te détacher de tes pensées. Mais, je le répète, tu as véritablement un grand potentiel. Quand tu montes sur scène, nos yeux sont automatiquement attirés par toi. C’est aussi une des raisons pour lesquelles, on remarque toutes tes erreurs, toutes des hésitations. Il va falloir que tu respires et que tu prennes conscience d’une chose : quand la scène commence, tu n’es plus Diana. Tu es ton personnage.  N’as-tu jamais voulu vivre la vie d’une autre ? Crois-moi, le théâtre est là pour t’offrir cette occasion rare. Il est aussi là pour t’ouvrir les yeux, pour nourrir ton esprit d’expériences précieuses que toi, Diana, tu n’aurais jamais tentées auparavant ! » Son sourire s’agrandissait. « Est-ce que tu comprends ? » Je me sentais bouleversée. J’essayais de prendre en compte toutes ses remarques pour pouvoir m'améliorer par la suite. Est-ce que je comprenais ? « Oui. » Mais cela n’allait pas pour autant être aisée de changer la façon dont j’étais.

« Bien. Alors en scène vous deux ! Je serais là pour vous guider ! » « Nous pouvons enlever nos costumes pour la répétition ? » Viola secoua sa tête de gauche à droite avec un air désolé. « Je crains qu’aujourd’hui ne soit pas le bon jour pour cela, mon petit Eude. Vois-tu, généralement, nous ne mettons les costumes uniquement pour les dernières répétitions, afin de vérifier que tout sera parfait pour le jour J. Ce n’est donc pas innocent que vous ayez sur le dos les vêtements de vos personnages. Après tout, c’est un peu la peau de votre protagoniste que vous enfilez. » Elle me regardait discrètement. « J’espère que, avec cela, vous vous identifierez davantage à votre héros. » Romain arrivait avec le texte de la scène entre les mains, il l’avait dupliqué en deux exemplaires afin que nous puissions, Eude et moi, avoir accès au texte sans l’apprendre tout de suite par cœur. Il fallait que nous nous en imprégnions avant de pouvoir dire les mots qui y étaient écrits comme s’ils sortaient de notre bouche. « Bien. Vous avez à présent toutes les cartes en main. Nous allons commencer. Je serais là pour vous aider. N’ayez pas peur. Il n’y a plus de raison pour ne pas y arriver. Toutes les barrières qui vous freineront ne seront que vos propres angoisses. Il est temps d’apprendre, mes deux apprentis. » Elle frappa dans ses mains, comme pour nous aider à rompre avec cette phase de préparation et nous plonger dans l’apprentissage. Il était temps, c’était vrai. Eude se précipita derrière les rideaux de la scène, prêt à faire son entrée sous le feu vert de Viola. Mes yeux s’égarèrent un instant vers le public où je voyais d’autres mires braquées sur moi. Cependant, le regard du reste de la troupe était bienveillant. « Respire, Diana. Tout va bien se passer. Tu ne risques rien. Nous sommes là pour t’aider et nous sommes tous passés par cette étape. Il va falloir t’ouvrir. Ton cocon de timidité doit laisser place à un beau papillon épanoui, à présent. Es-tu prête ? » Elle glissa sa main dans la mienne et y exerça une pression réconfortante. Il était temps. Je ne voulais plus la décevoir. Je devais laisser mes frayeurs de côté. « Oui. »

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Dim 01 Déc 2019, 16:20

[Q] - Chez les Dramaturges Vi8u
Chez les Dramaturges
[Diana]


« Oh… Comme c’est affreux. » Je regardais mon reflet dans le miroir de la coiffeuse devant laquelle j’étais assise. Je passais rapidement un peigne sur les pointes de ma chevelure d’ébène. Devant moi, cachée derrière les rideaux de la scène, je voyais Viola me faire signe de ralentir. Je déglutis tout en ralentissant mon mouvement. « Ce soir… » Je laissais reposer ma voix. Viola m’avait informé qu’il fallait laisser le temps au silence, qu’il était très important sur scène. Elle m’avait aussi conseillé de profiter de ce laps de temps pour me recentrer et éloigner l’appréhension. « J’ai tellement peur qu’il ne vienne pas. » Je posais le peigne avec une certaine mélancolie. J’imaginais que la princesse Louison avait une émotion similaire. « Mon cœur se briserait alors… » Ma main, qui tenait le peigne plus tôt, glissa dans l’air doucement pour se poser sur ma poitrine. Louison aimait cet homme, ce domestique. Leur amour était interdit, proscrit. Cela la blessait déjà.

Je sursautai en entendant qu’on tapait du bois derrière moi, comme si l'on toquait à une porte. J’aurais dû m’y préparer mais, pendant un instant, j’avais été complètement plongée dans l’histoire de mon personnage. J’avais oublié qu’Eude allait faire son entrée à présent. « Oui ? » Eude s’avança pour sortir de derrière les rideaux. « Puis-je entrer ? » Je me levais. Toujours cachée, Viola me fit le signe de sourire. C’était vrai, Louison aimait son frère. Le voir lui faisait toujours plaisir. Je souris. « Bien entendu, mon cher frère. » Eude, lui, ne souriait pas du tout. Il paraissait crispé et gêné. C’était normal. Son personnage, Jack, venait de causer du tort à sa sœur. Il devait le lui annoncer. Ce n’était pas un moment facile. Il y avait un certain décalage entre les émotions des deux personnages. Il était temps que mon personnage le remarque. « Vous êtes bien pâle. Que vous arrive-t-il ? Voulez-vous vous asseoir ? » Je désignais ma précédente assise. Viola m’avait dit d’être le plus démonstrative possible dans mes gestes sans en faire trop. « Ma gentille sœur… » Je cessais de montrer le minuscule tabouret pour me recentrer sur Eude. « Ma gentille sœur… Je crains de vous avoir porter préjudice… » Nous y revoilà. Cette scène où nous avions lamentablement échoué. Cette fois, je me souvenais du texte que j’avais oublié. « Préjudice ? » répondais-je. Louison ne comprenait pas. Comment son frère, celui qu’elle aimait tant, avait pu lui causer du tort ? Elle souriait, comme si elle espérait que Jack ne fasse que plaisanter. Pourtant, le doute subsistait. Le visage de son interlocuteur était trop sérieux. « Préjudice ? Mais qu’avez-vous fait ? » Je m’approchais. Louison redoutait la vérité mais elle lui était nécessaire. « Quels dommages m’avaient vous donc causé, mon frère ? » Eude fuyait mon regard. Il se tournait entièrement vers le public. L’attente de sa réponse était terrible pour Louison. Je sentais mes propres tripes se nouer alors que je savais ce qui suivait. Louison m’avait emporté dans son monde. Jack m’y retenait. Eude jouait très bien. Sans mes échecs récurrents, il n’avait plus envie de rire et portait le drame à la perfection. Tant bien même que ses traits étaient enfantins. « Je vous ai vu. » Il ne me regardait pas, me laissant seule dans la tourmente de cette réponse. « Vous m’avez vu ? » Sur mes traits se peignait l’incompréhension. Eude pivota son regard vers moi. Il devait lui aussi affronter la vérité. « Je vous ai vu avec Henri… » Louison recula. « Et je l’ai rapporté à Père… » Son bassin heurta la coiffeuse derrière elle. Elle apposa une main sur le bois froid. Je sentais que mon personnage avait besoin de s’ancrer à quelque chose. Elle se faisait aspirer par les abysses de l’effroi. Son monde s’envolait. « Je suis désolé. Je ne pensais pas qu’il allait réagir comme ça et… » Elle voulait connaître la suite de sa phrase mais son cœur ne pouvait plus le supporter. « Dehors. » sa voix était brisée, tout comme son cœur. Elle se sentait trahie, bafouée. Je sentais les larmes me monter aux yeux devant sa détresse. J’avais oublié que nous étions sur scène. C’était étrange comme j’avais pu angoisser autant plus tôt alors qu’à présent, je n’étais plus que Louison. Pouvait-on s’oublier autant ? Non, ce n’était pas cela. C’était autre chose. Je ne m’étais pas oubliée. Je me servais de ce que j’avais vécu pour faire exister Louison. Et Louison m’apportait des certitudes. C’était étrange. Alors même qu’elle se sentait au plus mal, il y avait quelque chose qui me faisait me sentir plus confiante. Était-ce cette simple couronne factice que j’avais au sommet du crâne ? Je ne le pensais pas. Alors peut-être était-ce le fait qu’elle me poussait à hausser la voix pour me faire entendre. Elle n’était pas aussi timide que moi. D’ailleurs… étais-je réellement timide ? Plus le temps avançait et plus cette certitude s’amenuisait. Cette timidité qui m’enveloppait était simplement de la réserve. Elle était simplement issue de la peur de faire un faux-pas. Elle était issue de cette fragilité que m’avait inculquée mon bref séjour à Maëlith. Pourtant, les plus expérimentées des Orines étaient des femmes sûres d’elles. Était-ce l’expérience du monde qui allait m’apporter une confiance en moi inespérée ? J’y croyais.

« Je suis si désolé. » Eude fit volte-face et repartit par où il était venu. Après son départ, je m’effondrai sur la coiffeuse pour cacher mon visage entre mes bras. Mes épaules se soulevaient pour imiter un sanglot. Le silence retombait. Puis, il fut brisé par l’entrée de Viola sur la scène. Elle ne marchait pas brusquement mais ses pieds résonnaient sur le bois du plancher. Tout en tenant son script sous le bras, elle applaudissait. « C’est vraiment mieux. » Eude revenait lui aussi. Il souriait de toutes ses dents. « Pour la cinquième répétition, il était temps ! » Viola leva les yeux au ciel, tout en continuant de s’approcher. « Le nombre de tentatives ne compte pas. Ce qui est important, c’est qu’il y a du progrès ! » Je baissais les yeux sur la feuille de texte qui reposait sur ma coiffeuse. Pour cette scène, je n’en avais plus besoin à présent. Eude et moi avions fini par apprendre le peu de dialogue qui nous unissait. Il était vrai que nous progressions. « En vérité – et je ne dis pas cela pour vous faire plaisir – vous avez fait beaucoup de progrès en si peu de temps. Et puis, il faut dire qu’on ne vous ménage pas. Nous avons fait le choix d’agir dans l’urgence – ce qui n’est pas idéal, je vous l’avoue – mais nous sommes habitués à cette urgence. Je parle pour les plus vieux membres. Pour vous, cette entrée dans notre monde est plutôt brutale alors… » Elle nous souriait doucement. « Alors, vraiment, pour le peu de temps que l’on vous donne, c’est extraordinaire. Surtout pour des novices comme vous. Mais je m’égare… Ce que je veux vous dire – et je pense que les autres membres de la troupe seront d’accord avec moi – c’est qu’il ne faut pas vous mettre une pression monstre sur les épaules. Si cela ne marche pas, si vous oubliez votre texte sur scène, si quelque chose – excusez-moi pour ce mot – merde, ce ne sera pas votre faute mais la nôtre. Nous avons choisi de vous donner de très lourdes responsabilités pour votre début et nous pensons sincèrement que vous y arriverez. Mais si, dans le pire du pire des cas, vous n’êtes pas fiers de votre première représentation, ne vous inquiétez pas et ne déprimez pas, hein ? Ce ne sera vraiment pas de votre fait. Et puis, en plus, ce ne sera pas une très grande représentation. Nous sommes dans un petit village. Les gens qui vont venir nous voir seront des habitués. Ils sont toujours, sans exception, très bienveillants. En réalité, c’est un peu une grande famille ici. » Son sourire s’agrandissait. « Enfin voilà… J’espère que mon monologue ne vous a pas inquiété. Je cherchais plutôt l’effet inverse à vrai dire. » Je laissais échapper un petit rire. Eude, lui, lui adressa un clin d’œil appuyé. « De toute façon, moi, ça va ! Je gère le stress. » Viola ria. « Rien ne peut ébranler Eude le Terrible, pas vrai ? » Elle me regardait, en attente de ma réponse. Je ne fis que hocher la tête en souriant. J’allais beaucoup mieux. Je sentais qu’il y avait une certaine angoisse quant à l’optique de me représenter devant des inconnus mais… J’allais déjà mieux que lorsqu’on m’avait annoncé que je jouerais Louison. Et puis, je savais aussi que la troupe serait là pour m’aider, même si j'étais sur scène, s’il se passait quelque chose. Je voulais laisser mes frayeurs de côté. Peu à peu, j’y parvenais.

« De toute façon, on est vos doublures ! » Nous tournions tous les trois les yeux vers le public. Sissi connaissait déjà le texte de la princesse et Gaspard, avait appris celui de Jack. Si par malheur nous ne nous sentions pas capables de nous produire, moi et Eude, nous pouvions compter sur le couple. « Et puis, je serais en coulisses pour vous souffler le texte s’il le faut. » Mon regard s’attarda sur Romain. Le voir m’apaisait toujours. Je savais que je pouvais lui faire confiance. Il ne me laisserait pas pantoise devant tout un public. « Et même si vous oubliez une phrase ou une centaine, vous pouvez toujours compter sur l’improvisation. Quand nous serons le jour de la représentation, vous connaîtrez l’histoire qui relie tous les personnages sur le bout de doigt. Alors il vous sera plus aisé d’inventer une nouvelle phrase sans déconstruire l’histoire. D’ailleurs… L’improvisation… Nous verrons ça dans nos exercices quotidiens avant que vous ne montiez sur scène. Vous allez voir, si c’est un exercice qui semble compliqué, voire insurmontable, il n’en est rien. Il suffit d’apprendre à lâcher prise, dire ce qui nous vient en tête sans craindre le jugement. Vraiment, c’est un très bon exercice ! Mais reprenons ! … Vous souhaitez continuer à vous exercer sur cette scène ou passer à une autre ? » Eude ouvrit la bouche pour continuer mais il fut coupé par la caractérielle Sissi. « Ou alors… On les laisse se reposer ! Ce serait chouette qu’on s’entraîne aussi ! On a plein de chose à peaufiner ! » « Et puis, ça pourrait leur laisser le temps d’apprivoiser et d’apprendre le texte des autres scènes pour ne pas perdre de temps, non ? » la soutenait Gaspard. Viola tourna son visage harmonieux vers nous deux. « Qu’en pensez-vous ? Vous êtes d’accord avec cela ? » « Parfait ! Je dois avouer que le chevalier Eude commençait à fatiguer. » affirma le jeune garçon en parlant de lui à la troisième personne du singulier. Les yeux de la metteuse en scène se tournait vers les miens. Je ne perdis pas mon sourire. Je me sentais plus apaisée maintenant que je savais que j’avais la capacité de maîtriser au moins une scène de la pièce. « Je pense que c’est une bonne idée, en effet. » Serais-je prête pour le grand jour ? Je pouvais le penser désormais. Il ne fallait simplement pas que je sois avare sur les efforts que je fournirais. Je regardais le texte que j’avais repris en main. J’avais encore tant de chose à apprendre…

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[Q] - Chez les Dramaturges

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