Les apprentis Magiciens

L’instant entre les deux adolescents, tout autant spécial pour l’un que pour l’autre, dura un moment. Syrianne se sentait simplement bien, même dans le silence, avec la présence d’Aleran. Mais cette journée et cette agréable rencontre prenait déjà fin. Finalement, la journée avait été de courte durée… C’est drôle comme la perception du temps changent en fonction de ce que l’on vit et de comment on le ressent ! La Magicienne était réellement heureuse d’avoir pu passer cette après-midi de cet façon. Un nouvel évènement notable dans sa vie ! Elle pourrait raconter ça à ses parents, dans sa prochaine missive…

« Avant que tu ne t’en ailles… J’aimerais te remercier. J’ai beaucoup plus appris à tes côtés que je ne l’aurais imaginé et pas seulement dans la pratique de la magie ! J’ai vraiment hâte d’avoir de tes nouvelles ou de te recroiser. À la maison ou au Palais ! J’espère que tu me raconteras comment se passeront tes premières semaines de cours… Et au pire des cas, on les découvriras ensemble, les bons endroits ! »

Syrianne resserra tendrement ses mains autour de celles du garçon. Elles étaient chaudes et ce contact créait un véritable apaisement chez l’adolescente. Le voir partir, la lâcher, et s’éloigner lui donna un petit coup au coeur. Elle ne le quitta pas des yeux, jusqu’à ce qu’ils disparaissent à une intersection. Elle avait espérer jusqu’au tout dernier instant qu’il se retourne, rien qu’une fois, pour lui faire un signe. À présent, sa vie à Basphel allait reprendre, le train-train quotidien, habituel et un peu morne. Loin de sa famille, la jeune femme n’était jamais pleinement heureuse et satisfaite. Il fallait pourtant bien étudier et le fait d’apprendre l’aidait beaucoup à supporter la nostalgie de son chez-elle. Aujourd’hui, exceptionnellement, elle s’était sentie entière, parfaitement heureuse. C’était comme si son nouvel ami avait toujours été là, un peu comme un des membres de sa famille. 

Enfin, il était temps de se remettre en route ! L’adolescente avait encore la soirée de libre devant elle. Son esprit était encore remplit de la voix d’Aleran et de fierté par rapport à sa nouvelle capacité. Un vague sourire s’étendait sur ses lèvres et elle semblait comme ailleurs. Elle ne remarqua même pas Milo qui volait dans sa direction. Le petit moineau avait passé la journée à faire la sieste et à virevolter un peu partout. Ils ne s’étaient pas encore vu de la journée et pourtant, sa maîtresse ne réagissait même pas à son arrivée ! Il atterrit sur sa tête en douceur avec agilité, sauta sur son épaule.

« Ow, Milo ! Je ne t’avais pas remarqué. »

Oui, ça il l’avait bien vu ! Il picora sur son épaule pour tenter de la ramener à la réalité. Qu’est-ce qu’elle avait à être dans les nuages ? Elle regardait à peine où elle se dirigeait, ses pas la menant par automatisme jusqu’à la chambre qu’elle occupait à Basphel. Il lui restait un livre sur la magie Élémentaire sous le bras, qu’elle serrait contre elle. Qu’est-ce qu’elle comptait en faire ? L’utiliser comme ours en peluche ? Milo ne se priva pas de lui faire la remarque sur son comportement étrange.

« Je ne suis pas bizarre ! J’ai juste… Passé une bonne journée. Pas toi ? » 

Le compagnon de Syrianne était capable de lire dans les pensées de cette dernière et elle pouvait comprendre les animaux, particulièrement le chant des oiseaux, faculté qu’ils avaient tout deux développé conjointement pour apprendre à mieux se comprendre et communiquer. Malgré tout, la jeune femme préférait toujours parler à voix haute, donnant une impression d’une réelle discussion entre eux deux. Milo capta alors une image dans la tête de Syrianne, ou plutôt, un visage. Un visage inconnu.

« C’est personne… Non je ne souris pas comme une imbécile ! Roh, c’est juste un garçon que j’ai rencontré aujourd’hui et… Qu’est-ce que tu raconte, Milo ? N’importe quoi ! Il est parti de toute façon alors arrête d’être jaloux. Et puis il ne rentrerait pas dans ton nid, ahah ! »

La relation entre les deux étaient devenus fusionnelles. L’un et l’autre se lançait fréquemment des piques et Milo était fréquemment jaloux des autres personnes qui entouraient Syrianne. Il avait une place spéciale qui comptait bien garder. La Magicienne en profitait pour le faire râler à ce sujet… Mais le petit moineau ne boudait jamais longtemps, oubliant bien rapidement ce pour quoi il était de mauvais poil.

Syrianne avait marché tranquillement, sans se presser. En rentrant dans son antre, elle posa le livre qu’elle avait gardait sur sa table de chevet, avec l’intention de le relire avant de se coucher. Maintenant qu’elle avait vu à quel point on pouvait se démener pour réussir, l’adolescente était bien décidée à donner plus, à donner tout ce qu’elle avait et le meilleur d’elle-même. Les choses sérieuses commençaient et elle ne pouvait plus rester si passive dans son apprentissage. Son premier cycle toucherait bientôt à sa fin, elle aurait dix-huit ans. Il fallait qu’elle soit prête pour la suite. 

La jeune femme retira les fleurs de ses cheveux, ses chaussures et sa robe. Elle en passa une autre, de nuit et s’installa à son bureau. Milo s’était déjà installé dans son nid, tournant le dos à Syrianne. Elle savait bien que ce n’était que temporaire, aussi elle ne s’en préoccupa pas. Elle avait une lettre à écrire, à ses parents. La Création de la Nature était une étape important à passer, chez les Hydrangea. Elle avait encore beaucoup de progrès à faire mais, aujourd’hui, elle avait créer la vie. Une toute petite branche, miniature. Ce petit bout de verdure continuerait à croître, sans elle. Mais c’était sa magie qui lui avait donnait le premier souffle… Jamais, cet instant ne quitterait sa mémoire. Elle espérait faire bien mieux par la suite, mais cette première étape la remplissait déjà de joie.

Finalement, Syrianne rejoint son lit. Milo n’avait toujours pas daigné la regarder et il ne le ferait pas avant de s’endormir. Malgré tout, l’adolescente lui dit bonne nuit, par la pensée. Elle savait bien que même s’il faisait semblant de ne pas l’avoir perçu, il l’avait entendu. Après avoir réviser une bonne demie-heure la théorie de la magie qu’elle venait d’acquérir, la Magicienne se roula en boule dans ses draps. Sa lampe à huile éteinte, elle alluma doucement sa paume et la regarda briller. Avant de s’endormir avec son auto-veilleuse pour lui tenir compagnie, Syrienne repensa à sa journée. Elle s’endormit rapidement, avec comme dernière pensée, le visage concentré d’Aleran en train de décrypter un bouquin.