Isley s’était lentement arrêté, interrompant net notre conversation pour observer une porte. Tout de suite, je sus qu’il était arrivé à destination et, sans attendre de justification de sa part, je le saluais d’un signe de la tête, reprenant ma foulée pour m’enfoncer davantage dans le couloir du bâtiment des participants. Je venais à peine de quitter son champ de vision que je repris mon expression neutre et détachée d’avant que mon frère m’ait rejoint. Je n’étais pas inquiet ou troublé outre mesure, mais je ne pouvais affirmer que je n’étais pas pris d’un curieux sentiment, alimenté par cette troublante envie de rencontrer le participant de la Coupe des Nations dont j’avais, aujourd’hui, la surveillance.
Il s’agissait du représentant des Elfes, fraîchement arrivé de la précédente soirée, un prénommé Aramis Borghild qui aurait dû m’être étranger, mais la première fois que j’entendis la sonorité de son nom dans la bouche de mon supérieur, son identité fit remonter des souvenirs dans ma mémoire. Aramis Borghild… Aramis Borghild… S’agissait-il véritablement de cet Aramis, celui-là même dont m’avait parlé, il y a des siècles de cela, une vieille connaissance de notre passé? Je descendis mon regard vers le plateau de nourritures que je tenais en main, exclusivement composé de légumes et de fruits pour les délicates papilles de notre invité. Je n’aurais jamais pensé réentendre ce nom de toute mon existence, surtout depuis que la principale concernée avait disparu de notre société, emportant avec elle les souvenirs de cet homme et des moments qu’ils passaient, tous les deux, ensemble. Même si je n’avais jamais rencontré le personnage en face, Alexie était celle qui m’avait introduit indirectement à lui, me parlant de leurs aventures, de leur passion commune et de l’amitié qu’elle était parvenue à tisser avec le sylvestre. Par conséquent, savoir qu’aujourd’hui allait être ma première véritable rencontre avec lui me laissait dubitatif. Serais-je le seul à le reconnaître? Alexie avait-elle parlé de moi ou de mon frère à cet étranger? Et qu’était-il devenu depuis la disparition de cette dernière? Des questions par dizaine allaient et venaient entre mes deux oreilles alors que, brusquement, je suspendis mon pas devant le battant d’une nouvelle porte, l’une des dernières du long corridor où séjournait les concurrents de la future Épreuve angélique.
Calmement, je cognais trois petits coups à l’entrée, entendant une soudaine commotion à l’intérieur de la pièce. Quelques secondes suffirent avant que la porte s’ouvre sur l’une de mes compères, qui m’adressa un sourire avant d’abaisser son buste en signe de salutation. J’imprimais ses gestes, la gratifiant également d’un charmant sourire avant de lui annoncer que j’étais celui venu prendre la relève. L’Ange ne prononça aucun mot un instant, certainement en train de m’analyser à savoir si je mentais ou si j’exerçais une quelconque manipulation à son endroit – il s’agissait d’un simple examen de sécurité afin de s’assurer d’aucune entourloupe. Puis, satisfaite, elle finit par se tasser sur le côté pour me laisser entrer.
« Il est à vous, me dit-elle avant de se tourner vers le sylvestre et de faire une révérence. Ce fut un plaisir de discuter en votre compagnie, sir Borghild. »
Puis, elle s’éclipsa de la chambre, refermant derrière elle alors que je présentais le plateau de nourritures à notre invité.
« Bonjour, sir Borghild. Voici votre petit déjeuner, lui dis-je en déposant la nourriture sur sa table de chevet. Je me présente, Isiode Yüerell : je serais votre Garde pour la journée. »
J’avais penché mon buste vers l’avant, mais je tentais de détailler sa réaction par le biais de mes pouvoirs, sentant aisément une once de curiosité poindre le bout de son nez au travers d'une vague soudaine d’étonnement. À ce constat, je me permis alors de me redresser, fixant l’Homme des Bois droit dans les yeux.
« Alors, c’est bien vous… Aramis Borghild, chuchotais-je en lui adressant un mince sourire. À voir votre réaction, j’ai le droit de penser qu’Alexie Lockwood vous a également parlé de moi ou de mon frère, pas vrai? »
Alexie… C’était vraiment étrange de prononcer son nom après toutes ces années et après tout ce qui s’était produit par le passé, mais elle était, sans aucun doute, celle qui nous avait lié, lui et nous.
Ezechyel ~ Ygdraë ~ Niveau IV ~ ◈ Parchemins usagés : 838 ◈ YinYanisé(e) le : 27/08/2014◈ Âme(s) Soeur(s) : Mircella Rumblee ◈ Activité : Stratège
Sam 20 Juil 2019, 04:22
« Alors, vous dîtes que les vôtres se font appeler « Ygdraë » maintenant? » Aramis acquiesça d’un signe de tête. Le visage de l’Ange se décomposa en une expression ébahie, mais légèrement dubitative. « Je n’ai jamais entendu parler de ce changement de nom. » L’homme prit une grande inspiration, avant de tout relâcher. « C’est-à-dire qu’il est plutôt récent. Je ne crois pas que la nouvelle appellation se soit bien répandue en dehors de nos terres. » - « Ah. » S’exclama-t-elle simplement. La femme le dévisagea un instant, ne sachant quoi penser de ces informations. Cela faisait quelques minutes qu’ils discutaient et à un certain point, elle avait fait mention de l’ancien nom du peuple des forêts, nom que le sylvestre s’était empressé de corriger dès qu’il eut franchi ses lèvres. La soldate en avait été étonnée, commençant aussitôt à questionner le compétiteur de l’Épreuve sur ce propos plus qu’intriguant. Aramis avait accepté de répondre à quelques-unes de ses interrogations, débutant en premier sur la signification littéraire du terme « Ygdraë ». La conversation avait ensuite rebondi sur les Yggdrasil, sujet au cours duquel l’Immaculée se laissa totalement captiver, sans doute impressionnée par le fait que de tels végétaux aient réellement existé. Cela dit, le sylvestre demeura volontairement évasif sur les détails concernant la réincarnation des grands arbres funestes, préférant rester discret quant au statut des Löth chez les siens. Il n'était pas particulièrement méfiant de la Garde, loin de là, mais en tenant compte des questions parfois complexe qu’elle lui soulevait, Aramis avait rapidement compris qu’il serait incapable de lui fournir l’intégralité des réponses qu’elle espérait acquérir, pour être lui-même plongé dans l’ombre concernant plusieurs choses. Est-ce que les Löth avaient un rôle important à jouer parmi la société ygdraënne? Il l’ignorait. La plupart des courants de pensée prétendaient que ces Ygdraë étaient faits pour régner et bien que ces idées soient partagées par une grande majorité – lui inclus – personne n’était en mesure de le confirmer avec certitude. « Ygdraë. » Répéta l’Ange en insistant sur sa prononciation. Le mot renfermait une étrange sonorité à ses oreilles, sans doute en raison des différences de leur accent respectif. Au fond, elle se sentait mitigée. À ses yeux, les Elfes restaient toujours des Elfes et le changement la perturbait légèrement à vrai dire. Combien de fois avait-elle parlé des sylvestres en utilisant leur ancienne désignation? Souvent. Constamment. Ses traits se renfrognèrent, esquissant une moue. Elle se sentait subitement idiote de ne pas avoir cherché à s’informer, mais d’un autre côté, la race était devenue si discrète ces dernières années qu’elle ne pouvait complètement se blâmer pour son ignorance.
Trois coups furent toqués contre le bois de la porte, brisant le silence qui s’était temporairement installé entre eux. Sans perdre un seul instant, la soldate se leva lestement de sa chaise, se dirigeant à grands pas vers l’entrée qu’elle ouvrit en grand, afin de permettre au prochain Garde de la remplacer. Elle détailla l’homme aux cheveux ivoiriens de la tête aux pieds – il s’agissait d’un protocole de sécurité – avant de le laisser pénétrer dans la pièce en s’écartant sur le côté. L’Ygdraë gratifia l’Immaculée d’un dernier sourire tout en lui soufflant un « Le plaisir est également partagé. » en guise de mots d'adieu. Puis, son intérêt se laissa naturellement guider en direction du nouveau venu, remarquant au passage le plateau de nourriture qu’il transportait dans ses bras. Alors que ce dernier se présentait, le trouble se peignit progressivement à travers les yeux du sylvestre, estomaqué. Isiode Yüerell. Ce même Isiode Yüerell? Le passé semblait soudain ressurgir à l’intérieur de sa tête, faisant déferler une vague de souvenirs qui lui déroba momentanément le don de la parole. « Oui… » Murmura-t-il finalement en plantant son regard dans les éclats azuréens de son interlocuteur. « Pas ou : et. Elle parlait toujours de vous deux en grandes éloges. » Il marqua une pause, hésitant. « Je ne pensais pas que nos chemins finiraient un jour par se croiser, encore moins en de telles circonstances. » Il se racla la gorge, tentant de reprendre contenance. La situation était étrange pour lui. L’homme ne savait plus tellement par où commencer. Il finit toutefois par se rabattre sur de simples usages de politesse, tâtant timidement le terrain auprès du milicien. « Je suis ravi de vous rencontrer enfin en chair et en os. Comment allez-vous? »
Dernière édition par Ezechyel le Ven 30 Aoû 2019, 18:22, édité 2 fois
Isiode et Isley ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 1066 ◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016◈ Activité : Soldats
Jeu 25 Juil 2019, 05:12
« Vous m’en voyez flatté : Alexie ne se tarissait également pas de compliments sur votre compte. Elle avait toujours les yeux qui pétillaient lorsqu’elle parlait de vous. Vous lui faisiez du bien, vous savez? »
Je contemplais le sylvestre de la tête jusqu’aux pieds, examinant sa longue chevelure dorée avant de porter, naturellement, mon examen sur son visage.
« Je ne peux que vous rejoindre sur ce point : j’étais particulièrement choqué en entendant mon supérieur prononcé votre nom, lui admis-je tout en gratifiant l’invité d’un sourire, lui attrapant la main pour la lui serrer. Je me dois d’aller bien. Et vous? »
Tout en écoutant sa réponse, je me permis de détailler avec plus de minutie son faciès. Il s’agissait d’un visage bien particulier, aux lignes singulières, qu’Alexie m’avait décrit des dizaines et des dizaines de fois, sans qu’une image fidèle, pourtant, ne s’esquisse dans mon esprit. Car, elle avait beau me peindre mentalement un portrait de l’Elfe, je n’avais jamais eu la chance, jusqu’à aujourd’hui, de le détailler comme je pouvais le faire, désormais : ce n’était pas faute d’avoir essayé, mais je n’étais pas très imaginatif, de prime abord, peinant énormément à donner une quelconque tête à cet inconnu aux oreilles pointues. Et c’est pourquoi je me mis à observer ses traits avec intérêt, très peu gêné par l’allure de son faciès, m’attardant surtout sur la brûlure qui avait rongé la moitié de son visage fin. Des croûtes noircies lui faisaient office de profil gauche; des rides et des crevasses avaient été creusées sur son visage de porcelaine; des marques de brûlures encore rougeoyantes, en raison de la chair brûlée, illustraient avec une netteté presque effrayante toute la sauvagerie et la douleur de l’instant, au moment où les flammes, affamées, s’étaient mises à lui dévorer la face. Alexie m’avait conté son histoire, nous avait également raconté, à Isley et à moi, comment elle était parvenue à extirper Aramis de ces Démons barbares avant que tous les deux finissent par devenir d’inséparables compagnons au service du Bien. C’était tout de même étrange de savoir beaucoup de cet homme sans pour autant l’avoir déjà rencontré auparavant.
Comme hypnotisé par la brûlure qui défigurait son visage, je m’approchais du sylvestre.
« Puis-je? » Lui demandais-je, attendant son approbation avant de tendre ma main jusqu’à son visage, l’obligeant à tourner ce dernier pour que je puisse examiner de plus près son profil gauche.
La brûlure qui lui rongeait la moitié de la figure n’était pas bénigne, loin de là, et je le compris assez bien en tentant de lui partager un peu de cette Magie blanche qui caractérisait les pouvoirs particuliers de mon peuple. L’on disait de ces facultés qu’elles pouvaient guérir bien des maux – pas tous les maux – mais force était de constater que cette brûlure-là n’était pas de ces maux que je pouvais soigner par ma propre personne et avec, comme seule alliée, ma Magie. À ce constat, braquant mes yeux sur l’iris décoloré et vitreux de son œil, je finis par lui relâcher le visage, reculant d’un pas.
« Il vous est vraiment impossible de la soigner? Le questionnais-je en me postant de nouveau face à lui, regard fixe et dos droit. Comment est-ce arrivé? »
Je captais aussitôt le regard du sylvestre et, au même instant, je lui adressais un mince sourire, l’invitant à me raconter l’histoire.
« J’aimerais beaucoup l’entendre de votre bouche, en réalité, lui avouais-je tout en cherchant une chaise sur laquelle m’asseoir. Vous étiez tisserand auparavant, c’est bien ça? »
Je tirais le siège d’une main, plaçant celui-ci face à l’Elfe avant de m’accouder contre le dossier, que j’avais volontairement placé entre mes jambes pour pouvoir appuyer mes bras sur un soutien, étant donné que ces chaises en bois n’étaient aucunement dotées d’appui-bras.
Ezechyel ~ Ygdraë ~ Niveau IV ~ ◈ Parchemins usagés : 838 ◈ YinYanisé(e) le : 27/08/2014◈ Âme(s) Soeur(s) : Mircella Rumblee ◈ Activité : Stratège
Ven 30 Aoû 2019, 14:18
L'Ygdraë saisit avec vigueur la poigne qui lui était tendue, courbant un sourire de politesse à son interlocuteur avant d'hocher de la tête. « Je vais bien, merci. » Fit-il posément. Il avait étiré le cou afin d'accrocher le regard de l'Ange en y plantant ses iris de jade. En leur sein valsait une lueur de mélancolie qu'il n'arrivait toujours pas à dissimuler. Bien qu'il ait essayé de prétendre le contraire, il n'allait pas bien en réalité. La douleur qu'il ressentait à la simple évocation d'Alexie lui lacérait le cœur, écorchait son âme. Le temps n'avait pas pu le guérir de son chagrin et trop souvent, il se laissait accabler par le souvenir torturant de l'amour qu'il avait perdu à tout jamais. Seulement, l'homme était trop fier pour admettre qu'il souffrait malgré l'intérêt qu'il portait envers cette rencontre. Il avait tant espéré croiser un jour le chemin des jumeaux, que sa bien-aimée ne s'était jamais tarie de couvrir d'éloges, qu'il était embarrassé à l'idée de ternir la beauté de l'occasion par ses lamentations d'esprit en peine. Le sylvestre avait une image à préserver auprès de son hôte et les larmes ne trouvaient assurément pas leur place sur son portrait chaleureux, mais indubitablement professionnel. C'est ainsi que l'Elfe choisit de se livrer à un examen méticuleux des traits de l'Immaculé sans toutefois insister à en faire prolonger la durée. Il tentait de ressortir chaque détail qu'Alexie lui avait décrit maintes fois au sujet de Yüerell, s'étonnant de la ressemblance plus ou moins juste subsistant entre les dessins de sa mémoire et l'image nette de la réalité. Il avait imaginé le soldat plus grand, plus impressionnant. Pourtant, la vérité objective qui se dévoilait devant lui n'avait rien pour le déplaire ou, du moins, pas dans l'immédiat. C'est en partie grâce à ce premier jugement que le Cyraliel ne s'offusqua pas du toucher de l'Aile Blanche sur la cicatrice de son visage, l'autre raison étant simplement l'habitude qu'il avait de se faire tâter la peau de la sorte par les mains d'un soigneur. Comme il le soupçonnait déjà, les efforts d'Isiode se soldèrent par un cuisant échec, même si l'homme éprouvait bel et bien les effets apaisants des dons angéliques. Il ferma les paupières un instant afin d'apprécier la douceur de la Magie Blanche, avant de les réouvrir. Inconsciemment, il effleura les cavités de sa chair brûlée du bout des doigts.
« Les médecins de mon peuple ont tout essayé. J'ai tout essayé. Seulement, le feu qui m'a dévoré le visage tire son origine d'un maléfice trop puissant – ou trop méconnu – pour être guéri par des méthodes conventionnelles. » Un soupir de résignation s'extirpa du fond de sa gorge. Son corps s'enfonça un peu plus dans le dossier de son siège. « Un Démon. Un Démon est ce qui m'est arrivé, avec tous les vices et les atrocités que ces créatures aiment semer sur leur passage. » Déclara-t-il, des ombres lugubres voguant au creux de ses mires. Alexie avait dû conté à son comparse l'histoire de sa tragédie, le jour où toute sa vie avait basculé. Les propos sur lesquels l'Ange enchaîna ne firent que confirmer ses doutes. Il croisa les doigts devant son menton, songeur. « Très bien, à condition que vous me contiez la vôtre. » Finit-il par consentir. Puis, reprenant sur le passage qu'il avait interrompu, le sylvestre se porta garant pour approfondir son récit. « Effectivement, j'exerçais le métier de tisserand à l'époque. » Sa famille vivait exclusivement des commerces lucratifs pour s'enrichir. Cela n'avait pas changé depuis l'avènement de la nouvelle Ère. Aramis expliqua très brièvement à son hôte la grandeur que possédait le nom de sa Dynastie, avant d'en venir au véritable sujet de sa requête. « Cela s'est passé avant le début de l'extinction de la Magie et de l'invasion des Ridere. Le Printemps avait refusé de renaître, plongeant mon peuple dans la confusion. Cela dit, le commerce, lui, semblait rester indifférent à ce trouble de plus en plus grandissant. » Ou presque. Il se rappelait avoir assisté à la première perte de sang-froid de sa mère, alors membre émérite de la Famille de Saphir selon l'ancien mode d'organisation elfique. L'événement l'avait profondément choqué. « J'ai donc été amené à me rendre dans un village eversha pour y vendre ma marchandise. Ma cargaison a été prise en embuscade par un groupe de Démons en manque de divertissement. » Aurait-il pu prévenir la tragédie en se montrant plus prudent? Peut-être. Il n'avait pas la prétention de comprendre les mécanismes du Destin après tout. « Ils ont préféré s'amuser avec mon corps presque inconscient au lieu de m'achever immédiatement. » Sa voix était grave, sombre. Le ressentiment qui s'en exhalait se mélangeait avec une vague d'affliction, de souffrance. Ses poings se comprimèrent sous la force des émotions. « Ironiquement, je dois admettre que leur cruauté a en quelque sorte été mon salut. » Il avait désiré qu'Ezechyel le conduise plus d'une fois vers les portes de l'Au-Delà malgré tout. « L'un de ces Vils m'a brûlé le visage. J'ignore tout du sort dont il s'est servi contre moi, mais pendant que ma chair se calcinait et que mes cris couvraient le vacarme de leurs rires, elle est apparue. » L'Ygdraë continua en décrivant les prouesses de la guerrière et de sa troupe, avant de s'interrompre de manière définitive. Il contemplait Isiode droit dans les yeux à présent. « C'est à votre tour maintenant. » Quels secrets allait-il lui révéler?
Isiode et Isley ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 1066 ◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016◈ Activité : Soldats
Dim 01 Sep 2019, 22:09
« Marché conclu », répondis-je au sylvestre, sans sourciller, avant que ce dernier ne commence son récit.
Même si cette histoire m’était familière, pour l’avoir déjà entendue à quelques reprises de la bouche d’Alexie, j’écoutais les dires de l’Elfe avec intérêt, le gratifiant de toute mon attention. À l’intérieur de ses mots, j’étais en mesure de distinguer les tourments qui envahissaient également son cœur à cet instant. Je pouvais ressentir sa colère et son désarroi, sa frustration et sa peine, alors que cet acte de sa vie recommençait au plus profond de son esprit. Ainsi, à la fin de son récit, je me redressais légèrement sur mon siège.
« Bien, murmurais-je avant de braquer mon regard dans le sien, lui adressant un vague sourire. Mon frère et moi avons perdus notre mère à un très jeune âge. Notre père, incapable de faire son deuil, s’est alors dédié corps et âme à sa nation en entrant dans les rangs de la Compagnie de Yüerell et, comme vous pouvez le deviner, nous l’avons suivi lorsque notre âge nous l’a permis. La milice devint notre foyer et notre famille, la nôtre s’étant éteinte le jour où Mère nous quitta, notre paternel ne jouant plus le rôle de père, mais celui d’instructeur : nous restions ses fils, certes, mais avant tout, il voulait faire de nous des soldats. »
Dis ainsi, notre jeunesse pouvait sembler dure et horrible, mais je bénissais l’éducation que notre père nous avait imposée tout au long de ces années. Elle nous avait permis de nous renforcer, d’occuper nos esprits à la suite de la mort brutale de notre mère et, le plus important, il nous avait appris à nous prévenir de la souffrance, plaçant le bien-être commun avant le bien-être de soi, qui n’était que le reflet de notre propre égoïsme. À cette réflexion, un sourire s’afficha sur mon visage tandis que je reportais mon regard sur Aramis.
« C’est dans nos premières années en tant qu’écuyer de la milice que nous avons fait la rencontre d’Alexie. Nous avions le même âge et sommes devenus amis assez rapidement, mais Alexie était à un autre niveau. Elle assimilait rapidement et progressait à une vitesse incroyable; elle avait un don pour cela, c’était un fait. En quelques années à peine, elle était devenue Fantassin alors que mon frère et moi n’avions pas encore les capacités nécessaires pour être adoubés; lorsque nous devînmes Fantassins, elle était décorée par la plus prestigieuse nomination militaire qu’un soldat de Yüerell puisse espérer porter. »
Je marquais une pause, la nostalgie envahissant momentanément mon esprit.
« Quoi qu’il en soit, pour faire d’une histoire longue une histoire courte, mon frère et moi avons donné, à notre tour, nos corps et nos âme pour protéger notre peuple et préserver le Bien à travers les Terres du Yin et du Yang, sous la bannière de la Compagnie. Seulement, un jour, alors que nous avions été mandatés pour rejoindre un village en mission de reconnaissance, nous avons été pris en tenaille par les Enfants de l’Œil dans un guet-apens. »
À ce souvenir, les traits de mon visage se durcirent, impénétrables, l’obscurité qui assombrissait mes pupilles rendant mon visage incroyablement sévère et froid.
« Je ne comprends toujours pas comment une telle erreur a pu se produire… Nous avions reçu comme informations que les Démons ne seraient pas sur place avant des jours, et que nous aurions le temps d’explorer et de reconnaître le terrain afin de pouvoir piéger les Cornus avant qu’ils n’atteignent le village. Mais quand mon frère et moi sommes arrivés, ils étaient déjà là… Et nous avons rapidement été maîtrisés. »
Une seconde, j’échappais un soupir, irrité, observant l’expression du sylvestre. À son bon vouloir, je lui laissais deviner le sort que les Démons nous avaient réservés.
« À un moment, j’étais comme vous, à prier pour qu’Ezechyel vienne nous chercher pour nous libérer, mais au plus profond de ce désespoir, une lumière nous a éclairé. Une femme nous a extirpé de ces ténèbres et nous a libéré. »
Tout ce dont je me souvenais, c’était que cette femme avait tué les Démons et qu’elle possédait une longue chevelure obsidienne et que ses yeux étaient d’un vert aussi pur et doux que les perles.
« Vous êtes-vous déjà retrouvé dans une situation où, après des mois de captivité, vous revenez finalement à la surface et constatez que tous les gens que vous connaissez croient désormais que vous êtes morts? » Lui posais-je en étirant un mince sourire.
Je me tus quelques secondes, mon regard fixant un point invisible à l’horizon. La réaction de Père, notamment, m’avait particulièrement ébranlé, lorsque nous avions rejoint les Terres Blanches. Il avait pleuré. Pendant des années, il n’avait plus versé une seule larme à la suite de la mort de Mère et le revoir aussi vulnérable m’avait choqué. Je l’avais pris dans mes bras et ne l’avais plus lâché.
« Un peu déprimant tout cela, n’est-ce pas? »
Je tournais mon visage vers le plateau de nourriture, invitant l’Elfe à manger.
« Aujourd’hui, nous sommes revenus auprès des nôtres et œuvrons de nouveau pour rendre ce monde meilleur. »
Je me tus avant de reporter mon attention sur Aramis.
« Et vous, que faîtes-vous aujourd’hui, maintenant que vous ne pratiquer plus l’art du tissage? Vous continuez de travailler pour l’entreprise familiale? »
