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 [Q] - Des preuves d'existence

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Dim 20 Oct 2019, 17:37


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Intrigue/Objectif : Alors qu'Aura se réfugie une nouvelle fois dans les profondeurs de la forêt pour panser ses plaies, Taan'tū continue discrètement de la suivre mais finit par se demander comment se rapprocher d'elle.

° ° °

Le chant de la forêt se faisait silencieux, circulant agilement entre les branchages flétris d’une forêt qui sentait la saison froide approcher. Passer l’horreur de sa dernière rencontre inopportune avec la gente humanoïde, il ne lui restait plus qu’à avancer. Où pouvait bien se situer cette forêt ? Avait-elle un nom pour les autres ? Autant de questions désuètes qui lui traversaient l’esprit, se demandant ce qu’aurait ressenti et penser une personne normale en ces lieux. Elle n’en savait rien mais s’interrogeait de plus en plus sur leurs conditions à force d’être frappée par le monde entier qui les séparait d’elle. Sa magie semblait grésiller à l’intérieur de ses veines, se frayant un passage là où elle n’aurait pas dû et exploitant sa force vive tant qu’il lui en restait : Aura n’avait pas son mot à dire, sa taille imposante demeurerait tant que son énergie défaillante l’ordonnerait. Quel soulagement que cette forêt soit aussi silencieuse que vide d’âmes. Ses pas pieds-nus, traînant sur les feuilles cassantes et les brindilles isolée, produisaient les seuls bruits environnant en unisson avec l’activité effrénée mais si discrète des autres habitants du couvert boisé.

Le maintenant fermement contre son corps de sa main valide, son bras droit souffrait toujours. Les lancinements glaçaient l’intérieur de ses muscles tirant sur son épaule comme si cette dernière avait été déboîtée. Ce n’était pas la première fois qu’elle souffrait, ça ne serait pas la dernière. Aura en avait encore les larmes aux yeux mais aucune ne coulerait. Cela passerait, elle guérirait… un peu. Encore. Sa respiration erratique ne parvenait pas à se calmer, peu importe le nombre de pas qu’elle accumulait dans cette forêt. Où devait-elle bien se diriger ? Ça n’avait pas foncièrement d’importance… Il lui fallait s’enfoncer assez profondément pour être certaine que personne ne l’y retrouverait, qu’elle pourrait fermer l’œil sans craindre d’être réveillée par des cris effrayés ou le jet de quelques armes improvisées ou non. Où étaient vraiment les monstres ? Peu importe que cela n’arrive pas toutes les nuits, il suffisait d’une seule fois où elle ne serait pas assez alerte. Ses doigts interminables crochetèrent sa peau sous la tension qui peinait à se défaire de son être, presque partie intégrante.

Que pouvait-elle bien faire ?

Bien, cette situation n’était pas complètement compréhensible pour l’esprit qui l’observait, le regard sans yeux pourtant pétris d’attention. Attentif au bien-être de cette créature décharnée, motivée par une curiosité similaire à celle qui le berçait depuis toujours. Apprendre à s’occuper de la flore et des arbres étaient dans son ADN mais par habitude de les côtoyer, de vivre dans le même écosystème, la faune avait finalement aussi fait partie de ses préoccupations sans que Taan’tū ne puisse toujours y faire quoique ce soit. Cette créature ne faisait partie ni de l’un, ni de l’autre, ou peut-être des deux ? Quoiqu’il en fût, sa curiosité n’avait jamais été autant exacerbée, créant un sentiment étonnant qu’un jour il nommerait certainement empathie. D’où venait-elle ? A quel ensemble appartenait-elle ? Plus il en était venu à l’observer plus il avait commencé à comprendre ce qui clochait avec elle : les bipèdes réagissaient de manières semblables avec certains insectes ou créatures alors il en concluait que c’était une affaire d’apparence. Quelque chose qu’il ne pouvait pas saisir : son existence même n’était pas liée à une apparence, dépourvu d’un corps propre qu’il était. Cela n’avait pas de sens.

Il ne se sentait pas particulièrement proche de cette créature mais était pourtant irrémédiablement attiré par la douleur qui entravait son chemin. Quelque fois, il lui était venu en aide : lorsque de loin il repérait des bipèdes qui venait dans sa direction, il s’était arrangé pour détourner leur route à force de plantes de plus en plus ennuyeuses. Mais, parfois, c’était cette créature elle-même qui allait aux devants d’eux, pour des raisons que le Lesovik ne comprenait absolument pas. A la fois incertaine, hésitante et pourtant entreprenante. Les résultats avaient toujours été les mêmes : les bipèdes prenaient peur, la chassaient d’un puissant revers de la même si elle avait sa forme minuscule ou s’enfuyaient à toutes jambes si sa taille était aussi grande qu’eux. Aucun ne cherchait à comprendre, la peur prenait le dessus mais ça, c’était une réaction que Taan’tū connaissait. Les animaux aussi réagissaient ainsi, leur survie en dépendait face à un prédateur. Ceux que le Lesovik ne comprenait pas encore c’est que les bipèdes étaient ainsi différents parce qu’ils n’étaient pas faits que d’instincts. Mais il avait bien compris que leur démarche n’avait aucun sens : cette créature ne pouvait pas être un prédateur universellement redouté pour eux vu le peu de danger qui émanait d’elle. C’est alors qu’il avait compris que ce qui se passait était lié au même genre de jugement que ceux que les bipèdes attribuaient aux insectes : problème de viscosité, d’apparence peu flatteuse et de nuisibles.

Ereintée comme les lueurs du soleil couchant ne teintaient plus que d’ombres les parcelles d’herbes où elles pouvaient se faufiler, Aura s’arrêta soudainement, ployant en avant le poids de son corps aux proportions éreintantes contre l’écorce humide d’un tronc. Son front en ressentit toute la fraîcheur, la sensation se diffusant par picotement le long de ses membres, diffuse mais réconfortante. Elle n’avait ni raison de s’arrêter, ni de continuer. Le repos ne lui semblait étrangement pas une donnée utile dans sa condition, son être semblant naviguer dans des eaux qui n’appartenaient pas à la Vie, telle qu’on l’imagine. Comme si ça ne lui serait permis qu’une fois libérée de cette malédiction. Les faits étaient bien différents : son corps était bien vivant et requérait les mêmes besoins que n’importe lequel autre.

Elle n’avait pas vraiment froid, un des avantages à être née au cœur d’une fleur, parmi les températures de la nature. Quand son corps reprendrait-il une taille normale ? Sa magie semblait vouloir tirer ce qui lui restait de vie jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à soutirer. Un être pouvait-il mourir d’avoir trop utilisé sa magie ? Ça ne faisait aucun doute… De dépit, Aura se retourna lentement, affaissant son corps le long du tronc, trouvant confortablement refuge entre ses racines. Ses membres difformes semblaient être faits pour se mettre en position fœtal. Roulée en boule qu’elle était née, son corps manifestaient lui-même sa désapprobation quant à sa naissance : il n’était pas encore fini. Mais c’était ainsi qu’elle était née. Que devrait-elle faire en définitif ? Un souffle d’air frais libérant sa respiration de toute sa pression semblait avoir ramené le pragmatisme entre ses pensées. Devait-elle continuer à risquer sa vie pour tenter de s’intégrer dans la communauté de ce monde ? pour tenter de trouver ce miracle qui la libèrerait de sa condition ? Sans oser le prononcer, ni y penser trop clairement – de risque que ça ne lui retire tout espoir – Aura ressentait ce qui la sauverait. Avait-ce un quelconque sens finalement ? Ne devrait-elle renoncer à toute humanité, se retirer du monde et vivre recluse sous cette forme dans les profondeurs des bois les plus sombres ? Se contentant de protéger la flore et la faune qu’elle ne détruisait pas elle-même.

La réalisation de la presque impossibilité de juste demeurer ainsi, et se contenter de survivre, remonta d’horreur presque chaque fibre de ses entrailles. Leur condition… était ainsi faite pour qu’elles ne puissent y échapper. Et si Aura essayait, si l’une d’elles essayait… Bien qu’elle n’en avait aucune preuve, quelque chose lui soufflait qu’elle ne survivrait pas longtemps. Des blessures infligées par les Hommes dont elle n’avait pas suffisamment de savoirs pour guérir correctement jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à guérir car rien n’avait jamais vraiment cicatrisé. Des blessures que son corps maudit infligeait à son propre esprit pour lequel il n’y avait aucun remède. Quel était le pire ? Si les Hommes ne la tuaient pas, la force des choses s’en chargerait. Mourir et tenter sa chance, mourir et s’assurer d’un peu de temps avant… La seconde option ne lui semblait pas si invraisemblable. Au contraire, peut-être y avait-il quelque chose à faire, à découvrir pour les suivantes ? Mais son âme ne cesserait de réclamer ce qui lui était nécessaire : ce baiser dont le sens le plus extraordinaire n’était connu que d’elles…

Du point de vue du lesovik, toute cette réflexion intérieure n’était qu’un énorme sac de nœuds qui n’avait pas lieu d’être. Aucun des traits de la créature ne permettait en soi de le deviner, mais sa position immobile et ces deux orbites fixes jaunies en disaient long : les bipèdes qui regardaient trop longtemps le même point finissaient toujours par en revenir avec un air encore plus sombre. Taan’tū se retrouvait à nouveau là, face à ce qui le dérangeait et à se demander ce qu’il était censé faire, ce qu’un esprit comme lui devrait faire et pourrait faire. Ne comprenaient-ils pas que le rire était quelque chose de bien plus sympathique ? S’il était persuadé de certaines choses, celle-ci en était actuellement une. Alors ni une ni deux, sans crier gare, alors que l’esprit était en train d’habiter une jonquille sauvage bien feuillue, il bondit sur ses racines et se mit à s’agiter frénétiquement. Une feuille à droite, une racine en avant, puis en arrière, pas de deux sur le côté et on tourne, un petit saut de la tige et on jette une racine en avant, une feuille à droite, une feuille à gauche, les pétales en arrière et on recommence ! Dans sa tête, la musique tranquilles des perles d’eau coulant des branches des arbres jusque sur les flaques qui jonchaient le sol de la forêt après une bonne pluie rythmait ses mouvements et faisait gagner en ardeur ses talents d’impro de danse. Maintenant deux feuilles d’un côté et de deux l’autres, puis on les tape ensemble et vers le bas, on baisse les pétales, et on trémousse le pistil, on balance et on se relève. Oui oui oui, il se dé-broui-llait comme un chef.

Incongruité. Etait-elle toujours bien assise au même endroit ? avec les mêmes orbites toujours ouvertes ? Alors par toutes les plantes existantes, pourquoi celle-ci était en train de se trémousser juste en face d’elle ? Une bonne grosse jonquille, peut-être pas aussi jaune que certaines de ces voisines, s’était soudainement dégagé du petit parterre où elle était enracinée avec quelques autres. Glissant agilement sur le sol terreux encombrés des dépôts de la forêt, la fleur agita de manière saccadée chacune des fibres de son corps dans une chorégraphie qui semblait destinée à nul autre que… elle. Y avait-il une autre créature concernée par ce phénomène des plus invraisemblables dans le coin ? Incrédule, oui, Aura avait jeté quelques coups d’œil évasifs à droite et à gauche mais non, nul autre être dans les parages. Quoique deux écureuils curieux venaient de dégringoler le long d’un tronc voisin, des noisettes entre les pattes, nettement suspicieux.

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Dim 20 Oct 2019, 17:37


Cela s’était achevé… Ne demeurait plus que l’étrange jonquille désormais figée, la plus longue de ses feuilles projetée vers le haut, la plus basse pliée devant elle et la tête boursouflée de pétales courbée en avant. Le silence qui tourbillonnait autour d’eux ne paraissait plus aussi pesant qu’auparavant, bien que rien d’autres n’ait changé. Les mêmes feuilles aux couleurs effacées chutaient tristement au sol, la même obscurité plongeante dissimulait les détails de plus en plus proches, l’air humide ne s’était pas évaporée. La seule différence provenait de l’esprit même d’Aura : la perplexité, dérangeante et amusée, qui avait momentanément repoussée les recoins les plus sombres de ses pensées et l’amertume la plus pressante de son coeur. Ses paupières clignèrent avec douceur, comme débarrassant quelques poussières qui s’y seraient glissées durant son absence inattendue. Ses membres gelés contre son corps n’osaient se déplier, leurs fibres peut-être encore davantage crispées ne sachant si quelques dangers pouvaient en surgir.

Taan’tū n’était pas certain quant à la réussite souhaitée de ses actions. Les traits de son visage s’étaient-ils détendus ? son immobilisme prolongé n’était-il pas une réaction relativement décevante ? Il n’était pas certain de ce qu’il avait voulu produire mais le Lesovik était encore moins certain que sa mission fut une réussite. Mais quoi de plus normal ? Ce n’est pas comme s’il avait parfaitement su ce qu’il faisait. Quelques gênes firent durer un peu plus longtemps la pose finale qu’il tenait. Finalement, ridicule pour ridicule, Taan’tū délia les segments feuillus de son corps végétal pour improviser une prompt révérence avant de glisser avec douceur sur ses racines vers la créature inconnue. Ralenti par les minuscules ramifications de ses racines enfouies dans la terre pour lui garantir sa survie, il s’avança avec une lenteur qui n’aurait guère pu créer l’inquiétude. Au contraire, il en avait profité pour ranger ses feuilles derrière sa tige centrale en signe clair de non-agression.

Oui, Aura ne pouvait pas effacer le temps passé rongée par la peur de se faire tuer, alors-même qu’elle ne souhaitait que survivre. Néanmoins, le calme s’infiltrait de plus en plus dans son esprit car elle n’était pas qu’un monstre en cavale dans les profondeurs de la forêt, ni une Fae ratée qui détruisait les fleurs aux lieux de les soigner. Quelque chose au fond elle remuait pour lui signifier qu’en creusant un peu, et se donnant la peine d’écarter cette malédiction cinglante qui voulait ployer son âme, elle existait toujours. Et quelques pensées cohérentes commençaient à se former dans son esprit, comme une évidence, comme si elle lui était reliée, bien qu’elle sente le lien incroyablement flou. Cela avait beau être incertain, c’était l’une des choses les plus sûres que la Fae avait ressenti. Son immense tête tentaculaire bascula doucement sur le côté pour observer un peu mieux cette jonquille. Rien ne la différenciait de ses paires toujours plantées un peu plus loin, sa couleur jaune était si délicate que le blanc menaçait d’envahir sa vision, et la teinte de sa tige présentait un vert assez fort pour savoir qu’elle était assez bien nourrie par les pluies et les écoulements de nutriments si riches de la forêt. Chaque Fae respectait l’âme des fleurs aussi sûrement qu’elle-même en était dotée d’une. Par extension, la nature tout entièrement en était pourvue et cela se ressentait à la symbiose même dans laquelle la Fae naissait et qui ferait toujours partie intégrante d’elle. Néanmoins, il y avait des magies encore plus incroyables et puissantes qui pouvaient habiter ces êtres de feuilles, d’écorces ou de pétales. «  Es-tu… un esprit de la forêt ? » Leur existence ne lui semblait pas surprenante, ce qui l’était en revanche fut qu’elle en rencontre un.

Sa présentation n’aurait pas pu mieux être interprétée. Taan’tū avait bien du mal à croire qu’elle ait pu ainsi deviner ce qu’il était, même si cela le confortait dans l’idée que cette créature était également liée à la nature. Ce n’était pas tout à fait la première à deviner ce qu’il était. Certains passants à qui il avait joué des petits tours un peu trop effrayant à leur goût s’était enfuis en criant moult supplications aux esprits de la forêt de ne pas les manger (pour les enfants) ou de les épargner (pour les autres). Chose étonnante était que la plupart disait ‘esprit de la forêt’ et non pas ‘esprit de la nature’. Certes Taan’tū vivait dans ces forêts mais il avait fini par en convenir que les esprits de la forêt devaient avoir une image plus versatile que les esprits de la nature, les premiers reflétant l’obscurité des profondeurs des forêts alors que les seconds apparaissaient comme des esprits paisibles. En soi, les deux ne formaient qu’une seule entité. Les lesoviks ne protégeaient pas que les forêts, bien que cela soit leurs lieux de prédilection. Ils étaient paisibles par nature mais feraient ce qu’il faudrait pour la protéger… car personne d’autres ne le feraient. Personne d’autres qu’eux ne la prenaient uniquement en compte. Assez tristement, il le sentait au fond de lui. Les races qui peuplaient ce monde - les Elfes y compris - avaient bien d’autres choses à prendre en considération. C’est pourquoi ils existaient et existeraient toujours. C’était la première fois que Taan’tū le ressentait aussi fort, alors même que c’était la première qu’il révélait volontairement son existence à une créature, quoique pas tout à fait bipède.

Sa jonquille n’était pas dotée d’yeux mais si elle en avait eu, ils auraient été fixés plein d’innocence vers cette inconnue, plongeant infiniment dans ses deux petites orbites dorées pour essayer de lui faire prendre ce qu’il ressentait. De la compassion, presque de l’affection après l’avoir suivie tant de temps. Mais ce n’était pas si simple, il n’avait pas d’yeux, quoique ses pétales ostentatoires dressées en avant pouvaient donner quelques indices. Une plante ou un arbre ne parlait pas non plus. Cela n’était pas vraiment utile aux Lesoviks qui pouvaient communiquer entre eux de part leur statut d’esprit. Taan’tū ne s’était jamais interrogé sur ce phénomène jusqu’ici. Il ressentait simplement cette connexion implicite qui le reliait à chacun des siens. Peut-être pouvait-il la faire ressentir à cette créature ? Sa seule bonne volonté dicta ses pensées, qu’il dirigea comme vers un seul être vers elle. Il ne se demanda pas si cela fonctionnerait ou non, si cela était seulement possible. Un esprit de la nature ne se posait pas ce genre de questions, il n’était question que de le faire ou de ne pas le faire. Le Lesovik n’était pas certain de savoir ce qu’il voulait atteindre : son âme ? son esprit ? son coeur peut-être ? Son propre être se concentrait sur ce ce qu’il se produisait lorsqu’il communiquait avec ses pairs, sur leurs voix qui raisonnaient sans son, à l’unisson mais dans de parfaits accords. Parfois il n’était pas même nécessaire de parler dans le même sens que les bipèdes pouvaient l’entendre, il s’agissait davantage d’une idée qui pouvait prendre la forme d’une sensation ou d’une image. Mais c’était différent pour eux… Et cette créature agissait bien davantage comme un bipède que comme un animal.

Oscillant entre la rétractation complète de son esprit sur lui-même pour obtenir une meilleure concentration et au contraire son élargissement allant jusqu’à se projeter même au de-là des frontières de la fleur qu’il habitait, Taan’tū formulait des mots, les projetait encore et encore pour qu’ils puissent atteindre l’esprit de cette créature. Combien de temps s’était-il écoulé depuis qu’elle lui avait posé cette question ? Difficile à dire, quelques secondes ? quelques minutes ? L’écoulement du temps n’avait jamais non plus été une donnée fiable pour Aura, qui n’avait pas la moindre idée du temps écoulée depuis qu’elle avait été jetée hors du Jardin dans lequel elle était née. Depuis un moment l’esprit de la jonquille ne bougeait plus, mais n’ayant pas quitté sa position étrange Aura en déduisait qu’il était toujours là. Son immobilisme parfait lui laissait supposer que quelque chose se produisait, quoi exactement elle n’aurait su le dire mais l’atmosphère semblait soudainement à la fois lourde et crépitante. Ce n’était pas comme si l’air était devenu irrespirable, plutôt comme s’il s’était chargé de particules magiques et émotives, qui relâchaient d’agréables picotements aériens et immersifs. Comme une vie de la nature s’ouvrant à la vue de tous.

Et, surgi de nulle part, mais s’accordant à merveille à l’ambiance qui avait imbibé ce petit coin de forêt, une voix claire et chantante résonna au coeur même de ses pensées. °Oui, je suis Taan’tū.° L’écho de sa voix s’était parfaitement intégré son esprit qui durant ses derniers secondes avait eu le temps nécessaire de se calmer. Et peut-être était-ce dû à tout ce déploiement magique que l’esprit avait du forcer mais l’intrusion ne l’avait pas prise au dépourvu. Désormais, la lourdeur qui avait envahi l’espace commençait à retomber, et la charge de magie à retomber comme elle avait grimpé. Les particules se dissolvait dans l’air comme elles étaient nées, et le paysage boisé reprenait sa tranquillité naturelle. Pourtant, les affres douloureux qui lui étaient liés pour la Fae n’étaient plus aussi présents. « Merci… » Finit simplement par murmurer Aura, comprenant doucement ce que l’esprit avait voulu faire. Ce n’était pas si simple mais savoir que la nature veillait sur elle-même, chacun de ses membres compris, avait quelque chose de réconfortant. Taan’tū aurait pu avoir l’air perplexe s’il l’avait pu. °Je sais que c’est difficile pour toi comme tout le monde te rejette mais il ne faut pas s’arrêter là.° Des mots directs, quoique maladroits, mais c’était le mieux qu’il pouvait faire, car lui-même ne comprenait pas encore tout.

Peut-être était-ce ce qu’il fallait à Aura à cet instant, ou pas. Regroupant avec cette fois plus de douceurs ses membres inférieurs contre elle, son minuscule regard se perdit quelque part vers un point invisible de cette forêt pourtant bien garnie. Cela n’avait rien d’étonnant à ce que les esprits des forêts sachent tant de choses : ce qui se passait au sein de leur proche nature devait rarement manquer de parvenir jusqu’à leurs oreilles. « Je ne suis pas sûre que cela soit une bonne idée… Peut-être que me terrer en acceptant ce que je suis est mon meilleur moyen de survivre.  » Il fallait aussi voir les choses en face de temps en temps. Mais, ce raisonnement n’avait pas vraiment de sens pour le Lesovik qui l’écouta pourtant soigneusement, glissant à nouveau sur ses petites racines fragiles pour se rapprocher un peu plus de la créature. °Ce n’est pas facile mais ce n’est rien. Tu ne devrais pas renoncer. Vivre est une question d’état d’esprit, pas de situation.° Cela, c’était l’une des rares choses qu’il pensait avoir appris de sa propre situation, bien qu’elle différa bien sûr de ce que pouvait endurer cette créature dont il ignorait toujours ce qu’elle était par ailleurs. °Tu vas voir, il suffit d’avancer lentement, mais sûrement.° Ça aussi c’était un concept que Taan’tū connaissait bien : passer d’un habitacle à l’autre demandait de l’énergie et du temps, et se déplacer sur des racines encore bien davantage mais c’était une valeur sûre.

Prendre les choses comme elles venaient… Cela paraissait si simple… Aura pu se mettre frénétiquement à y réfléchir mais Taan’tū ne semblait pas être le genre d’esprit type paix de l’esprit. En quelques secondes, la créature qui était parvenue à communiquer avec ses pensées s’était mise déblatérer tout un tas d’histoires sur les cas des personnes les plus étranges qu’il avait croisé. L’esprit n’avait de toute manière pas vraiment tord, Aura le savait au fond elle, tout comme elle n’avait jamais vraiment souhaité renoncer. Mais tout en elle, de chaque blessure, à chaque plaie, à chaque rognure de sa magie maudite dans son être alourdissait sa vision des choses.

« Je suis Aura. »

Se présenter, se personnifier. Dans ce monde. Le Lesovik fut bien en joie d’apprendre telle information avant de reprendre ses récits. Lui-aussi venait de définir son existence d’une toute autre manière en apprenant à communiquer. Et c’était exaltant.

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Mar 22 Oct 2019, 23:46


L’obscurité profonde de la nuit s’était installée, brisée par l’unique trace brillante des étoiles et de la clarté de la lune, mais même ceux-là étaient hors de portée cette nuit. Car, Taan’tū avait aidé Aura à produire un feu de camp dans une petite clairière dont il avait connaissance. Quant à savoir comment faire un feu, il avait déjà suivi de nombreuses fois des voyageurs : la forêt était rarement un endroit dans lequel on entrait puis ressortait. Ceux qui s'y aventuraient profondément, la traversaient bien souvent pour quelques raisons que le Lesovik n’apprenait pas toujours. Et qui à vrai dire ne l’intéressait pas vraiment. Au de-là du fait qu’il aimait faire des farces aux bipèdes, il essayait également d’assurer le  confort de la traversée à ceux qui le méritaient. Bien qu’ils étaient rares. Aucun ne faisait attention à toutes les petites plantes qu’ils piétinaient sur leur passage, et que Taan’tū s’efforçait donc de rétablir après l’application de l’empreinte de leurs grosses bottes. Quoiqu’il en soit, le Lesovik n’avait pas de nature mauvaise pour la simple et bonne raison que le bien et le mal n’avaient pas de concept immédiat et parallèle dans la nature. Tout était un cycle, mais il était encore en train d’apprendre à le comprendre, le respecter et l’entretenir.

Pour produire ce feu, le Lesovik avait veillé à n’employer que les branches mortes et sèches depuis un certain temps. Cela n’avait pas été chose aisée car une pluie s’était abattue il n’y a pas si longtemps que ça. Puis il avait fallu expliquer à la créature comment allumer le feu, l’emploi de feuilles séchées et de petits bâtons avaient été nécessaires, mais le plus compliqué avait certainement été pour elle car, avec ses doigts démesurément longs et fins, Taan’tū avait bien cru qu’Aura n’y arriverait jamais. A cela s’ajoutait le fait qu’il avait encore bien du mal à faire parvenir ses paroles jusque dans ses pensées, ainsi ses instructions avaient bien souvent été entrecoupées de silence dérangeant, sans qu’il ne s’en rende compte. L’incident révélé, il devait reprendre à partir du moment où cela avait été coupé. Voilà qui n’était vraiment guère pratique, le Lesovik en convenait, mais la vérité était qu’il avait trouvé cela très stimulant, et très agréable, de l'aider. Et d’une manière qu’il n’aurait pas soupçonné possible de sa part. Certaines choses qu’il savait pouvait lui être utile à survivre. Plus il y réfléchissait, et plus cela lui semblait normal.

Les douces chaleurs que les flammes rougeoyantes projetaient sur le cuir visqueux de son corps charbon créaient une bien étrange vision. Son corps semblait après tout avoir été fait dans des cendres. Mais, cela importait peu face au réconfort qui émanait de cette température qui semblait effacer les rigueurs de la nuit. Quoiqu’elle apprécia la clarté froide et puissante de la nature sauvage, celui lui rappelait également à quel point elle était seule dans ces labyrinthes sauvages, pour se protéger, pour se dissimuler. Au stade où elle en était, la nature - qu’elle sentait pourtant battre au fond d’elle telle une partie intégrante de son âme - devenait une prison de solitude et Aura savait - était infiniment persuadée du plus profond de son être - que cela ne devrait pas être ainsi. Que ces nuits de clarté froide étaient censées faire exploser en elle des saveurs exquises et vibrantes, et non pas contraindre son âme à pourrir comme cela était présentement le cas. Etrangement, cette constatation établie, la Fae remarqua des pulsations étranges dans son coeur : elle n’avait définitivement pas envie de rendre les armes quand elle sentait, savait, qu’autre chose était censée l’attendre, les attendre. Seulement, le chemin pour y parvenir n’avait jamais été aussi flou. Par où devait-elle aller ? Et il ne s’agissait pas d’une direction spatiale qu’elle demandait.

« Parfois, je me demande ce que je suis… Même si en mon coeur je crois le savoir, comment exiger des autres qu’il n’ait rien à craindre de moi, si je ne peux pas être sûre de ce que je suis. » Tous ses membres, tentaculaires ou non, s’étaient recroquevillés autour d’elle pour lui tenir davantage chaud. Non pas qu’elle en est tant besoin, mais… cela restait son corps, et elle ne souhaitait pas le haïr. Ses petites orbites brillantes, réflexives, projetaient dans le foyer grésillant sa mélancolie naissante. Taan’tū, qui n’aimait pas particulièrement le feu qu’il avait pourtant conduit à créer, se tenait à une respectable distance. Ayant délaissée la jonquille qu’il habitait précédemment, il s’était réfugié dans l’un des nombreux pissenlit qui parsemait l’herbe de leur clairière. Concerné, il réfléchit avec attention à ce qu’Aura venait de lui confier. C’était la première fois qu’il cherchait davantage à être proche de quelqu’un d’autre qu’un membre de son peuple. Et en soi, chaque lesovik ressentait une connexion de la même manière que chacun d’eux était lié à la nature, donc c’était bien différent de tout ce qu’il avait connu jusqu’ici. °Je ne pense pas que personne dans ce monde sache vraiment qui il est.° Cela, Taan’tū n’en était pas persuadé, car il ne vivait pas depuis assez longtemps, et n’avait pas assez voyagé. Mais, la vérité était que lui-même cherchait sa place dans le continuum que formait le cycle des Lesoviks, intimement liée à celui de la nature et, au de-là, de la vie. La rassurer, cela devait, mais il comprenait ce qu’Aura avait voulu lui dire. Ce n’était pas de sa personnalité, de ce dont elle était capable ou non, quelle parlait, mais de la race à laquelle elle appartenait.

Comprendre parfaitement la nature d’un Lesovik, son rôle, était la mission de la vie de chacun d’entre eux. Mais même s’il ne savait pas tout dès le départ, il connaissait les fondements élémentaires de sa race. « Je ne me rappelle pratiquement pas de ma naissance, ni de ce qu’il s’est passé ensuite avant que je ne sois laissée dans cette forêt. » Ses doigts se crispèrent presque douloureuse contre la base des tentacules qui déformait ce qui lui servait de visage. Chaque fois qu’elle tentait de s’en rappeler avec clarté, seules des images de violences et de douleurs lui revenaient. Une partie d’elle savait très bien qu’à force d’avoir été exposée, son esprit avait dû créer seul des blocages afin de ne pas haïr l’endroit qui l’avait abandonné. Mais, à cet instant, souvent, elle aurait simplement voulu avoir davantage de réponses. Conscient de ce qui la taraudait, Taan’tū avait fini par en venir avec une idée, qui n’apporterait peut-être que de maigres fruits mais peut-être bien plus également. °Peut-être que les anciens de mon peuple savent ce que tu es, et pourront me dire certaines choses.° Le Lesovik savait également que la sagesse des plus anciens était telle qu’ils ne révélaient que ce qu’ils jugeaient bon de dire, et à qui ils jugeaient bon de le dire. °Je vais aller leur parler pendant que tu restes ici.° Aura n’était pas certaine quand aux assertions que l’esprit venait de lui confier mais, qui de mieux que les esprits de la forêt pouvaient l’éclairer ? Cela lui semblait incroyable que de tels êtres acceptent de lui venir en aide mais… L’esprit ne lui semblait pas lui avoir laissé le choix vu que lorsque sa voix s’éleva à nouveau, aucune réponse ne vint. « Tu es là ? »

Le vide, s’étirant… inquiétant, mais qui n’était pas oppressant. Son oeil ne se fermerait néanmoins pas.

Quoique c’est ce qu’elle aurait souhaité mais ce fut le chatouillement des feuilles dentelées d’une fougère qui la réveilla finalement. Sursautant presque, aucune lumière aveuglante ne frappa ses orbites enfoncées. Ce n’était même pas encore l’aube. Et si aux premières fractions de secondes le fait qu’une plante la chatouille avait quelque chose de surprenant, cela ne dura pas plus longtemps. °Je n’ai pas réussi à atteindre tes pensées pendant que tu dormais.° Expliqua finalement la voix claironnante de l’esprit qui avait à nouveau réussi à s’y introduire apparemment. Taan’tū ne comprenait pas encore comment fonctionnait ce pouvoir, ni d’où venait-il, alors s’en servir proprement lui était encore délicat. Mais il apprenait, voyait ce qu’il pouvait faire, ou ne pas encore faire. C’était assez enthousiasmant. « Non, c’est moi. Je n’aurais pas du m’endormir… » Et cela n’avait presque rien à voir avec l’esprit de la forêt mais avec un feu qui laissait une telle trace dans l’atmosphère que les risques de recevoir une visite impromptue durant la nuit étaient bien trop élevés pour se permettre de fermer l’oeil. N’importe qui tombant sur un monstre tel quel pourrait avoir le souhait de la mettre hors d’état de nuit pendant que l’occasion se présentait. Et malheureusement, ce n’était pas la première fois qu’elle se mettait ainsi en danger mais peu importait au fond car sans repos son corps la lâcherait tôt ou tard. C’était ainsi…

« Ils t’ont dit quelque chose ? » Au fond, Aura n’avait que très peu d’espoir que de tels esprits acceptent de la guider mais… elle leur était redevable malgré tout. Le présent esprit lui était déjà particulièrement venu en aide. Par sa simple présence, elle avait trouvé un réconfort inattendu. Aussi, sa réponse n’importait pas tant que ça finalement. °Ils m’ont dit que, comme toutes les créatures dans ce monde, tu devais faire ta route par toi-même. Mais tu es une Fae, et votre race s’éteint aujourd’hui. Alors si vous ne trouvez pas votre voie par vous-même, personne ne pourra le faire pour vous.° Ses tentacules claquèrent dans son dos lorsque son buste se redressa pour permettre à sa face de sentir la rosée du matin qui approchait. La Fae avait besoin de ressentir ce bref contact avec la nature qui ne lui semblait pas détourné par la malédiction qui rongeait son âme. Une partie d’Aura avait ressenti ce que l’esprit venait de lui confier : les siens mouraient, elle en avait fait l’expérience en tentant de sauver l’une des siennes, en vain. Et il n’avait pas tort : on ne pouvait pas toujours reprocher aux autres ce qui nous arrivait. C’était bien plus simple ainsi, mais elle ne pouvait pas changer les gens, la seule personne qu’elle pouvait atteindre se résumait à elle-même. « Merci. » Finit-elle par déclarer, sincère, se redressant enfin sur ses pattes crochues. °De rien.° Accepta satisfait Taan’tū. La réponse que lui avait donné les anciens lui avait semblé plutôt bonne et il était heureux qu’Aura le comprenne aussi ainsi.

Au creux de sa fougère, dont il agitait les nombreuses ramifications pour signifier son contentement, le Loesovik observait la Fae reprendre ses esprits. Et lui-même pensait à la suite. Quelques idées continuaient de germer, ici et là. C’était assez vivifiant de découvrir de nouvelles choses, de nouvelle part de la vie, grâce à ce rapprochement qu’il avait effectué auprès de cette créature. Mais, il ne devait pas penser de façon unilatérale, sa vie était davantage précieuse que ce qu’il pouvait en apprendre. °Les terres des Magiciens pourraient être plus accueillantes, je peux t’y conduire. Ce sont des êtres qui sont bons par nature.° Quelques hésitations fleurèrent dans la réaction d’Aura. « P-Peut-être… » Elle ne savait toujours pas ce qu’elle trouverait au bout du chemin, et l’inconnu de l’avenir était probablement ce qu’il y avait de plus effrayant, encore plus dans sa situation. Fae… Ce mot signifiait tellement, il avait creusé son empreinte au creux de son coeur. Frétillant, loin de partager autant ses appréhensions, Taan’tū réfléchit à ce qui pourrait l’aider. En tout cas, il réalisait lui-même qu’il commençait à pouvoir pénétrer de façon plus naturelle dans ses pensées. Et avait découvert une nouvelle appréciation des évènements de la vie, qui se déroulait de façon bien différente pour eux que pour les races bipèdes. °Peu importe la destination. Le fait que tu avances te montre juste que toi aussi tu existes, et que tu vis.°

Un faible sourire étira les fentes de sa bouche, créant une grotesque grimace. Oui, elle ne souhaitait pas plus.

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[Q] - Des preuves d'existence

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