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 [Q] - Son cri du cœur | Solo

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Isiode et Isley
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Isiode et Isley
Mer 20 Nov 2019, 02:38





# Ton cœur a été construit comme tous les êtres vivants : fait de muscles, de pulsations et de sentiments






Partenaire : Solo
Intrigue/Objectif : À la suite de sa rencontre avec Circë, Isiode se remet en question et devra prouver sa résolution auprès de son supérieur.


Deux coups cognèrent faiblement contre le battant de la porte jusqu’à ce qu’une voix résonne de l’autre côté de l’entrée, m’octroyant la permission de pénétrer à l’intérieur du bureau de mon supérieur. D’un geste, je tournais et poussais la poignée tout en m’avançant jusqu’au siège du Capitaine Hayden Endeover. Ce dernier semblait lire un rapport, s’apprêtant à y apposer sa signature avant de le livrer à l’Imperio Militia.

« J’ai terminé mes corvées, lui fis-je tout bonnement savoir en baissant respectueusement le buste vers l’avant. Quelles sont mes prochaines tâches, Capitaine? »

L’Immaculé releva momentanément les yeux de ses papiers, me gratifiant d’un sourire. Il considéra, depuis sa fenêtre, l’avancée de l’Astre-Roi avant de poser calmement le saphir de son regard sur mon visage.

« Vous me rejoindrez dans la forêt où s’est tenue votre dernier entraînement. Faîtes passer le message à votre frère également, si vous le croiser avant moi. Je veux vous voir tous les deux à l’orée de cette dernière au coucher du soleil.

- Bien, Capitaine! »

Une fois de plus, je courbais l’échine face à lui. Mon passage à l’Épreuve des Réprouvés, pour la Coupe des Nations, n’avait su effacer mes derniers manquements quant aux commandements et au règlement de la Compagnie, pourtant clairs et stricts. Hayden avait beau avoir été fier de mon exploit, saluant ma victoire d’un sourire ainsi que d’une tape amicale dans le dos, il se devait néanmoins de faire respecter les règles de la milice sans accorder une quelconque faveur et exception pour qui que ce soit, Isemssith ou pas. Et c’était tout à fait compréhensible. Il ne pouvait simplement mettre une croix sur ce qui s’était produit, entre mon frère et moi, avant notre départ vers les terres réprouvées. Nous nous étions battus jusqu’à l’ouverture de nos chairs, le sang coulant des plaies que nous nous étions affligées sans apparente considération pour notre adversaire. Nous nous étions blessés, endommageant nos corps dans une lutte qui n’avait plus rien à voir avec l’entraînement que nous nous étions engagés à réaliser dans l’unique optique de nous renforcer. Au contraire, dans les confins les plus sombres de nos âmes et de nos êtres, une force bestiale et incontrôlable s’était tout bonnement libérée, guidant nos poings sur le visage de celui que nous considérions, soudainement, comme ennemi. Ennemi? Le mot n’était peut-être pas approprié et pourtant, à cet instant précis, je n’avais plus vu Isley comme mon frère ou mon jumeau : j’avais eu l’impression de faire face à un étranger, un étranger qui portait mes traits, certes, avec qui j’avais grandi au cours de toute mon existence, mais un étranger non le moins. La distance qui nous séparait aujourd’hui me paraissait plus grande que jamais et si courte à la fois, ce combat m’ayant ouvert les yeux sur la réalité de notre condition. Je me demandais, si un jour, nous réussirions à renouer comme autrefois, si nous parviendrons à nous comprendre comme avant qu’Araya revienne dans le décor. J’exhalais un soupir, l’officier continuant de me dévisager depuis son bureau en remarquant que je ne démontrais aucun intérêt à quitter, pour l’instant, ses quartiers.

« Avez-vous quelque chose d’autre à me communiquer, soldat? »

À l’entente de son inflexion, je me redressais légèrement. En effet, il y avait bel et bien quelque chose que j’aurais souhaité lui partager, mais à présent que je me tenais face à lui, une hésitation m’empêchait de faire le premier pas, des bribes de souvenirs éclatant dans mon esprit. Discrètement, je vins placer l’une de mes mains devant mon visage, fermant les yeux.

« Y’a-t-il un problème?

- … Oui, Capitaine », finis-je enfin par expirer, braquant mon regard dans le sien.

Je me jetais à l’eau, alors qu’il me gratifiait de la même expression qu’avait mes camarades de route et mon frère lorsque je leur avais avoué ce qui m’était arrivé. Edmund, surtout, avait demandé des explications quant à ma soudaine disparition dans les rues d’Avalon. Il m’avait cherché pendant un temps considérable jusqu’à ce que sa route croise celle d’Hiddleston. C’est pourquoi, surpris et légèrement curieux, ils avaient néanmoins ressenti toute la pression que j’avais mise sur chacun des mots de ma phrase, soupesant sans mal la gravité de l’affaire. Le sujet était sérieux, s’étaient-ils certainement dit intérieurement, avant de me faire signe de la tête, m’invitant à poursuivre, me signalant qu’ils étaient tous ouïe à entendre ce que j’avais à leur partager. Aujourd’hui, je refaisais face à ce regard, refaisais face aux souvenirs de mes actes, et à cette seule pensée, mon expression s’aggrava et se durcit. Je déglutis, sentant ma pomme d’Adam trembler légèrement, jusqu’à ce que je laisse les paroles couler de ma gorge.

« Savez-vous comment je pourrais me débarrasser de… certains souvenirs? Murmurais-je en posant un doigt contre ma tempe. Comment pourrais-je oublier certains événements?

- … Pour quelles raisons? »

Je pris une grande inspiration. Avant de tout lui raconter. Si les premières paroles eurent énormément de difficulté à trouver leur chemin jusqu’à l’extérieur, une fois sorties, elles se libéraient soudainement avec vivacité et rapidité. C’était un courant qui ne voulait plus s’arrêter, une suite de mots que je me permis d’évacuer sans prendre de pause, sans même m’accorder, il me semblait, une respiration pour couper ma lancée. La confession me faisait sentir plus lourd sous le poids de ma faute, mais en parler paraissait me soulager. Ces ressentis contraires se déchiraient au plus profond de mon être alors que mon Capitaine m’observait et m’écoutait attentivement derrière son bureau. Il devait être furieux et cette impression ne faisait qu’alourdir encore plus mes épaules. Et pourtant, je ne m’arrêtais qu’au moment où je sus que je lui avais tout avoué, poussant une longue expiration à l’instant où les dernières syllabes s’extirpèrent de ma gorge. Avais-je seulement respiré une seule fois tout au long de mon récit? Je ne savais quoi en penser, me sentant affreusement épuisé.

Un silence pesant s’écrasa soudainement dans la pièce, le Capitaine Endeover me dévisageant depuis son siège tandis que je restais parfaitement droit devant son bureau, statique, mais ô combien éperdu face au malaise qui était mien. Ce sentiment de déshonneur et de regret me prenait à la gorge, comme la bile avant un premier rejet de haut-le-cœur. Je pouvais percevoir les yeux de l’Immaculé me transpercer et, à un moment, je me sentis comme obligé de baisser le regard pour ne plus devoir à supporter l’inflexibilité du sien. Je ne savais trop à quoi m’attendre, son expression imperturbable ne me disant rien qui vaille. Je ne voulais pas non plus user de Magie pour éplucher son cœur et y découvrir son désenchantement, voire sa profonde déception. Un soupir s’extirpa de mes lèvres au même moment que les siennes s’ouvraient pour formuler quelques mots :

« Isiode, ne soyez pas aussi tendu…

- J’ai résisté, Capitaine, enchaînais-je d’une voix basse et sans équivocité, trouvant finalement le courage nécessaire pour relever la tête et le regarder droit dans les yeux. Je vous ai déçu, et je me déçois moi-même, mais je ne me serais jamais perdu de la sorte en d’autres circonstances, vous pouvez me croire, poursuivais-je tout lui présentant ma nuque.

- Soldat Yüerell, calmez-vous et redressez-vous. »

Je tournais mon visage dans sa direction : l’officier affichait un air tranquille et serein, qui eu tôt fait de me surprendre. Pourquoi m’adressait-il un tel regard? Pourquoi n’était-il pas furieux ou un minimum désappointé en constatant ma propre faiblesse? Lentement, l’Aile Blanche s’avança à la hauteur de son bureau, y déposant ses coudes avant de croiser ses doigts.

« Et moi qui m’attendait à une nouvelle catastrophique.

- Pa-Pardon? »

Entre les ouvertures de ses mains, je reconnus qu’il m’adressait un rictus.

« La tentation est partout et même nous, nous n’en sommes pas complètement protégés : les Déchus en sont la preuve, mais ce qui nous différencie de ces derniers est notre force, notre résolution à ne pas tourner le dos aux Vertus, et à les respecter. »

Il émit une courte pause, fermant les yeux.

« Je ne vous mentirais pas : je suis surpris. De toutes les personnes que je connais, vous êtes la dernière auquel j’aurais cru qu’une telle chose puisse arriver. Et en même temps – vous trouverez cela étrange – mais je me sens soulagé. »

Mes sourcils se froncèrent instantanément. Je ne comprenais pas ce qu’il me disait. Comment pouvait-il avouer être soulagé devant la faiblesse de l’un de ses hommes?

« Capitaine… Laissais-je tomber, confus. Pourquoi dîtes-vous cela? »

Tout à coup, sans que je ne sache quel fut, exactement, le déclencheur de cette soudaine aigreur, une vague d’irritation souffla mes pensées alors que je me redressais face au Capitaine Endeover, plaquant mes paumes contre le dessus de son bureau.

« Vous ne semblez pas mesuré la grandeur de ma faute! J’ai embrassé cette femme, je l’ai touché. Je l’ai désiré et…

- Vous l’avez dit vous-même : vous n’étiez pas dans votre état normal. Et l’avez-vous forcé à faire quoi que ce soit contre son gré? » Me coupa-t-il.

Cette remarque me déconcerta.

« Non! Bien sûr que non! M’offusquais-je en plissant les yeux. En d’autres circonstances, elle n’aurait jamais accepté cela… Et moi non plus. Toutefois, cela n’excuse en rien mon acte! »

Je détournais les yeux. Brièvement, le visage de Vairë apparut dans mon esprit, clair comme s’il était devant moi. Je me souvins des larmes qui avaient coulé le long de ses joues, et des paroles qu’elle n’avait cessé de me répéter, appuyées par de grands coups de poing : je ne ressemblais pas au Diable, ce même Diable qui l’avait violé, ce même Diable qui avait plongé ma nation dans la pire crise de son histoire. À cette pensée, mes poings se raffermirent contre le bureau et je baissais la tête.

« Peu importe… Capitaine, écoutez-moi. Je suis en faute. Je me suis laissé tenter. Je n’ai pas été assez fort pour résister. Je me dois de payer…

- Pas assez fort? N’êtes-vous pas celui qui vient de m’affirmer que vous êtes parvenu à vous arrêter avant que cela n’aille plus loin? »

Je restais sans voix plusieurs secondes avant d’acquiescer d’un hochement de la tête, silencieux.

« Vous êtes déjà suffisamment fort à mes yeux : la blancheur de vos ailes témoigne de cela, conclue-t-il.

- Sauf votre respect, Capitaine, mais je ne peux pas accepter un tel verdict, ripostais-je en braquant un regard glacial sur son visage. Que ce serait-il passé si je n’avais pas repris le dessus? Si je suis aussi fort que vous le dîtes, pourquoi me suis-je laissé emporter comme cela?! »

C’était la première fois que j’entendais une détresse aussi aigue au fond de ma voix. Celle-ci tremblait, frissonnait d’un effroi qui se mêlait à la confusion pure. Je ne comprenais pas comment Hayden pouvait faire une confiance aussi aveugle à ma force si vulnérable. Comment pouvait-il sourire face à la défaite de l’un de ses soldats. Cela m’enrageait.


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Isiode et Isley
Mer 20 Nov 2019, 02:50

« Permettez-moi de vous le répéter, mais calmez-vous, Yüerell. »

Cette fois, son regard était tranchant et refroidit presque instantanément mon ardeur.

« Écoutez, ce qui a été fait est fait, et je ne vois pas ce que je pourrais vous dire de plus. Vous êtes parfaitement conscient des conséquences que de telles actions peuvent engendrer. Vous savez ce qui attend les renégats qui choisissent de franchir le pas. »

Il ponctua son avertissement d’un silence lourd et électrique, que je perçu sans mal en raison de la soudaine tension qu’il avait engendré dans l’air.

« Et même si vous étiez à deux doigts de franchir ces limites, vous avez reculé, vous êtes parvenu à résister à la tentation et avez choisis de ne pas entacher votre Vertu. Vous avez choisi de ne pas poursuivre l’acte et pour cela, vous avez tous les mérites que l’on attend de vous en tant qu’Immaculé. »

Il me considérait en appuyant son regard sur mon visage, inébranlable.

« Isiode, sachez que je crois en vous et en votre Force. Vous ne le remarquez peut-être pas vous-même, mais vous êtes bien plus puissant que vous le croyez. Je vous fais confiance, à vous et à votre Foi. Et c’est comme je vous l’ai mentionné, en réalité : je suis surpris, mais soulagé. Soulagé parce que, malgré vos airs et votre apparente insensibilité, je suis content d’apprendre que votre cœur a été construit comme tous les êtres vivants : fait de muscles, de pulsations et de sentiments. »

Je conservais mon mutisme, une ombre passant devant mon visage.

« Cela étant dit, savez-vous ce qui me déçois le plus? »

Hayden quitta enfin son siège, se postant à quelques centimètres de ma position.

« C’est le fait que vous voulez effacer ces mémoires, les faire disparaître de votre petite tête. »

D’un mouvement vif et brutal, je me tournais dans sa direction, ne lâchant ni ses yeux, ni ses propos, qui résonnaient entre mes deux oreilles, indéfinissables pour l’ouïe sourde que je lui tendais à cet instant précis.

« Ne me jetez pas un regard aussi sauvage, soldat », m’intimida-t-il tout en soutenant la violence brute qui avait explosé au plus profond de mes pupilles jusqu’à ce que je détourne finalement les yeux.

Aussitôt, un sourire réapparut sur le faciès de l’officier alors que mes dents grinçaient férocement entre elles.

« En voulant supprimer ces souvenirs, n’êtes-vous pas en train de fuir ce qui s’est produit? N’êtes-vous pas en train de me démontrer votre véritable faiblesse? »

Son visage s’était affreusement rapproché du mien, comme pour s’assurer que je ne ploie plus devant ses yeux. Ce que je fis, sans sourciller cette fois-ci.

« En oubliant ce qui est arrivé, vous vous rendez encore vulnérable à ce genre de situations. Alors que si vous vous souvenez de tout ce qui s’est passé, vous saurez comment réagir, votre corps comme votre esprit. Parce que vous vous souviendrez des sentiments qui vous acculent aujourd’hui : la honte, le regret, la déception, l’échec et – oui, très cher – la peur. »

Son index s’immisça soudainement dans mon champ de vision alors qu’Hayden le déposa doucement sur mon front.

« La peur d’avoir compris que vous n’étiez point infaillible. La peur d’avoir compris que, vous aussi, vous pouviez jouer dangereusement au bord de ce précipice sur lequel nous nous déplaçons et risquons de chuter à tout instant. Si ce sont les plus faibles qui perdent pied et tombent, les plus forts ne doivent pas oublier qu’ils pourraient tout aussi bien chuter et se briser une fois leurs ailes coupées. »

Après un petit sourire en coin, mon supérieur se redressa finalement, croisant les bras sur son torse.

« De ce fait, à votre question, je réponds : oui, je connais un moyen pour que vous puissiez oublier ces événements. Mais est-ce que je vous le conseille? Non, décréta-t-il tout simplement. Que cherchez-vous à accomplir, après tout? Que cherchez-vous à atteindre?

- La Force, Capitaine. La Force afin de pouvoir aider mon peuple et assurer la Paix sur ces terres. »

Les pommettes d’Hayden se rehaussèrent encore plus sous la satisfaction.

« S’il y a bien une chose que je comprends chez vous, c’est cela, m’avoua-t-il. Vous respirez dans ce seul et unique but et, quelques fois, je vous l’admet, cela m’intrigue et me fait peur à la fois.

- Pourquoi?

- Parce que je veux entraîner des hommes, et non pas des machines. Je veux entraîner les consciences et les cœurs, et non pas uniquement des corps et des muscles. Je veux élever des soldats avant d’élever des armes. Comprenez bien cela. »

Puis, il retourna sur son siège, reprenant les papiers qu’il avait momentanément abandonné.

« Est-ce tout ce que vous vouliez me faire part? »

Longtemps, je restais figé sur place, incapable de prononcer un mot ou d’aligner une phrase. Mais la blancheur de mes doigts, serrés entre eux dans un poing de plus en plus ferme et solide, témoignait de ma grande contrariété. Parce que vouloir oublier était une marque de faiblesse, je devais affronter ce flot d’émotions et me rappeler ces événements? Mon corps frissonna, comme prit d’un grand froid. Je ne voulais rien de tout cela pourtant, n’était-ce pas assez clair? Je ne voulais pas de ces sentiments, ni même de ces souvenirs. Je voulais les rejeter pour ne plus devoir y songer. Qu’avait-il de mal à vouer sa vie à ne devenir qu’une arme? Qu’avait-il de mal à ne désirer que la Force pour protéger les siens? N’était-ce pas notre mission, en tant qu’épée de cette nation, de sécuriser et de sauvegarder le peuple que nous nous sommes promis de veiller? En quoi les sentiments pouvaient nous être importants dans ces cas-là? N’était-ce pas plutôt cela, notre véritable faiblesse : ces émotions qui nous faisaient perdre la tête et qui nous rendaient vulnérables à l’hésitation, à la folie, à l’amour ou bien à la passion! Alors oui, vous entraîniez des hommes, des consciences et des cœurs, Capitaine Endeover, mais un soldat ne vivait pas pour cela : il ne devait vivre que pour sa patrie et rien de plus. Père nous l’avait suffisamment dit et répété au cours de toutes ces années : les sentiments étaient nos véritables chaînes et boulets.

« Soldat? »

Lentement, je relevais mon visage en sa direction, accrochant le céruléen de mes prunelles dans le bleu marin des siennes. Sans aucune difficulté apparente, je parvins à capter son étonnement, puis à ressentir l’opiniâtre de sa volonté. Elle était intense, forte de conviction et de vérité et pourtant, je ne pouvais m’empêcher d’y déceler des failles, des vulnérabilités, aussi grandes que pouvaient l’être ceux de ma personne, à force de ressentir ces flots et ces vagues sentimentales me fracasser et me submerger. S’agripper à ses émotions ne relevait même pas du concept d’attachement et de sensibilité : c’était se pendre au bout d’une corde et attendre que celles-ci nous égorgent avant de nous donner la mort.

« Oui, susurrais-je d’une inflexion basse avant de me reculer de quelques pas du bureau. Oui, c’est tout ce que je voulais vous partager. »

À mon tour, je le gratifiais d’un sourire avant de m’abaisser en signe de respect.

« Si je viens à croiser mon frère, je lui communiquerais votre message. Puis-je prendre congé maintenant? »

Cette fois-ci, ce fût au tour d’Endeover de rester silencieux durant un moment. Je pouvais sentir l’acier de ses yeux me perforer le dessus du crâne alors que je restais là, immobile dans ma révérence, n’attendant que son appel pour franchir la porte de son bureau et partir. Et mon souhait se réalisa quelques secondes après alors que, sans plus me gratifier d’une œillade, il me signala que je pouvais quitter ses quartiers dès cet instant. Je ne me fis pas prier, déposant doucement mes bottes contre le plancher du couloir après avoir refermé le battant de la porte derrière moi. D’un bon pas, entraîné par une flamme nouvelle, je traçais ma route jusqu’à l’extérieur de la caserne. Les étincelles, qui brûlaient dans mes pupilles, irradiaient d’une énergie noire et étrangement sinistre.

Le Capitaine se permit d’expirer bruyamment tout en s’écrasant sur le dossier de son siège. Il avait fini par signer le dernier rapport qui lui avait été transmis par ses Fantassins et, à présent, lorsqu’il jeta un regard en direction de sa fenêtre pour constater que le crépuscule ne tarderait pas, il repensa à la visite de son soldat, à ce que ce dernier lui avait avoué et à ce qu’il lui avait adressé comme regard, comme soudaine inimité. Isiode Yüerell, le milicien le plus sérieux et intransigeant de sa Troupe avait été impliqué dans ce genre d’histoire. Et plus que de l’implication, il avait failli succomber à la tentation perverse de cette curieuse maison des plaisirs en couchant avec cette femme. Il en tiendrait un mot à l'Imperio, assurément, sans pour autant dévoiler l'intégralité de l'histoire de son soldat. Malgré les apparences, Hayden prenait la situation au sérieux, reconsidérant l’exercice qu’il s’apprêtait à faire subir à la fratrie. Si Isley s’en sortirait plus épuiser que blessé, il s’assurerait que son jumeau ne s’en sorte pas aussi bien. Surtout après ce qui s’était produit, un peu plus tôt, dans son bureau.

Spontanément, l’officier clôt ses paupières, revoyant sans mal la bestialité de son regard, la presque inhumanité de ses traits à l’instant où il lui avait partagé ce sourire, ce sourire violent et empoisonné. Doucement, l’Aile Blanche tourna son visage pour que ce dernier puisse embrasser les derniers rayons du Soleil couchant. Les jumeaux Yüerell avaient toujours été un défi de taille pour le jeune officier, surtout lorsqu’il était question de monsieur insensibilité. Isley s’était assujetti avec le temps, s’était radouci, son contact prolongé avec son aimée l’ayant étrangement métamorphosé. Malheureusement, la tâche était bien plus ardue et complexe avec Isiode, dont les préceptes immoraux et troublés ne cessaient de faire obstacle à l’enseignement qu’il tentait de lui inculquer. Leur père l’avait lobotomisé, façonnant un guerrier plus qu’un soldat; une arme de guerre plutôt qu’une muraille de protection, qui rejetait toute sensibilité, toute émotion, pour se nourrir de quoi d’autres, à l’exception de cette Colère dormante qui vibrait de plus en plus au fond de sa poitrine? Soudainement, un sourire se dessina sur les traits de l’Ange, qui rouvrit les yeux. Était-ce uniquement la Colère qui remplaçait tout ce que son âme refusait à son cœur? Un instant, le Capitaine suspendit tout mouvement. Et un rire finit par s’extirper d’entre ses lèvres. Volatile, il était pourtant résolu et assuré.

« Quel enfant… » Songea-t-il à haute voix, légèrement amusé par sa réflexion.

Doucement, il se leva de son assise, prenant, dans le creux de sa main, son épée qui reposait dans un coin de la pièce avant de fermer la porte dans son dos. Ce soir, il ne ferait pas de quartier, surtout pas pour ces deux-là : le Capitaine Blanc avait une réputation et il était bien décidé à montrer à cet homme ce qu’elle impliquait réellement.


1 839 mots | Post II


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Isiode et Isley
Dim 24 Nov 2019, 07:54

« Vous pouvez disposer, Isley. »

Mon frère se redressa péniblement, sa poigne peinant à conserver sa fermeté autour du manche de son épée. Son souffle frénétique se perdait entre les sifflements du vent alors que le dos de sa main vint essuyer le masque de sueur qui couvrait intégralement son visage. Il n’en pouvait décidément plus et il fut particulièrement soulagé d’apprendre que c’en était terminé pour la journée. Cependant, le simple fait de savoir qu’il n’avait plus que quatre heures pour dormir le démoralisait un peu, compte tenu de la fatigue intense qui brûlait ses muscles et son esprit. Cela étant dit, il prit sur lui-même pour s’avancer tranquillement jusqu’à notre Capitaine avant de se pencher solennellement face à lui. Puis, tout simplement, il se posta à sa hauteur, attendant que je les rejoigne pour que nous puissions quitter l’orée des bois, ensemble.

« Vous pouvez disposer, reprit le chef, toujours sans porter une quelconque œillade en direction de mon jumeau. Votre frère, par contre, restera un peu plus longtemps.

- Quoi? M-Mais pour quelle raison… »

La fin de sa phrase mourut sur le bout de sa langue à l’instant où il croisa le regard de l’officier. Une drôle de lueur passagère traversa ses iris avant qu’il repose son attention sur ma silhouette. Ma respiration était sifflante et mes appuis tremblaient légèrement sous mon poids. Pour autant, je gardais un air immuable et distant, une expression indomptable et inviolable, tandis que les deux hommes me fixaient depuis leur position. Arrête avec ces yeux… Pestais-je intérieurement tout en fusillant mon frère du regard. Je n’avais pas besoin de sa pitié, certainement pas. Il était au courant pour Circë et moi, il était parfaitement au courant de ce que j’avais commis, et je ne méritais ni sa compassion, ni son indulgence et compréhension. En mon sens, et malgré tout ce que pouvait en dire notre Capitaine, j’avais failli en me laissant emporter dans cette passion, cette ivresse extatique, aux bras et aux lèvres de la jeune Ygdraë. Tout ce à quoi je songeais, à l’heure actuelle, c’était à ma sanction pour avoir été si indigne, pour avoir été si faible et si peu infaillible.

« Capitaine, il doit y avoir une autre solution… Tenta de faire valoir mon frère en s’adressant directement à notre supérieur. Isiode n’est pas allé plus loin : il a résisté. S’il-vous-plaît, il n’était pas lui-même à ce moment-là. Puis, il a été entraîné contre son gré dans cet établissement! Tu lui as dit, n’est-ce pas, Isiode? Tu lui as dit que tu as été téléporté à cet endroit sans le voul…

- Isley. Tais-toi. »

Je me redressais complètement, la tête baissée. Une ombre indéchiffrable voilait mon visage, caché par les ombres de la nuit. J’avais beau être épuisé par cette torture physique que nous avait concocté le Capitaine Blanc, sur l’instant, je leur apparaissais aussi obscur que violent, aussi dangereux qu’une icône des ténèbres. Peu importe. Je voulais qu’il s’en aille et qu’il ne s’en mêle pas. Ce n’était pas de son ressort. Ce n’était pas son problème. Alors, qu’il parte, par pitié. Je ne pouvais supporter son regard empli de détresse et de cette insaisissable sympathie. Je ne pouvais le scruter alors que ses yeux me renvoyaient, inéluctablement, le souvenir de ma faute. Je n’implorais aucun pardon auprès des miens, aucun pardon auprès de nos Dieux pour ce que j’avais commis, et ce n’était pas là ma demande première : tout ce que je méritais, tout ce que je demandais, c’était de me châtier. Parce que j’avais failli. Misérablement. Bouleversé et bousculé par la brutalité de mes derniers propos, cependant, mon jumeau pivota dans ma direction, ses yeux s’éclairant brusquement.

« Mais tu n’as rien fait de mal!

- Arrête et va-t’en.

- Ce n’est pas le geste en lui-même qui te fait perdre tous tes moyens, c’est ça? »

Pendant un certain temps, je ne prononçais aucun mot, n’esquissais aucun geste témoignant de mon intention à répondre à sa question. Plutôt, je tournais mon visage vers lui, adressant un sourire à mon frère. Un sourire aussi vide que le sens de ses paroles à mon ouïe.

« Le Capitaine t’as demandé de partir, alors fais-le.

- Mais…! Pourquoi tu te réprimes? Par tous les Dieux, quel est le problème d’avoir des sentiments, Isiode?! »

Sans crier gare, comme par instinct, mon corps bougea de lui-même, sautant en direction de mon jumeau. Mon poing se leva, se renforça, se solidifia. Et chargea. Droit sur le visage du soldat. Droit sur mon frère.

« Stop. »

La main d’Hayden s’accrocha subitement à mon poignet, arrêtant sur-le-champ la propulsion de mon coup de poing, qui freina sèchement à quelques centimètres à peine du milicien. Quelques mèches de ses cheveux se laissèrent emporter par le sillage de l’assaut, mais le reste de son être s’était complètement glacé devant la soudaine tempête que j’avais failli relâcher en plein dans sa mâchoire. J’exhalais de courtes respirations, ayant perdu tout sourire, mon cœur battant à une vitesse folle et furieuse. À ce constat, le Capitaine de la Troupe Xēna me considéra un moment, analysant les traits tirés de mon faciès et le chaos qui se noyait au plus profond de mes yeux.

« Isley, je vous prierais de retourner à la caserne, réitéra posément Hayden en adressant un sourire réconfortant à l’attention de mon jumeau. Ne vous en faîtes pas. Je m’occupe de votre frère. »

Isley resta paralysé plusieurs secondes avant de baisser les yeux. Puis, lentement, il finit par acquiescer tout en hochant de la tête.

« J’espère que vous le comprendrez mieux que je le comprends moi-même », chuchota-t-il avant de nous tourner le dos.

Sans un mot, sans même un regard dans notre direction, mon frère étendit ses ailes dans son dos et prit rapidement son envol, le battement de ses appendices renvoyant un vent puissant et exalté sur nos visages, qui se crispèrent légèrement à l’assaut de la petite bourrasque. Durant un temps, qui me paru interminable, le Capitaine Endeover fixa la silhouette de mon jumeau qui disparaissait progressivement entre les nuages noirs de la nuit, et lorsqu’il ne fut plus qu’un point blanc dans l’immensité du firmament nacré, il finit enfin par me lâcher le poignet.

« Vous n’apprendrez donc jamais. »

Avant de m’administrer un foudroyant coup de poing dans le plexus solaire. Le souffle coupé, je me courbais vers l’avant, recrachant ce qui me restait de salive avant de m’effondrer à quatre pattes au sol. Ma respiration était saccadée et mon corps palpitait violemment sous l’assaut de la douleur.

« Relevez-vous. »

Sa voix se mêlait à mes quintes de toux, incontrôlables, alors que je me recroquevillais sur moi-même.

« Je ne le répéterais pas une seconde fois. »

Il me fallut déployer toute ma force pour me remettre sur pied et me placer de nouveau à sa hauteur, sans risquer de perdre l’équilibre au cours du processus.

« Ne croyez pas que je vous garde uniquement pour me défouler sur vous. Mais considérez cela comme une partie de votre punition pour avoir attaqué votre frère de la sorte. »

Un bras entourant ma taille, je finis par lui jeter une œillade renfrognée à travers les mèches de mes cheveux, qui voletaient désagréablement devant mes yeux. Il m’observait en silence, longuement, sans même bouger le petit doigt. Mais cela, c’était avant qu’il ne choisisse d’avancer sa main jusqu’à mon visage, repoussant nonchalamment les cheveux qui dansaient au-dessus de mon nez.

« Vous m’avez avoué, un peu plus tôt, que vous recherchiez la Force, n’est-ce pas? La Force nécessaire pour sauver les nôtres, cette même Force qui, vous le croyez, sera nécessaire pour amener la Paix à travers les terres du Yin et du Yang. »

Le haut-gradé sourit.

« Mais est-ce que la Force, seule, sera suffisante pour votre dessein? Pourrez-vous réellement vous suffire d’elle pour accomplir ce que vous désirez réaliser? Murmura-t-il sans se départir de son rictus, auquel je répondis par un simple regard sombre.

- En quoi est-ce si mauvais de ne jurer que par celle-ci? Notre monde actuel n’est régi que par cette loi, où les plus forts n’hésitent pas à écraser les plus faibles, profitant et abusant de ces derniers pour asseoir leur puissance et leur autorité. »

Ma voix craquait et croassait. Une fois de plus, je fus interrompu par une quinte de toux. Hayden n’y était pas allé de main morte avec ce coup. J’avais l’impression que l'oxygène peinait à s’accrocher à ma respiration.

« Pour ramener ce monde perdu sur le droit chemin, il nous faut combattre le feu par le feu, user des méthodes de nos ennemis pour les faire disparaître et amener une nouvelle Paix, une nouvelle lumière sous laquelle les peuples pourront s’éveiller et prospérer. Regardez où nous a mené notre empathie, notre négligence et passivité passés, mettais-je de l'avant en braquant mon regard dans le sien. Le monde que l’on connaît aujourd’hui a été le berceau de dizaines, vingtaines, centaines de fléaux, et ne sommes-nous pas supposés prévenir ce monde de ceux-ci? Ne sommes-nous pas supposés préserver le monde de personnages aussi dangereux que tous ces Élus d’Amuth qui menacent non seulement la Paix, mais également la Création? »

Le visage d’Hayden s’assombrit.

« Delix fait partie de ces figures de la Destruction, vous en avez bien conscience.

- Delix désirait aussi bien la Paix que la fin des guerres. Delix voulait éliminer le Mal pour que puisse subsister le Bien et le bonheur afin que le monde ne soit plus confronté à des désastres comme il en a connu par la suite : Shidori, Taiji, Deslyce et aujourd’hui, Azmog, et c’est sans compter tous les autres acteurs de l’ombre qui n’ont cessé de mener le désespoir sur les terres du Yin et du Yang. Au contraire de tous ces hères, Delix bataillait en ayant en tête le bien des innocents, le bien de ce monde, et non pas la satisfaction de son propre égo. »

Je baissais les yeux momentanément.

« Les Anges aussi, d’une certaine façon, nous avons été les acteurs de catastrophes que le temps efface petit à petit des mémoires. »

Pourtant, difficile d’oublier ce qui s’était produit, à la précédente Ère, lorsque nos armées et celles des Démons s’étaient fracassées l’une contre l’autre au beau milieu de l’ancien Stenfek. J’exhalais un gros soupir.

« Nous ne sommes pas dénués de tous défauts, loin de là. Mais pour corriger nos erreurs passées, il nous faut revoir notre but en tant que race, en tant que nation : en tant qu’Anges. Nous devons nous améliorer, nous renforcer afin d’assurer un monde prospère pour cette génération et les prochaines à venir. »

Cette fois, je me rapprochais de l’officier, plaquant brutalement mon front contre le sien, pour être certain de capter son regard, et de m’y plonger afin qu’il puisse se noyer dans le feu de ma détermination, dans le brasier de ma volonté.

« Cette mission, seule, compte à mes yeux, Capitaine. Le reste, en toute sincérité, je n’en ai rien à faire. Mon cœur, mes ressentis ne sont que secondaires comparativement à ce que je vise, à ce que je souhaite pour ce monde. Les sentiments ne sont que des artifices, du supplément. Je peux parfaitement comprendre pourquoi autrui ne peut vivre sans leur régie. Je peux parfaitement comprendre pourquoi autrui ne souhaite que son propre bien-être pour son unique satisfaction, mais moi… Je ne le peux pas. Ce n’est pas ainsi que mon père m’a élevé et ce n’est pas ainsi que j’imagine vivre ma vie. »


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Isiode et Isley
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Isiode et Isley
Dim 24 Nov 2019, 07:55

Seuls les bruits environnants vinrent interrompre le silence subit qui tomba entre nous. Durant plusieurs secondes, qui s’étendirent en minutes, il n’y avait plus que le céruléen de nos regards qui s’affrontaient alors que nos fronts, toujours collés l’un à l’autre, nous empêchaient de nous dérober. Cependant, après un certain temps, je finis par me reculer de quelques pas, levant les mains dans les airs, à l’instar d’un antagoniste qui prouverait qu’il était complètement désarmé face à son adversaire.

« Ce n’est pas le discours que vous vouliez entendre, n’est-ce pas? »

Je m’arrêtais enfin, à près de trois mètres de mon supérieur.

« Vous vouliez que je vous dise à quel point je suis effrayé par mes émotions, à quel point ces dernières, une fois qu’elles m’entraînent, me font cauchemarder. Vous vouliez que je vous raconte comment je suis terrorisé par les affres de mon propre cœur, par ses assauts, ses réalisations et ses pulsions. »

Je marquais mon monologue d’une pause avant de reprendre quelques instants après avoir finalement baissé les bras :

« Je me connais, mieux que quiconque, et je sais que je ne suis guère infaillible : je suis le premier à le savoir. Je sais que je suis marqué de failles qui n’attendent qu’à être exploitées, mais que je n’arrive tout simplement pas à effacer. Je ne suis pas un être neutre, un être insensible : seulement un être prudent et naturellement méfiant. Je n’ai pas besoin d’être heureux ou bien de connaître l’amour, puisque je connais ma place et ne ferait que ce que l’on attend de moi en tant qu’Ange et en tant que Soldat. »

Je sentais son regard me scruter des pieds à la tête et pourtant, je soutins cet examen sans sourciller.

« C’est-à-dire protéger mon peuple. Préserver le Bien en ce monde. Et batailler, uniquement batailler, pour ces idéaux que je me suis promis de protéger lorsque l’on m’a adoubé. »

Je soupirais.

« Cependant, mes sentiments m’ont submergé, ma sensibilité m’a noyé, et j’ai posé des gestes que je n’aurais jamais, ô grand jamais, adressés à l’endroit de cette femme. Vous souhaitez me comprendre? Alors voici comment je me sens : j’ai failli. J’ai flanché et à quelques minutes près, j’étais sur le point de traverser la ligne du non-retour. C’est de cela que j’ai peur. C’est de cela que je suis terrorisé : c’est de me savoir encore si vulnérable à ce genre d’instincts et pulsions pervers. »

Mon honneur de Soldat, mais surtout d’Ange, ne pouvait simplement être laissée de la sorte après avoir été ainsi entachée. J’aurais pu partir de cette maison des plaisirs à l’instant même où j’avais pris conscience de l’endroit où je me trouvais. J’aurais pu me retenir et ne pas rejoindre cette femme dans les bains. De nouveau, j’embrassais l’herbe du regard. C’est pourquoi je ne saisissais pas pourquoi vouloir oublier ces mémoires étaient si mal aux yeux de mon supérieur. En quoi était-ce si compliqué de comprendre que je ne désirais rien, absolument rien, de ces sensations? Elles m’angoissaient et me mettaient mal à l’aise, me faisait frémir, hésiter, regretter et m’enrageaient. Je n’en pouvais plus de les supporter, de les ressentir au plus profond de ma poitrine. Tout ce que je souhaitais, c’était oublier et ne plus m’en rappeler. Oublier le contact de ses lèvres lorsqu’elle avait marqué ma peau, oublier la chaleur de son corps lorsque je l’avais soutenu et collé au mien, oublier, tout simplement, ce qu’elle avait réveillé en moi, à mon plus grand désarroi. Pendant des années, si ce n’était pas des siècles, j’étais parvenu à les faire taire avec plus ou moins de succès, à les laisser moisir au fond de ce cœur enchaîné en espérant qu’en me détournant de ces derniers, ils finiraient tout bonnement par disparaître et s’effacer. Ces sentiments avaient beau être nés d’une illusion, d’une farce, d’une mascarade, ils me marquaient et me troublaient bien plus que ce que je le croyais possible. Malgré tout, je savais que le Capitaine Endeover ne reviendrait pas sur sa décision : il connaissait le moyen de me faire oublier, mais ne voulait pas me donner la recette. Par conséquent, si l’amnésie n’était pas une solution, alors pourquoi ne jugeait-il pas nécessaire de me punir? Pourquoi ne jugeait-il pas nécessaire de me faire subir le châtiment que l’on réservait à ceux qui se détournait du droit chemin? Ma mâchoire, soudainement, se contracta. En face, l’Immaculé souriait. Une expression délicate, presque paternelle, trahissait son ressenti alors qu’il comblait, en quelques pas, la distance qui nous séparait, s’arrêtant à moins d’un mètre de ma position.

« Vous êtes donc en mesure de communiquer autrement que par vos poings, à ce que je vois : Travis sera ravi d’apprendre cela également, ria-t-il un instant, en référence à ce que j’avais répondu à mon frère d’arme qui était venu nous séparer, Isley et moi, lors de notre affrontement au site d’entraînement. Pourtant, je ne peux m’empêcher de relever ceci : il y a une différence notable entre pouvoir et vouloir, vous savez? Et, à mon avis, le « vouloir » s’appliquerait davantage à votre cas que le « pouvoir. »

Légèrement embrouillé par ces propos, je tournais mon regard dans sa direction.

« Vous avez dit comprendre pourquoi les hommes ne peuvent vivre sans sentiment, mais que vous, vous ne pouviez pas vivre avec eux., clarifia le chef. Est-ce vraiment exact? Vous ne le pouvez pas ou vous ne le voulez pas? »

Je n’osais prononcer un mot, tandis que l’officier relâcha un soupir.

« Pourquoi, Isiode? Pourquoi voulez-vous subir tout cela de la sorte? »

Distraitement, je détournais les yeux. Et la seconde suivante, je sentis deux mains encadrer mon faciès : d’un geste, le Capitaine Endeover avaient plaqué ses paumes contre mes joues, redressant mon visage pour que je cesse de fuir sa vue.

« Regardez-moi lorsque je vous pose une question. »

Je n’en avais aucunement l’intention. J’avais l’impression que par ses seules prunelles, il parviendrait à fouiller mon âme et, tout de suite, je me crispais, me recroquevillais et voulais reculer pour ne plus à avoir à toucher au contact de ses yeux.

« Parce que…

- Parce que quoi?

- Parce que ma personne n’est que secondaire au contraire du monde. Le monde doit vivre heureux, doit grandir prospère et serein, mais pour ce faire, certains doivent sacrifier leur propre bonheur dans cet unique but. Et cela ne me dérange pas le moins du monde de sacrifier le mien pour cela. Si demain, je devais être Déchu pour le Bien, je le deviendrais; si demain, je devais devenir un monstre pour le Bien, je le deviendrais. Je suis prêt à tout donner de mon corps, de mon âme, de mon existence pour la Paix, Capitaine. Je sais pertinemment que plusieurs d’entre nous ne peuvent se permettre cela par amour, par amitié voire par simple peur, mais moi, cela ne me dérange pas. Je suis prêt à vivre de la sorte pour le restant de mon existence. »

Pour une rare fois durant cette nuit agitée, un sourire apparut sur le pan de mes lèvres. Ce qui parut surprendre Hayden, surtout, fût cette joie merveilleuse qu’il put lire, à cet instant précis, sur les lignes de mon faciès. Il lui semblait n’avoir jamais vu une telle allégresse sur mon visage auparavant.

« Vous semblez oublier votre frère, Isiode. Votre père également. »

Je secouais doucement la tête, retirant finalement ses mains de mon visage.

« Père comprendra. Il est celui qui m’a élevé, qui m’a tout appris, qui m’a conditionné. Il comprendra et ne s’en attristera pas. Il sait pertinemment qu'il s'agit de mon devoir. »

Puis, mon regard dévia quelque peu sur le côté au moment où je songeais à mon jumeau.

« Quant à Isley, il serait peut-être mieux de vivre sans moi, chuchotais-je d’une faible voix. Je veux le protéger, mais je me rends compte que lorsque je fais un pas dans sa direction, il en esquisse deux vers l'arrière. Araya l’a changé. Araya a de nouveau éveillé son cœur et peut-être que je… »

La suite se perdit dans le vent. Le Capitaine Blanc expira tout en posant ses mains contre ses hanches.

« Vous êtes décidément un drôle de phénomène, Isiode Yüerell… »

Une fois de plus, il me contempla.

« Je comprends ce que vous dîtes : vos paroles m’ont atteintes et je me rends compte que je vous connaissais très peu jusqu’à aujourd’hui, en réalité. C’est bien la première fois que nous avons une telle conversation, de vous à moi. »

J’acquiesçais silencieusement.

« Cependant, en tant que Capitaine et frère d’arme, peu importe la noblesse de vos actes, je ne peux me permettre de disposer de la sorte de votre vie. »

Un air narquois maquilla mon visage.

« Je ne mourais pas aussi aisément, Capitaine. Je ne me laisserais pas tuer sans me battre, sachez-le.

- Je n’en attendais pas moins de vous. »

C’est alors qu’il dégaina un couteau de l’un de ses étuis.

« Êtes-vous prêt à subir votre sanction? »

Lentement, j’hochais de la tête. Dans les camps pour l’Agbara, j’avais déjà entendu parler que l’on coupait la langue et les lèvres de ceux qui aurait succombé à la Luxure. Ces on-dit étaient certainement nés de quelques rumeurs dont l’intention était de faire peur à ceux qui oseraient franchir le pas, mais à l’heure actuelle, je me demandais ce que serait ma punition. Le chef m’ordonna alors d’ouvrir la bouche, ce que je fis sans broncher, et là, il marqua ma langue d’une ouverture sur une bonne partie de la longueur de celle-ci. Le sang se mit à couler presque instantanément au fond de ma bouche alors qu’il relâchait ma langue. Toussant et crachant, je levais les yeux vers le Capitaine Blanc.

« Je vous l’ai dit tout à l’heure : je crois en vous, soldat Yüerell. Considérez cela comme votre premier avertissement. N’oubliez pas ce que vous avez fait : vous vous en sortirez plus fort et grandit, assurément. »

Pendant plusieurs minutes, je n’osais bouger, goûtant à la saveur métallique du sang qui envahissait mon palais. Puis, dans un léger ricanement, j’enfouis mon visage dans le creux de l’une de mes mains.

« Bien. Je ferais comme vous le demander, Capitaine, murmurais-je en zézayant légèrement en raison de la douleur et du sang qui s’accumulait dans ma bouche.

- Parfait, dit l’Aile Blanche. Cela étant dit, notre nuit n’est toujours pas terminée. »

Je relevais la tête.

« Vous devez encore payer pour l’attaque que vous avez envoyé sur votre frère. »

Il croisa mon regard et sourit.

« Le coup de poing n’était qu’un avant-goût. »

Je ne prononçais pas un mot, hochant de la tête. L’exercice était clair. Je fouillais dans l’une des poches de mes vêtements, en extirpant une Larme d’Ange. Sauf qu’au lieu d’invoquer les Armures Enchantées, je me mis à la fixer, longuement.

« Tout va bien, Isiode? »

J’acquiesçais, tirant légèrement sur la corde du médaillon de Circë afin de le faire passer au-dessus de ma tête. Quelques secondes, il se balança à mon cou avant que je ne le cache sous mon haut. Je lui avais promis que je prendrais soin de son présent. Jusqu’au jour où je le lui livrerai de nouveau. Cette fois-ci, mon poing se serra autour d'une nouvelle Larme et dans un flash lumineux et saisissant, deux armures dorées, éclatantes, et particulièrement grandes tombèrent de chaque côté de mes flancs.

« Nous pouvons commencer », chuchotais-je en prenant une grande inspiration.

Hayden Endeover sourit, une vingtaine de lames apparaissaient autour de lui. Il attrapa l’une de ses armes avant de foncer droit dans ma direction. Dans des mouvements précis et rapides, je commandais les Armures Enchantées d’attaquer et de me protéger. L’exercice était simple, après tout : mes mouvements étaient restreints dans un rayon d’à peine un mètre, laissant la totalité de ma défense et de mon attaque à mes invocations. Je serais alors complètement vulnérable aux assauts du Capitaine, qui n’hésiterait pas une seconde à me planter son épée dans le dos si je n’arrivais pas à le contrer. Je devais me concentrer et maintenir ma Magie le plus longtemps possible sinon quoi, je serais complètement vulnérable et à sa merci.


2 019 mots | Post IV | FIN


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