Dépourvu de nuages, le ciel clément arborait un bleu azuré et un soleil radieux. A croire que Jeriel avait été ravi des prières de ses fidèles. La journée s’annonçait donc agréable pour toutes balades dans les rues d’Aeden qui fourmillaient déjà dans un brouhaha intense. Il était difficile de suivre les échanges des uns et des autres, tant les gens discutaient de tout et parfois de rien. Certains marchands avaient installés leurs étals tôt au matin pour profiter pleinement d’une journée qui serait généreuse en monnaie sonnante et trébuchante. Ils criaient les louanges de leurs marchandises et de leur utilité aux passants, créant par moment des bouchons dans les rues plus étroites. Quelques soldats veillaient à écarter toute tension entre Lyrienn à l’élément incompatible, tandis que des hauts dignitaires se faufilaient dans la foule en repoussant ceux qui se trouvaient dans leur passage. Ils n’avaient pas le temps d’attendre et leur suite imposante ne pouvait faire autrement que de forcer s’ils souhaitaient arriver à temps pour exercer leur mission. Gare aux pieds qui traînaient imprudemment dans leur sillage…

Continuellement bousculée et perdue, Zénaïse avait l’impression d’arpenter les mêmes rues depuis son réveil. Le visage du maraîcher ne lui était pas inconnu, signe évident qu’elle tournait en rond. Ou alors, l’homme avait un visage familier. Elle n’était pas sûre, après tout, il y avait des maraîchers presque à chaque coin de rue. La blondinette fixa sa sœur en se pinçant la lèvre. Celle-ci n’avait pas l’air de se retrouver mieux qu’elle dans cette île active et complexe. Si seulement, elles avaient une carte pour les aider à mieux se localiser. Cependant, leur bourse était maigre et elles devaient encore trouver de quoi se nourrir. Il était donc hors de question d’aller voir le marchand de carte et de boussole. Zénaïse attrapa sa sœur par le collet pour l’empêcher de tomber sous le charme vendeur de l’homme qui lui vantait déjà les mérites de son parchemin. Il avait l’air malhonnête et ses prix assurément un peu trop élève, même pour des cartes dessinées mains et faite maison. La lyrienn n’était même pas sûr que les rues représentées dessus fussent celles d’Aeden. Ils pourraient leur vendre un carte de Lumnaar'Yuvon qu’elles ne sauraient pas faire la différence. Zénaïse n’avait jamais beaucoup mis les pieds sur les terres de son peuple, voyageant souvent avec sa mère adoptive. Quant à sa sœur, elle avait également vécu loin des îles lyriennes et à par des histoires racontées, elle ne connaissait rien à la vie d’ici.

« Nous n’avons pas besoin de cartes ! insista Zénaïse en tirant sa sœur plus loin dans la foule. Elles finiraient bien pas trouver leur chemin, de toute façon, elles ne savaient même pas vraiment où elles souhaitaient se rendre. Demandons notre chemin, il y a assez de passant pour cela ! »

C’était un fait au vu de la masse qui s’animait autour d’elle. Il suffisait juste de trouver la bonne personne. La lyrienn décida d’attraper le bras de la première personne qui passa à proximité pour l’obliger à l’arrêter. C’était un homme, grand et costaud, plutôt bien habillé. Il plissa les yeux, mécontent d’être interrompu dans sa marche. Les jumelles n’étaient pas très belles à voir. Elles peinaient à retrouver une place dans la société depuis l’abandon de leur mère et dépourvu de sa richesse, elles devaient faire la manche ou accepter des petits travaux ingrats pour gagner de quoi vivre un minimum et d’organiser leur voyage vers leur origine passée. Leur dernier boulot fut de récurer de vieille écurie d’une auberge afin de pouvoir y loger. Leur robe était crotté et l’odeur équestre fortement imprégnée dans leur tissu. Toutefois, la blondinette afficha un large sourire espérant attirer un peu de clémence sur leur état.

« Nous sommes perdues et nous souhaiterions… Zénaïse ne put terminer sa phrase, pourtant prononcé avec élégance et politesse afin de montrer qu’elles n’étaient pas des vagabondes illettrées. Elles avaient été à Basphel tout de même ! Cependant, l’homme la coupa brusquement et l’incendia aussitôt avec mépris.
— Ce n’est pas mon problème, laisse-moi passer cul-terreuse ! » l’insulta-t-il tout en levant la main pour la frapper et l’éloigner de ses beaux vêtements.


Zénaïde fut plus rapide que l’homme et bondit aussitôt sur lui pour lui attraper le bras. Elle mordit sa chair à pleine dent pour l’empêcher de continuer son geste brutal. Il hurla de douleur autant que de rage. L’inconnu abordé se révéla être un lyrien du feu qui apprécia peu d’être ainsi mit en défaut par deux jeunes lyrienn de l’eau. Elles eurent juste le temps de s’abaisser pour éviter le retour de flammes du lyrienn colérique qui brûla une échoppe. Le marchand hurla à son tour tandis que la foule recula, choquée. Zénaïde attrapa le bras de sa sœur et l’emporta sous un autre étal pour disparaître des regards. Une troupe de soldat ne mit pas longtemps à venir se rendre sur les lieux de la dispute où l’homme continua de faire éclater sa rage sans même s’être rendu compte de l’évaporation des deux jeunes filles.

A quatre patte et silencieuses, elles crapahutèrent vers d’autres rues à l’abri des regards. Lorsqu’elles furent suffisamment éloignées, les lyrienns quittèrent leur cachette, non sans s’attirer un regard suspect du marchand. Zénaïde tint fermement la main de sa sœur dans la main, consciente que celle-ci serait bien capable de retourner dans la ruelle pour se bagarrer avec le lyrienn du feu, quand bien même sa puissance et sa maîtrise étaient largement supérieures à la sienne. Sa jumelle appréciait peu de passer pour une faible femme. Elle souhaitait devenir forte, grande et célèbre pour attirer l’attention de sa mère et probablement retrouver sa vie d’avant. Zénaïde peinait parfois à calmer le torrent qui agitait sa sœur et l’empêchait de réfléchir correctement.

« Ce qu’il nous faut, c’est de l’argent, non des ennuis ! lui fit-elle alors remarquer tandis que Zénaïse grommelait déjà de sa fuite. Avec des vêtements propres, nous attirerions moins le mépris.
— L’aumône ne rapporte pas grand-chose.
— Se battre encore moins. Essayons de proposer nos services.
— Quoi donc ? A par récurer les puits où l’on chie, je ne vois pas très bien ce que nous pourrions proposer comme service crottées comme nous sommes. »

Devant le pessimiste de sa sœur, Zénaïde ne put contenir un soupir. Certes, elle n’avait pas tout à fait tort, mais les travaux puants, la jeune fille n’en voulait plus. Du moins, pas aujourd’hui. Elle regarda autour d’elle, cherchant une idée. Elle remarqua alors le monde qui continuait de vaguer à leur occupation alentour sans leur prêter une attention particulière. Il y avait beaucoup de touriste dans le coin, probablement aussi perdu qu’elles. Toutefois, elle se retourna vers sa sœur pour lui faire part de ses nouvelles intentions.

« Et si nous proposions comme service d’effectuer un visite guidée de l’île. Après tout, nous sommes des Lyrienns, émit-elle en récoltant un haussement de sourcil déconcerté de la part de sa jumelle.
— Nous ne connaissons même pas l’île !
— Ils ne sont pas censés le savoir… »

Et ce fut ainsi que les deux jeunes filles se retrouvèrent à arpenter les rues auprès de voyageur venu d’autres horizons pour leur proposer leur service de guides. Zénaïse était convaincu de l’échec de cette idée, mais Zénaïde gardait espoir. Certes, elles n’étaient pas des plus présentables, mais avec un sourire angélique et motivé, sûr qu’elles pourraient faire craquer au moins un couple de touristes.

« Vous êtes sûrs que ça ne vous dérange pas ? » s’inquiéta Maya en voyant ses parents se préparer. « Mais non, ne dis pas de sottises voyons ! » répliqua aussitôt sa mère en terminant de lacer sa chaussure. « C’est nous qui avons insisté pour visiter Aeden. J’avoue que nous n’avons pas toujours les moyens de voyager. Alors lorsqu’on quitte les territoires magiciens, on en profite au maximum. C’est toujours très intéressant de pouvoir voir les différences culturelles, d’observer comment vivent les gens d’ailleurs. De comprendre un peu plus leurs cultures. C’est pour ça qu’on a autant envie de voir les environs. Même si nous avons vu Aeden en fête lors de la célébration du couronnement du nouveau souverain, nous aimerions voir la ville –ou plutôt l’île, j’oublie souvent qu’il s’agit d’un archipel – enfin bon, je disais que nous voudrions voir Aeden dans un contexte un peu plus habituel… » Bellada se releva de la petite chaise sur laquelle elle s’était assise. « On a pu visiter Hava avec vous ce week-end, c’était vraiment magnifique, d’ailleurs. C’est vraiment un paysage magnifique qu’il y a ici, et les gens sont tellement chaleureux ! Je me faisais vraiment beaucoup de souci pour Henriette mais, en fin de compte, il n’y a rien à craindre. » déclara-t-elle en s’approchant de sa fille dont elle attrapa les mains. « On a envie de faire les aventuriers et de continuer mais l’on comprend tout à fait que tu préfères rester ici avec tes enfants. Ils n’auront probablement pas envie de nous accompagner, de toute manière. Alors autant que tu profites des moments que tu peux passer avec Henriette ! Elle a besoin de te voir et de passer du temps avec toi ! » conclut la grand-mère en souriant à Maya qui le lui rendit. Bellada se hissa sur la pointe des pieds et embrassa sa fille. « Bien, on est parti ! On rentrera pour souper. A ce soir ! » Gilbel salua également sa fille puis le couple s’en alla, non peu excité de la visite qui les attendait.

Les Wards prirent une calèche puis embarquèrent sur un petit bateau qui les conduisit sur l’île-capitale. Là-bas, ils s’équipèrent de la carte qu’avait dessinée leur petite-fille pour leur indiquer tous les monuments à voir « absolument » selon les dires de la plus jeune. Il y avait bien évidemment le palais royal –ils n’avaient pas eu le temps de s’en approcher lors de la dernière fête – mais aussi l’Opéra, le musée d’Histoire lyrienne ou encore quelques petits sites où des pèlerins avaient élevés des hôtels en l’honneur de leur déité. Bellada avait d’ailleurs trouvé cette religion tout à fait fascinante, de voir toute cette mythologie qui s’était façonné autour de simplement huit Ætheri. Bien évidemment, elle n’y croyait aucunement mais c’était très enrichissant d’être au contact d’individus possédant une telle foi en leurs protecteurs. Elle s’était néanmoins retenue de commenter à quel point ces histoires étaient fausses : elle ne voulait pas s’attirer le courroux de ceux qui faisaient preuve d’hospitalité envers elle. Le couple avait également prévu une petite bourse pour gouter à des spécialités locales. S’ils devaient souper en famille, le déjeuner se passerait à la capitale et il serait dommage de ne pas pouvoir goûter des plats typiques de la région, n’est-ce pas ?

Pourtant, malgré le planning qu’ils s’étaient fixé, le couple se rendit bien vite compte que les choses allaient se révéler plus complexes qu’ils ne l’avaient envisagé. La capitale fourmillait de monde et tous étaient occupés à quelque chose, laissant peu d’opportunité aux vieillards de demander de l’aide. La carte que leur avait fourni Henriette n’était pas vraiment précise et il était ardu de simplement se diriger avec des noms de rues qui n’étaient pas toujours affichés ou alors mal orthographié sur le morceau de parchemin. Abandonnant l’idée de pouvoir se repérer seuls, ils avaient alors essayé d’attirer l’attention de quelques Lyrienns pressés qui les ignorèrent superbement ou les menacèrent de leur couper les orteils –sans doute s’agissait-il un maître du feu, les mages avaient entendu parler de leurs très mauvais caractère. Finalement, la vieille dame alla aborder deux jeunes filles qui lui semblèrent un peu plus sympathiques que les précédents passants. « Pardonnez-moi de vous déranger dans vos activités mais mon époux et moi-même aimerions visiter la ville. Malheureusement, nous ne parvenons pas très bien à nous orienter. Pourriez-vous nous indiquer un endroit où acheter une véritable carte, ou alors où trouver un guide ? » Bellada esquissa un sourire chaleureux aux deux blondes.

Zénaïse n’y mettait pas beaucoup du sien pour interpeller les passants. Elle était plutôt pessimiste en ce jour, mais n’osait pas mettre fin à la bonne humeur de sa jumelle qui conservait son large sourire malgré les nombreux refus. Et encore, certains refus se soldaient pas des bousculades et Zénaïse devait serrer les poings pour ne pas bondir à la gorge de certains malotru. A une époque, personne n’aurait osé lever la main sur elle. Sa mère l’aurait défendue et à cette pensée, son visage se referma un peu plus. Sa vie d’avant n’était plus qu’un lointain souvenir et elle avait encore du mal à l’accepter et même, à s’y habituer. La chaleur – si elle pouvait user de ce terme – d’une mère aimante lui manquait. Certes, elle avait rarement été couverte d’amour, mais sa mère adoptive avait toujours su se montrer présente à ses côtés et ainsi, la rassurer. Aujourd’hui, elle découvrait la dure réalité du monde qui l’entourait et parvenait mal à trouver sa place. Sa sœur, par contre, semblait mieux s’en sortir ou du moins, parvenait à masquer ses angoisses. Elle restait souriante, positive et surtout extrêmement motivée.

« Pour une ville emplie de touristes, ils ne sont pas très demandeur de guide… » ne put s’empêcher de faire remarquer Zénaïse à sa jumelle qui ne prit pas la peine de lui répondre. Non pas qu’elle cherchait à l’ignorer, mais elle filait déjà vers une famille dans l’espoir de devenir leur guide pour la journée. L’échec fut une fois de plus au rendez-vous. La lyrienne de l’eau hocha la tête.

« Franchement, je ne suis pas certaines que ce soit une bonne idée, on devrait…
—Attends, la coupa aussitôt Zénaïde en levant la main pour l’obliger à se taire. Là, les deux petits vieux, ils ont l’air perdu »

Elle montra le couple en question qui, effectivement, semblait quémander de l’aide. Une scène que rassura la jeune fille. Le refus et les bousculades n’étaient pas réserver au mal vêtu. Un grognement d’un passant lui fit comprendre qu’il s’agissait apparemment d’un couple de mage. Zénaïse donna un bref coup dans l’épaule de sa jumelle pour le lui faire remarquer. Elle ne connaissait pas grand-chose de sa race, mais dans ses souvenirs, magiciens n’étaient pas des plus appréciés. Un détail selon sa sœur et puis, de toute façon, le couple se dirigeait déjà vers elles.

Zénaïde adressa un large sourire accueillant à la vieille dame qui s’approcha d’elle afin de montrer toute son innocence et sa gentillesse. Elle l’écouta attentivement, lui assurant de n’avoir été nullement dérangé. Si elle fut déçue par la demande de la mage qui cherchait après un vendeur de carte ou un guide elle n’en laissa rien paraître. De sous son jupon, elle sortit fièrement une carte qu’elle ouvrit rapidement pour en montrer toute la complexité avant de la replier aussitôt. Sa sœur étonnée s’approcha d’elle pour lui murmurer en Erek sa surprise sur l’origine de cette carte. Zénaïde se contenta de sourire en lui promettant qu’elle lui expliquerait plus tard. Si elle n’avait pas l’agilité d’un voleur expérimenté, ses longs jupons lui permettaient de masquer bien des choses et les gens se méfiaient rarement d’une ravissante blonde à large sourire innocent.

« Ma carte n’est pas à vendre, mais ma sœur et moi serions enchantées de vous faire visiter ces lieux, fit-elle en reportant son attention sur le couple qui, visiblement, avait l’air très aimable. Cela la changeait des autres touristes qui l’avaient bien vite ignorée. Je me prénomme Zénaïde et voici ma sœur Zénaïse.
— Vous pouvez m’appelet Lisseth, ajouta la concernée qui avait encore du mal avec son véritable prénom. D’autant plus, qu’à une lettre près, la confusion était aisée.
— Nous sommes des lyriennes de l’eau, reprit Zénaïde pour accroitre leur sympathie envers les deux touristes. Et si vous le souhaitez, contre une petite rétribution en monnaie sonnante et trébuchante, ajouta-t-elle sur un ton un peu plus bas en restant toutefois délicate et attentionnée dans sa voix, nous serons vos guides pour la journée. Je vous conseille en premier de visiter le temple de la Déesse Lyë…» C’était en réalité, le seul site dont elle connaissait la localisation pour avoir déjà été la vénérer afin d’avoir une écoute attentive et empathique à sa situation et celle de sa sœur. Elle fit signe au couple de les suivre afin de montrer leur bienveillance et leur capacité à être des guides.

« Ne faites pas attention à nos vêtements, nous avons récemment aidé un palefrenier et nous n’avons pas eu le temps de nous changer, expliqua-t-elle alors pour justifier leur apparence crotteuse et entamer la conversation. Vous êtes venus sur l’île pour visiter un endroit en particulier ? » demanda-t-elle alors sur air innocent dans l’espoir d'en savoir plus sur les attentes du petit couple et ainsi déjà prévoir une stratégie future pour satisfaire les deux magiciens. Elle savait très bien que des touristes heureux seraient bien plus généreux…

« Merci ma douce. » remercia la touriste en s'approchant quelque peu de la carte que la fillette avait sortit tout naturellement de ses jupons. Était-ce la mode, ici, à Aeden, de dissimuler son bazar sous ses jupons ? Fort peu conventionnel pour une magicienne, mais Bellada devait reconnaître que cette idée était astucieuse. Peut-être devrait-elle se mettre à faire de même ? Elle y réfléchirait plus tard : à cet instant, elle devait se concentrer sur la carte devant elle ! La mage plissa les yeux pour mieux lire ce qui était inscrit sur le parchemin mais avant qu'elle n'ait pu se repérer à proprement parler, la blonde rangea son bien et informa qu'un tel objet n'était en vente nulle part ailleurs. « Oh, c'est bien dommage. » se lamenta la vieillarde. « Une telle carte aurait pu nous être très utile. » Bien plus que le plan hasardeux que leur avait laissé Henriette en tout cas. « Bonjour Zénaïde, bonjour Lisseth. » les salua la visiteuse. « Nous sommes Bellada et Gilbel. Ravi de faire votre connaissance, mesdemoiselles. » dit l'homme en les gratifiant d'un sourire. « Nous sommes des magiciens. » avoua-t-il ensuite lorsque la gamine leur révéla être une lyrienne de l'eau. Le mage avait chuchoté cette information : les leurs n'étaient pas les mieux vus, ici, de par le passé houleux qui avait autrefois animé leurs deux peuples. S'ils avaient essayé de rester discrets quand à ce fait, les habitants locaux semblaient avoir flairé leur essence à des kilomètres. Peut-être était-ce dû à leur accent ? Ou à leurs manières un peu trop guindées et protocolaires ? A moins qu'il ne s'agisse de leur air crédule et naïf, que l'on associait souvent -et parfois à tort- à ceux de leur peuple. Toujours était-il que le couple avait essayé de ne pas se faire repérer, sans succès. Ils ne s'étaient néanmoins pas encore fait rôtir ni même arrêtés, ce qui avait donné un peu confiance au magicien qui décida donc de révéler leur véritable origine au duo d'enfants. De toute manière, ils ne risquaient rien de bien grave devant deux petites aussi adorables, n'est ce pas ?

« Oh eh bien, dans ce cas nous n'avons pas vraiment le choix, pas vrai mon Bichon ? » demanda Bellada en se tournant vers Gilbel qui acquiesça. « Oui, nous vous prendrons comme guide pour la journée, en échange d'une rémunération correcte. » approuva le vieux mage. Ils n'avaient pas beaucoup à offrir mais puisque les fillettes se proposaient d'elles-mêmes, les deux touristes se devaient de récompenser leur gentillesse et leur service. « Bien, dans ce cas, nous n'avons qu'à aller à ce temple en premier lieu. » approuva la grand-mère lorsque la guide leur parla du temple de leur déité. « Oh, oui, on nous a parlé de quelques petites choses comme du palais royal -il parait qu'il est sublime désormais, puisque la glace de l'ancienne souveraine a totalement fondue. Il y a aussi les autres temples des divins locaux... On nous en a beaucoup vanté la beauté. Oh et puis les bâtiments judiciaires, il parait que leur architecture est magnifique. Et puis, il y a aussi l'Opéra ! J'ai entendu dire qu'il était sublime, surtout pour des gens comme vous. » laissa-t-elle échappé. Dans sa bêtise, elle ne se rendit pas compte que ses paroles pouvaient être blessantes pour certains. Bien évidemment, elle ne pensait pas à mal. Elle voulait simplement dire que le Peuple des Lyrienns n'était pas réputé pour fournir de nombreux chanteurs de talents, pas comme pouvaient l'être les Ondins ou les Orines. « Et donc, ça vous arrive souvent de faire des petits boulots ? Vous avez aidé le Palefrenier, est-ce une activité courante ou était-ce simplement pour donner un coup de main ? » La mage laissa quelques secondes glisser avant de continuer. « J'ai entendu dire que les Lyrienns de l'eau étaient tous très sympathiques. Ca me parait vrai ! Mais dites m'en plus sur vous ! Notre petite fille habite sur l'île de Hava depuis peu, et nous avons eut son opinion mais je meurs d'envie d'entendre la vôtre. » continua-t-elle. La grand mère marchait d'un pas soutenu, son bras passé par dessus celui de son époux.