Nous étions partis sur-le-champ, dès que le capitaine nous avait donné son accord. L’annonce de la participation d’Isiode à la Coupe des Nations pour l’Épreuve des Réprouvés n’avait pas eu le temps de tergiverser bien longtemps dans les sphères hiérarchiques de la milice qu’on nous donna presque immédiatement la permission de quitter les Jardins de Jhēn pour nous rendre jusqu’aux terres de Bouton d’Or. Mon frère ne paraissait pas plus emballé que cela, alors que nous étions en train de finaliser nos sacs, mais un sourire flottait presque continuellement sur son visage, comme s’il se sentait choyé ou, au moins, heureux d’avoir été sélectionné.
« Es-tu nerveux? » Lui avais-je posé en refermant les attaches de mon havresac, balançant le tout sur mes épaules.
Mon jumeau avait confirmé cela d’un simple hochement de tête, sans mot dire. Après tout, il s’agissait de sa première participation à l’événement, n’ayant jamais eu, auparavant, l’honneur de pouvoir brandir le blason des Anges à l’une de ces Épreuves annuelles. C’est pourquoi, aujourd’hui, il semblait être perdu dans son petit univers, ne parlant seulement de ce qu’il jugeait nécessaire à moi ou aux deux autres soldats qui nous accompagnaient : Hiddleston Locke et Edmund Rogue. Les deux Anges avaient vécu une bonne partie de leur vie sur les terres réprouvées, le premier à Stenfek et le second à Bouton d’Or. Si Hiddleston était revenu de temps à autres dans la maison de son enfance pour rendre visite à sa famille, et malgré l’esprit ouvert de ses parents, il savait pertinemment qu’il leur manquait et qu’ils auraient préféré qu’il continue de vivre à leurs côtés. Cela étant dit, la relation qu’il nourrissait avec sa famille était bien plus saine que celle qu’entretenait Edmund et sa fratrie avec leurs parents de Bouton d’Or.
Forgerons de métier depuis des décennies, la famille Rogue excellait dans l’art de la métallurgie. Bien évidemment, leurs fils, tous trois des Ailes Blanches, suivirent le même chemin, travaillant le métal et façonnant des armes pour le peuple des Bipolaires, telles des haches et des marteaux de guerre. Également, à la demande des agriculteurs, ils leur arrivaient de réparer et d’entretenir les fourches et les faucilles trop usées ou rouillées. Cependant, à l’entente de toutes les rumeurs qui courraient sur les Anges et en voyant d’autres, bien avant eux, tourner le dos à leurs terres natales pour rejoindre leur peuple d’origine, la fratrie Rogue s’était longuement demandée s’il était de leurs devoirs de soutenir leur nation en perdition, afin qu’ils puissent les aider à se renforcer et à s’élever de nouveau vers les cieux desquels ils avaient plongé. Tout aussi longuement, ils avaient tenté d’en parler à leurs parents pour leur faire comprendre qu’ils ne le faisaient pas parce qu’ils désiraient fuir ces terres ou les abandonner, mais parce qu’ils se sentaient solidaires à la cause angélique et qu’ils désiraient ardemment leur venir en aide. Ils ne voulaient pas catégoriquement les rejoindre, seulement les assister… Mais le ton ne cessait de monter dans la forge des Rogue lorsqu’ils essayaient de s’expliquer, les voix, de s’insulter de la pire des violences, l’amertume s’ancrant dans le cœur de cette famille autrefois soudée, détruisant le reste des liens qui les unissaient ensemble. Si, pour les trois frères, partir n’était pas synonyme de départ définitif, c’était une toute autre histoire pour les Réprouvés. Abandon, désertion, lâcheté, fuite et j’en passais : Edmund nous en avait longuement parlé durant notre voyage, l’optique de retourner sur sa terre natale le stressant énormément.
« Tu as peur qu’ils te reconnaissent? »
Le Patrouilleur hocha lentement de la tête, préoccupé.
« Cela fait plusieurs années que j’ai quitté Lumnaar’Yuvon avec mes frères, mais ouais… On ne peut pas dire qu’ils seront contents de me voir s’ils venaient à me croiser. »
À ses mots, j’adressais au milicien une brève œillade, espérant qu’il sache que, chez les Anges, il sera toujours le bienvenu, qu’il choisisse de partir ou non. Nous savions à quel point le choix pouvait être difficile, à quel point ce qui pouvait être entendu divergeait complètement de ce qui était vrai, plusieurs Anges s’étant violemment cogné au mur de la réalité lorsqu’ils avaient enfin pénétré à l’intérieur des Jardins. Néanmoins, pourquoi l’esprit et le cœur d’un homme ne pouvaient-ils pas appartenir à deux nations? Je soupirais.
« Combien de temps, encore, avant le combat de ton frère? Me demanda alors Hiddleston, vers qui je me tournais légèrement.
- Une heure, je crois. Ils doivent être en train de les préparer, lui et les autres participants. »
Mes deux partenaires hochèrent de la tête, se disant qu’il serait peut-être sage d’aller directement à l’arène pour avoir de bonnes places.
« Allez-y en premiers, leur indiquais-je en souriant. Je vous rejoindrais. Je dois vérifier quelque chose.
- Quoi donc?
- C’est à propos d’une missive. Quelqu’un nous a envoyé un rapport d’inventaire par erreur. J’aimerais trouver le propriétaire ou une connaissance du moins : il s’agit d’un document tout de même important. »
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Jeu 05 Sep 2019, 22:06
Edmund et Hiddleston s’échangèrent un regard en coin avant d’acquiescer simultanément.
« Nous te réserverons une place. Dépêche-toi quand même! Sinon, on pourra toujours vérifier après l’Épreuve. »
J’hochais affirmativement de la tête. Toutefois, intérieurement, je souhaitais m’occuper de cette affaire, seul. Le doute s’était insinué dans mon esprit et j’aurais apprécié avoir les réponses à mes questions. Était-ce un bon commencement? Devrais-je plutôt chercher ces réponses ailleurs? Je me questionnais, mais en même temps, j’espérais avoir raison. Une dernière fois, j’observais le rapport d’inventaire avant de bouger, me faufilant à travers les corps et les stands qui se dressaient sur mon chemin. À quelques reprises, je fus bousculé par des groupes qui se hâtaient de rejoindre l’arène des combats, leurs rires et leurs voix contrastant violemment avec le mutisme dans lequel je m’étais enfermé. Il me fallait trouver ce Tarak. Je devais m’en assurer.
Je fis un premier arrêt devant un couple. Plus posé que la majorité des gens, ils m’inspirèrent immédiatement confiance et c’est pourquoi, d’une bonne enjambée, je m’étais rapproché de leur position, m’introduisant auprès d’eux dans une légère révérence avant que je redresse mon buste.
« Bonjour. Hum… Seriez-vous, par hasard, des natifs de Bouton d’Or? »
Les deux jeunes gens me fixèrent… avant de tourner les talons, visiblement outrés. Pendant quelques secondes, je les observais s’éloigner, ne sachant pas ce que j’avais pu dire ou faire pour les choquer de la sorte. Ils étaient bien Réprouvés, non? Je les avais entendus parler dans la langue des Enfants des Deux-Rives. Me serais-je trompé? Je ne pensais pas, reprenant mes recherches, un peu confus cela étant dit, de la rudesse par laquelle ce couple avait simplement rebroussé chemin, sans même une explication, juste de l’irritation. Mais c’est à cet instant qu’une lumière se fit dans mon esprit : certains Anges venus des terres réprouvés rapportaient, quelques fois, qu’il y avait une vive tension entre les habitants de Stenfek et les villageois de Bouton d’Or, les deux villes étant en parfaite opposition sur… pratiquement tout, au point où la population cultivée de Stenfek murmurerait, de temps à autre, leur souhait de s’affranchir afin d’obtenir leur indépendance. Était-ce la réalité? Quoi qu’il en soit, aux vues de la réaction de ce couple, peut-être que ce trouble était plus vrai que ce que laissait entendre les rumeurs. Reprenant mes recherches, j’interpellais quelques personnes que je croisais sur mon chemin, plusieurs m’ignorant, trop occupés à s’amuser ou à filer droit vers l’arène, et d’autres me répondant par des grognements qui s’apparentaient au Zul’Dov avec un brin d’agressivité et de mauvaise volonté.
Néanmoins, je parvins à trouver âme charitable parmi cette foule dans les personnes de trois Réprouvés. Assis autour d’une table haute, riant à gorge déployée et buvant à s’en remplir la panse, ils semblaient discuter ensemble de la prochaine Épreuve. Si l’intégralité de la conversation m’échappait, j’étais parvenu à saisir les noms de quelques participants, dont le représentant des Humains, Yovan Telvrel, ou bien encore celle des Chamans, la célèbre Souriante. Légèrement en retrait, j’attendais qu’il y ait une pause dans leur discussion, histoire de pouvoir me faufiler discrètement et leur annoncer ma présence. Cependant, sans que je n’aie besoin de faire quoi que ce soit, l’un des Bipolaires de la table me remarqua finalement après plusieurs minutes, la frénésie qui s’extirpait d’entre ses lèvres s’éteignant brusquement. D’abord silencieux, un premier Réprouvé se redressa pour me faire un signe du menton.
« Tu nous veux quoi, noret? » Grommela l’homme à la longue chevelure blonde, sa langue écorchant les mots de la langue commune.
Ses yeux améthyste me dévisageaient intensément et, après un rapide tour de table, je me rendis compte que les deux autres Réprouvés m’adressaient le même regard. Hésitant, je finis néanmoins par m’approcher des trois hommes, penchant mon buste vers l’avant pour les saluer.
« Bon– »
Je n’eus même pas le temps de m’introduire convenablement que des rires fusèrent de la bouche des trois Réprouvés.
« Tu t’crois où? À la Cour? »
L’éclat qui s’en suivit fut absolument incontrôlable, les hommes échangeant rapidement en Zul’Dov tout en rigolant. Sans surprise, ils devaient se moquer de moi. Commençant à perdre patience, je finis par me redresser, toussant nerveusement à l’intérieur de mon poing avant de les interpeller de nouveau.
« J-Je disais donc, bonjour.
- Ouais. On avait saisi.
- Je recherche un Réprouvé vivant à Bouton d’Or.
- T’es pas sorti de l’auberge, toi, soupira le Réprouvé en roulant des yeux. Accouche. Tu lui veux quoi à notre gars? »
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Jeu 05 Sep 2019, 22:07
Je pouvais percevoir de l’agressivité dans sa voix. Après ce qui s’était produit, il y a des années de cela, à mon dernier passage dans les vastes contrées dorées du territoire réprouvé, j’avais bien compris que la population était plus soudée que n’importe quoi : s’attaquer à un habitant de Bouton d’Or s’était s’attaquer à Bouton d’Or. C’est pourquoi le trio m’observait avec des regards médisants, ne sachant quoi penser de cet inconnu qui réclamait la présence de l’un des leurs. J’étirais un maigre sourire, leur présentant une lettre.
« Eh bien, il y a quelques jours de cela, j’ai reçu ce papier dans mon courrier, un papier envoyé par un certain Tarak à propos des comptes et de l’inventaire des récoltes de Bouton d’Or. »
Le blond prit la lettre dans ses mains, lisant son contenu en agrémentant le tout de légers grognements. Clairement, il avait de la difficulté à déchiffrer ce qui était inscrit.
« Je peux vous la lire, si vous le désirez.
- Daar noret teik wah aan sunvaar », dit-il, visiblement irrité. « Cet étranger me prend pour un con »
Je n’insistais pas plus que cela : je ne comprenais pas un seul mot de ce qu’ils se disaient, mais je pouvais au moins comprendre que je venais de l’énerver. Après sa lecture, il me rendit le papier, secouant la tête.
« J’connais pas énormément, mais y’a bien un Tarak avec qui j’joue aux cartes les fins d’journée. Mais ce mec a deux cases en moins. J’comprends pas pourquoi il s’occuperait des inventaires? »
Ces deux comparses confirmèrent ses dires d’un hochement de tête tandis qu’ils reprenaient leur échange en langue réprouvée.
« Sauriez-vous où il se trouve présentement? »
À mon interrogation, il eut un long silence. Je ne saurais dire s’il s’agissait d’embarras ou de malaise et, après un instant, la nervosité s’ancra dans le creux de mon estomac.
« Je… »
Mais, tout à coup, l’hilarité générale reprit. Le trio se mit à rire au point de s’en prendre le ventre.
« Rok drein ste svaknir med aan merwin! » Cria le Réprouvé blond en s’esclaffant, sa chope rencontrant avec fracas la surface des verres de ses camarades. « Il doit être soûl comme un cochon! »
Encore une fois, je n’avais rien saisi, mais leurs gestes parlaient pour eux. Riant jaune, je finis par calmer de nouveau leurs ardeurs de par mon apparente confusion, leur demandant, finalement, s’ils désiraient me prêter main-forte afin de trouver ce Tarak.
« Tu peux nous la filer aussi, ta lettre, j’veux dire, répliqua le Réprouvé en tendant sa main. Dès qu’on l’croisera, on la lui filera. »
À ces mots, je me pinçais les lèvres. C’est vrai que j’aurais simplement pu leur donner la lettre ainsi que le rapport, persuadé que les Bipolaires si présents n’oublieraient pas de porter la missive au principal concerné, mais j’avais besoin de faire moi-même le trajet afin de voir le visage de cet homme et de m’assurer de son implication dans cette histoire. Cependant, je ne savais pas du tout comment leur faire comprendre cela sans les froisser, parce que ce n’était pas tant leur donner la lettre qui me dérangeait, c’était plutôt de perdre l’occasion inestimable que j’avais en main pour retrouver cet « étranger. » C’est pourquoi, je tentais de leur expliquer, me confrontant tout de suite à l’agressivité des Réprouvés qui crurent que je les prenais encore pour des crétins. Bien vite, l’animosité fit chemin jusqu’aux visages des Bipolaires et si ça n’avait pas été de l’intervention du brasseur, je crois qu’ils se seraient mis à trois pour me sauter dessus.
« J’veux pas d’scène d’vant mon stand, les gars! Leur cria le brasseur derrière son comptoir.
- Mais…
- Z’allez faire fuir les clients. T’nez-vous tranquilles ou allez chercher un autre endroit pour l’tabasser. »
Les Réprouvés se mirent à grommeler avant de se rassoir sur leurs chaises. Visiblement, ils ne voulaient plus me parler et en constatant cela, j’exhalais un profond soupir.
« T’cherches Tarak? »
Mon regard se porta jusqu’au brasseur qui me tendit un verre. Poliment, je refusais la boisson, m’approchant du comptoir.
« Sauriez-vous où le trouver? »
L’homme malaxa sa barbe entre ses doigts. En l’observant, je me fis la réflexion qu’il devait être dans ses meilleurs jours, en tout cas, bien meilleurs que les trois Réprouvés assis à cette table.
« Tu m’montres? » Me demanda-t-il, pointant la lettre.
Dernière édition par Isiode & Isley le Ven 06 Sep 2019, 08:22, édité 1 fois
Isiode et Isley ~ Ange ~ Niveau III ~ ◈ Parchemins usagés : 1066 ◈ YinYanisé(e) le : 04/01/2016◈ Activité : Soldats
Jeu 05 Sep 2019, 22:09
Sans discuter, je déposais les bouts de papier sur le comptoir, le laissant lire les quelques lignes de la missive ainsi que les feuilles comprenant un résumé des inventaires de récolte.
« Eh bah, j’sais pas du tout comment c’est arrivé jusqu’à chez toi, p’tit, mais Tarak, y parle pas l’jargon commun.
- Quoi? »
La surprise se lisait facilement sur les traits de mon visage. Il… se moquait de moi, n’est-ce pas? Bon, d’accord, la lettre était remplie de fautes d’orthographe et de syntaxe, mais c’était tout de même lisible.
« Vous êtes sûr de cela? »
Affirmatif, le brasseur me le confirma d’un hochement de la tête.
« Tarak, c’t’un bon gars. Y travaille ben aux champs, mais y’est pas très fûté. S’mère l’a bercé trop près d’mur, quand y’était jeunot. »
Ce brasseur avait un accent encore plus prononcé que l’autre Réprouvé blond et je devais lui accorder toute mon attention pour comprendre chacun des mots qu’il prononçait.
« T’façon, c’clairement pas lui qui y’a écrit ça. Y comprend pas l’commun, faque j’vois pas comment y pourrait écrire ça. Et mettre la main sur ces rapports aussi…
- Vous le connaissez bien, pas vrai?
- Sûr. Y’est un régulier d’ma taverne. Comme tout l’monde de Bouton d’Or! »
Brièvement, je reportais mon regard sur les papiers étalés sur le comptoir.
« Sinon, est-ce qu’il y aurait un autre individu portant ce nom chez vous? »
Le brasseur fit mine de réfléchir avant de secouer sa tête en signe de négation.
« Nid. Enfin, les autres, y’sont morts. T’façon, j’le saurais autrement. D’puis qu’j’suis un poussin qu’j’suis ici. »
À l’entente de cela, un sourire apparut sur mon visage. Bon… Deux témoins me confirmaient l’identité de ce Tarak, le décrivant comme imbécile mais travaillant. Ce n’était pas le bon, et constater cela me découragea brièvement. Poussant gentiment les feuilles sur le comptoir, je les amenais sous le nez du brasseur, le gratifiant d’un sourire.
« Pouvez-vous rendre ces documents à la personne concernée? »
Le brasseur acquiesça.
« Merci beaucoup pour votre aide, monsieur. »
Puis, me retournant vers les trois autres Réprouvés, je les saluais solennellement en abaissant mon buste.
« Et vous aussi, messieurs, merci beaucoup. »
D’un bon pas, je quittais rapidement leur champ de vision. Leurs voix me suivaient un instant jusqu’à ce que je quitte le secteur. Silencieux et troublé, je plongeais ma main dans l’une des poches de mon havresac, extirpant des coutures la fameuse carte d’invitation ainsi qu’une copie du papier envoyé par ce Tarak. Examinant les deux missives quelques secondes, je les replaçai à l’intérieur de mon sac avant de me diriger droit vers l’arène de combat. Pour autant, mon esprit songeait à une toute autre destination.
« Où étais-tu passé? Les combats ont failli commencer sans toi. »
J’étirais un sourire pour m’excuser, m’asseyant finalement sur le siège que m’avait réservé mes compagnons. Depuis les hauteurs de l’arène, nous avions une vue imprenable sur la zone de combat. Deux grilles se faisaient face et, en examinant la configuration du terrain, des souvenirs de l’Épreuve angélique me revinrent en mémoire. Cela étant dit, compte tenu de l’esprit de ces Réprouvés, il serait plus à parier que les combats que nous observerions seront particulièrement brutaux et violents. Au signal, le premier combat débuta, le candidat s’extirpant des ombres d’un premier corridor tandis qu’une créature s’échappait sournoisement des grilles de sa geôle. Arme à la main, griffes sorties, les deux lancèrent presque immédiatement les hostilités. Les coups pleuvaient sur la gueule de l’un comme de l’autre. Des cassures, des morsures, des égratignures. Le sang tâcha bien vite le sol de poussières et de sable, mais se faisait rapidement balayé par la danse infernale qui agitait les deux combattants. De la terre se soulevait, embrumant l’intérieur de la zone de combat, d’où des cris, des sifflements, des feulements ou des rugissements se faisaient entendre et se répercutaient avec fracas dans toute l’arène de combat, à la grande joie des spectateurs, majoritairement réprouvée, qui scandaient avec force et puissance les noms des protagonistes qui valsaient au centre de l’arène. À travers tout ce brouhaha inconsistant et bruyant, les soldats Locke, Rogue et moi-même observions sagement la performance des participants, attendant que mon frère fasse son apparition. Cependant, après un moment, la frénésie emporta également Edmund. Comparativement à Hiddleston, le soldat Rogue avait bien plus de difficulté à rester sur place, mêlant, à plusieurs reprises, son cri et ses encouragements au reste de la foule : il ne pouvait le nier, mais son sang de Réprouvé bouillait présentement au plus profond de lui, l’excitation de l’instant le ramenant plusieurs années en arrière. En le voyant faire, Locke et moi-même ne pûmes nous empêcher de joindre nos voix à la sienne, mais avec un peu plus de retenue, mon visage s’illuminant soudainement lorsque j’aperçus mon frère entrer, à son tour, dans l’arène.
