Lorsque le mal frappera à ta porte

~ Chapitre I ~

Résumé : Se passe antérieurement à la réincarnation de Shanxi.

Tu renaîtras

~ Chapitre II ~

Résumé : Shanxi s'éveille à sa nouvelle condition, et doit faire face au quotidien de tout Ange qui renaît au sein de la Terre Blanche.

Et toucheras du bout des doigts le visage du Chaos

~ Chapitre III ~

Résumé : Suite directe de la fiche de présentation. Les démons décident de faire jouer les anges à un jeu des plus macabres.

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Leur jeunesse

~ Chapitre I ~

Résumé : La famille de Shanxi est conviée à un banquet. Les enfants ne semblent pas se réjouir à cette idée.

Le plus jeune d'entre nous

~ Chapitre II ~

Résumé : La famille de Shanxi fête les fiançailles du plus jeune de la fratrie.

Les pieds dans le plat - Partie I

~ Chapitre III ~

Résumé : //

Les pieds dans le plat - Partie II

~ Chapitre IV ~

Résumé : //

Là où une vie s'arrête, une autre commence

~ Chapitre V ~

Résumé : //

Chapitre I : Lorsque le mal frappera à ta porte

Thème

Un mariage bien consommé, une vie avait pris forme et évoluait au fil des années. Shanxi était heureuse. Elle s’estimait gâtée, bien plus chanceuse que d’autres. Un mari aimant au possible, bien que leur union avait été décidée par autrui, les amants avaient fini par apprendre à s’apprécier, et à présent, l’on ne pouvait plus faire la différence. Une petite fille, fruit de leur amour, foulait le monde de ses petits pieds depuis cinq printemps déjà. Les jours passaient, parfois lentement, parfois si vite qu’ils n’avaient pas le temps de voir le soleil se lever que la journée arrivait à terme. Le lot de tout couple, se disaient-ils. L’amour qu’ils portaient à leur enfant les protégeait de tout ennui. Élever un enfant prenait du temps. Cette notion leur était acquise. Tout se passait pour le mieux, et certes tout n’était pas toujours rose, mais ils n’avaient jamais échoué à faire disparaître leurs problèmes. Personne n’aurait pu penser que les évènements prendraient cette tournure. Personne.

La nuit était tombée depuis de longues minutes déjà, le voile de l’obscurité étant bien installé, seule la lune était source de lumière, veillant sur leur hameau. Le silence et la tranquillité de la nuit furent perturbés par deux voix qui s’élevaient sous le toit d’une petite maison. « Comment on est censés faire alors, hein ? » la voix de l’homme dissimulait à peine la colère et la frustration qu’il ressentait. « Je ne sais pas. Il nous faut du temps pour y réfléchir. Baisse d’un ton, tu veux ? Tu vas réveiller la petite. » la jeune femme quant à elle ne cessait de faire des aller-retour entre la pièce où ils se trouvaient et une porte située à quelques pas, l’entrouvrant afin de s’assurer que leur enfant dormait toujours. « Peut-être que si tu m’aidais à trouver une solution j’aurais pas à élever la voix aussi. » Allenz sentait ses paroles fourmiller en lui tandis que de doux chuchotements haineux trouvèrent asile au creux de ses oreilles. La magicienne referma délicatement la porte avant de revenir vers son mari. « C’est ce que je suis en train de faire, mais baisse d’un ton. Elle va se réveiller. » Agacé, l’homme abattit son poing sur la table qui trônait au centre de la pièce. Ses mirettes argentées écarquillées face à la violence dont son aimé faisait preuve, la jeune femme n’eut que le silence à offrir.

Celui-ci fut de nouveau brisé, mais cette fois-ci, ce n’était nullement le couple à qui revenait la faute. En effet, quand ils virent la porte de la chambre de leur fille s’ouvrir et celle-ci en franchir l’encadrement en se frottant les yeux, Shanxi se précipita vers l’enfant. « Oh ma puce qu’est-ce que tu fais là ? Tu n’arrives pas à dormir ? » Courbant l’échine pour arriver à la hauteur de la fillette, la magicienne vint entourer son petit visage de ses mains. « Non… Pourquoi vous criez ? » Observant sa femme et sa fille à quelques pas de là, l’homme semblait bouillir de colère. Il voulait que ça s’arrête. Il voulait le silence. Les voix de ces deux-là semblaient bien plus le nuire que ces chuchotements incessants qui lui refusaient la tranquillité. Ça n’avait pas toujours été le cas. C’était tout récent même. Pourtant, c’en était déjà trop. Lorsque son épouse prit leur enfant par la main pour la ramener dans sa chambre, il se saisit d’un couteau avant de les approcher d’un pas de plus en plus soutenu. Que ce soit par chance ou non, Shanxi eut le temps d’apercevoir la lame tandis que son mari s’apprêtait à porter le coup. La vitesse à laquelle la violence avait frappé son foyer marqua autant son esprit que son corps. La jeune femme avait du mal à réaliser. L’horreur était telle qu’elle ne pouvait qu’appartenir à un rêve. Un cauchemar. Hélas, aussi vite que cette lame eût versé le sang, Shanxi fut ramenée à la réalité par une vive douleur au niveau de son flanc gauche. La violence était telle que la jeune femme se sentait comme attirée par le sol à présent maculé de son sang, ainsi entraîné par celui-ci, elle tomba. Les yeux grands ouverts bien que la douleur n’avait de cesse de tenter la jeune femme à rejoindre le long sommeil, elle observa son aimé s’approcher à pas lent non pas de sa personne, mais plutôt de l’enfant qui était à genoux à deux pas de sa mère.

Shanxi ne saurait décrire ce qu’elle ressentit à ce moment-là, mais elle savait qu’elle aurait tout donné pour que jamais le malheur ne frappe sa fille, peu importe combien de fois elle devrait tout perdre pour la préserver. Rassemblant les forces qui n’avaient pas encore quitté son corps, la magicienne essayait tant bien que mal d’en appeler à l’humanité qui habitait autrefois son époux. Celui-ci ne semblait plus l’entendre hélas. Son esprit ne s’ouvrait que pour boire des paroles haineuses qui n’étaient pas les siennes. La jeune femme n’avait pas la force d’engager une quelconque lutte physique contre son mari et elle le savait pertinemment. Shanxi se mit alors à balayer la pièce du regard, désespérément à la recherche de tout ce qui pourrait l’aider. N’importe quoi, car elle savait tout aussi bien qu’ils étaient seuls dans cette maison. Ses mirettes se posèrent sur l’arc qui reposait contre un grand meuble fait du même bois que celui-ci. C’était le loisir de son époux. Elle avait de nombreuses fois remercié le ciel pour ce don qu’Allenz avait. Il lui avait été d’une grande aide lorsqu’il avait fallu donner vie à leur nouveau foyer. La situation était bien différente cette fois-ci. Du peu de force qui lui restait, la jeune femme essayait d’atteindre l’arc du bout de ses jambes et finit par déloger l’objet avant de le pousser de manière à ce qu’elle puisse le saisir. Une fois entre ses mains, Shanxi se redressa légèrement sur ses genoux dans un râle de douleur avant d’asséner un grand coup dans les jambes de son mari à l’aide de la branche de l’arc. L’homme fut surpris, mais ne céda pas, obligeant la jeune femme à recommencer à plusieurs reprises pour qu’il cède enfin. La magicienne abattit une dernière fois le bois de l’arc sur la nuque de son amant tandis qu’il venait de chuter lourdement au sol.

Rapidement, la jeune femme lâcha son arme de fortune avant d’essayer de se dresser sur ses jambes afin de rejoindre sa fille qui était en larmes. C’est non sans mal qu’elle y parvint et entraîna l’enfant par la main hors de la maison pour entamer une course folle. Du moins autant que le corps de la magicienne le permettait. À la première maison qu’elle vit, la jeune femme s’arrêta, tambourinant contre la porte, implorant sans trop élever la voix non plus afin qu’on lui ouvre. Cela lui parut une éternité avant que les quelques planches de bois qui constituaient l’entrée de cette maison ne laissent place aux regards interrogateurs de ses habitants. « Shanxi ? Que se passe-t-il ? » La magicienne essayait tant bien que mal de cacher le sang qui souillait ses vêtements. « Désolée de vous déranger à cette heure de la nuit… C’est que nous avons quelques problèmes à la maison… Allenz et moi nous sommes disputés et… C’est allé plus loin que nous le pensions. Pourriez-vous garder Asra un moment ? Je ne veux pas qu’elle assiste à ça. » La voix de la jeune femme était tremblante bien qu’elle essayait de dissimuler sa peur du mieux qu’elle pouvait. « Bien sûr, mais enfin… Que se passe-t-il ? Est-ce grave ? Tu es toute pâle ma belle. » La vieille femme amena l’enfant contre elle avec l’aide de Shanxi avant de poser une main sur l’épaule de celle-ci. « Non, ne vous en faites pas… Rien de grave. Je vais discuter avec Allenz pour arranger ça au plus vite… Je viendrais la chercher quand tout sera réglé, pas avant… Personne ne doit savoir qu’elle est là en attendant, pas même Allenz.  » La jeune femme refermait toujours plus sa main sur sa plaie dissimulée sous une sorte de châle. Elle savait que ça ne pouvait bien se terminer, et pour l'heure, elle avait besoin de savoir sa fille protégée. Elle était prête à tout pour s'en assurer. « D’accord, mais ça m’inquiète tout ça… Tu es sûre que tu n’as pas besoin d’aide au moins ? Reidd peut venir avec toi si tu veux. » Le vieil homme qui se tenait au côté de la femme acquiesça. « Non vraiment merci… Ne vous en faites pas, je reviens vite. Encore désolée de vous avoir réveillés. Je dois vraiment y aller. Il m’attend. » Shanxi s’éloignait de quelques pas, essayant de détourner le regard de la porte devant laquelle se tenait sa fille et ses amis. Plus vite la porte serait fermée, plus vite Asra serait en sécurité, et elle ne voulait pas les tenter plus que ça à la regarder partir. La magicienne pressait le pas tant qu’elle le pouvait, surveillant du coin de l’œil la petite maison. Lorsqu’elle ne pouvait plus distinguer aucune lumière émaner de l’entrée, un sentiment de soulagement réchauffa son corps en proie au désespoir.

Alors que Shanxi progressait dans une direction qui ne risquait pas de compromettre la protection qu’elle avait réussi à offrir à sa fille, elle sentit soudainement une vive douleur qui arracha ses pieds du sol. La jeune femme n’avait même pas senti son corps battre la terre. Elle ne voyait plus grand-chose, mais la douleur qu’elle sentait lui indiquait qu’elle n’était pas encore morte. Les bruits de pas qui semblaient s’approcher d’elle se faisaient de plus en plus sourds. Alors qu’elle perdait un à un ses sens, le goût métallique au fond de sa bouche qui aurait en temps normal déformé son faciès en une grimace de dégoût ne la dérangeait plus. La magicienne n’avait pas conscience de la présence de son époux, penché sur elle, le regard meurtri, tout comme ses sanglots pareils à ceux d’un enfant ne risquaient pas de l’atteindre. Comme lorsqu’elle s’employait chaque soir à se détendre avant de rejoindre Morphée, ses membres cessaient toute lutte et ses paupières ne firent bientôt plus aucun mouvement. C’était fini.

Le jour se leva sur le sang qui souillait la terre des magiciens, et tout le monde affirmait que le silence avait été absolu cette nuit-là. Personne n’avait entendu les cris étouffés du meurtrier tandis qu’il contemplait son œuvre et réalisait l’ampleur de son acte. Tout avait disparu au matin. L’on aurait presque pu jurer que rien ne s’était passé. Que cela avait été une nuit comme les autres. Seul restait le corps sans vie de la jeune mère qu’était alors Shanxi. Unique témoin du drame qui avait frappé le petit village. Ils étaient deux à craindre d’avoir compris ce qui avait pu se passer et pleuraient leur perte dans les affres de l’enquête qui se déroulait encore aujourd’hui.

1832 mots.

Chapitre II : Tu renaîtras

Thème

De faibles secousses. C’est tout ce que son corps lui permettait de sentir. La jeune femme n’entendait rien et ne voyait rien. Elle sentait néanmoins comme une fraîcheur parcourant ses sinus. Shanxi voulait se réveiller, mais elle ressentait une fatigue incommensurable. Comme si elle n’avait pas dormi depuis une poignée de jours. S’avouant vaincue, l’ange fraîchement réincarnée rejoint les bras de Morphée. Elle aurait aimé dire que ce jour-là, sa nuit fut nuancée par de doux rêves. Hélas, ce ne fut pas le cas. Un choc brutal la ramena à la réalité, balayant toute fatigue qu’elle avait pu sentir dans ses membres et son esprit. Ses paupières papillonnaient non pas pour séduire autrui mais tout simplement car la jeune femme se battait pour s’éveiller. Enfin, ses sens lui revinrent. Le sol froid sur lequel elle était étendue lui faisait l’effet d’un rocher qui écraserait sa personne. Ses mirettes argentées s’élevèrent en direction d’une silhouette qui semblait s’éloigner d’elle. Shanxi était bien trop faible pour l’interpeller, et à peine l’homme fut-il sorti de la pièce que de faibles cliquetis parvinrent aux oreilles de l’ange. Immédiatement, bien qu’avec une lenteur certaine, elle balaya la pièce du regard à la recherche de la source de ces bruits. C’est avec horreur qu’elle comprit, pourtant, une infime partie de la situation. Des bleus, des plaies, la saleté recouvraient la peau de silhouettes ailées. Leurs ailes autrefois immaculées étaient le témoin de ce nouveau quotidien, qui serait désormais le sien.


Son premier souhait ne fut pas la liberté mais la compréhension. Pourquoi ces hommes et femmes étaient-ils prisonniers ? Pourquoi l’était-elle aussi ? Pourtant, ce n’était pas ce qui la troublait le plus. En effet, elle ne parvenait pas à se rappeler comment elle avait pu atterrir ici, et lorsqu’elle cherchait à se remémorer ces derniers jours, Shanxi ne trouvait guère plus de réponses. Et étonnamment ce n’était toujours pas le pire. Lorsque l’ange avait inspecté son corps à la recherche de la source de ses maux, une sensation étrange envahit son être alors que du bout de ses doigts, elle sentit une sorte d’objet à la texture étrange, lui rappelant celle des plumes d’oiseaux. Elle comprit, mais cela ne l’empêcha pas de tirer dessus pour être certaine, et lorsqu’elle sentit à nouveau cette sensation partant de son dos, ses interrogations donnèrent naissance à bien d’autres tandis qu’une au moins avait trouvé réponse. Une migraine naissante lui fit monter sa main à son faciès. Plus elle réfléchissait, et moins la jeune femme semblait capable de pousser sa réflexion. Peut-être aurait-elle plus de réponses en s’adressant à ses compagnons de cellule ? De nouveau, l’ange scruta le paysage teinté d’horreur et de violence qui s’offrait à elle, guettant le moindre mouvement, analysant attentivement chaque visage. Ironiquement, Shanxi cherchait la douceur sur le visage de ses comparses, alors même qu’en ces lieux, le mal était roi.

478 mots.

Chapitre III : Et tu toucheras du bout des doigts le visage du Chaos

Thème

C’était froid. Un frisson remonta le long de son échine, tandis que ses prunelles se perdaient sur le petit objet posé au creux de ses mains. Elle aurait voulu pouvoir ne penser à rien, et ignorer le monde qui l’entourait, et même si cette lame n’était pas lourde, elle empêchait l’esprit de l’ange de prendre son envol. La jeune femme ne sentait même plus les regards pesants de ses geôliers, ni même ceux de ses comparses. Elle plissait les yeux tandis que les rayons du soleils se réfléchissaient sur la petite dague, pourtant il lui était difficile de détourner le regard. Une main vint se poser soudainement sur son avant-bras. « Alors ? Tu as choisis ? » Shanxi peinait à contenir ses tremblements tandis qu’elle jonglait entre le visage de son interlocuteur, et l’arme qu’il lui avait précédemment donné. « Je vais t’aider. » Il la saisit à deux mains pour l’aider à se lever, avant de considérer chaque captifs du regard. C’était un jeu. Les anges craignaient que le vil ne s’attarde un peu trop sur leur personne, car ils savaient pertinemment ce que ça signifiait. L’attente était insoutenable. Cela était d’autant plus vrai lorsque que les vertueux prenaient pleinement conscience que leur sort n’était plus entre leurs mains. Ils vivaient au crochet et au bon vouloir des démons. Cette idée avait beau leur être insupportable, elle n’en restait pas moins immuable.


L’homme scrutait lentement chaque visage, amusé alors que les traits des emplumés étaient déformés par la peur. Il s’attardait parfois, éternellement insatisfait de la crainte qu’il inspirait. Il en voulait plus. « J’imagine que tu n’as toujours pas d’idée ? » Un sourire carnassier fendait son faciès tandis qu’il contemplait la panique envahir l’ange. Puis, ses mirettes vinrent se poser sur un homme d’âge moyen. Il approcha ses lèvres de l’oreille de Shanxi, si près que l’on pourrait se méprendre, et penser qu’il avait déposé un baiser au creux de celle-ci. Il parlait si bas, comme s’il voulait faire de son choix un secret entre elle et lui seulement. «  On va commencer simplement, qu’en dis-tu ? » Il relâcha son emprise sur la jeune femme, mais ne la quitta pas des yeux pour autant. Il attendait. L’ange plantait son regard dans celui de son comparse. Il était difficile de dire lequel des deux était le plus terrifié à l’idée de ce qui allait se passer. A nouveau, Shanxi sentit un bras l’entourer. « Qu’est-ce qu’il y a ? Tu ne veux pas le faire ? C’est parce qu’il a un joli minois ? Ou parce que tu l’aimes bien peut-être ? » Ses yeux vinrent trouver le sol. La réponse était évidente mais ne voulait pas sortir. « Faut pas s’en faire, tu sais. Si tu fais attention, il ne perdra peut-être pas sa belle gueule. Regarde, si tu commences par ici par exemple… C’est pas un atout ça. Il sera toujours aussi séduisant, même sans. » L’homme tenait entre son pouce et son index le lobe d’oreille du captif, tandis qu’il attirait toujours plus la jeune femme vers lui.


« Tu vois ? » Il vint poser sa main sur celle de son interlocutrice pour l’inciter à amener le couteau derrière l’oreille de son comparse. « Tu sais comment faire ? Je te montre. » Il maintenait son emprise avec un peu plus de force, tandis qu’il approchait dangereusement du point de non retour. L’ange ne voulait pas être témoin de l’acte, et encore moins y contribuer. De chaudes larmes coulaient le long de ses joues. Le temps lui paraissait suspendu tandis qu’elle sentait la lame pénétrer la chair de son frère, ses hurlements perçaient ses tympans avec la même brutalité qui l’avait frappé. Pourtant, tout était allé bien trop vite lorsque la lame avait approché son comparse. « Tu as compris ? Essaye toute seule cette fois. » Le démon s’éloigna d’un pas. La jeune femme tremblait, et avait perdu toute contenance. Elle évitait le regard du captif. La lame s’agitait toujours tout près du pauvre bougre. « Allez, tu sais comment faire maintenant, alors fais-le. » L’impatience de son audience était palpable. La pointe de la dague vint toucher l’unique partie qui maintenait encore le membre de son comparse en place. « Tu manques de force, dis moi. Mets un peu plus de cœur à l’ouvrage. » Le vil vint se positionner à ses côtés, l’observant par dessus son épaule. « T’y es presque. Essaye d’aller un peu plus vite. Plus tu tardes, plus il aura mal, tu sais. » L’ange resserrait ses mains autour de la poignée de la dague, et ses sanglots se faisaient toujours plus forts. Les hauts le cœur l’empêchaient de bien reprendre son souffle, qu’elle retenait pour ne pas vomir. Puis, d’un coup sec au possible, Shanxi parvint à finir ce qu’elle avait commencé. Son frère était à présent privé d’un de ses membres, et la douleur qui devait ressentir était sûrement incommensurable. Tout deux étaient blancs comme un linge. Autant la victime que le bourreau avaient profondément été atteints. La jeune femme se crispa lorsqu’elle sentit une main se poser sur son épaule. « C’est bien. Comme tu sembles avoir du mal à choisir, tu vas tous les faire. Ils sont pas beaucoup, ça devrait aller vite si tu te dépêches. On a pas toute la nuit, alors autant s’y mettre. » Un sourire narquois se dessinait sur ses lèvres, tandis qu’il la soutenait du regard. « On y va ? ».

916 mots.

Chapitre I : Leur jeunesse

Thème

« On doit vraiment y aller ? » La fillette affichait une moue boudeuse. « Oui. Papa et maman ont été clairs là-dessus. » L’adolescent soupirait, tandis qu’il aidait son jeune frère à ajuster sa tenue. Aucun d’eux n’avait réellement envie d’assister à ce banquet. La présence d’enfants en ces lieux n’était pas rare. Pourtant, ils se sentaient rarement à leur place. Ou peut-être était-ce qu’ils ne tenaient pas en place plutôt ? Ils pourraient laisser les adultes parler entre eux et s’amuser de leur côté, après tout, leurs parents ne remarqueraient sûrement pas leur absence. La poignée de la pièce où le trio attendait bien sagement s’abaissa, avant de laisser apparaître la silhouette masculine de leur père dans l’encadrement de celle-ci. « C’est bien calme ici. Vous êtes prêts ? » Ils répondirent par l’affirmative en chœur, bien que sans réel entrain. « Bon… Je vois bien que vous n’avez aucune envie d’y aller, mais ce sont des amis de notre famille qui ont organisé ce banquet, et nous nous devons d’y assister. Faites donc un effort, s’il vous plaît. Ce ne sera pas long. » Le plus vieux pesta dans son coin. « Tu dis ça à chaque fois, mais au final, si on y va, c’est pour y passer la soirée. » La cadette, quant à elle, hocha la tête en soutien à son frère.


Le magicien croisa les bras sur son torse. « Ce n’est pas si long que ça, puis vous devriez vous habituer à ce genre de soirée, parce que vous n’avez pas fini d’en voir. Peut-être même que vous finirez par y prendre goût, et en organiser vous-même lorsque vous serez plus grands. » Les petits semblaient perplexes. Ils ne croyaient clairement pas un traître mot qui sortait de la bouche de leur père. Alors que l’homme s’apprêtait à surenchérir, il sentit une main glisser affectueusement sur son épaule. « Que se passe-t-il ici ? Encore en train de vous disputer concernant la soirée ? » Son époux lui offrit un léger sourire. « Les enfants, vous savez très bien que quoi que vous puissiez dire, vous devrez quand même venir avec nous. Alors ne rendez pas les choses plus pénibles pour vous, et essayez de profiter au moins un peu. Je sais que cela peut paraître ennuyeux pour des enfants, mais vous verrez qu’avec le temps, vous ne trouverez plus ces banquets si terribles. » Jeremiah soupira. Il n’était si étonnant de le voir se résigner plus vite que les deux autres, après tout, il était le plus vieux des trois, et c’était loin d’être la première fois qu’il devait supporter ce type d’événement.


« Shanxi, Gabriel ? » Amélia finissait toujours par arriver à ses fins et faire céder son entourage, peu importe le temps que cela prenait. Les deux plus jeunes rejoignaient alors aussitôt leur mère, qui les enlaça chaleureusement. « Prenez votre mal en patience. Si vous êtes sages, on ira peut-être faire un tour en ville. » Les petits semblaient se réjouir. Ils resserraient alors leur étreinte auprès de la magicienne. Enfin, ils allaient pouvoir lever le pas en direction de ce fameux banquet. « Vous verrez, ce n’est pas loin. » Une dizaine de minutes suffirent à ce qu’ils arrivent sur les lieux. Assez rapidement, quelques poignées de mains s’enchaînaient, et la soirée pouvait désormais commencer. « Je vais voir si je peux trouver mes amis. » Les parents reportèrent leur attention sur leur aîné. « D’accord, mais ne t’éloigne pas trop, qu’on puisse te trouver si besoin. » Jeremiah s’éloigna alors du centre où la fête battait son plein, tandis que les deux plus jeunes restaient encore dans les pattes de leurs parents. Au bout d’un certain temps, l’ennui semblait les gagner à leur tour. Le benjamin attrapa alors la main de sa sœur. « On ne peut pas se promener, nous aussi ? » Shanxi arqua un sourcil, un léger sourire flottait sur ses lèvres. « Il y a des jardins, je crois. Tu veux aller voir ? » Gabriel hocha la tête avec un enthousiasme non dissimulé.


A son tour, la fillette attira l’attention de ses parents pour leur demander l’autorisation de s’éloigner. « Les jardins ? Ça devrait aller, c’est juste à côté. Par contre, restez ensemble, ne commencez pas à vous disperser. Shanxi, je compte sur toi pour veiller sur ton frère, d’accord ? » L’enfant répondit par l’affirmative. Alors que tout deux s’apprêtaient à rejoindre ces fameux jardins, la fillette sentit quelque chose la retenir. « Tu n’oublies pas quelque chose ? » Le magicien tapotait sur sa joue, avant de se baisser à son niveau. La petite s’empressa alors de déposer un baiser sur la joue de son père, puis se dirigea vers sa destination de jeux. « Ce que tu peux être papa poule. » Il s’esclaffa. « Dit celle qui rechignait à les laisser partir. » Doucement, Aldous vint déposer ses lèvres sur celles de son épouse, avant de l’entourer de ses deux bras.

836 mots.

Chapitre II : Le plus jeune d'entre nous

Thème

Le tintement caractéristique des verres qui se cognaient doucement les uns contre les autres, les sourires sur les visages. C’était une belle soirée, et ils étaient heureux. Ils jetaient tous discrètement de légers coups d’œils à la porte d’entrée. Leur impatience était palpable. Aussitôt qu’ils entendirent des coups résonner contre le bois des planches, l’un d’eux se hâta dans le hall d’entrée, suivi de près par les autres. « On n’attendait plus que toi, mon frère. » A peine Gabriel avait-il posé un pied à l’intérieur, que son aîné l’enlaça avec vigueur. « Tu n’auras jamais été aussi heureux de me voir. » Jeremiah s’esclaffa. « Tu sais bien que c’est faux. » Le benjamin regardait par dessus l’épaule de son frère, tandis qu’il relâchait son étreinte. Sa sœur et ses parents lui souriaient chaleureusement. Shanxi l’approcha en quelques foulées pour le serrer dans ses bras, suivie d’Amélia et Aldous. « Je reçois beaucoup d’amour aujourd’hui. » La magicienne passa une main dans ses cheveux. « Comme toujours. Il faut bien que tu puisses en donner ensuite. » Elle lui lança un regard entendu, avant d’aller enlacer la promise de son fils. La jeune femme fit glisser sa main sur le bras de son jeune frère, tandis que l’aîné les invitaient à se mettre à l’aise dans le salon.


« Tu t’es enfin décidé à lui demander sa main, alors ? » Le plus jeune soupira. « Il n’y a pas de mal à prendre son temps, non ? » Jeremiah riait de bon cœur. « Non, c’est vrai. De toute façon, tu ne devais pas avoir de doute, pas vrai ? Je veux dire, votre amour saute aux yeux quand même. » Gabriel soutenait son aîné du regard. Son exaspération vis-à-vis de son comportement était non dissimulée. « Tant mieux s’il est visible. Je ne compte pas le cacher de toute façon. » Le blond aurait bien voulu applaudir, si l’une de ses mains n’étaient pas prise par son verre. « Quand je pense qu’on va bientôt marier notre petit frère, alors qu’il y a quatre ans à peine, on te mariait Shanxi. J’ai l’impression de vieillir. » La magicienne croisa les bras sur sa poitrine, un sourire narquois flottait sur ses lèvres. « C'est peut-être que tu vieillis vraiment, alors. Regarde, tu es déjà entouré d’enfants. » L’aîné arqua un sourcil. « Oh, mais je ne m’en fais pas de côté-là. Je pense que tu vas vite me rattraper. Cette fête est censée être pour les futurs jeunes mariés, et regarde comme Asra monopolise le premier rôle. Je t’ai pourtant déjà dit qu’il ne fallait pas la laisser avec papa et maman. Ils ne te la rendront jamais à ce rythme. Allenz a l’air de se sentir plus concerné que toi à ce sujet d’ailleurs. ».


Shanxi pestait à cette idée. « Ce n’est pas vrai. Je la laisse juste profiter de ses grands parents. Il faut bien qu’elle voit autre chose que nous. On est toujours sur son dos, à lui courir après. » Ses deux frères ne risquaient pas de manquer cette occasion de se moquer d’elle. « Elle vous donne tant de mal que cela ? » Le benjamin semblait se retenir de rire. « Tu n’as pas idée. » Jeremiah vint poser une main sur l’épaule de sa sœur. « Tu ne devrais pas te moquer. Ce sera bientôt ton tour, de toute façon. » Gabriel reprit aussitôt contenance, avant de dégager les quelques mèches de cheveux qui tombaient sur son visage. « Elle en est qu’à sa première, elle n’a pas encore finit non plus. » Le blond soutenait son menton du dos de sa main libre. « C’est vrai. D’un autre côté, il ne faut pas sous-estimer l’attraction entre deux jeunes mariés. Ça risque de remuer de ce côté-là, tu sais. » Shanxi donna une tape dans le bras de son aîné. « Tu dis que des bêtises. Ne l’écoute pas. » Elle s’attarda un instant sur Gabriel, tandis que le plus vieux les observait, moqueur.


« Quoi ? C’est pourtant vrai, non ? A peine mariée, tu nous as donné une jolie petite fille. Il ne t’a pas laissée de marbre, ton cher mari. » La jeune femme ne pu s’empêcher de soupirer. « En parlant de lui, je devrais peut-être aller lui donner un coup de main, il a l’air d’avoir du mal à arracher notre fille des griffes de nos parents. » Les deux autres riaient, visiblement gênés. « Je devrais faire pareil, ou ils ne vont jamais laisser Elina tranquille. » - « Hmm, je crois qu’en effet il est temps qu’on y retourne. Puis on ne peut pas priver les autres de l’un des invités d’honneur de ce soir, pas vrai ? » Jeremiah les entoura tous les deux de ses bras. « On est gâtés quand même. » Shanxi ne pu s’empêcher de sourire. « Ça, c’est sûr. » L’aîné ébouriffa leurs cheveux, avant de les entraîner vers le salon, où leur famille les attendait. « Je suis fier de vous. ».


Le magicien s’affaissa lentement dans son fauteuil, son verre toujours à la main. « Combien de temps cela fait, maintenant ? Trois ans ? » L’autre acquiesça d’un geste de la tête. « J’étais comblé ce soir-là. C’est sûrement pour cette raison que je n’arrive pas à l’oublier. » Le blond se redressa légèrement pour venir appuyer ses coudes sur ses genoux. « Non. Même sans ça, je pense qu’aucun de nous ne pourrait oublier. » Gabriel souriait, sans vraiment ressentir de joie. « Hmm… Je crois que tu as raison. » Il tendait son verre à son frère. « A la tienne, mon frère, et à cette inoubliable soirée. » Le tintement des verres résonna un long moment dans leur esprit, avant qu’il ne se fasse enivrer à nouveau.

976 mots.