Edwina songeait à la conversation qu’elle avait eu avec les êtres ailés, quelques jours plus tôt. Elle avait prévu d’aller chercher la Couronne des Cieux, bien sûr, mais cette simple résolution n’avait pas suffi à chasser ses rêves. Aussi, ils devenaient de plus en plus fréquents, de plus en plus étranges. Assise à son bureau, y songer suffisait à recréer les sensations sur sa peau. Hantée par son imagination, la chose devenait éreintante. Elle n’avait qu’à pencher légèrement la tête sur le côté pour éprouver de nouveau l’étreinte de ses lèvres sur son cou. Elle n’avait qu’à fermer les yeux et recréer la scène pour que son rythme cardiaque s’accélère. Le simple fait de passer son doigt sur ses lèvres lui procurait des frissons qu’elle n’arrivait pas à chasser. Il avait pris possession de son esprit et elle se sentait prisonnière de ses fantasmes. « Confier vos péchés vous aiderait sans doute. » avait murmuré l’Ange d’un ton compatissant. Bien sûr mais à qui devait-elle susurrer ses désirs inconscients ? À vrai dire, elle avait pensé à Raeden. Elle savait qu’il l’écouterait. Seulement, elle ne pouvait lui infliger pareilles histoires pour tout un tas de raisons, à commencer par l’identité du principal protagoniste. Oh le Diable n’était pas le seul mais il était de loin le plus présent. Que pourrait-elle avouer à l’Ange finalement ? Uniquement les parties qui le concernaient ? Et puis, arriverait-elle seulement à le regarder dans les yeux et à lui demander conseil ? C’était impossible. L’Impératrice Blanche se pinça les lèvres et porta ses doigts sur la plume. Elle inspira, but une gorgée de vin et se mit à écrire.

« Au Monarque Démoniaque.

Sans doute n’est-ce point à vous que je devrais me confesser. À vrai dire, j’ai bien conscience que cette fantaisie pourrait se retourner contre moi un jour mais je souhaite tout de même prendre le risque. Voyez-vous, je songe que votre statut tout particulier, celui qui vous porte à la tête du peuple démoniaque, a le don d'exacerber les péchés dans l’esprit des êtres que vous croisez. Je crains fort que vous ne m’ayez point épargnée et c’est avec acharnement que vous hantez mes nuits. Vous les hantez de toutes les manières qu’il est possible d’imaginer, si bien que lorsque je m’éveille, je suis en sueur, trempée par vos charges nocturnes, par votre corps imbriqué au mien et par les assauts incessants de vos hanches. J’ai essayé d’ignorer les tours que me joue mon inconscient mais, une fois le jour venu, lorsqu’il m’arrive d’égarer mon esprit dans diverses pensées, j’en arrive toujours à songer à vos lèvres sur mon cou, à votre bouche sur mes seins et à des choses si inavouables qu’elles me plongent dans un profond désarroi. Bien sûr, j’ai voulu vous résister. J’ai essayé d’user de toute la force et de la droiture en ma possession mais votre silhouette réapparaît sans cesse et la sensation de vos doigts s’invite sur mon corps dans les moments les plus inappropriés. Je vous désire comme je n’ai jamais désiré personne et ce simple constat m’accable de mille maux. Vous m’obsédez, si bien que lorsque je vaque à mon office, parfois, je peux sentir votre souffle caresser mon oreille, allant jusqu’à inventer les paroles lascives que vous pourriez y murmurer. Je déteste cet état autant que j’aspire à poser mes mains sur vous. Plus j’y pense, plus il devient évident que l’emprise que vous exercez sur moi me perdra. J’envie votre concupiscence, la liberté avec laquelle vous vous accaparez la vertu de celles qui finissent dans vos bras, vos aptitudes en la matière. Vous prenez et, bien pire, vos conquêtes s’offrent d’elles-mêmes, bien conscientes qu’il n’y a aucune échappatoire. Plus je vous observe et plus je me fais l’effet d’être une brebis sur le point de se livrer à une bête qui la dévorera sans aucun ménagement. L’idée me plaît en un sens, je l’avoue non sans mal. Pourtant, mes rêves ne sont pas si simples et il m’arrive d’être l’actrice principale de mes aspirations. Alors, je vous dévore avec une ardeur brûlante. Je ne sais ce qui m’effraie le plus entre le plaisir que je tire du fait de vous dominer et celui que je tire à me savoir prise au piège entre vos griffes. Votre joug sur mon âme me torture et c’est dans l’espoir d’une délivrance, d’un salut, que je vous livre cette vérité. ».

L’Impératrice Blanche fixa le courrier, légèrement fébrile. Elle pinça de nouveau ses lèvres, signant d’une unique lettre aux boucles aériennes. « C ». Quand elle eut fini, elle plia le parchemin et créa un sceau pour soustraire le contenu de la lettre aux regards indiscrets. Enfin, la Belle appela son majordome. « Faites parvenir ceci au Diable. » commença-t-elle, avant de rajouter : « De façon à ce qu’il ne puisse jamais en deviner la provenance. ».