Catégorie de quête : XXIX. Fuite / XIII, Défense
Partenaire(s) : Mirari Shax
Intrigue/Objectif : Lors de son périple, Zane a perdu la mémoire. Grandement diminué par son corps et son esprit qui dépérit à vue d’œil, des mercenaires travaillant pour le compte de son père ont réussis à lui mettre la main dessus dans l'intention de l'assassiner à l'aube. Avec l'aide de Mirari, il va devoir échapper à ses poursuivants afin de survivre.




Le calme environnant trouvé près de ce point d’eau lui administrait le plus grand bien. Depuis quelques jours, des hommes et des femmes lui souhaitaient du mal sans raison. C’est la troisième fois en quelques heures qu’il conjurait la mort, celle-ci étant toujours déjouée par quelqu’un de l’extérieur qu’il n’avait pas encore eu l’honneur de remercier. Sa faible constitution présentielle ne lui permettait pas de se défendre efficacement contre les menaces, qui à défaut d’être fréquentes et viscérales étaient littéralement destructrices. Sa mémoire étant tragiquement suppliciée, il ignorait les détails passés, tels que les erreurs qu’il avait pu commettre pour se mettre dans de si beaux draps. Son organisme hautement étiolé ne réclamait qu’une chose à l’heure actuelle : de la bonne pitance. En ce sens, l’ancien démon n’avait pas négligé ses bases, c’est pourquoi il avait suivi le courant d’un étang pour atteindre le refuge le plus influent de certaines espèces. C’est avec une certaine complaisance qu’il était parvenu à pêcher une bonne dizaine d’entre eux, s’assurant un magnifique festin pour le soir venu.

Cette vie nouvelle lui paraissait presque routinière alors qu’en réalité elle ne lui correspondait pas du tout. Son visage était le même qu’autrefois, bien que plus émacié et flétri. Sa chevelure d’ordinaire choyée était quant à elle complètement négligée, ce qui ne collait pas non plus à sa personnalité réputée comme perfectionniste. Mais le plus cinglant dans les changements subis se croisait non pas sur son faciès, mais bien sur corps pourtant apprêté et conçu pour plaire. Les muscles saillants de la bête avaient déguerpi au profit d’une finesse innommable. Pratiquement décharné, personne n’aurait été capable de l’identifier dans de telles circonstances. Personne sauf les privilégiés qui avaient partagé de longs moments en sa compagnie. Il fallait le connaître sur le bout des ongles pour ça, et pour preuve, lors d’une brève réminiscence de sa mémoire, Zane était tombé sur une connaissance qui l’avait interpellé, mais au lieu d’une aide apportée, c’est contre une nuée de projectiles qu’il du se défaire de cet orage passager. Le visage de cette personne ne lui rappelait rien, même pas un simple bonjour ou le moindre regard. Et pourtant, de cette personne se vit naître une prépondérante horde de bandits chevauchant leurs montures en rythme. Il était quasiment impossible de passer au travers de leurs déferlements visiblement planifiés, si bien qu’il échappa de peu au premier carreau d’arbalète qui se ficha dans le mur à quelques centimètres de sa tempe, emportant au passage un simple morceau de mèche. Acculé contre le mur d’une vieille bâtisse inanimé, la suite s’enchaîna à grande vitesse, lui paniquant dans ce qui ressemblait à une fuite maladroitement coordonnée, eux qui le poursuivaient en répandant leurs hommes dans diverses directions pour le prendre en tenaille. La chance, si l’on pouvait l’appeler ainsi, l’avait fait choir au bas d’une falaise, droit dans un amas buissonneux, les quatre fers en l’air alors qu’il tenta en vain de se redresser.

Le bruit des sabots s’étant éloigné, il en profita pour aller se réfugier près d’une pléthore de bâtiments. En parcourant le mur, il jeta un œil furtif sur les alentours. Une garnison patrouillait dans le secteur, toutefois, un seul garde, de dos, protégeait l’accès d’un foyer. Zane ramassa une grosse pierre, s’approcha doucement du garde et l’assomma de toutes ses forces. Il lui fallut s’y prendre à deux fois pour avoir l’effet escompté. Malheureusement, alors qu’il se croyait à l’abri à l’intérieur, un homme massif fit office de cloison infranchissable. En un rien de temps, il se fit neutraliser. Quelques instants plus tard, il fut ligoté et escorté jusqu’à un lieu inconnu, manifestement dans une prison où le supplice et l’exécution étaient monnaie courante. Bingo. Le chef de la bande se présenta effectivement comme étant l’un des plus célèbres chasseurs de prime de la région, un homme lui-même poursuivi par certaines institutions bénéfiques pour son taux de nuisibilité. « Je ne vois pas de quoi vous parlez. Je ne suis qu’un… » Il ne savait pas exactement comment achever cette phrase. Ça aurait été irrationnel de mentionner sa mémoire défaillante. « Je suis un vendeur ambulant. Ma cargaison a été pillée et… » Mais les rires soudains eurent tôt fait de l’interrompre. Visiblement, personne ne le prenait au sérieux. « C’est donc vrai, le Monarque démoniaque en personne n’est plus que l’ombre de lui-même. C’est dommage, j’aurais aimé t’affronter à pleines ressources. M’enfin, ce n’est pas trop grave. Mon client sera ravi de s’amuser avec toi. Enfermez-le les gars. Demain à l’aube, nous l’exécuterons devant l’autel. » Secoué, le démon écarquilla les yeux. Toute cette histoire ne rimait à rien. Il ne pouvait pas finir ainsi. Pas maintenant..

Formulaire de la quête:

Ce doux baiser tactile l’avait extrait de ses songes. Il s’était bien reposé, étrangement. Malgré l’étroitesse de la cage dans laquelle il était muré, ainsi que la puanteur de la moisissure qui ratissait les murs et la faim qui le guettait, il était plutôt serein. Quand il regarda de plus près cette jeune femme, la seule réaction qui lui vint fut l’apparition d’un large sourire. Il ne la connaissait pas, et rien de ce qu’elle lui racontait ne paraissait contenir du sens. Pourtant elle était là pour le sortir d’ici, et même si son identité était floue, il n’avait d’autre choix que de suivre ses conseils à la lettre.

« Vous êtes bien gentille, Mademoiselle. J’ignore pourquoi vous prenez un tel risque, mais s’il s’avère que je parviens à sortir vivant d’ici, je vous en serais très reconnaissant. »

En dépit de son état préoccupant, l’homme instaurait tout un schéma scénaristique dans sa tête. Il s’évoquait à lui-même les multiples mesures disponibles qui le mèneraient à la sortie, comme si finalement, il revitalisait graduellement ses compétences déjà acquises par le passé. Toutefois, son effort fut aussi bref que brillant, puisque la seconde d’après son estomac le rappela à l’ordre. De retour dans la réalité, il toucha innocemment le visage de la jeune fille, tel un enfant animé par la curiosité du monde dans lequel il vivait. Sa dernière alerte fut néanmoins plus insaisissable que la précédente. S’il en comprenait le sens général, il se questionnait encore après son départ : pourquoi pensait-elle qu’on lui ferait du mal ?

Bientôt projeté par cette charade vide de signification, le claquement ferreux des bottes du garde s’interrompit dans la grande flaque qui gisait devant les barreaux. Les deux hommes se fixèrent dans le blanc des yeux un instant avant que celui-ci ne déverrouille la cellule.

« Magnus t’attend. Dépêche-toi. Ce type me fiche la chair de poule, et il n’est guère patient. »

Pour faire accélérer les choses, il sema sa lance dans les fesses du démon pour le convoyer jusqu’à ce soldat en question. Son nom ne lui disait rien et pourtant, sa renommée n’était plus à démontrer. Un ancien général de l’armée reconverti en parrain de l’interrogation. Beaucoup de monde sollicitait ses services lorsqu’on peinait à extraire quelques informations d’odieux criminels. Mais il travaillait en parallèle pour une organisation de grand banditisme qui devenait de plus en plus influente. Cet éminent personnage l’attendait dans un magnifique costume mauve taillé sur pièces. Le qualifier d’homme élégant était un pléonasme. Son œil droit, voilé par sa chevelure brune, laissait toutefois poindre des veines qui se mouvaient comme si d’atroces vers se trouvaient sous sa peau.

« Zane Azmog ! L’invité de marque par excellence. J’ai entendu beaucoup de rumeurs à votre sujet ces derniers temps. Il paraitrait même que vous avez engrossé cette s*l*pe d’Ultimage. Je ne vous tiens pas pour responsable de tous les maux de cette terre, rassurez-vous. Après tout, je ne suis pas ici pour des raisons personnelles. »

Le Démon venait à peine de s’en rendre compte, mais l’étrange entité était assise sur une chaise… en face d’une autre chaise. Il fit signe à ses laquais de l’installer. L’air ahuri de Zane n’était pas mimé par goût pour la comédie cette fois-ci. En revanche, il était pleinement conscient des risques qu’il encourait, notamment grâce à l’odeur de roussi qui se dégageait du local ainsi que les nombreux outils improbables qui trônaient sur la commode.

« Nous allons commencer. Laissez-nous messieurs. »

Les sbires quittèrent donc la pièce comme convenu tandis que l’homme, selon une attitude flegmatique, manipula les objets de torture qu’il avait à disposition. À l’aise avec les mécanismes, il y joignait même de ses pouvoirs pour rendre l’agonie plus éprouvante que jamais. Le Démon hurla de tout son être, se débattant dans tous les sens pour entreprendre par tous les moyens d’échapper à cette mort atroce et dégradante à laquelle il avait droit. Mais tout à coup, la bête parvint involontairement à relâcher une part de l’agressivité qui sommeillait en lui. C’était comme si la décharge avait accéléré le processus, si bien que son instinct primaire fit son grand retour. Écarquillant les yeux, le Monarque se libéra de ses entraves, brisant les liens qui la composaient avant de porter un terrible coup de tête dans la face du tortionnaire. L’attaque fut suffisamment inattendue et explosive pour lui accorder le délai nécessaire à sa fuite. Tel l’animal en cage qui sortait de sa prison, le fauve déploya intuitivement sa frénésie pour défaire la porte. Avec l’aspiration du survivant, il s’éclipsa dans les couloirs. Mais l’homme s’était déjà remis d’aplomb. Il le poursuivrait et neutraliserait sa traversée coute que coute. L’état de Zane était causé par l’adrénaline. Il ne tiendrait pas sur l’endurance.

Dans un effort de stupidité presque ingénieux, Zane parvenait à se défaire de ses poursuivants sans subir le moindre mal. Ses réactions impondérables associées à une conduite invraisemblable lui permettaient de dérouter ses ennemis avec une surprenante complaisance. Cette technique rappelait celle qu’utilisaient certains chevronnés dans l’ivresse la plus totale. Ainsi, c’est à base de glissades sur le ventre et rotations successives sur lui-même qu’il fila entre les doigts des gardes et autres rustres qui souhaitaient de tout cœur en intenter à sa vie. Toutefois, l’homme dépareillé se fit surprendre par cette grande main qui sangla sa gorge avec une puissance explosive. Le Démon tenta tant bien que mal de se délier de ces griffes infâmes en s'agitant dans tous les sens, poussant en concert des cris comparables à une bête acculée qui se savait prise au piège. Il avait beau sentir ses coups être portés, l’armoire à glace ne bougea pas d’un millimètre. Frapper une machine de métal se serait avéré plus fructueux. Fort heureusement, la créature au pelage blanc qui lui avait parlé plus tôt vint à sa rescousse pour le dissocier de la bête. Peinant à regagner sa respiration, il fit rapidement volteface en effectuant un saut en arrière. Les réflexes du Roi parvenaient parfois à reprendre le dessus en décrétant cette folie à son essence. C’était comme si un commutateur déclenchait aléatoirement une brève énergétique qui consentait à tout lui réapprendre .

« Hin hin hin…. Huh ? » Il posa son index contre sa narine en reniflant l'air, l’expression de ses yeux aussi vide que le néant. « Un oiseeeeaaauu. » Puis il se mit tout à coup à courir dans l’autre sens, fondant sur les hommes qui lui barraient la route comme un rhinocéros le ferait sur un tas de pommes : sans crainte. Au dernier moment, il freina soudainement en frappant brusquement du pied devant lui, puis il bifurqua en voyant comme son corps s’allonger. La fuite devait paraitre grotesque du point de vue des spectateurs. Et elle l’était. Toutefois, s’il est un homme qui ne devait pas être sous-estimé, c’était Magnus en personne. Tandis que ce dernier était de retour, chaste de toute blessure, il décida de laisser Shax et sa nouvelle amie en tête à tête. Lui avait déjà un coup d’avance. De son sourire en coin qui n’augurait rien de bon, le soldat mit les doigts sur sa tempe comme s’il était en train de contacter quelqu’un. Le mouvement imperceptible de ses lèvres semblait le confirmer.

Pendant ce temps, le Démon traversa la dernière ligne droite, passant au-delà de l’issue afin d’atterrir de l’autre côté, à l’extérieur du bâtiment. Sans s’arrêter pour autant, il continua sur sa lancée sans même se retourner. Il était libre. Il se savait hors de danger et était persuadé qu’il ne devait pas interrompre sa course incertaine. Peu importe ce qui se passerait pour cette femme. Honnêtement, il s’en fichait tant qu’il parvenait lui seul à survivre. Toutefois, cet espoir lui parut soudainement prématuré lorsqu’il s’aperçut sans doute un brin trop tard qu’il se trouvait à présent dans une forêt aussi dense que recouverte par la pénombre. À l’intérieur de celle-ci, une bourrasque se déclencha, soulevant une trainée de particules qui coupa la vue de l’homme. Après le déferlement de la tempête, un autre guerrier le toisa du regard, du haut de sa branche. Il était vêtu d’une drôle de manière, son habillement semblant appartenir à celle d’une secte ou quelque chose comme ça. De plus, il tenait un lapin mort par les pattes arrière. Une cicatrice était apparente sur ses lèvres. Non seulement il ne le fixait pas, mais en plus il était mutique.

« Spèce de connaaaaard ! Viens te battre si t’es un homme ! YOUUUUUUUUHH ! »

Tel hanté par une quantité hallucinante d’alcool qu’il n’avait pas consommé, Zane se jeta sur le braconnier en reproduisant un geste belliqueux qu’il avait probablement discerné un peu plus tôt. Sauf que compte tenu de sa faiblesse actuelle, son ennemi lui était largement supérieur. Et il ne plaisantant pas. Il esquiva aisément la charge avant de porter un coup de coude dévastateur sur les jointures de ses articulations. Le Démon poussa un cri si fort qu’il effraya bon nombre d’animaux aux alentours. Son bras avait complètement été disloqué. « … » Des applaudissements surgirent aux abords d’un retentissement lointain. « Jörgen ! Bien joué. La discrétion au profit du rendement. Merveilleux. » Magnus mit ses index et ses pouces l’un contre l’autre devant lui, un œil fermé. Un flash s’en suivit. « Saisie de l’image réussie. » Son pouvoir : la capture picturale. Il éternisait les moments de grâce, de beauté. De SA beauté. L'esthétique au nom de la violence. Mais alors qu’il provoquait l’extase de sa pose, le hurlement d’un loup se fit soudainement sentir. Krog intervint pile à ce moment pour s'élancer sur l’homme, mais la silhouette de celui-ci se troubla sans ressentir l’impact. « Inutile. Ce n’est qu’une illusion. Mon vrai corps est à l’abri en train de préparer le prochain acte. » La bête se dirigea instantanément vers Zane. « Comment quelqu’un comme toi a pu finir dans un état si pitoyable ? Je vais tenter de retenir les deux désaxés avant que les renforts n’arrivent. » Il pensait assurément à Mirari qu’il avait croisée lors de sa venue. Toutefois, le géant avait largement le niveau pour assurer la protection de son ami. Afin de prévenir de sa présence, il tonitrua à la mort avec une réelle sublimité.

En dépit du mal qui le rongeait, Zane prenait conscience de l’élitisme qui composait les troupes ennemies. Son père ne laissait jamais rien au hasard. Sensiblement comparable à une recette que l’on ne cesse de parfaire, il ajustait toujours les constituantes de son armée pour la rendre la plus effroyable possible. Jörgen et Magna étaient l’exemple même de ce qui se faisait de mieux en matière de soldat. Ils ne suivaient pas ses ordres aveuglément pour l’appât du gain. Ils le talonnaient, car il était capable de les guider vers le sommet des objectifs qu’ils s’étaient fixés. Au même titre qu’une déité pouvait le faire indirectement, ils croyaient fermement en lui. Le chasseur que combattait Krog de toutes ses forces constituait la crème de la crème dans le milieu. Le loup avait lutté contre de nombreux adversaires par le passé. Tous plus obstinés les uns que les autres, s’il avait accompli la plupart de ses bravades en compagnie de son maitre, il avait aussi agi seul en tant que mâle alpha de sa propre troupe. Pour défendre ses territoires, il s’était donné corps et âme durant des années. La bête du Diable était ainsi devenue non moins terrifiante que lui.

En confondant ses pouvoirs et en les employant de manières rationnelles et séquentielles, le Roi loup parvint non sans mal à les déstabiliser. Sa puissante mâchoire compressa même la jambe du trappeur tandis que le sang se fit jaillir en conséquence. Il hurla ensuite de toutes ses forces pour provoquer une onde de choc si terrible qu’il déclencha un éboulement. Amoindrissant sa taille de nouveau, il s’empara de Zane pour le mettre à l’abri, en contrebas d’un monticule de pierres menant à une caverne. Il retourna en second lieu sur les lieux du combat. De là, il ravit précipitamment Mirari qui était venue à leurs rescousses. « Ne risque pas ta peau aussi vainement, Mirari. Tu n’es pas de taille face à eux. » Peut-être manquait-il de tact, mais ses paroles étaient criantes de vérité. Quand bien même elle avait grandi depuis la dernière fois, les deux subordonnés étaient l’émissaire d’un homme, non, d’une créature jouant à un tout autre niveau. Ni lui ni elles ne pouvaient encore se permettre de les affronter en étant loyaux. Le réveil de Zane était déterminant pour conclure cette bataille. Ou alors…

« J’ai un plan. Mais je vais avoir besoin de toi pour le suivre à la lettre. Retournons le voir en attendant, je vais tout t’expliquer. » Le canidé slaloma avec grâce entre les arbres. Ses foulées élancées et sa trajectoire fluctuante n’avaient qu’un seul but ; brouiller les pistes afin de minimiser leur positionnement. En quelques secondes, il rejoignit le repère qu’il avait soigneusement préparé avant de secourir son ami. Zane était à l’intérieur. Son bras était certes en lambeaux, mais ça ne l’empêchait guère de somnoler tel un enfant étourdi. Krog s’assit à ses côtés, laissant le silence s’immiscer quelques secondes avant de reprendre de plus belle. « Dans l’état où il est, il ne tiendra pas la cadence bien longtemps. Quelqu’un doit lui prodiguer des soins intensifs. J’ignore jusqu’où vont les compétences de Takka et de ton autre ami, mais je ne prendrais pas le risque de les conduire à eux sans en savoir davantage. Non loin d’ici, au sommet du mont sous lequel on se trouve résident deux alliés de Zane. Ils sont particulièrement talentueux, c’est pourquoi je dois l’y emmener. »

Il s’approcha de la blanche, déposant sa grosse langue baveuse sur sa joue. Il la fixa ensuite quelques instants dans les yeux. « J’ai bien peur de devoir te solliciter pour un service de la plus haute importance, ma belle. Un job à la fois essentiel et extrêmement suicidaire. Un truc que toi seul peux réussir. » Et il était l’unique individu à pouvoir gravir cette colline en un temps record. Il se ferait sans doute pourchasser par l’un des deux hommes, mais sa ruse et son agilité allait delà de la norme. Il savait aussi qu’en dépit de l’état catastrophique dans lequel plongeait Mirari ne tarirait pas sa volonté. Durant toutes ces années où il l’avait observé, elle s’était toujours relevée face à Zane malgré l’immense étendue du fossé qui les séparait. Aujourd’hui, elle avait une fois de plus l’occasion de prouver que rien ni personne n’avait diminué la force de son caractère trempé. Le féroce mammifère agrippa alors l’un des pans de la tenue du démon pour le projeter sur son dos. Sa gueule recracha un pendentif au sol. Celui-ci contentait une mixture qui appartenait au Diable. Ses yeux — très semblables à ceux des hommes — baignèrent dans ceux de la Blanche. Un mouvement succinct de la tête lui fit part de tout le respect qu’il avait envers elle. Il ne pipa mot sur le contenu de la fiole. Elle savait sûrement à quel point ceci constituait sa seule chance d’en réchapper. Un dernier sourire et la bête disparue en quelques secondes, fin prêt à tout donner dans cette course pour sauver son alter ego.

Le canidé filait à l'image d'une furie foudroyante à travers les sommets que lui conférait la montagne. Il refusait de se retourner. Plus encore de perdre une seconde. Il gardait en tête ce que lui avait notifié Mirari sans pour autant écarter les risques que lui octroyait cette course effrénée. Jörgen était un survivant de la guerre qui avait œuvré dans l’ombre pour écraser ses adversaires par des manœuvres controversées. Mais il était bien plus que ça. Son sens de la stratégie militaire égalait celui des monarques, à tel point qu’il avait toujours une longueur d’avance quand il révélait son véritable pouvoir aux yeux du monde. Krog s’assurait de gagner du terrain en altérant son changement de taille de façon scrupuleuse. Tantôt géant, il prenait appui sur les minerais pour déclencher un éboulement. Tantôt réduit, il augmentait considérablement la fluidité de ses foulées pour pénétrer le sol avec davantage de stabilité. « Rrrrr. Ce type est plus collant que ce que je pensais. Dans ce cas… » Le loup plongea littéralement dans la roche en propulsant préalablement Zane dans les airs. Puis en se précipitant à hauteur du rayonnement solaire, celui-ci se concentra suffisamment pour projeter un éclat aveuglant sur le chasseur. Ce dernier couvrit ses yeux avec son avant-bras pour échapper partiellement à la cécité. Lorsqu’il les rouvrit, le tandem avait disparu. « … »  Un silence improbateur qui le contraint de rester sur place. Il observa l’horizon, non sans avoir une petite introspection pour la torture qu’il leur réservait.

Quand les deux complices rejoignirent le sommet, ils se pensaient à l’abri. Mais c’était sans compter sur la présence de l’individu qui les avait précédés. Son pouvoir, encore inconnu jusqu’ici, semblait les avoir supplantés sur la vitesse. « Grrrr. Il commence à m’emmerder celui-là. Reste sage le temps que je l’affronte. » Krog déposa son ami dans un coin, ses babines se retroussant afin de divulguer son effroyable dentition. Ses pattes écartées et ses coussinets semés dans la roche, le prédateur se rua à vive allure sur son opposant, son flanc frappant de plein fouet ce dernier avant de lui asséner un puissant coup de mâchoire au mollet. Son sang coula à flots tandis que leurs deux corps furent emportés dans le sillage de la rage des deux individus. Le chasseur invoqua un couteau dans chacune de ses mains puis les enfonça dans l’abdomen de la bête avant de lui retourner un puissant coup de pied dans la gueule pour se défaire de son emprise et le projeter suffisamment haut dans les airs. « Tempo » déclara doucement le pisteur en soufflant les deux syllabes. Comme si le temps venait de sauter, il se retrouva à son tour dans le ciel, son poing perforant une nouvelle fois la poitrine de ce dernier, ce qui engendra un féroce rugissement de sa part. Plus qu’affaibli par cet enchainement intensif, Krog perdit le contrôle de tous ses pouvoirs, sa carcasse glissant sur le sol, proche du vide que lui imposait la falaise. À sa suite, Jörgen fit jaillir une lance entre ses phalanges, après quoi il marcha lentement vers sa cible, mettant l’animal en joue avec l’intention de finir son travail. Toutefois, c’est à ce moment-là qu’un pentacle se dessina au-dessus de la tête de celui-ci, qui en sentant le danger leva les yeux vers le ciel. Une seconde plus tard, une impressionnante pression due à la magie qu’il libéra le cloua sévèrement au sol, désagrégeant même la roche aux alentours. Il ne fallait pas tergiverser des heures pour comprendre qu’il s’agissait en réalité d’un sort de gravité ultra précis. Il s’agissait d’un homme à l’apparence de vieillard pourvu d’une tenue opulente. « L’enfant devrait toujours s’asseoir face à l’adulte. Car c’est ainsi qu’il peut apprendre et contempler la grandeur d’un homme. hm. Tu n’es plus rien désormais. »

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Quelques instants plus tard, sur-le-champ de bataille où Mirari et sa bande affrontaient les mercenaires venues à sa poursuite, la chute d’un homme provenant du ciel créa un énorme brouhaha en plus d'une secousse sismique. Zane avait surgi sur Magnus, entreprenant une posture digne d’un chef en serrant ses poignets et en le paralysant pour lui bloquer toutes représailles. Oui, le Monarque avait retrouvé sa vigueur d’antan, du moins en partie. « Alors, Mirari, on est venu porter secours à son mentor adoré ? Hé hé hé. Laissez-moi vous sauver les fesses en contrepartie, les amateurs. À TOI, DRAVEN ! » Le second allié du démon se trouvait dans les airs, à marcher dans le ciel comme un funambule très à l’aise. L’apparence burlesque de celui-ci n’était pas sans rappeler celui d’un magicien aux extravagances incomprises. Joignant cet apriori à ses actes, le soldat jeta une pléthore de cartes vers la foule d’individus. Celles-ci dressèrent un vaste cercle tout autour d’eux. « Accrooooochez-vous, mesdames et messieurs ! Le voyage, c’est maintenant ! » Tous les alliés de Zane et lui y compris se volatilisèrent simultanément. Ils furent ainsi transportés dans un immense repaire assez luxueux. Pour certains, la téléportation s’était déroulée sans accrocs. Mais ce n’était pas le cas de tout le monde. Les deux camarades du démon étaient bien évidemment présents. Hendrickson de son nom, était déjà en train de soigner le loup. Quant à l’autre, il fixait chaque protagoniste dans le blanc des yeux, sa langue glissant sur le pourtour de ses lèvres, alors qu’il manipulait des sortes de fils à l’extrémité de ses doigts. « Je peux les buter ? »  Zane apparu derrière lui en posant sa main sur son épaule. « Pas encore. » Il s’installa ensuite devant l’assemblé en prenant place sur un fauteuil rouge ornée de dorures. « Racontez-moi tout. Et n’omettez aucun détail. Je veux tout savoir, y compris la raison derrière la composition de cette équipe de bras cassés. » Le démon figea son regard sur la blanche. Elle avait tout intérêt à ne pas trop se donner en spectacle.


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