Musique

« Vous êtes une drôle de femme. » fit l’homme en essayant de garder la posture. Mitsuko lui jeta un coup d’œil avant de sourire. Après quelques secondes, elle demanda : « Et pourquoi donc ? ». « Vous ne semblez pas peinée de la mort de votre époux. ». Un petit sourire apparut sur les traits de la Comtesse. « Vous n’avez pas l’air non plus de souffrir particulièrement de votre trépas prochain, si je puis me permettre. ». « Je suppose que je suis trop âgé pour cela. ». « Ainsi, nous sommes deux. » fit-elle en amenant élégamment le pinceau sur la toile qu’elle peignait. « Vous peignez depuis longtemps ? » demanda-t-il pour changer de sujet. Il s’était mis en tête de la faire parler sur le Comte mais chaque chose en son temps. « Plutôt oui. Cependant, je compte sur votre discrétion quant à mon identité. ». « Pourquoi cela ? ». « Je déteste être à la lumière. Ma place est parmi les ombres, à fixer le monde vivre selon les règles que je lui dicte. ». L’homme ne put empêcher d’émettre un petit rire. « Au moins vous avez le sens de l’humour. Ce cher Comte Vaughan a dû être comblé… ce qui n’a pas empêché son suicide. ». Elle sourit de nouveau, ses lèvres rouges indiquant qu’elle trouvait la suite de ses idées intéressantes. À n’en point douter, il était un homme intelligent, qui savait obtenir ce qu’il voulait. « L’amour peut conduire à la mort, vous savez. À trop aimer et désirer, c’est une laisse destructrice et impitoyable que l’on récolte. ». « Votre vision de l’amour est particulière. ». « Je ne crois pas en l’amour. ». « À quoi croyez-vous alors ? ». « À la raison, la logique, la connaissance et… la science. ». « Une Magicienne bien triste. ». « Oh non. Les autres sont la seule source de tristesse. La trahison provient toujours des individus en qui l’on a confiance et que l’on aime. La folie naît d’un amour trop fort porté à un être qui se plaît à torturer l’esprit de celui qui a fait l’erreur de lui donner son cœur. Regardez ces grands Monarques, réduits à néant, ravageant le Monde pour les courbes d’une femme, se déchirant eux-mêmes, devenant complètement déments... L’Histoire regorge d’événements tragiques, provoqués par les sentiments. Ils sont destructeurs. ». « Mais aussi créateurs. ». Elle sourit de nouveau. « Aimer est un risque que beaucoup prennent. Ce n’est pas mon cas. J’aime simplement paraître. ». Elle s’arrêta un instant, mélangeant les couleurs pour donner la teinte parfaite, celle qu’elle voulait. « Vous ne pouvez pas ne rien ressentir. ». Elle porta le bout du manche du pinceau sur sa lèvre inférieure, réfléchissant aux éléments du décor qu’elle souhaitait rajouter. « Certes mais j’éprouve uniquement ce qu’il me sied de ressentir. Si je décide de vous aimer, alors je vous aimerai. Si je décide de vous désirer, alors je vous désirerai. Je pourrai faire de n’importe quel homme un homme comblé... ». Ou arracher le cœur de cet homme sans ciller. Le Nylmord la regardait, quelque peu surpris par ses propos. Mitsuko n’en avait cure. Il allait mourir bientôt et elle était toujours beaucoup plus bavarde avec ceux qui étaient en chemin vers le Royaume des Abîmes et l’Au-Delà, quitte à les choquer. « Le fait est que les hommes qui ont souhaité m’approcher, me dompter, ont tous fini fous à lier. Aimer une femme au cœur de glace revient à se faire transpercer le corps et l’esprit. Aimer une femme empoisonnée revient à plonger dans les abysses de la souffrance. Je ne suis pas de celles à qui il est sage de s’attacher. Je n’offre que des chimères, un semblant de bonheur qu’une pulsion, parfois, me pousse à détruire. J’aime trop dominer et contrôler pour perdre pied bien longtemps. ». Il l’écoutait attentivement, se demandant si la Comtesse n’était, en réalité, pas une Sorcière qui s’ignorait. « Je sais ce que vous vous dîtes : cette femme est d’une franchise à toute épreuve. Elle paraît terrible, malsaine et perverse. Seulement, après notre rencontre, alors que vous réfléchirez à votre descendance, vous ne pourrez pas vous empêcher de penser à moi. Le Monde n’a pas besoin de vérités. Il a besoin d’illusions. Sinon, pourquoi l’Impératrice Blanche cacherait-elle son visage ? Pourquoi étoufferait-elle son identité et son sang ? Pourquoi dissimulerait-elle même les rêves qui l’assaillent ? ». Le visage du Nylmord se crispa. « Vous savez très bien que les êtres ne sont que les masques qu’ils veulent bien porter. Pour autant, ils restent prévisibles, liés par les fils d’une intrigue complexe qu’il suffit de comprendre et d’articuler pour se hisser au-dessus de tous. ». Elle sourit, posant son pinceau. « Ne vous inquiétez pas. Les Dieux n’aiment pas trop que l’on joue dans leur cour. Ils punissent les orgueilleux et les Mortels qui s’approchent de la vérité ; ou les invitent à entrer dans leur rang. ». Elle se leva. « J’aime que l’on me punisse. Cela m’empêche d’oublier que je suis en vie et que les barrières existent. » fit-elle en retournant la toile. « Il n’y a que dans les rêves qu’elles ont été annihilées, pour permettre aux envies les plus folles de s’accomplir sans jamais avoir à ôter son masque. Dîtes le à la Reine. Le jour où ses rêves deviendront réalité, elle ne pourra plus faire semblant. ». À vrai dire, l’homme ne savait plus que répliquer. Que cela soit le discours de la Comtesse ou la scène qu’elle avait représenté, cette rencontre paraissait irréelle. Sur la toile, il figurait bien, mais à une toute autre époque, lors d’une bataille que le temps avait oubliée. Et, pourtant, l’illustration de ce qu’il s’y était déroulé était parfaite. En bas, à droite, la signature de l’artiste le laissa pantois. « Le Maître du Jeu. ».

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Assise sur un large divan vert, vêtue simplement d'une chemise de lin et d'un pantalon en cuir, Mancinia avait relevée ses cheveux en chignon, se retrouvant dans une vaste pièce à attendre que l'intéressé arrive. Elle était de passage dans la région lorsqu'elle avait appris la nouvelle, s'accordant ce détour sur son chemin. À dire vrai, ce n'était pas l'idée de la récompense qui l'avait séduite et conduite en ces lieux. C'était une Humaine et ses ambitions étaient tournées vers les siens. C'était l'opportunité. Celle de discuter avec le Nylmord. La dernière fois qu'elle l'avait vu, c'était au Palais de Cael, aux côtés de la Reine Blanche et de Raeden Liddell. C'était quelques heures avant qu'une pluie sanglante ne s'abatte sur la ville. Ils étaient tous en guerre. Ce devait lui paraître loin, là où cet événement ne datait que de l'année précédente pour elle. Sans doute l'avait-il même oubliée, puisque, après tout, elle n'était rien pour un Magicien aussi respectable que lui. Et les années étaient passées, son nom devait être tomber dans l'oubli. Mancinia n'était plus certaine de ce qu'elle avait, ou avait eu. Elle remettrait ses affaires en ordre en découvrant Qaixopia, mais pour l'heure, ces vérifications étaient secondaires, alors qu'elle était en chemin pour retrouver Neah. On lui pardonnerait cette fuite après son éveil, mais ce besoin de savoir était irrépressible. Pourtant, découvrir que plusieurs Chanceliers d'Ivoire étaient sur le point de rendre leur dernier souffle avait quelque chose de déroutant.

Que le Nylmord ne soit plus avait quelque chose d'étrange à ses yeux pour n'avoir vu et connu que ce visage à cette position. Qu'il était étrange la longévité dont pouvait faire preuve certains personnages, la Magie avait quelque chose de fascinant et d'effrayant. N'avait-elle pas vue l'étendue de son propre talent plusieurs fois de suite, avec ce don caché dans sa main ? Les Magiciens étaient doués dans ces arts, en quoi cela était-il si surprenant ? Est-ce qu'il saurait deviner rien qu'en voyant ce tatouage ? Ce n'était pas impossible, mais peu lui importait. Il ne lui arracherait pas le bras pour s'en emparer, si toutefois, cet acte était possible vu l'incongruité de la chose. Surtout que la confiance régnait. Depuis son enfance, les Magiciens étaient sans doute ceux qui acceptaient le plus les Humains, en dehors des Anges. Même si son Antimagie leur donnait des grimaces amusantes. S'était-elle encore renforcée dans cette pyramide ? Qui sait. C'est alors qu'il vint. Même si elle le regardait sans baisser les yeux, sa présence avait quelque chose d'écrasante, mais pour autant, il dégageait une aura apaisante qui ne pouvait que mettre en confiance ceux en sa présence. Sincèrement, que pouvait-elle bien lui dire ?

— Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi. Mon âme était endormie durant cette dernière décennie.

Pourtant, Mancinia était convaincue qu'il savait.

— Je crois ne pas avoir énormément changer depuis notre dernière rencontre. Je suis toujours avide de découvertes et l'envie de coller mon poing dans le nez d'un Démon demeure intact. Une vraie Matasif.

Ce titre, lui, était resté. Les Humains qui l'avaient connue autrefois la dénommait encore ainsi, même ceux qui étaient plus jeunes ne semblaient pas oublier les services qu'elle avait rendus.

— Même si l'instant ne m'a paru qu'être une nuit, je suis affaiblie de cette décennie dans les limbes. Je ne saurai rien vous montrer d'impressionnant. Juste, peut-être, vous offrir quelque chose.

Se redressant, elle ne faisait que ce déplacer d'un point de la pièce à un autre, où l'attendait un matériel pointu. Les serviteurs du Nylmord, très agréables et professionnels, lui avaient préparer les instruments demander, prenant le temps de lui expliquer comment certains marchaient. La technologie ne l'avait guère attendu non plus. Ça avait l'air très lourd et très impressionnant. C'était son univers, son domaine de création.

— C'est mon art. Je suis Joaillière, spécialisée en Sertissage. Je ne pourrai sans doute rien vous offrir à l'avenir, alors, laissez-moi vous fabriquer quelque chose de mes mains.

Sans doute que ce travail était long au regard des autres, mais pour elle, chaque étape était une découverte, un investissement agréable et les heures ne comptaient pas. Ce que Mancinia créait était un pendentif en argent, en forme de goutte. Simple, sans être discret, car ouvert pour être parsemé de détails. Une fois la pièce de base coulée en métal, elle y soude les parties à ajouter, reliant à une fine chaîne d'argent en maillons avant de conclure par la finition, ayant une symbolique de continuité dans son détail et comprenant des grenats rouges de différentes grosseurs, représentant un arbre généalogique. Une chose dont l'homme qui l'observait était dépourvu, mais qui cherchait à faire perdurer son nom et sa mémoire en les rencontrant tous. D'une certaine manière, cette entrevue resterait dans sa mémoire. Elle serait aussi un maillon pour la suite de son existence à l'égard de cet ouvrage.

— J'aime énormément mon travail. Il me permet de réfléchir.

Communiquer servait-il réellement ? Elle savait que son art était beau. Plus plaisant à regarder qu'à comprendre. L'endroit était silencieux, concentrée sur son travail, il l'observait. Que devait-il penser ? Chancelante et maladroite, elle l'était, mais la précision se ressentait dans ses mains. Elles n'avaient pas oubliées les gestes de sertissage. Non. Cela aurait été du gâchis. Il ne lui restait ensuite qu'à sertir les grenats aux endroits voulus. On voit ses sertissages dits dans la masse, qui abaissent les pierres au même niveau que le métal. Une fois terminé, le métal est poli et texturé par endroits sous ces derniers gestes. Mancinia sourit en se relevant de la table lui ayant servi dans l'accomplissement de sa démonstration.

— J'ai aussi quelque chose en plus que ceux de ma race, dit-elle avec désinvolture. Ceci est ma magie.

L'Humaine tenait la chaîne du bout des doigts de sa main droite, la paume relevée vers le Nylmord, sans qu'il ne puisse réellement voir le tatouage gravé sur le dos de sa main. Dans un sens, elle ne mentait pas.

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Merci, c'était sympa à écrire

Le Nylmord … Rien de moins que cela. On peut dire que vous avez … Ou plutôt, aviez de l'ambition. C'est pas tous les jours que l'on rencontre quelqu'un qui veut devenir l'un des conseillers privilégié de l'Ultimage. ~ Et ce n'est pas tous les jours que l'on se retrouve dans la tête d'un Chaman ~. Ah ça … En même temps, on n'est pas non plus le peuple le plus connu des Terres du Yin et du Yang et nos … Compétences restent plutôt entre nous. color=grey]~ J'étais un érudit et je ne m'étais jamais douté du monde qui m'attendait après la mort, pas à ce point là.~ [/color] Ne vous en faites pas, on n'est pas du genre à le crier sur tous les toits non plus. Bon, revenons-en à nos moutons. Vous êtes sur que les candidats non Magiciens peuvent participer ? Parce que j'ai pas vraiment envie de me faire jeter à la porte ou refuser l'accès à cause d'informations erronées. D'ailleurs, vous savez en quoi consiste exactement le rendez vous ? Vous n'avez pas vraiment donné de détail au tribunal. ~ Bah … En fait … Pas vraiment … ~ Pas vraiment ? Comment ça, pas vraiment ? ~ Le soucis, c'est que je suis mort en me rendant justement à la pèche aux informations. Mais ce n'est pas grave. L'important c'est de participer. Et puis ça, ne doit pas être bien compliqué si c'est ouvert à tous.~ . Mouai, on va dire ça.

Bonjour. Je viens pour voir le Nylmord. C'est pour les entretiens.

Veuillez patienter, je vais voir s'il peut vous recevoir.

Très bien, merci.

Vous êtes prêt ? Ce n'est plus le moment de reculer maintenant. Je puiserai dans vos souvenirs pendant tout le temps que ça durera. Et sinon, je vous laisserai répondre. Il ne faut juste pas qu'il apprenne que vous êtes mort. ~ Et s'il sent qu'on lui ment, on fait comment ? ~ Qu'on lui ment ? ~ Bah oui .. Vous allez vous faire passer pour moi alors que vous n'êtes pas moi ~ Ne vous inquiétez pas … Je suis à la fois vous et moi. Nous sommes l'un dans l'autre et l'un et l'autre. S'il peut détecter les mensonges, cela risque de le perturber un peu, mais c'est tout. Enfin, j'espère. Et au pire du pire, on trouvera bien une explication à lui donner. Mais arrêtons de nous en faire pour ça. Concentrons nous. On ne doit réellement faire plus qu'un. Un seul corps, un seul mouvement, une seule pensée. Et tout se passera bien. Vous aurez respecté votre parole. Je ferai en sorte que votre village l'apprenne d'une façon ou d'une autre.

Monsieur, le Nylmord va vous recevoir. Suivez moi.

Merci

Ca y est. C'est parti. Se présenter à lui avec les respects en vigueur chez les Magiciens. Ne surtout pas oublier de se présenter sous votre nom et non sous le mien.

Je m'appelle Hector Norway. Je viens d'un petit village perdu au fin fond des terres du Lac Bleu. J'ai perdu mes parents très jeune et je n'avais pas d'autre famille. Au lieu de me placer dans un orphelinat, les villageois décidèrent de tous s'occuper de moi. Ils devinrent ma famille. Ils allèrent même jusqu'à me payer des études plus poussée. Grâce à eux, je suis devenu érudit. Je suis parti quelques temps en voyage pour en apprendre plus sur le monde, sur les autres races et pas seulement avec les livres mais dans la vrai vie. J'ai vu des choses magnifiques et d'autres inimaginables. Quand je suis revenu, j'ai décidé de mettre le reste de ma vie à leur service, pour leur rendre tout ce qu'ils m'ont offert.

Voila. Pour le moment, tout se passe bien. Continuons comme ça.

Si je suis venu aujourd'hui, c'est pour eux. Je veux les rendre fiers et surtout, leur venir en aide à mon tour.

... Hein ? Faire une représentation d'une façon ou d'une autre de ma vie ? Enfin, de la votre ? Vous avez une idée. ~ On pourrait chanter une ballade ou quelque chose du genre ~ Je ne veux pas vous décevoir mais il faut oublier le chant. Tout ce qu'on arrivera à faire avec ma voix, c'est faire saigner les oreilles de ce pauvre homme. Il faut trouver autre chose. ~ Quant un problème me tracassait, j'avais pris l'habitude de faire de la poterie ou en tout cas des sculptures en terre cuite, pour me détendre.~ Très bien. Faisons ça.

Serait-ce possible d'avoir un peu d'argile ? Merci

Qu'allons nous faire ? ~ Des figurines.~ Des figurines ? ~ Oui. Une pour chaque villageois de chez moi. Je les connais par cœur. Ca sera ma façon à moi de leur rendre hommage. Puis, ne vous inquiétez pas, ils ne sont pas si nombreux que ça.~ Bien. Par contre, n'oubliez pas que je suis aveugle, donc vous allez devoir faire appel uniquement à votre mémoire. Pour le reste, les sensations et tout, pas de panique, j'ai l'habitude. Vous n'aurez qu'à puiser dans mon expérience. Ah … Voila qu'ils nous ramènent ce que nous avons demandé. Maintenant, c'est à nous de jouer. … Hé, du calme, vous me faites trembler les mains. Respirez un bon coup ~ Je suis mort, je peux pas res... ~ Je sais. C'était une façon de parler. Enfin, de penser. Faites lui connaître votre village.

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