"Ouai! Encore gagné!"

Des éclats de rire accompagnèrent cette acclamation crié par un adolescent d'une quinzaine d'année au béret porté de travers. Le regard vairon d'un Orisha adossé contre le mur à l'extérieur du château se teinta d'un mépris à peine caché. Kirvak détestait les élèves du Charbon, comme quasiment tous les autres élèves d'ailleurs. Il avait du mal aussi avec ceux de son propre département mais ceux du Charbon étaient ceux qui l'agaçaient le plus. Ils passaient leur temps à crier, à parler fort et à se bousculer comme des brutes. Et puis ils étaient toujours en groupe, à croire qu'ils étaient incapables de marcher tout seul. Le jeune Sforza les évitait dès qu'ils le pouvaient car les Charbonneux avaient la fâcheuse tendance de parler ou de mettre au défi tout ceux qui croisaient leur chemin, et particulièrement ceux qui étaient seuls. Et Kirvak était toujours seul. A l'heure de la pause, il s'adossait donc tranquillement contre un mur d'enceinte pour observer les chahuts autour de lui, ces quelques minutes d'observation silencieuse lui faisait du bien et on ne venait généralement pas l'embêter. Du moins jusqu'à aujourd'hui. Tandis que les yeux rouge et gris de l'adolescent suivaient le groupe de jeunes qui s'amusaient à sprinter sur une centaine de mètres en se bousculant, il n'avait pas vu approcher un Bélua qui le poussa avec un sourire carnassier:

"Hé, j'te vois à chaque fois sur ce mur. Les gars de l'Obsidienne sont pas capables de courir un sprint ou d'attraper une balle c'est ça?"

Kirvak lui jeta un regard meurtrier et s'apprêta à lui répondre froidement qu'il était bien au-dessus d'eux pour daigner se mélanger mais il venait de se rendre compte que le groupe s'était figé derrière eux. L'Orisha n'était pas stupide, il n'y avait pas de professeur dans les parages, un faux pas pouvait très bien l'amener à se faire prendre à parti par ces brutes sans cervelle et ils étaient bougrement nombreux. L'adolescent prit une inspiration et se força à sourire, chose qui était très peu naturelle pour lui.

"L'Obsidienne n'a rien à envier aux autre départements. Je peux le prouver."

Il avait une voix détachée comme s'il ne parlait que parce qu'il s'y sentait obligé, ce qui était exactement le cas. La situation l'exigeait bien qu'il n'ait aucune envie de répondre à ce sauvage énergumène. Comme il s'y attendait, le Bélua rétorqua:

"Ouai, ben t'as qu'à choisir un adversaire, t'as l'embarras du choix, personne n'aura peur de courir contre l'Obsidienne contrairement à ceux du Charbon, pas vrai les gars?"

Des affirmations montèrent derrière lui et même s'ils n'avaient pas tous leurs bérets avec les insignes, les charbonneux étaient facilement reconnaissable. Kirvak chercha donc des yeux un autre département, il ne voulait pas se mesurer à ces imbéciles. Son regard se fixa sur un garçon à la chevelure argentée qui avait l'air d'avoir son âge. Il ne savait pas pourquoi, il avait envie de courir contre lui. Il le montra du doigt dans un geste lent et flegmatique avant de dire:

"Si tu n'as pas trop peur."

La provocation devrait faire son effet... Du moins l'espérait-il. Kirvak abandonna son morceau de mur et s'avança doucement. Il étira les muscles fins de ses bras et fourra son béret dans son sac. Il ne perdrait cette course pour rien au monde. L'Obsidienne était le département le plus détesté et Vak souhaitait qu'il le reste, quoi de mieux que gagner pour que ce soit le cas?