Disparu à l'horizon depuis longtemps, le soleil continuait de caresser les paysages des Terres du Yin et du Yang d'une lumière de plus en plus terne. Le jour ne serait qu'un lointain souvenir d'ici quelques minutes. Mitsuko était debout sur un rocher. Une canne à pêche à la main, elle souhaitait attraper de quoi dîner. Malheureusement, il semblait que les proies ne soient guère nombreuses à souhaiter mordre à l’hameçon. La jeune femme n'avait jamais aimé tuer les animaux mais, à vrai dire, elle n'était pas non plus une défenderesse totalitaire. Il fallait tuer pour se nourrir, c'était le cycle de la vie. En réalité, elle n'avait besoin que de peu. Du haut de son un mètre cinquante sept, son poids était proportionnel à sa taille et ses muscles étaient aussi inexistants que la soleil à ce moment précis. Sa faiblesse pouvait être un avantage comme un inconvénient, tout dépendait du contexte. Les individus qui gravitaient autour d'elle cherchaient souvent à l'aider sans qu'elle ne le demande. En contrepartie, lorsqu'elle était seule ou que des êtres malintentionnés s'en prenaient à sa personne, les choses devenaient toujours plus problématiques. Inspirant comme pour donner plus de portée à son soupir, elle passa sa main libre sur son front. Elle ne mangerait rien ce soir si les choses continuaient ainsi. Elle avait bien cueillis quelques mûres un peu plus loin sur le chemin mais son ventre risquait de lui jouer une douce symphonie de grognements divers et variés. Heureusement, il faisait bon. Dormir à la belle étoile n'était agréable que lorsque le temps y mettait du sien.
Vêtue d'une robe marron qu'elle avait trouvé dans un petit village voisin, un tablier beige venait serrer sa taille, un nœud papillon le maintenant dans son dos. Les cheveux attachés, la tresse qui descendait dans le bas de son dos n'était pas serrée, laissant onduler quelques boucles à l'extérieur de la coiffure. « Hum... » fit-elle en se demandant si elle devrait, ou non, arrêter ce qu'elle faisait. Elle se pencha un peu plus comme pour admirer les eaux. Avec la nuit, il était difficile d'y voir quoi que ce soit. Sa chaussure glissa et après quelques secondes où elle crut qu'elle pourrait se rattraper, Mitsuko finit dans l'eau. Se redressant après avoir bu la tasse, elle toussa quelques fois avant que les choses n'aillent mieux. Le silence de la nuit fut rapidement rétabli. Sa canne à pêche partait doucement avec le courant et, à vrai dire, elle décida de la laisser filer. Après tout, elle n'avait jamais été très douée dans ce genre d'activités.
Se laissant à présent aller en arrière, son corps se détendit dans l'eau tiède. Elle retint sa respiration pour flotter à la surface plus facilement et se mit à contempler le ciel, respirant de temps en temps. Les étoiles lui rappelaient les merveilles dont étaient capables certaines races. Depuis combien de temps un être ne lui avait pas pris la main pour l'amener au pays des rêves les plus somptueux ? Depuis combien de temps était-elle ici à contempler une réalité morne et triste ? Avait-elle été un jour la femme faite de la même matière que les rêves ou tout ce qu'elle pensait connaître de sa personne n'était que fantasme ? Le doute était permis. Était-elle cruelle et froide ? Était-elle sensible et bénéfique ? Ce qu'elle souhaitait, c'était toucher du doigt la Beauté comme jadis. Elle désirait être transcendée par les merveilles dont serait capable un être.
Aussi, elle finit par fermer les yeux, se laissant guider par le courant de la rivière comme si son corps flottait dans l'espace et dans le temps. Cette perte de contrôle momentanée lui était bénéfique. Elle se sentait différente, vraie, vivante. Le courant entre ses doigts lui soufflait qu'elle existait. Elle n'entendait plus aucun bruit, si ce n'était celui, sourd, de l'eau. Les oreilles enfouies, il aurait pu se passer n'importe quoi qu'elle ne s'en serait pas aperçue. Elle rêvait éveillée, simplement, un petit sourire sur le visage. Elle ignorait où elle se trouvait mais elle y penserait plus tard. Elle n'aurait qu'à remonter le courant pour retrouver ses affaires. Il lui faudrait également retirer ses vêtements pour les faire sécher durant la nuit car, même si elle avait une couverture avec elle, c'était son unique tenue. En faisant un feu, à supposer qu'elle y arrive, le tout serait vite sec. Et puis, quelle importance ? La vie était trop courte pour se préoccuper de choses si insignifiantes.
Lorsque son pied gauche percuta quelque chose, elle ouvrit les yeux. Il semblait que les rêves ne soient pas faits pour durer éternellement.
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Dim 10 Juil 2016, 15:09
Soirée de rêve
Rosa et son maitre trottaient à toute allure sur une route pavé. Les sabots de la belle jument qui claquaient sur le matériau composaient le refrain à un rythme effréné, Damon la tenant solidement par les rennes afin de modérer sa course. La crinière au gré du vent, c’est un souffle de fraicheur qui couvrait l’intégrité des pores de sa peau blafarde. L’épée en acier défait de son fourreau, l’apprenti vampire laissa son revers s’exprimer après un mouvement latéral bien réalisé. Le tranchant de sa lame intercepta le poitrail d’une créature filiforme qui expira sur le coup, son corps à demi raccourci tombant comme une pierre. En tirant d’un coup sur la corde, il calma les ardeurs de la belle pour qu’elle se stoppe en contrebas. Le vampire avait pris l’habitude de vérifier l’état de ses proies avant de tirer des conclusions qui pouvaient s’avérer parfois trop hâtives. Il tenait ces leçons de son ancien mentor, un membre de la famille Malkavian qui avait aujourd’hui disparu. En se penchant, il examina minutieusement la bête pour tenter d’identifier son espèce. Pour devenir un chasseur hors pair, il essayait d’approfondir ses connaissances tout en développant les informations qu’on trouvait généralement dans les bestiaires. Il débutait, c’est pourquoi il lui arrivait souvent de se méprendre en croyant avoir affaire une espèce alors qu’elle était toute autre en réalité.
- Une mande… Bredouilla-il d’une voix sépulcrale.
L’entaille qu’il lui avait infligée avait littéralement scinder son cœur ainsi qu’une grande partie de ses autres organes. Il était mort sur le coup. Par contre, il fronça les sourcils quand quelque chose attira son attention à portée de sa gueule. Elle remuait d’une façon étrange, comme si quelque chose essayait d’en sortir par tous les moyens. Indécis, il plaça ses deux mains enrobées dans des gants de velours pour forcer l’ouverture de la cavité. Au détriment de quelques contractions, il déboita la mâchoire fermement résignée à rester close. Il réprima un léger sursaut lorsqu’un oiseau aux couleurs luminescentes s’échappa de son isolement buccal. Des motifs aux propriétés magiques estampaient son plumage. Il n’avait jamais rien vu de similaire se produire. Damon était persuadé que cet oiseau taisait des secrets qu’il lui fallait découvrir. Quelque chose ne tournait pas rond, et il était bien déterminé à savoir quoi. Il se précipita pour se relever et revenir auprès de Rosa sur laquelle il monta aussi vite qu’il était descendu. Après avoir investi son épée dans son fourreau, il attrapa les rennes pour amener sa fidèle monture à suivre le sujet. Il devait suivre cet oiseau, qu’importe où il se rendait, il ne devait pas le lâcher d’une semelle. La jument n’avait aucun mal à tenir la distance en restant à ses côtés, du moins jusqu’à ce que celui-ci s’engouffre dans une végétation particulièrement épaisse qui empêchait Rosa de s’y enfoncer. Tant pis, il ne pouvait pas se permettre de lâcher sa prise pour si peu. Il quitta le dos de sa jument et se lança à sa poursuite en solo. Il mit ses deux bras devant lui pour se protéger contre les branches ou autres épines qui l’habitaient. Après une longue bataille contre des ronces, il trouva enfin la sortie. Le volatile continuait de le distancer encore un peu plus, mais plus pour longtemps. Damon ne perdit pas une seconde pour se lancer férocement dans sa direction. Il freina brusquement lorsque sa cible se posa sur une brindille, de l’autre côté de la rivière qui s’écoulait dans une douceur proche de l’onirisme. Il venait tout juste de s’en rendre compte, mais cet endroit était assez charmant, perdu au milieu de nulle part dans un assortiment de romantisme et de brillance. Par ses piaillements, les raisons de sa présence le ramenèrent aux raisons de sa présence. Damon n’avait pas le choix. Pour passer, il devait franchir la rivière. Il s’affala sur les fesses puis commença à dégager ce qui était trop encombrant, tel que ses bottes ou encore sa protection de maille. Il piqua ensuite une tête dans l’eau, sauf que tout ne se passa pas exactement comme prévu. Le vampire se sentit souffrant, sa vision se troublait et il perdit conscience quelques instants après. C’était le noir sidéral lorsque quelque chose le percuta au visage, le ranimant. Il prit quelques secondes pour reprendre ses esprits et distinguer la présence de cette jeune femme à ses côtés. Il paniqua lorsqu’il prit conscience que son masque avait disparu.
- Que faites-vous ici ? Vous ne devriez pas être là ! Partez ! Pesta-t-il sèchement.
Il savait qu’en présence d’une femme il pouvait céder à la tentation et lui faire du mal. Il avait déjà vécu l’expérience et s’était même surpris à aimer cette autre facette de sa personnlité. Elle semblait si faible qu’elle ne pourrait vraisemblablement pas le rejeter s’il se jetait sur elle. Il devait combattre son appétit. En même temps, en avait-il vraiment envie ?
À en croire la texture, il s'agissait de quelqu'un. La jeune femme attendit quelques secondes avant de dégager son pied, se redressant par la même occasion. Trempée, on ne pouvait pas dire que l'état de son futur interlocuteur soit bien différent du sien. Il semblait même plutôt mal en point. Il était vivant, c'était déjà ça, même si cela ne l'aurait pas dérangée le moins du monde s'il avait été mort. Beaucoup d'individus mourraient chaque jour et elle n'était pas de celles à s'apitoyer sur le sort des inconnus. Un animal mort de la main de l'homme lui faisait toujours de la peine alors qu'un homme mort des griffes d'un animal ou d'un de ses semblables ne l'intéressait pas réellement. Lorsqu'il pesta contre elle, un petit sourire apparut sur son visage, quelques secondes après que la surprise se soit déclarée. « Je ne devrais pas être là ? » répéta-t-elle en mettant ses mains sur ses hanches. « Et depuis quand la rivière est une propriété privée ? » demanda-t-elle alors sur un ton qui laissait clairement supposé qu'elle se savait dans son droit de se tenir ici. Elle le regarda un peu plus en détails, observant de ses yeux émeraudes les cicatrices qui balafraient ses traits. « Hum... ». Avec sa taille et son caractère on ne peut plus brutal elle pariait sur... « Vous êtes un guerrier n'est ce pas ? ». Elle n'avait aucune idée de la réalité de la chose. Cela dit, il combattait. Quoi ? Ça restait à déterminer. Elle contempla les environs, voyant qu'il avait laissé ses vêtements sur la berge. Il devait donc essayer de traverser avant leur rencontre pour atteindre quelque chose et, ensuite, vraisemblablement, repartir. À moins qu'il fut en train de se baigner ? Elle sourit. Ce n'était pas l'hygiène qui habitait l'âme des guerriers en temps normal. Son regard se posa ensuite sur l'autre rive où un oiseau aux couleurs chatoyantes se trouvait. « Si c'est lui que vous souhaitez attraper, vous perdez votre temps. Mon père me racontait des histoires à son propos lorsque j'étais enfant. Il disait qu'il prédisait une rencontre significative ou qu'il était le messager des Dieux. Selon lui, quiconque essayait de l'attraper se voyait détourné de sa quête. Si bien que certains le nommèrent l'Insaisissable. ». Elle fit quelques pas, rejoignant la terre ferme en manquant de tomber en passant de l'eau à l'air. Elle détestait cette sensation de mouillé qui lui saisissait le corps. Ses vêtements collaient à sa peau et elle ne souhaitait qu'une chose : les enlever. La jeune femme prit les affaires de l'homme et les sentit. « Hum... ». Sans d'autres explications, elle les lança dans l'eau, proche de leur propriétaire. « Il faudrait que nous fassions du feu. La nuit est traître, ce serait dommage de tomber malade. ». Elle ignorait ce qu'il était au juste mais, dans tous les cas, elle supposait qu'il n'allait pas continuer sa route avec de l'eau dans ses bottes. Il finirait par attraper des champignons s'il ne les faisait pas sécher. D'un geste fluide, elle défit le nœud de son tablier, s'approchant d'une branche d'arbre pour le poser dessus une fois qu'elle l'eut retiré. « Évitez de trop me regarder. » dit-elle avant d'ôter le reste. Il était hors de question qu'elle subisse l'humidité. Elle préférait être nue. De toute façon, elle se doutait bien qu'il eût déjà vu une femme dévêtue dans sa vie. Du moins, elle l'espérait pour lui. « Vous venez ? » demanda-t-elle après un temps. Elle ne semblait pas avoir de remords quant au fait d'avoir déversé ses affaires dans la rivière. Elle ne semblait pas non plus spécialement avoir peur de lui, du moins, pour l'instant. Elle commença donc à chercher du petit bois pour le feu, racontant comment elle s'était retrouvée ici. « En réalité, je pêchais, en espérant ne rien attraper, puis j'ai glissé. Ma canne à pêche s'est faite emporter par le courant et j'ai décidé de m'adonner à une activité plus, disons... calme. C'est comme ça que mon pied s'est retrouvé sur votre visage. ». Elle n'était pas très forte. Aussi, une fois qu'elle eut récolté cinq brindilles, elle revint pour les déposer à l'endroit où elle pensait qu'il serait bien de faire le feu. Elle avait laissé ses cheveux attachés pour éviter qu'ils ne s'emmêlent dans le bois. Ce n'était pas toujours évident de les avoir longs. Seulement, elle ne les avait jamais coupés pour ainsi dire et ne comptait jamais le faire.
