J’avais fait presque le tour du Continent Naturel. Mais il était une terre qui m’était encore quasiment inconnu. Le Désert. Il était si facile d’y entrer pourtant. Mais cette étendue désertique était effrayante… Pourtant j’avais toute les raisons de vouloir connaitre, ne serait-ce qu’un peu, cet endroit. Cette région est la patrie des Humains. Il me paraissait donc évident que j’apprenne leur culture, que ce soit à cause de mon passé ou de mon présent. Après tout, Yovan est né dans ces contrées également. Même si son cas est un peu différent, certes. Et puis s’il avait quelque chose à redire à mes actions, il n’avait qu’à être là ! De toute manière, je n’aurais probablement pas écouté ses mises en garde. « Même si je dois admettre qu’un guide n’aurait pas été du luxe… », me fis-je à moi-même en scrutant l’horizon aride.

Ça faisait déjà un petit bout de temps que je m’étais aventurée dans cette étendue sablonneuse. Et même si au début j’étais partie pleine de bonne volonté, je m’étais rapidement rendue compte que voyager dans ce Désert n’était pas aussi aisé que dans le reste du Continent Naturel. Toutes les dunes ici se ressemblaient. On en traverse une, puis une autre, sans jamais avoir l’impression d’avancer tant ce paysage était monotone. Ou plutôt identique. Car monotone, c’est loin d’être le cas. Si l’on était attentif on pouvait voir les dunes se mouvoir, à la manière des vagues de l’océan. Quand j’avais remarqué ce détail j’avais été amusée quelques secondes. Mais quelques secondes seulement. Car la chaleur ardente du Désert m’avait vite ramené à la réalité. Un rapide regard sur les environs. La situation était claire. De toute évidence, j’étais perdue. Il fallait que je trouve quelqu’un pour me guider dans un endroit plus… Verdoyant ? « Enfin, encore faut-il qu’il y ai quelqu’un… ». Après avoir avalé une gorgée d’eau, je regardais aux alentours ce qui s’y trouvait. Du sable. Des dunes. Du sable encore. Et encore… Ah, non ! Une formation rocheuse ! Je décidais de prendre cette direction espérant y trouver un peu de fraîcheur. Pénétrant dans l’enclave et m’adossant à la roche, je soupirais de bonheur face à cette fraîcheur que je désespérais de ne plus retrouver. Du coin de l’œil j’aperçus une ombre se mouvoir. Quelqu’un ? Je ne peux que rêver si c’est le cas. Mais le coup que je reçus me fit comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un rêve, mais bien de la réalité. Une réalité que je ne souhaitais cependant pas.

Je m’étais réveillée un peu plus tard, ailleurs. Encore à moitié assommée, je mis quelques secondes avant de pouvoir totalement analyser la situation. Mais un cliquetis désagréable me fit comprendre immédiatement la situation. J’étais enchaînée, dans une cellule. Je n’avais pas d’armes. « Et j’ai surtout très soif… ». Qui sait combien de temps c’est écoulé entre le moment où j’ai perdu connaissance et maintenant. Quelques minutes ? Quelques heures ? Mais tout ça n’avait aucune importance. Il fallait que je trouve un moyen de sortir. Je réfléchis un instant. C’est en voyant un homme passer devant la cellule que j’eux une idée. Ce devait être le deuxième en à peine dix minutes. Je me concentrais et changeais la consistance de ma peau pour qu’elle paraisse desséchée. Peu de temps après, un homme passa devant la cellule et me vis, à moitié " morte ". « Hé ! Qui c’est qui l’a laissé crever celle-là ?! ». D’un tour de clef il entra dans la petite pièce et défis les liens qui me retenais. Je le sentis m’attraper par la taille, et me jeter sur son épaule comme un vulgaire sac à patate Mais d’un regard je vis qu’on était hors de la cellule, enfin. Je redonnais alors une forme normale à mon épiderme et sortis alors mes ailes, surprenant au passage mon geôlier qui desserrât sa prise, me permettant de m’enfuir. Seulement j’ignorais absolument où je me trouvais. Je courais donc à travers les couloirs, sans savoir où j’allais, cherchant le moindre souffle qui me guiderai à la sortie. Malheureusement, la seule chose que je trouvais sur mon chemin fus un autre garde qui m’empoigna bien trop fort pour que je puisse me dégager de son emprise. « L’oiseau a voulu quitter sa cage on dirait. ». Bien. Cette tentative d’évasion fût un échec total…

Me tenant toujours par le poignet, il m’entraîna, s’il ne me trainait pas, vers une nouvelle cellule. La plus proche du lieu où il m’avait attrapé. Il y avait déjà quelqu’un dedans. Il me remit ces chaînes et referma la geôle sans même un dernier regard sur nous. « Pffff… ». Je me penchais un peu plus sur mon partenaire de cellule. Il était vivant. C’était un garçon… Et pire ! C’était bien moins flagrant que la dernière fois. Mais je pouvais le sentir. Je ressentais un mal-être depuis que j’étais dans cette cellule. Une boule dans mon ventre. Bien sûr que je n’avais rien contre les Humains. Comment le pourrais-je ? Mais je dois admettre que dans cette situation, je me serais bien passée de son anti-magie. Je regardais les chandelles dans le couloir. Il fallait que je sache à quel point ma magie était compromise. Fixant celle en face de nous, j’essayais d’intensifier la luminosité. En réalité, la flammèche augmenta légèrement, mais pas comme je le désirais. En gros ce n’était pas flagrant. Déjà que j’ai un niveau basique en magie si en plus on m’entravait. « Bon sang… Je suis sûre qu’ils ont fait exprès. ». Je me retournais vers l’Humain, toujours endormi. Malgré les problèmes qui s’enchaînaient, un sourire naquit sur mon visage. Un sourire accompagné de larmes… C’est en le voyant bouger que d’un geste vif de la main j’essuyer ces larmes qui perlaient sur mes joues avant d’ouvrir la conversation. « Bonjour partenaire de cellule. On risque d’être ensemble pour un moment. Alors j’entame les présentations : Kyra, enchantée. », finissais-je en tendant une main.

Il fallut quelque secondes au garçon pour voir que je lui tendais la main, et donc qu’il me rende ma poignée. Bien, le premier contact semble s’être bien passé. Et tant mieux. Ça aurait été compliqué pour la suite si ça n’avait pas été le cas. Mais on n’eut à peine le temps de conclure les présentations que de nouveau on entendit des bruits de pas. Décidément, s’enfuir de cette prison discrètement relèverai du défi vu la surveillance, peut-être exagérée, des lieux. Je m’arrêtais un instant sur l’expression qu’avait mon partenaire sur le visage. Il semblait comme… Excité ? Ou peut-être amusé… Je ne savais pas vraiment, mais toujours était-il que cette expression était assez étrange si l’on tenait compte de notre situation actuelle. Et ce qu’il avait dit juste avant. Il croyait réellement qu’on allait sortir si facilement d’ici ? Je tournais cette fois-ci la tête vers l’homme qui s’avançait en direction de notre cage. Cependant, cette fois-ci, le gardien s’arrêta devant la cellule avec un plateau repas. Hourra ! Enfin de quoi manger. Enfin, d’une certaine manière. Parce que quand je voyais ce qu’il se trouvait sur notre plateau repas, je tirais une moue déçue. Mais après tout, je ne devais pas me faire d’illusions. Nous étions prisonniers. Et en tant que prisonnier, je me doutais bien que l’on n’allait pas nous servir monts et merveilles. Cependant, en vérité, ce n’était pas tant la composition de notre menu qui me dérangeait, mais plutôt la quantité qui nous était servis. Nous étions deux : un homme et moi. Je savais que je devais partager ce repas. Mais au fond, j’avais juste tellement envie de me saisir du plateau et de me le garder pour moi. De toute manière, cette option serait bien plus difficile maintenant que le garde avait décidé de poser le plateau à côté de Kryll. A cause de ma tentative de fuite, il semblerait qu’il craigne que je m’en prenne à lui comme je m’en suis pris à son collègue. Il me voyait plus forte que je ne le suis le pauvre. Peu importe. J’allais quand même profiter de cet excès de méfiance pour nourrir un peu mon égo. Il en avait besoin. Trop d’aventure m’ont mis dans l’embarras ou m’ont même fait sentir carrément ridicule ces derniers temps. Mais cette pensée disparue à la minute même où Kryll mis à terre notre geôlier. J’étais statufiée, incapable d’agir tant par ces chaînes qui m’emprisonnaient les poignées, que par cette débâcle de violence inattendue. Je restais spectatrice de la mise à mort de cet inconnu. Et jusqu’à son dernier souffle de vie je ne pus détacher mon regard, stupéfié par ce qu’il s’était passé en quelques secondes, du sien, effrayé par la mort qui approchait.

J’observais le garçon qui s’activait après avoir commis son meurtre et réagissais enfin seulement lorsque je sentis les fers  qui entravaient mes poignets tomber au sol. C’était agréable de ne plus être enchaînée de cette manière. Je me massais les poignets pour me défaire de cette sensation plus qu’inconfortable que m’avaient laissée les chaines sur ma peau. A nouveau, Kryll lança une phrase qui me laissa plus que perplexe, au point que j’en suis venue à me demander si j’avais bien entendue, lâchant alors un « Pardon ? ». Je me saisis machinalement de la dague qu’il me tendait, toujours essayant de comprendre à quel genre de garçon avais-je affaire. Et, perdue dans mes pensées, je n’avais pas vu l’Humain quitter la cellule. Je partie alors à sa poursuite craignant une autre attaque barbare de ce genre. Et la réplique qu’il lança lorsque l’on se fit repérer par un des gardiens ne fit que confirmer cette sombre réflexion. J’accélérais alors le pas, espérant empêcher un deuxième meurtre inutile. Et la seule idée qui me vint en tête pour éviter une nouvelle et cruelle agression fut de plonger l’endroit dans la pénombre. Aussi j’éteignais toute les lumières présente dans le couloir. Seules les torches qui se trouvaient derrière la porte émettaient une faible lueur. Trop faible pour y voir quoi que ce soit. Moi-même j’étais incapable de faire quoi que ce soit en y pensant… Quoi que ? Heureusement l’anti-magie environnante n’est pas excessive. Je me concentrais un instant pour réussir ce sort. Ce n’est pas celui que j’utilise le plus, donc si j’y arrive c’est fantastique. Après une inspiration je me lançais. Bon, ce n’était pas une réussite. J’y voyais à peine plus qu’avant. Mais c’était suffisant pour ne plus agir à l’aveuglette. Puis le garde pestait tellement que même sans le voir j’aurais pu le rejoindre.

Arrivée à proximité de l’homme, j’utilisais ma lame pour lui sectionner les tendons des genoux, lui arrachant un cri de douleur tout en le mettant à terre. A mon étrange et brutal compagnon d’infortune, je le giflait, faisant retentir un claquement sourd dans le couloir. Avec ma force de moucheron, s’il avait senti quelque chose ce serait juste formidable. A mon avis, j’avais même dû me faire plus mal moi. D’ailleurs, cette douleur me déconcentra au point que les lumières se rallumèrent, m’obligeant à entre-ouvrir les yeux pour éviter d’être éblouie. Et voilà en plus que j’arrivais même plus à retrouver une vision normale ! Bon je m’occuperais de mon problème plus tard… Parce que j’avais à parlementer avec l’Humain. Il semblerait que lui et moi ayons des façons d’agir bien différentes. Je clignais des yeux pour m’habituer à la luminosité, mais garder les yeux ouverts était désagréable…« " Tuer tous ceux qui se trouvent ici. " ? ." Ça veut dire que tu vas morfler. " ? T’es sérieux ? Sortir par la grande porte, je suis pour. Mais semer la mort juste pour le plaisir… Un peu moins. ». Je jetais un regard vers l’homme qui nous faisait face quelques secondes auparavant. Le pauvre devait terriblement souffrir. Mais au moins il était en vie. « A moins d’y être contraint, il est bien hors de question qu’une autre âme y laisse la vie. ».

Du peu que j’ai vu du phénomène auquel j’avais à faire, cette dernière affirmation serait bien plus difficile à appliquer qu’à énoncer. Mais si je voulais sortir d’ici, il était évident qu’il me serait d’une aide précieuse, surtout au vue de la garde présente. Car à mon avis, à part l’entrée principale, il n’y a pas d’autres sorties. Seule, mes chances de sortir d’ici sont bien réduites. Alors oui, j’allais devoir faire avec Kryll, un Humain dont j’ignorais jusqu’où la barbarie pouvait aller. Et puis il est, j’en suis sûre, bien plus fort que moi. Mais tout à l’heure, le garde avait eu « peur » de moi en me croyant bien plus puissante que ce que je ne suis réellement. Il va me falloir bluffer et jouer sur cette impression si je ne veux pas me faire écraser par cet Humain. Et qu’il écoute encore un minimum ce que je lui dis…